Page personnelle de Saloua Toumi

Proximité entre consommateurs et producteurs : les circuits courts, à quels prix ?

Les études comparatives menées par le CTIFL (Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes) depuis de nombreuses années montrent que, en France, les prix des produits maraîchers sont plus élevés sur les marchés que dans la grande distribution. Cette réalité incontestable n’apparaît pourtant pas dans de nombreuses enquêtes dans lesquelles les désirs citadins s’avèrent être en contradiction avec leurs pratiques d’achats. Les enquêtés déclarent en effet préférer une agriculture de proximité à laquelle ils accéderaient via les marchés ou la vente sur place mais, le prix restant leur préoccupation principale, c’est dans les grandes surfaces, et de plus en plus chez les « hard-discounters » qu’ils font préférentiellement leurs courses, même s’ils doivent perdre en qualité. Et pour compenser ceci, ils multiplient leurs lieux d’achats, optimisant distance et prix, et jouant sur le « multicanal ».

Il ne reste donc aux producteurs locaux qu’à écouler leurs denrées là où une clientèle plus aisée est susceptible d’être intéressée,par la qualité et la diversité des produits plutôt que par le prix. Et c’est dans le centre de Paris qu’on les retrouve, via diverses formes de distribution (paniers multiproduits, AMAP…) visant le maintien de variétés anciennes ou rares de fruits et légumes de la région, ou bien le soutien de l’agriculture biologique via les magasins spécialisés, où beaucoup de produits sont importés. D’ailleurs, ce marché ne représente que 3 % du marché globale des fruits et légumes en France.

Il s’ensuit que ce désir de proximité se traduit par un éloignement entre les lieux de production, qui sont nécessairement en lointaine banlieue, et les lieux de consommation. Les distances à parcourir se faisant en camionnette, avec retour à vide, le coût énergétique de ce mode de distribution s’en trouve plus élevé que celui du producteur du Val-de-Loire fournissant par gros camions les halles de Rungis ou les centrales d’achat des grandes surfaces. Le bilan est encore plus contrasté lorsque ce sont les clients qui font le déplacement jusqu’à la ferme avec leur véhicule personnel…

La situation est inverse en Tunisie où,la distribution via les circuits courts est une pratique ancienne toujours en place et concerne une catégorie plus large de la société. En plus, d’après les relevés que nous avons faits dans le Grand Tunis, les prix des fruits et légumes sont beaucoup moins élevés sur les marchés locaux et chez les vendeurs de quartiers, largement approvisionnés par les producteurs périurbains, que dans la grande distribution. L’émergence de celle-ci est relativement récente et le commerce de fruits et légumes y est encore limitée, mais elle n’atteindra sans doute jamais le niveau de performance de la grande distribution française permise par le nombre très élevé des points de ventes, à l’échelle du pays, et leur regroupement en centrales d’achat.

Les populations les moins favorisées résidant majoritairement dans les quartiers périurbains, la clientèle intéressée par les prix les plus bas se trouve donc à proximité des lieux de production fournissant l’offre la moins chère. La proximité géographique entre producteurs et consommateurs se fait donc tout naturellement et avec un bilan environnemental bien plus positif qu’en France.

ST06

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