Master TDPP

Mémoires du master

« Théories et démarches du projet de paysage »

 

Gretta Bader : Les jardins familiaux en bord de voie –  quand deux ambiances opposées cohabitent dans la ville (2022)

Maria Elena Laghi : Territoires en transformation : Parc aux angéliques – une mutation de la friche urbaine au service de l’homme (2022)

Marie Hébert : Réinterpréter les communs (2021)
Emilie Mendiboure : Les cheminements, entre approche sensible et pratique créatrice de paysage (2021)
Baptiste Miremont : L’écologisation des pratiques de l’agriculture urbaine professionnelle à Paris et sa grande banlieue (2021)
Flora Rich : Trajectoire d’une vallée jardinée (2020)
Martin Schefer : La construction de l’espace dans les jeux vidéo (2019)

Glaucia Ferreira : Le rôle des communautés locales dans la préservation des paysages (2018)
Davide Costelli : Le gradient agricole (2018)
Sophie Dulau : Les projets de paysage d’interface entre terre et mer (2017)
Yumi Hirano : Autonomie et mémoire du lieu dans un village de Tokyo (2017)

Tiphaine Deheul : Les paysages sous-marins (2016)
Marie Hérault : Les guides touristiques Murray, Bӕdeker et Joanne (2016)
Juliana Rojas-Navarro : Mise en scène du paysage industriel (2016)
Sophie Spisser : La notion de paysage au théâtre (2016)
Alix Bourboulon : Le paysage de la gentrification parisienne (2015)

Clémence Bardaine : Cultiver avec les arbres  (2015)
Anne Chaussard : Le paysagiste et l’artiste en France (2015)
Stéphane Delorme : “Tu en as fait une ville” (2015)
Roberta Pistoni : L’approche du métabolisme urbain dans l’aménagement de la ville  (2015)

Éduardo Zambrano : Le projet avant le projet  (2015)
 


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Gretta Bader, septembre 2022 : Les jardins familiaux en bord de voie –  quand deux ambiances opposées cohabitent dans la ville

« L’une des caractéristiques du développement de la ville contemporaine demeure dans la cohabitation et la juxtaposition de fragments territoriaux discordants voire opposés. » Très loin de s’accommoder à une ville idéale et « homogène », ces télescopages sont intéressants afin de pouvoir appréhender les opportunités et les menaces, les permanences et les altérations ainsi que les différentes pratiques qui en émergent et se superposent, mais aussi l’existant et le devenir. De telles confrontations l’emportent aux abords des infrastructures routières ou ferroviaires qui existent depuis très longtemps dans la ville. Ces terrains sont en effet souvent occupés par des collectifs de jardins familiaux, dont le nombre a considérablement augmenté ces dernières années en Ile de France.

Cette confrontation jardin familial/ infrastructure demeure ainsi un sujet primordial à considérer. Entre la grande échelle du territoire routier ou ferroviaire et les petites expériences de ces lieux exigus, se dessine ainsi un terrain à considérer, qui questionne la façon d’aborder leurs relations dans la conception urbaine et spatiale.

Dans ce mémoire, je questionne ainsi les potentiels de développement urbain intrinsèques aux situations routes/jardins, en se basant sur la problématique suivante : Quels sont les freins, les leviers et les potentiels de développement des jardins familiaux aux bords d’infrastructure de transport ?

En s’appuyant sur des situations existantes – la présence de jardins familiaux en bord de route et de voie ferrée – je cherche à travers cette recherche à mieux en évaluer les impacts (écologiques, sociaux et ambiantaux) des voies de transport sur les jardins, les caractéristiques paysagères, urbaines et sociales de ces jardins ainsi que leur devenir et leur potentiel de développement éventuel en bord de voie. L’objectif principal est donc de spécifier, à partir d’une analyse des caractéristiques des jardins familiaux existants situés en bord de voie, s’il est possible de concevoir la ville, en incluant sa composante agricole installée dans ses interstices. Afin d’y répondre, cette recherche s’articule ainsi autour de deux échelles de travail : la petite échelle des jardins familiaux de Rambouillet (mon terrain d’études) qui se situent entre la RN10 et le transilien N et l’échelle plus large des jardins familiaux en Ile de France.

La méthodologie d’analyse adoptée dans ce travail vise à articuler différents outils entre approche photographique, sonore, sensible, écologique et documentaire et différents champs entre ressentis, écologie faune-flore, urbanisme et politique. Le croisement de ces outils et de ces champs permettrait de mieux comprendre, les divers enjeux et ressources nécessaires pour évaluer et faire évoluer les projets futurs d’infrastructures et, à plus grande échelle, la question de l’urbanisation des franges de ville et les enjeux d’espaces cultivés en leur sein.

Ce travail de recherche constitue donc un premier pas et une première donnée pour appréhender ces situations multiformes, complexes et paradoxales qui peuvent cohabiter dans la ville et envisager une conception plus soutenable des infrastructures des transports terrestres intégrées au territoire urbain.

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Maria Elena Laghi, septembre 2022 : Territoires en transformation : Parc aux angéliques – une mutation de la friche urbaine au service de l’homme

Dans le cadre du Master Théories et démarches du projet de paysage à Versailles et du stage chez Michel Desvigne Paysagiste à Paris, un intérêt et une réflexion personnels m’ont amené à m’interroger sur la friche urbaine, en particulier sur sa mutation. Gilles Clément déclare : « En toutes circonstances le Tiers paysage peut être regardé comme la part de notre espace de vie livrée à l’inconscient ». La friche est donc un lieu dans lequel la nature se développe librement et sans limite, mais c’est également un lieu dynamique, en étroit lien avec le développement urbain où des nouvelles pratiques et usages peuvent être accueillis. 

Le sujet de mon mémoire se positionne autour des friches situées dans le tissu urbain. La question est surgie spontanément : Existe-t-il un terrain présentant des phases de la friche sur un même lieu afin de pouvoir observer sa mutation ? Oui. J’ai choisi comme terrain d’étude le Parc aux Angéliques à Bordeaux, réalisé par le bureau Michel Desvigne Paysagiste. Un parc, qui se développe en plein centre-ville sur la rive droite de la Garonne, où on peut observer comment la friche change son aspect et son usage et quelles perceptions ont les riverains tout au long du projet urbain au fil du temps et de l’espace. 

