Master DEP

Mémoires du

« Diplôme d’État de Paysagiste »

 

Mémoires soutenus en 2016 :

 

Alric Munoz :
Qui veut la peau des belles étrangères ? Les plantes « invasives » en milieu urbain : de la lutte au soutien.
Mémoire de 3e année

Le débat sur les plantes invasives interpelle le paysagiste au cœur même de sa pratique professionnelle. L’organisation interprofessionnelle Val’hor met désormais à sa disposition un Code de conduite sur les plantes envahisssantes afin de limiter l’implantation volontaire de certaines espèces. Mais dans les territoires périurbains fortement colonisés par les plantes invasives, le paysagiste doit composer avec les injonctions écologiques, les contraintes économiques et les usages et représentations des riverains, des gestionnaires et des élus.
Pour aborder le débat dans toutes ses nuances et se forger une attitude en tant que futur paysagiste, Alric Munoz a mené l’enquête sur trois petits terrains périurbains : la Réserve naturelle nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines, les talus ferroviaires de la gare de Pontoise et les abords de l’Académie du cirque Fratellini. Ces lieux ont été choisis pour la diversité des attitudes dont ils rendent compte, entre éradication, sélection et valorisation. On y croise la renouée du Japon, l’ailante et le buddleja, trois espèces désormais bien implantées dans les tissus urbains. Alric a su se mettre en retrait pour donner la parole aux acteurs du terrain : une Conservatrice de milieu naturel, un chargé d’opération, un formateur dans une association de réinsertion par le jardinage, une artiste-botaniste, une responsable culturelle. Les propos retranscrits et analysés sont croisés avec une lecture personnelle des paysages, appuyée par des photos prises à différentes époques et des éléments relevés dans la littérature récente.
Ce travail montre la diversité des regards portés sur les espèces invasives et le rôle des perturbations anthropiques dans le processus de colonisation. Il souligne l’intérêt d’une analyse au cas par cas pour gérer les invasives en ville.

Pauline Frileux, 30 novembre 2016

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Mathilde Szydywar-Callies :
Langue des traversées / Vers où
Mémoire de 3e année, cycle DPLG, année universitaire 2015-2016, sous la direction de Marcelline Delbecq.

 

revenir c’est long, je ne sais pas d’où
Samuel Beckett, L’Inommable, Minuit, 1953.

« Je voudrais être une paysagiste qui écrit ». C’est ainsi que s’est définie Mathilde Szydywar-Callies lors de nos premiers échanges et c’est ce qu’a révélé son mémoire très justement intitulé Langue des traversées / Vers où. Les mots, la langue et la voix sont les essentiels outils de cette future paysagiste écrivaine, écrivaine paysagiste dont les fragments écrits ou dits se mêlent, s’entrecoupent, s’opposent pour créer une topographie flottante, entre balises et perdition.
Car de la saisie par le dessin d’un paysage vu et vécu à son interprétation par le langage ; de la prise de note à l’écriture ou ré-écriture donnée à entendre, une véritable traversée s’opère, qui ne serait pas uniquement celle des apparences telle que nommée par Virginia Woolf présente ici et là en filigrane, mais une traversée qui, à force d’avancées et de reculs, d’emprunt de chemins de traverse, donne à écumer de bout en bout des échelles de territoire jusqu’alors inconnues, dont traits puis mots offrent dans un premier temps une forme de décryptage. Puis l’écriture seule, autant nourrie de lectures poétiques (dont Marina Tsvetaïeva, Jean-Michel Espitallier, Yves Bonnefoy ou Michael Donhauser) que de lectures de paysage, en vient à façonner, étendre, réinventer sensations et distances pour offrir aux lecteurs une expérience unique de paysage.
Traverser, mais vers où ? Qui peut quantifier l’écart entre un point de départ et une destination ? Qui peut dire jusqu’où se perd l’écho de la voix ? « Les coquillages. Est-ce comme pour les arbres on compte leur âge avec leurs rainures ? ». Ici le paysage se démultiplie à mesure qu’il s’écrit, s’écoute, se lit. D’ailleurs écrire n’est pas seulement dire mais aussi donner à voir et à revoir, à entendre, à sentir et à comprendre ce qui, du paysage, façonne l’écriture. Et retour.

Marcelline Delbecq, 2 janvier 2017

N.B : les étudiants suivis par le département des Enseignements Artistiques rendent un document écrit intitulé « Notice », qui offre une clé de lecture consistante sur le déroulé du travail de mémoire tout en n’en étant que la partie immergée de l’iceberg. L’essentiel du mémoire se trouve dans la réalisation d’une œuvre et sa présentation publique (sous forme d’exposition, de lecture ou de projection) lors de la soutenance. La Notice disponible ici est donc fragment d’un tout dont l’édition Eole créée par Mathilde Szydywar-Callies (disponible en auto-édition dans les librairies Le comptoir des mots, Paris XX, et La Vagabonde et sa fabrique, Versailles) est le cœur.
D’autres textes sont disponibles à l’écoute sur SoundCloud : ici et ici

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Anaïs Costeramon :
Nos images, à l’œuvre. Collection, conception, communication.
Mémoire de 3e année, cycle DPLG, année universitaire 2015-2016, sous la direction d’Alexis Pernet.