À travers des visites sur terrain, des entretiens semi-directifs, des croquis et des photos, j’ai raconté la mutation de la friche dans le parc le long du fleuve. Je me rends compte que l’intérêt envers elle n’est pas que son état original ou d’« après-friche », mais aussi de la considérer au sein de sa trajectoire d’évolution dans le temps et dans l’espace et voir comment les changements d’aspect et d’usage sont ressentis par l’homme. La friche est un indicateur de changement, un indicateur du passage de l’ancien à l’actuel.

J’ai pu observer aussi grâce à ce projet, où il y a trois stades de friche, comment son identité et son aspect se transforment aux yeux des riverains, comment ils se sentent en face d’elle et comment leurs usages changent au sein d’elle. Parallèlement, l’observation à travers la photographie et le dessin m’ont fortement aidé à la compréhension de l’espace. J’ai estimé nécessaire donc plusieurs méthodologies d’enquête grâce auxquelles j’ai pu confirmer mes deux hypothèses. 

Maintenant, je me demande si dans les projets d’aménagement paysagère il faut toujours, quand c’est possible, prendre en compte la composante “transformation progressive”, dans ce cas de la friche, afin d’y permettre spontanément le développement des nouveaux usages de part des habitants au fil du temps et de l’espace afin de satisfaire leurs besoins et ceux du paysage autour. 


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Marie Hébert, septembre 2021 : Réinterpréter les communs.Entre partage des ressources & préservation du paysage, le cas de Brassacou, dans la Basse Ariège

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Emilie Mendiboure, septembre 2021 : Les cheminements, entre approche sensible et pratique créatrice de paysage

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Baptiste Miremont, septembre 2021 : L’écologisation des pratiques de l’agriculture urbaine professionnelle à Paris et sa grande banlieue

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Flora Rich, décembre 2020 : Trajectoire d’une vallée jardinée. Quand les jardins potagers rencontrent l’Aubette de Magny

Ce mémoire de recherche consacré à la trajectoire paysagère d’une vallée jardinée du Vexin français (Aubette) constitue un nouvel apport de connaissances sur les pratiques jardinières habitantes en lien avec la transformation des villes confrontées aux enjeux des multiples transitions (écologique, énergétique, sociale, etc.). En s’insérant dans un programme de recherche-action POPSU (Plateforme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines) en lien avec la municipalité de Magny-en-Vexin, ce travail a permis d’alimenter des réflexions transversales entremêlant l’écologie, les paysages, et l’action publique. L’analyse diachronique complétée par une minutieuse enquête de terrain a démontré que les paysages d’une petite vallée urbanisée du Vexin se sont construits dans la durée et qu’ils se recomposaient en permanence : d’une part sous le prisme des transitions (territoriales, socio-écologiques) et d’autre part dans le cadre de projets. Autrefois le produit d’une organisation socioéconomique autour du partage de l’eau, ces paysages se sont fortement transformés au cours du XXe siècle à la suite de l’érosion des usages des rivières. Ces dernières ne sont plus dès lors perçues comme une ressource et sont reléguées dans les marges du territoire, faisant du fond de vallée un espace naturel disqualifié en périphérie urbaine. Il ne reste souvent des composantes actives de ces usages que les pratiques potagères habitantes, lesquelles font perdurer un rapport vivant des habitants-jardiniers au cours d’eau et à sa géohistoire.

Ce mémoire est la première étape d’un travail plus ambitieux qui explorerait les mutations socio-spatiales de territoires confrontés à la transformation de leurs usages agricoles et à une reconfiguration des liens sociaux. En s’appuyant prioritairement sur les pratiques habitantes, cette nouvelle recherche ferait le pari que le jardin offre un cadre d’étude privilégié pour repenser l’action publique et imaginer des scénarios de transitions par le paysage. C’est en effet par le paysage que se construit collectivement un projet de transition écologique dans une perspective d’efficacité énergétique et de renouvellement de nos manières d’être et de faire.

Yves Petit-Berghem, 29 juin 2021

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Martin Schefer, septembre 2019 : La construction de l’espace dans les jeux vidéo. Pour une approche vidéoludique du paysage.

Que le jeu vidéo soit devenu le premier marché culturel en France, avec quelque 4,3 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2017, est en soi une raison suffisante pour que le monde de la recherche s’y intéresse. De fait, la philosophie, les sciences de l’information, mais aussi la géographie s’y intéressent depuis déjà de nombreuses années. La Bibliothèque Nationale de France ne s’y est d’ailleurs pas trompée puisqu’elle lui accorde une place aujourd’hui équivalente à celle qu’elle accorde aux livres.
Ce que montre Martin Schefer dans ce mémoire aussi documenté qu’original, c’est que le jeu vidéo intéresse aussi les sciences du paysage.
Car le paysage n’est pas qu’un décor destiné à contribuer au réalisme de ces mondes virtuels dans lesquels se déroulent les jeux. Il est aussi une composante majeure de ce qui, au-delà d’une simple « maquette animée », est aussi un espace dans lequel se déroulent de véritables pratiques sociales, et c’est bien pour cette raison que les géographes s’y intéressent.
Espace interactif, le jeu vidéo peut aussi devenir un espace de rencontre, voire interagir avec le monde réel. C’est le cas, par exemple, lorsque des représentants de la ville de New-York accusent un jeu vidéo mondialement connu de nuire à l’image de marque de leur ville, alors que l’espace de « Liberty-city » dans lequel naviguent les joueurs est une pure création virtuelle. C’est le cas encore, avec la réalité augmentée, lorsque qu’un jeu comme Pokemon-Go amènent les joueurs à se déplacer physiquement dans la réalité de l’espace public.
Si l’on ajoute que certains jeux sont utilisés aujourd’hui comme plateforme de projet participatif dans laquelle des habitants, bien réels, sont invités à participer à l’aménagement, bien réel lui aussi, de la ville où il résident, on comprendra que le monde vidéo-ludique a de quoi intéresser la recherche en paysage.
C’est ce que démontre Martin Scheffer dans ce mémoire qui offre aux non-initiés du jeu vidéo un voyage étonnant dans ce nouveau monde déjà conquis par les architectes et qui ne demande qu’à s’ouvrir aux paysagistes.

Roland Vidal, 23 janvier 2020

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Glaucia Ferreira da Silva, septembre 2018
Le rôle des communautés locales dans la préservation des paysages. Le cas de la Communauté de l’Horto à Rio de Janeiro.

Le sujet de Glaucia Ferreira présente un double intérêt. Le premier est de présenter un historique des pratiques de préservation institutionnelle des paysages au Brésil et des mécanismes de protection juridique qu’elles sous-tendent. Le second est de montrer la difficulté de greffer à ces pratiques la mémoire des lieux à travers un processus de patrimonialisation qui n’est pas reconnu par la puissance publique. Par un cas d’étude – le site classé de l’ancien Horto Forestier de Rio de Janeiro – Glaucia Ferreira montre bien les tensions sur un territoire où cohabitent des acteurs institutionnels et des communautés locales détentrices de savoirs et de savoir-faire issus d’une relation étroite avec le milieu. Les discours sur les interactions culturelles entre les habitants sont mis en relief afin de bien comprendre le fonctionnement des communautés et voir notamment comment elles se saisissent de la question patrimoniale et la traite face aux discours plus ou moins stéréotypés ou convenus des gestionnaires. Ce mémoire de recherche montre ainsi le décalage entre des pratiques pensées d’en haut et celles construites par des groupes sociaux en interaction avec la réalité des paysages qu’ils ont co-produits avec leur milieu.

Yves Petit-Berghem, 4 décembre 2018

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Davide Costelli, septembre 2018
Le gradient agricole. Caractérisation par grade de proximité relationnelle de l’agriculture sur un territoire périurbain du Val-de-Marne

Entre la banlieue d’une grande ville et l’espace rural lointain, là où l’agriculture occupe l’espace d’une façon dominante, s’étendent ces territoires intermédiaires que l’on qualifie ordinairement de « périurbains », comme s’il suffisait, pour les définir, de les nommer par la position géographique qu’ils occupent vis-à-vis de la ville.
Pourtant, ces territoires qui portent le même nom sont loin d’être homogènes. Ils ne le sont pas du point de vue de la manière dont les zones urbanisées s’y installent, mais ils ne le sont pas non plus du point de vue de la manière dont l’agriculture s’adapte à la plus ou moins grande proximité urbaine.
C’est ce dernier aspect qu’étudie Davide Costelli dans son travail sur « le gradient agricole ».
S’appuyant sur la notion de « proximité organisée » développée par Alain Ralet et André Torre[1], Davide propose d’analyser le niveau des relations que l’agriculture construit avec la ville selon un gradient qui ne dépendrait pas tant de la distance kilométrique qui les sépare que de trois dimensions relationnelles : pratique, stratégique et commerciale.

– La dimension pratique est celle du paysage quotidien, celui des espaces agricoles que le citadin s’approprie comme composante de son cadre de vie. De ce point de vue, la distance qui sépare physiquement l’agriculture des espaces urbanisés est importante, mais elle n’est pas seule en jeu. Le territoire des exploitations agricoles sera d’autant plus approprié par les citadins que le paysage qu’il compose sera apprécié pour ses qualités propres, qui dépendront de la manière dont il sera donné à admirer et à comprendre.
– La dimension stratégique est celle qui détermine la stabilité des espaces de l’agriculture et fait que l’exploitation peut, ou non, se projeter dans un avenir économique stable. Ici, c’est surtout le cadre réglementaire qui est déterminant, entre code de l’urbanisme, code rural et code de l’environnement, la sécurité foncière étant la condition pour que les exploitants s’engagent dans la construction de relations durables avec la ville.
– La dimension commerciale, enfin, est la forme la plus ancienne des liens qui unissent la ville et ses consommateurs à la campagne et ses producteurs. Établie autrefois par le biais des marchés forains, distendue par le découplage entre bassins de production et bassins de consommation, elle revient aujourd’hui par diverses formes de ventes plus ou moins directes, et c’est elle qui fonde la relation de confiance que les citadins recherchent de plus en plus. Ici aussi, la distance kilométrique n’est pas le critère le plus important. Ce qui compte davantage, c’est une certaine intimité qui s’établit entre le citadin et l’agriculteur, quelle que soit la distance qui les sépare.
Ce que propose Davide, à travers ces trois critères, c’est de mettre en place des indicateurs grâce auxquels la situation de chaque exploitation pourrait être évaluée et positionnée sur un gradient qui irait de la ville dense au rural lointain.
Le premier intérêt de ce travail est donc de proposer un outil de mesure permettant de qualifier le degré de proximité urbaine de tout type d’agriculture, de ces « fermes urbaines » que l’on voit poindre aujourd’hui aux exploitations céréalières de plusieurs centaines d’hectares.
Ce que l’on peut espérer ensuite, c’est qu’une meilleure compréhension de ce gradient relationnel sur lequel se positionne l’agriculture des régions urbaines permettra d’organiser les territoires de sorte que la ville et l’agriculture se comprennent mutuellement un peu mieux qu’aujourd’hui.

Roland Vidal, 25 octobre 2018

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[1] Rallet A., Torre A., 2004, « Proximité et localisation », Économie rurale, 280, 1, 25-41.