Comment s’élabore un projet, et a fortiori un projet de paysage ? Nombre de travaux de praticiens autant que de théoriciens insistent avec raison sur la ressource que constitue en soi le site : un site riche de traces, de substrats, et donc d’un certain nombre de lignes d’appui ou de potentialités qu’exploite le concepteur dans l’opération de transformation, celle-ci pouvant donc se comprendre comme un exercice de révélation. Mais a-t-on tout dit lorsque l’on s’en tient à cette affirmation ? N’existe-t-il pas d’autres composantes, visibles ou non, qui s’articulent aux conditions du milieu dans l’acte de projection ? Comment rendre compte de ce travail, des conditions qui accompagnent l’émergence de la forme, l’affirmation des choix du concepteur ? Celui-ci, on le sait, n’est jamais seul ; il décide, dessine et organise le projet à l’intérieur d’un collectif plus large. Son travail s’inscrit dans un complexe étendu, défini entre maîtrise d’ouvrage, usagers, entreprises, lois, etc.  Mais l’agence (ou l’atelier) constitue un premier cercle, avec son outillage, ses compétences, sa culture. En réfléchissant au statut des images de référence mobilisées par les concepteurs dans le cadre d’un processus de projet, c’est une facette peu étudiée du travail interne d’une agence de paysagistes que révèle le mémoire d’Anaïs Costeramon. Son enquête, à la fois ethnographique et théorique, met en évidence la richesse et la complexité des opérations qui lient mémoire, image, apprentissage, interprétation, manipulation dans le processus de conception. Le terrain investi n’est pas celui du (ou d’un) paysage, mais d’une agence de paysagistes (Bassinet Turquin Paysage). Le mémoire décrit et décrypte l’élaboration de projets au prisme d’un système documentaire adapté, élaboré comme un outil opératoire. Il pointe un enjeu théorique complexe (celui de la représentation du processus de projet), mais également un autre, d’ordre professionnel : celui de l’organisation des compétences au sein de cet espace singulier qu’est l’agence. Le mémoire d’Anaïs Costeramon montre combien le « parti-pris du document1 » demeure une voie d’étude féconde sur les pratiques contemporaines de conception, par une approche aux ramifications… kaléidoscopiques.

Alexis Pernet, 12 décembre 2016

1. Pour reprendre la formule proposée par Jean-François Chevrier et Philippe Roussin dans un numéro dédié de la revue Communications (n°71, Paris, éditions du Seuil, 2001).

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Mémoire soutenu en 2015 :

 

Josserand_couvClothilde Josserand :
Le piéton et l’échangeur.  La Porte de la Chapelle : genèse, usage et mutation d’un projet. 
Mémoire de 3e année, cycle DPLG, année universitaire 2014-2015, sous la direction d’Alexis Pernet.

Il semble inutile, pour présenter le mémoire de Clothilde Josserand, de s’attarder à démontrer l’importance de l’enjeu que représente le devenir de l’épaisse membrane routière qui enserre Paris. Depuis les travaux fondateurs d’André Lortie et Jean-Louis Cohen (1992) sur la transformation de fortifications parisiennes, nombre de grands projets urbains s’essayent à réfléchir sur la porosité du «mur» parisien, enjeu qu’ont singulièrement renforcé les visions sur le Grand Paris.
Reste cependant entière la question de la connexion du Boulevard Périphérique à l’étoile autoroutière francilienne, en des secteurs où toute raison paysagère est effacée par la complexité et l’ampleur des infrastructures. Parmi ces secteurs, l’échangeur de la Porte de la Chapelle semble constituer l’une des frontières les plus impénétrables et les plus opaques de Paris, au contact de Saint-Denis. Presque infranchissable pour le piéton, l’échangeur n’en demeure pas moins un lieu d’usages interlopes, où sont perpétrées des fonctions qui restent peut-être constitutives des franges de la ville, de sa «zone», de ses espaces liminaux.
Mais appréhender un tel «paysage» ne va pas de soi, car s’il constitue une forme limite d’espace public, les outils de description, et potentiellement d’intervention sur ce type de contextes restent à inventer. Les outils traditionnels des paysagistes, en particulier, vont d’une lecture approfondie du site et des usages à des formes d’intervention qui privilégient la rationalité et la continuité des sols, déployant un rapport au vivant pour installer une mesure du lieu, selon des logiques spatiales parfois puisées dans un art séculaire des jardins. Or, quel que soit le degré de liberté qu’offrent ces références et ces outils, il semble, dès les premières observations menées sur place, qu’ils soient immédiatement relégués à une place dérisoire face à la lourdeur de l’ouvrage, aux usages intenses qu’il autorise ou dissimule, à la violence qu’il oppose dans les secteurs les plus défavorisés de la capitale et de sa proche banlieue.
Plus que par une réflexion technique sur les potentialités de mutation du lieu, c’est par la conduite d’une éthique de la description que ce mémoire propose de fonder une approche de l’échangeur de la Porte de la Chapelle. Face à la difficulté à produire des images, trouver les mots justes pour définir la relation de l’observateur à l’observé ; face à la complexité et à la dangerosité du lieu, le comprendre dans sa genèse, au travers de la multitude d’hésitations et de recherches dont il est le fruit. Et face à l’injonction sécuritaire et au risque de voir se déployer des concepts sommaires de déguisement du site, la réflexion conduite au terme de cette enquête invite à investir des formes d’action privilégiant la fonction asilaire, sur les bases de la réflexion introduite par Patrick Declerck, l’auteur des Naufragés, ou le Collectif PEROU. Un mémoire n’est pas un projet, mais le travail conduit par Clothilde Josserand montre à quel point des formes adaptées d’enquête se révèlent aujourd’hui indispensables pour penser les frontières de l’action.

Alexis Pernet, 17 décembre 2015

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