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Yumi Hirano, septembre 2017
Autonomie et mémoire du lieu dans un village de Tokyo. Les formes d’appropriation de la rue dans l’ancien quartier de Shinagawa-shuku

C’est le regard que porte un auteur américain, Alex Kerr, sur les transformations du paysage quotidien au Japon, qui a été l’un des déclencheurs de la recherche effectuée par Yumi Hirano. En témoignant de l’encombrement des rues par les pylônes et la publicité, de l’altération des milieux, des vues, des campagnes comme des paysages urbains de l’époque préindustrielle, l’auteur appelait à faire retour sur les mécanismes de contrôle de l’urbanisation et de protection des paysages. Yumi Hirano lui a emboîté le pas au travers d’une enquête personnelle, en immersion dans le quartier de Shinagawa-shuku à Tokyo. Étape par étape, elle a associé des outils de lecture historique et morphologique de la ville à une observation participante pour examiner l’évolution et les usages d’un ensemble de rues, de l’artère historique du Tôkaidô aux roji, ruelles internes du quartier. Le mémoire qui résulte de cette enquête (plusieurs semaines au contact du terrain) apporte un témoignage de première main sur les dispositifs collectifs qui sont à l’œuvre pour réguler l’espace de la rue et conserver les spécificités d’un paysage approprié et vivant. Mobilisant les travaux de recherche engagés par le réseau scientifique franco-japonais Japarchi, ce mémoire résout la difficile équation de la transposition d’un ensemble de conceptions d’une culture vers une autre, les rendant intelligibles pour tous. On suivra donc Yumi Hirano dans son exposé de notions clefs comme celles d’omote et d’ura, qui expriment les polarités extérieures et intérieures de la spatialité japonaise sans recourir à la même catégorisation que le public et le privé. Les concepts qui définissent des systèmes communautaires de contrôle, d’action et de transmission apportent de précieux exemples à l’heure où de multiples villes, de par le monde, interrogent les modalités de participation des habitants à la production de l’espace urbain. De ce point de vue, ce mémoire montre combien l’analyse micro-locale demeure un outil tout à fait pertinent et passionnant pour enrichir ce débat, à condition de trouver des passeurs capables de témoigner des spécificités et des innovations portées par chaque contexte. C’est la grande qualité de ce mémoire.

Alexis Pernet, 18 décembre 2017
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Sophie Dulau, septembre 2017
Les projets de paysage d’interface entre terre et mer. Une solution vers la résilience des territoires côtiers face au risque climatique

Le mémoire de Sophie DULAU aborde le thème des risques littoraux et de la résilience des territoires côtiers. Dans le contexte du changement climatique et de la recrudescence de catastrophes mettant à rude épreuve les sociétés littorales, une réflexion est engagée sur l’adaptation et la reconstruction des territoires côtiers devenus de plus en plus vulnérables. Pour faire face aux risques et s’écarter de modèles souvent jugés trop technicistes, une alternative plus souple est proposée, celle de retenir le paysage à la fois comme matrice d’un nouveau territoire à protéger mais aussi vecteur de nouveaux projets entre terre et mer réinventant de nouvelles façons de vivre et d’habiter les littoraux. La recherche entreprise se nourrit d’une succession d’expériences vécues et propose de comparer deux cas d’étude en France et aux Etats-Unis. Afin d’étudier la faisabilité d’une telle approche, la recherche analyse le système d’acteurs qui influence et porte ce changement de paradigme puis identifie les freins qui ralentissent aujourd’hui la mise en œuvre de cette démarche à plus grande échelle. En enquêtant ces acteurs, de nouvelles perspectives sont dégagées à court et à moyen terme. Elles prennent le contrepied des anciens modèles d’aménagements urbains ainsi que des solutions d’ingénierie habituellement proposées comme système de protection. Le mémoire est instructif puisqu’il met au premier plan l’homme et la société dans la construction des paysages de demain. Puisqu’il est une représentation territorialisée de l’environnement, le paysage objet est aussi un paysage sujet : il se construit par des acteurs et non uniquement par des observateurs simplement préoccupés par ce qu’ils voient et par le sentiment qu’ils en retirent. En articulant la réflexion sur ce continuum de la relation sujet/objet sans chercher à ne privilégier ni l’un ni l’autre, le paysage devient un outil permettant de se rapprocher des hommes et d’établir les bases d’un projet collectif. Si le travail de Sophie DULAU contribue à l’avancée des connaissances sur la résilience des territoires, il porte aussi une espérance, celle de co-construire des solutions innovantes qui soient non seulement justes et acceptables pour les sociétés qui les produisent mais également viables et durables pour les décideurs qui les mettent en œuvre.

Yves Petit-Berghem, 15 novembre 2017

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Tiphaine Deheul, septembre 2016
Les paysages sous-marins. Les derniers «nouveaux paysages»

La Convention européenne du paysage adoptée le 20 octobre 2000 à Florence et entrée en vigueur le 1er juillet 2006 en France offre un cadre de réflexions et de débats permettant de promouvoir la protection, la gestion et l’aménagement des paysages européens, dans toutes ses dimensions. Il importe, aux termes de la Convention, d’identifier et de qualifier les paysages.
En mer, la définition du paysage telle que retenue par la Convention européenne1 pose problème car la perception immédiate est difficile et réservée à un public d’initiés (plongeurs, océanographes, experts de la frange sous-marine). La lecture des paysages sous-marins dépend de la position de l’observateur et de la profondeur de champ dont il bénéficie. Cet observateur se déplace au sein d’une masse d’eau ou à sa surface, avec des conditions aléatoires de visibilité et de lisibilité pouvant être modifiées par la topographie. Territoire encore méconnu, la frange littorale sous-marine se structure toutefois socialement et économiquement autour d’images et de représentations où se mêlent esthétisme, émotions et sensibilités. Cette notion, malgré un usage extrêmement restreint par la communauté scientifique, représente un objet d’étude croissant comme le démontre la littérature scientifique : les publications se multiplient depuis dix ans sur le sujet, abordant aussi bien la question des niveaux scalaires, l’écologie marine, et l’immense champ des représentations paysagères. La notion, pour peu qu’on veuille bien en tenir compte, permet de croiser des champs disciplinaires différents, d’interpeller des concepts admis (écosystème, biocénose, habitat…), et de creuser des pistes de réflexion en lien avec de nouveaux courants de pensée et objets de recherche et de travail (observatoires photographiques, plans et projets de paysage en mer…). Elle pointe aussi la nécessité d’aller au-delà des disciplines et de replacer l’homme au cœur d’un processus de connaissance transdisciplinaire (culture scientifique versus culture populaire).
À l’Agence des aires marines protégées, un colloque international sur les paysages sous-marins a été organisé en 2011. Les débats ont débouché sur la publication d’un ouvrage de synthèse, aux éditions Springer2. Des réflexions ont été avancées sous des angles méthodologiques en proposant notamment d’utiliser le paysage comme un outil permettant d’avoir une vision et une gestion globale de l’espace marin.
Le mémoire3 de Tiphaine DEHEUL s’inscrit dans ce contexte fécond et la demande de connaissances nouvelles est forte d’autant plus que les approches paysagères nécessaires pour légitimer l’action publique font défaut. À partir d’un corpus documentaire et d’enquêtes, Tiphaine DEHEUL pose les jalons d’une recherche exploratoire visant à croiser les regards techniques, scientifiques et critiques sur le paysage sous-marin. Le paysage est envisagé ici sous le prisme de la perception et de la représentation des acteurs (usagers, gestionnaires) et renvoie à un processus de territorialisation et d’individuation de la frange sous-marine du littoral. Il est donc considéré comme une composante et une notion constitutive du territoire sous-marin. La recherche rompt avec les approches traditionnelles et ouvre un vaste chantier, à la fois sur le plan méthodologique (utilisation des outils existants ˗ atlas de paysage, observatoire photographique de paysage ˗ pour identifier et qualifier des paysages sous-marins) et opérationnel (nécessité d’une démarche participative pour co-produire des données et requestionner les politiques publiques du paysage).

Yves Petit-Berghem, 23 décembre 2016
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1 : « Partie de territoire tel que perçu par les populations et dont le caractère résulte de la combinaison de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations » (art.1a). Cette définition proposée par la Convention européenne du paysage sert aujourd’hui de référence pour l’action publique.
2 : MUSARD O., LE DÛ-BLAYO L ., FRANCTOUR P., BEURIER J-P, FEUTEUN E., TALASSINOS L. (Editors), 2014, Underwater Seascapes, from geographical to ecological perspectives, Ed. Springer, 291 p.

3 : Ce mémoire a bénéficié de l’appui technique et méthodologique de l’Agence des aires marines protégées qui œuvre plus spécifiquement à la reconnaissance et à la valorisation des paysages marins et sous-marins.


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Sophie Spisser, septembre 2016 :
La notion de paysage au théâtre, d’après l’analyse de La Symphonie du Hanneton, de James Thiérrée

Le travail de Sophie Spisser aborde un sujet encore peu exploré dans le monde de la recherche : celui de la place du paysage dans le monde du théâtre.
Le mémoire relate pourtant d’une façon pertinente la longue histoire qui a relié étroitement ces deux termes depuis la Grèce antique jusqu’au théâtre contemporain, en passant par l’époque médiévale et la Renaissance. S’appuyant sur les travaux de Joseph Danan et sur la thèse de Maria Clara Guimaraes Ferrer Carrilho1, elle propose d’analyser ce qu’il en est dans le théâtre d’aujourd’hui, en distinguant le « paysage extérieur », celui dans lequel se mettait en scène le théâtre antique, du « paysage intérieur », recomposé dans une salle close, qu’elle analyse à partir de La Symphonie du Hanneton de James Thiérrée.
Le sujet aurait pu être abordé par le biais de l’approche phénoménologique que mènent depuis quelques années certains chercheurs en paysage mais, en l’état, le travail réalisé présente surtout l’intérêt d’avoir défriché un sujet potentiellement porteur. Sophie Spisser démontre en effet, et avec une certaine pertinence, que la démarche d’un metteur en scène comme James Thiérrée a bien quelques points communs avec celle d’un paysagiste concepteur.

1 : Maria Clara Guimaraes Ferrer Carrilho : Devenir-paysage de la scène contemporaine. Le dépaysement du drame. Thèse de doctorat en études théâtrales, soutenue à l’Université Paris 3 9 décembre 2014, sous la direction de Joseph Danan. Consultable ici

Roland Vidal, 14 décembre 2016
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marie

Marie Hérault, septembre 2016 :
Les guides touristiques Murray, Bӕdeker et Joanne, trois grandes collections européennes révélatrices de l’imaginaire paysager à Nice au XIXe siècle

Les guides touristiques historiques, des grandes collections du XIXe siècle, offrent un matériau de choix pour l’étude des représentations sociales du paysage, cadrée par d’abondants travaux historiques et sémiologiques. Le mémoire de Marie Hérault est le résultat de l’exploitation de cette matière touffue, souvent ingrate dans l’abondance de détails ou de thématiques différentes. L’attention s’est portée sur les guides décrivant la région de la Riviera, en train de devenir sur sa partie française la Côte d’Azur, et de la ville de Nice : les guides Joanne pour l’édition française, Bӕdeker pour celle allemande et Murray pour l’édition anglaise, ont été dépouillés, avec trois éditions dans chaque collection afin d’explorer la période chronologique de 1839 à 1907. La collection des Murray a en particulier l’intérêt de l’antériorité, mais aussi évidemment de permettre d’investiguer le rôle culturel particulier des anglais quant à la « découverte » touristique de Nice. Le travail parvient très bien à dégager de grandes lignes, des résultats réels par rapport aux questions initiales. On retiendra en particulier, dans le cas de Nice, l’importance d’une présentation des vertus médicales, déclinées même entre les différents quartiers, et qui a pu influencer, privilégier, la localisation de l’urbanisation. Quant aux différences de regards culturellement portés sur la ville entre les trois nationalités, elles se dégagent en réalité de façon assez faible : l’influence réciproque entre les guides l’emporte, une vision « main stream » se construit manifestement, qui concerne avant tout la construction d’un imaginaire collectif touristique. Le travail de recherche de Marie Hérault est aussi intéressant pour les méthodes d’exploitation de ce corpus : des traductions cartographiques des itinéraires et des lieux mentionnés ont été réalisées, qui pourraient être reprises ultérieurement pour être interprétées avec d’autres hypothèses. Une grille de lecture des textes est aussi proposée, tout en restant dans une lecture thématique qualitative qui rend très bien compte de la complexité de ces différentes éditions et de l’évolution diachronique.

Sophie Bonin, 2 décembre 2016
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juliana

Juliana Rojas-Navarro, juillet 2016 :
Mise en scène du paysage industriel : un regard révolutionnaire des artistes ? Le cas de l’Angleterre (1750 – 1850).

Le mémoire de Juliana Rojas Navarro a été réalisé dans le cadre d’un stage de la Chaire Energie Paysage de l’ENSP, comme une contribution à la définition des paysages énergétiques. Adoptant une démarche de mise en perspective des représentations de l’énergie, le travail a été délimité à une période clef et particulièrement emblématique du développement industriel moderne, l’Angleterre entre 1750 et 1850. L’analyse s’est aussi concentrée sur un échantillon de représentations picturales de ces nouveaux environnements industriels. Partant de l’hypothèse que les artistes à travers leurs peintures des transformations modernes des paysages, portaient un regard social critique (dont témoigne la littérature de cette époque), Juliana a mis en place une grille de lecture qualitative des images, utilisant notamment les courants esthétiques théorisés à cette époque, du pittoresque et du sublime. Les résultats montrent que ces tableaux mêlent en réalité les codes du pittoresque et du sublime. La critique sociale est peu présente au premier abord : les artistes mettent surtout en valeur les contrastes entre cette modernité et les usages et paysages traditionnels, ruraux. Ils témoignent d’une fascination surtout, qui est le sentiment qui domine cette période et les tableaux choisis. Leur message, s’il y en a un à trouver, est plus proche de celui des récits de voyage qui fleurissent aussi à cette époque des débuts du tourisme : intérêt pour les nouveaux modes de déplacement, pour la lumière artificielle qui prend place dans les paysages, et aussi pour la peinture d’une ruralité en pleine transformation. Parfois, ils donnent aux motifs industriels les mêmes qualités, la même place que la « grande nature ». Si le temps court du mémoire n’a pas permis une contextualisation et une argumentation complètes, il met en lien de façon remarquable l’histoire des techniques, l’histoire des paysages avec les œuvres et leurs significations. Le mémoire offre donc une mise en perspective très intéressante pour les réflexions sur les paysages de l’énergie, et peut nourrir de façon originale les discussions actuelles sur la place du paysage dans les transitions énergétiques (cf. productions du collectif des Paysages de l’après pétrole).

Sophie Bonin,  16 novembre 2016
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robertaRoberta Pistoni, juillet 2015 :
L’approche du métabolisme urbain dans l’aménagement de la ville : de nouveaux paysages ? Etude de cas aux Pays-Bas

Le mémoire de Roberta Pistoni se présente comme un travail de défrichement d’un champ de recherche en pleine émergence, et qui est d’ailleurs encore mal circonscrit du point de vue des disciplines universitaires et mal reconnu par les disciplines de la conception et du projet en France. Il se situe sur des frontières entre des objets et des approches qui ne se côtoient pas si souvent, la question énergétique étant particulièrement floue car elle peut tout embrasser. Mais en parallèle, l’approche paysagère des questions d’énergie apparaît comme une solution possible pour relier les principes théoriques et quantitatifs des modèles énergétiques avec les projets concrets et à l’échelle des habitants. L’interrogation principale du mémoire porte sur les nouvelles formes urbaines et au-delà les nouveaux paysages, donc aussi les changements de pratiques professionnelles, que peuvent engendrer les mutations environnementales de nos sociétés. Il s’intéresse en particulier des politiques volontaristes de réduction des consommations énergétiques et des alternatives aux énergies fossiles, à deux échelles, celle de la métropole et celle du quartier. Une collaboration avec le Landscape Architecture Group (LAR), de l’université de Wageningen a enrichi, si ce n’est permis, ce travail : le projet urbain est abordé aux Pays-Bas sous l’angle du métabolisme urbain et des questions énergétiques depuis plusieurs années.
Roberta Pistoni se livre à une véritable enquête sur la spatialité des projets nourris par les modèles du métabolisme urbain, à partir des écrits théoriques (la littérature scientifique sur le métabolisme urbain donne-t-elle une place à la question spatiale ou paysagère?), des modélisations réalisées dans deux métropoles des Pays-Bas, Amsterdam et Rotterdam, et à partir d’un travail de terrain sur deux quartiers récents, à Amsterdam, où les projets se sont référés de façon importante à ces modèles et à cette visée d’installer une meilleure circularité des ressources dans la construction de logements.
Les résultats rendent compte de la complexité du sujet : les deux cas d’étude témoignent d’une très grande diversité de situation quant à cette question de la fabrique de nouveaux paysages. Ils montrent aussi un grand écart entre le recours à des modèles techniques complexes et la promotion de la participation citoyenne, qui entre pourtant dans le même paradigme de la ville durable. Le travail met aussi en exergue un certain découplage entre les aspects techniques et esthétiques, notamment dans le cas d’étude qui est le plus original en matière de mobilisation citoyenne et de projet fortement intégrateur du point de vue écologique (quartier De Ceuvel). Enfin, le dernier point abordé dans cette enquête est la conscience des professionnels concernés, des concepteurs notamment, des changements que peut apporter une démarche centrée sur le métabolisme : Roberta Pistoni montre que si elle est bien présente dans l’approche à l’échelle de la métropole, dans la vision globale du système urbain, elle disparaît dans le projet des deux quartiers, même s’ils sont bien différents. L’enjeu principal est bien de comprendre comment, dans les pratiques du projet, l’approche du métabolisme, attachée à des modèles métropolitains voire régionaux et planétaires, peut percoler à l’échelle de l’aménagement des territoires.

Sophie Bonin, 16 novembre 2016
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AlixAlix Bourboulon, juillet 2015 :
Le paysage de la gentrification parisienne. 
Populaires, branchés, bourgeois, les nouveaux visages du Xarrondissement.

Le travail d’Alix Bourboulon apporte à la sociologie de la gentrification une dimension nouvelle, celle de son impact sur le paysage urbain. En ce sens, il a le mérite, non seulement de compléter utilement les recherches sur le sujet, mais aussi d’explorer des outils méthodologiques originaux adaptés à cette dimension paysagère.
Après un état de l’art très minutieux et une nécessaire définition des termes employés, le corps même de l’étude est construit autour du récit. Ces récits de promenades urbaines, inspirés des travaux de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, relatent avec sensibilité cette multitude de détails qui caractérisent l’évolution de l’ambiance des rues en cours de gentrification. L’art du récit est ici mis au service de la description paysagère avec un réel talent.Les conclusions de l’auteure, même si elles laissent de nombreuses interrogations, n’en sont pas moins rigoureuses et invitent à de nouveaux questionnements de recherche. La gentrification n’est pas un état mais un processus en constante évolution. Et ce processus aboutit à d’intéressants paradoxes : si le gentrifieur est d’abord attiré par un désir de mixité sociale et culturelle, il tend par son installation dans le quartier qu’il a choisi à détruire progressivement cette mixité. De même, la recherche d’une certaine idée d’authenticité, qui se lit par exemple dans l’installation de ces cafés d’inspiration parisienne (« Chez Jeannette », « Chez Prune »), finit par être noyée dans une mouvance générale qui tend à reproduire systématiquement des images et des pratiques venues de New-York. Cette mondialisation de la gentrification se traduit d’ailleurs par l’adoption du vocabulaire qui y est associé : on n’est plus « tendance », on est « trendy », on ne roule plus en « vélo », on roule en « fixy ».
Consciente du fait que la description sensible de ces paysages urbains qu’elle connaît bien la met en situation difficile pour objectiver ses résultats, l’auteure complète son étude par une « petite enquête » visant à croiser ses propres observations avec les points de vue de quelques-uns des habitants et usagers du quartier. Cette enquête mériterait d’être reprise et approfondie, mais elle permet déjà de soulever quelques questions-clés : la gentrification est-elle perçue comme un bienfait pour la ville ou comme une menace ? Verra-t-on un jour sur les murs de Paris apparaître des protestations comme on le voit déjà aux États-Unis (« Gentrification is class war ! Fight back ! ») ?
Il est temps, en tout cas, de se poser la question, et le mémoire d’Alix Bourboulon a le mérite d’en avoir clairement esquissé les contours.

Roland Vidal, 15 juillet 2015
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ClemenceClémence Bardaine, septembre 2015 :
Cultiver avec les arbres.
Étude de la mise en œuvre des savoir-faire agroforestiers par les agriculteurs en Île-de-France

L’évolution qu’a connue l’agriculture européenne depuis quelques décennies conduit la plupart des agronomes à constater que les techniques utilisées aujourd’hui, si elles ont rendu bien des services au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ne sont désormais plus durables. Une meilleure prise en compte des questions environnementales et une réduction de la dépendance envers les ressources fossiles s’imposent.
Dans cette nécessaire évolution vers ce qu’on appelle l’agroécologie, la combinaison entre productions agricole et forestière apparaît comme une solution porteuse de bien des promesses. Loin d’un retour en arrière nourri d’une certaine nostalgie du bocage, c’est d’une agroforesterie moderne que nos systèmes agraires ont besoin. Pourtant, si cette agroforesterie a fait ses preuves dans le Sud-Ouest de la France, elle peine à convaincre les agriculteurs des grandes plaines céréalières comme celle du Bassin parisien.
L’hypothèse que défend ici Clémence Bardaine est que, sur le terrain francilien qu’elle étudie, le peu d’enthousiasme des agriculteurs s’explique par un certain nombre de « verrouillages technologiques ». Ces freins que rencontre le développement de l’agroforesterie en Île-de-France sont étudiés à travers des enquêtes approfondies menées auprès des quelques agriculteurs de la région qui font exception. Une douzaine d’entre eux se sont en effet lancés dans des expériences agroforestières aussi diversifiées dans les motivations qui les ont portées que singulières dans leurs formes. Sur la base de quelles convictions, de quelles « croyances », ces agriculteurs là se sont-ils appuyés ? En quoi les expériences qu’ils engagent maintenant pourront-elles servir de modèles dans les années qui viennent ?
L’agroforesterie, en effet, exige une réflexion qui se déroule sur un pas de temps qui n’est pas celui de l’agriculture ordinaire. Il faut plusieurs décennies pour que la production de bois trouve son entière efficacité. Encore plus pour que nos systèmes agraires intègrent cette nouvelle production dans nos plaines céréalières : installations de chaufferies valorisant à courte distance le bois-énergie ou de scieries valorisant la production de bois d’œuvre encore peu utilisé dans la construction. Il faudra aussi que l’agroforesterie atteigne une certaine échelle pour que les services éco-agro-systémiques que l’on peut en attendre soient effectifs.
Les quelques agriculteurs auxquels Clémence s’est intéressée pourraient donc bien être les pionniers dont l’agroécologie du futur aura besoin lorsqu’il s’agira de démontrer aux autres que l’agroforesterie est une solution économiquement et écologiquement durable, à condition de l’évaluer sur l’échelle de temps qui est la sienne.
Là où le travail de l’auteure est lui aussi pionnier, c’est qu’il aborde en profondeur les motivations de ces agriculteurs à travers des enquêtes accompagnées d’une façon originale par un usage du dessin révélant d’une façon très complète la large gamme des sensibilités qui ont guidé ces expérimentateurs de l’agroforesterie. Tout en s’appuyant sur de solides bases techniques et scientifiques et tout en restant soucieux de la productivité de leur exploitation, ces agriculteurs mettent aussi en œuvre une manière différente de concevoir leur relation à la terre, à l’arbre, aux plantes cultivées et aux animaux.
C’est ce que révèle l’approche de Clémence, et c’est ce qui en fait un travail fondateur sur lequel il sera utile de revenir dans quelques années.

Roland Vidal, 18 septembre 2015
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StephaneStéphane Delorme, septembre 2015 : 
“Tu en as fait une ville”.
Sources et contexte d’une démarche paysagère (La Courrouez, Rennes Métropole).

Urbem fecisti quod prius orbis erat : « Ce qui naguère était le monde, tu en as fait une ville ». Cette formule du poète Rutilius Numatianus donne son titre au mémoire de Stéphane Delorme, conduit à partir d’un long arpentage du quartier de La Courrouze à Rennes. Elle figure dans l’article de l’historien André Corboz, “Le territoire comme palimpseste”, pièce centrale d’un vaste arrière-plan théorique qui alimente l’enquête de fond proposée par ce mémoire hors norme. Car les concepteurs de la ZAC de la Courrouze figurent aussi parmi les protagonistes de l’un des débats les plus fertiles de ces dernières décennies, noué autour des liens du projet urbain au substrat à partir duquel il se développe, chaînon essentiel pour le développement d’une pensée de la ville du XXIe siècle.
Ce mémoire rattache la proposition conduite à la Courrouze à une large « bibliothèque » dont l’exploration constitue la première strate de l’enquête. Car c’est au fil d’échanges intellectuels tissés à partir de l’Italie de la revue Casabella, et en particulier des premières prises de position, que l’on pourrait qualifier de « territorialistes », de Vittorio Gregotti et de Bernardo Secchi (associé à Paola Viganò sur le projet rennais), que se déploient, en Suisse ou en France des pensées qui imprègnent fortement l’enseignement dispensé à l’Institut d’architecture de Genève ou la pratique de Michel Corajoud à et que reflèteront les dix premiers numéros de la revue Le Visiteur (à laquelle participe activement le paysagiste Charles Dard, opérateur du projet de paysage de La Courrouze). Sans visée mécaniste réductrice, ce mémoire déploie au contraire un troisième mouvement qui définit autrement l’une des composantes du projet rennais : son substrat politique et institutionnel, qui configure une culture de la commande, du projet et, en fin de compte, de la ville qui se fabrique.
Ce mémoire et ses riches annexes jalonnent donc un débat qui s’écrit tout autant qu’il s’inscrit dans l’espace ; il n’en constitue pas moins un véritable outil de recherche qui sera le support d’investigations futures, invitant à réfléchir sur des coalescences agissantes à partir de l’activité théorique et projectuelle.

Alexis Pernet, 17 novembre 2015
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AnneAnne Chaussard, septembre 2015 :
Le paysagiste et l’artiste en France, quelles collaborations ?

Le mémoire d’Anne Chaussard éclaire les relations mal connues entre les paysagistes concepteurs et les artistes avec lesquels ils travaillent. À partir d’une esquisse historique et de l’analyse d’entretiens, il montre qu’il existe trois catégories de collaboration professionnelle entre paysagistes et artistes.
La première suppose que les compétences paysagiste et artistique sont complémentaires  : le paysagiste au sein de son projet fait appel à l’artiste dont il a besoin.
La deuxième considère que le paysagiste, selon les situations et les compétences recherchées, peut jouer le rôle de l’artiste  : il est alors tantôt artiste, tantôt paysagiste.
La troisième indique que les deux compétences ne sont pas dissociables : le paysagiste se présente alors comme un artiste-paysagiste ou comme un paysagiste-artiste selon l’identité qui lui convient.
Cette analyse exploratoire est accompagnée en annexes de l’intégralité des retranscriptions des entretiens, ce qui permettra de poursuivre cette recherche sur la différenciation des compétences professionnelles chez les architectes-paysagistes. En particulier pour préciser le statut relatif du travail de l’artiste et du paysagiste et pour analyser la nature des œuvres ainsi réalisées.

Pierre Donadieu, 22 décembre 2015
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EduardoÉduardo Zambrano, juillet 2015 :
Le projet avant le projet. Évaluation des études de programmation dans
les projets d’espace public en Nouvelle Calédonie.

Sous ce titre énigmatique, « le projet avant le projet », Eduardo Zambrano explore cette phase décisive des projets d’aména-gement d’espaces publics que constitue la formalisation de la commande par le maître d’ouvrage, et à cette fin, plus précisément, la définition du programme de l’opération envisagée. Dans la plupart des présentations d’opérations, pilotées après-coup par les maîtres d’œuvres, tout se passe comme si le projet d’aménagement était le fruit spontané (pour ne pas dire génial ou inspiré) de l’intervention du professionnel mandaté (paysagiste, architecte, urbaniste…). En réalité, cette intervention prend place dans un cadre pré-formaté, le programme, dont elle s’affranchit parfois – à des degrés divers – mais qui, en explicitant les attentes du commanditaire, trace dans leurs grandes lignes les perspectives et les marges de manœuvre du concepteur et vient donc préfigurer et contraindre ses propositions.
Activité certainement moins noble et moins glorieuse que la conception qui lui succède (la médiatisation de cette dernière étant qui plus est aidée par ses traductions graphiques, souvent séduisantes), la programmation est généralement laissée dans l’ombre. C’est cette zone d’ombre qu’Eduardo Zambrano nous fait pénétrer, en parcourant les définitions données tant par la réglementation que par les codes de bonnes pratiques. Force est de constater que la notion de programmation, qui n’a fait qu’une apparition tardive dans la réglementation (en 1973), est en définitive peu normée. À défaut de définition précise et univoque, reste à rendre compte des pratiques.
L’auteur s’attache en conséquence à comprendre la consistance et l’effet de ces phases de programmation, en choisissant d’étayer son analyse par des études de cas en Nouvelle-Calédonie. Ce terrain d’enquête appelle l’analyse d’un contexte spécifique, tant sur les plans culturels que juridiques. Ces spécificités calédoniennes sont retracées de manière synthétique, en partant de l’historique de la colonisation et de la formation de la ville de Nouméa jusqu’au système institutionnel et juridique particulier instauré par les accords de Matignon et Nouméa. L’analyse de trois opérations d’aménagement localisées dans l’agglomération de Nouméa (Grand Nouméa) permet de restituer les conditions et modalités de formulation du programme, la place (et donc l’influence) des différents corps de métiers et acteurs décisionnaires et surtout les logiques qui président aux arbitrages effectués.
Surmontant les multiples embûches de son enquête (éloignement géographique et culturel, multiplicité des champs disciplinaires, diversité des situations étudiées), Eduardo Zambrano réussit la gageure d’éclairer des phases méconnues des processus d’élaboration de la commande publique tout en nous faisant découvrir et apprécier un terrain exotique. L’auteur fait œuvre utile en dévoilant ici une part des mécanismes sous-jacents de production de nos espaces publics.

Patrick Moquay, 26 avril 2016
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