Chapitre 15
(version provisoire)
Transmettre le métier de paysagiste concepteur (1874-2019)
Comment le métier de paysagiste a-t-il été transmis dans les écoles de Versailles (ENSH et ENSP) depuis leur origine ? Des paysagistes, jeunes et moins jeunes, en parlent.
Sous sa forme illustrée, ce texte sera publié dans la rubrique « Histoire et mémoire » du site Topia https://topia.fr/2018/03/27/histoire-de-lensp-2/
1-Trois paysagistes se souviennent
4 mai 2019 dans l’amphithéâtre de l’école. Les élèves écoutent Jacques Coulon, Jean-Pierre Clarac et Alexandre Chemetoff parler de leur métier de paysagiste. Ces trois praticiens confirmés ont un point commun. Ils ont suivi la même formation de la Section du paysage et de l’art des jardins de l’ENSH. Les deux premiers sont entrés à l’Ecole en 1969 et le troisième l’année suivante. Ils ont été les élèves de Michel Corajoud et de Jacques Simon à la fin de la formation dispensée dans la Section du paysage et de l’Art des jardins de l’ENSH (1946-1974).
Cinquante ans après leur formation, que disent-ils de l’enseignement et de leur métier qu’ils ont exercé de manière très différente ?[1]
Né en 1947 à Paris, Jacques Coulon est issu, avant la Section, d’une formation à l’École des Arts décoratifs et à celle des Beaux-Arts. M. Rumelhart qui lui a consacré un long article en 2002 dans Créateurs de jardins et de paysage le décrit comme un créateur empirique de formes, un homme de projet, soucieux d’inventer des chemins parallèles et originaux. Il écrit en le citant : « Le projet, qui « permet de continuer à apprendre sur le tas », est « plus largement compris comme un humus à partir duquel peut se construire une partie de la réflexion sur le paysage » (p. 310). J. Coulon s’intéresse à la forme « surtout dans la mesure où elle parle du temps ou le met en scène» (p. 311).
Né en 1948 à Pamiers (Ariège), Jean-Pierre Clarac, est issu d’une famille de maraichers et de pépiniéristes installée au pied des Pyrénées ariégeoises depuis cinq générations. Après sa formation au paysagisme d’aménagement au CNERP en 1973-74, il fonde son agence libérale (avec notamment des réalisations d’espaces publics commanditées par l’EPAREB) et devient, comme Jacques Coulon, enseignant (à partir de 1988) à l’ENSP et paysagiste conseil de l’État à partir de 2007.
Né en 1950, Alexandre Chemetoff est paysagiste DPLG, architecte et urbaniste.Il est le fils de l’architecte Paul Chemetoff. « Il réalise aujourd’hui des études et des opérations de maîtrise d’œuvre qui illustrent son approche pluridisciplinaire associant parfois dans une même réalisation architecture, construction, urbanisme, espaces publics et paysage dans un souci de compréhension globale des phénomènes de transformation du territoire : du détail à la grande échelle.(…). « Il conçoit la pratique de son métier comme un engagement dans le monde. Le programme est une question posée, le site un lieu de ressources et le projet une façon de changer les règles du jeu » (…). Wikipédia.
Ces trois paysagistes sont des concepteurs maîtres d’œuvre s’inscrivant dans la tradition professionnelle des « architectes paysagistes » aujourd’hui des « paysagistes concepteurs ». Jean-Pierre Clarac se distingue par le savoir conseiller les maîtres d’ouvrages (les élus) à l’échelle territoriale. J. Coulon revendique le design des formes paysagères et A. Chemetoff s’est inscrit dans les trois chemins de l’architecture, de l‘urbanisme et du paysage.
Avant d’entrer à l’ENSH, leurs chemins personnels sont très différents, mais tous ont connu les soubresauts des mouvements étudiants de mai 1968.
Coulon est un Parisien, élève du sculpteur Etienne Martin à l’École des Beaux-Arts. Il passe deux années dans la Section sans s’intéresser vraiment aux enseignements techniques de l’ENSH. J’étais, dit-il, dans le monde de la forme et non de la matière, et pour moi le projet (de paysage) reliait la forme et la matière. « On travaillait sur tout, sans réflexions fondamentales (…) C’est en faisant qu’on voyait ce qu’on avait à faire. L’idée de faire beau, de décorer, d’embellir ne se posait pas. On n’en parlait pas ». La rupture avec le modèle historique du jardin paysager s’imposait à lui, moins comme un refus radical qu’en tant qu’évidence de la recherche d’une alternative à inventer par l’expérience. Sans doute était-il convaincu que les savoirs savants pouvaient être remplacés par des observations de bon sens, que l’écoulement de l’eau sur une pente pouvait se passer des équations de Bernouilli enseignées par l’ingénieur J.-M. Lemoyne de Forges. Ou bien que pour distinguer les poiriers des pommiers en hiver, il suffisait de regarder les fruits sur le sol au lieu d’ausculter l’anatomie des bourgeons enseignée par le botaniste M. Rumelhart.
De son côté, Alexandre Chemetoff se souvient : « On avait des cours communs avec les élèves ingénieurs, d’hydraulique, de botanique, de floriculture, de nivellement ou de pépinières, mais pas d’écologie (au sens d’aujourd’hui). Cette connaissance botanique, des espèces, des variétés, des cultivars, transmise par les professeurs de l’École d’Horticulture : R. Bossard, P. Cuisance et C. Chaux nous paraissait illimitée, infinie. »
Après 1970, des enseignants nouveaux, étrangers ou non au berceau horticole, sont arrivés dans la Section : M. Corajoud et J. Simon. « Ils ont ouvert la formation sur le monde. Ils disaient : le projet c’est ce que vous vendez avec les végétaux (…). Mais les projets étaient limités aux parcs et aux jardins, c’était très conservateur, et même réactionnaire ».
La Section finissante avait été ébranlée par les révoltes étudiantes de mai 1968. Ses élèves comme ses enseignants étaient en grève quasi permanente. J. Sgard avait démissionné et cofondé le Centre national d’étude et de recherche du paysage (CNERP). Un premier projet d’institut du paysage échouait en 1972. L’ENSH fut de fait le théâtre d’un « choc culturel » entre le savoir scientifique et technique horticole, et la réflexion critique des jeunes enseignants de projet. Ces derniers, qui étaient issus de l’Atelier d’architecture et d’urbanisme de Paris (AUA) succédaient aux anciens enseignants de projet (T. Leveau, J. Sgard, J.-C. Saint-Maurice, G. Samel, A. Audias notamment).
Comme ses deux collègues, J.-P. Clarac est un concepteur maître d’œuvre. Il s’en distingue par deux traits : il est familier, par atavisme, du monde horticole et, par sa formation au CNERP, du « Grand Paysage ». D’ailleurs, au cours de leur formation à l’ENSH, il a fait bénéficier J. Coulon de sa compétence botanique, lequel le lui a bien rendu en l’aidant en dessin. Il rappelle le rôle qu’a joué le professeur de botanique et d’écologie de l’ENSH Jacques Montégut : « Il nous a appris le sens des plantes, de l’écologie et de la nature ; il nous montrait l’histoire séculaire des sites grâce au pouvoir indicateur des plantes ». J. Montégut enseignait également la biogéographie au CNERP. J.-P. Clarac en avait retenu les notions de saltus(l’espace pastoral commun des campagnes méditerranéennes distincte de l’ageret de la silva) pour penser l’aménagement des 3000 hectares du site de Sophia-Antipolis. Et aujourd’hui, le « penser les usages en commun » et la préservation des ressources naturelles sont devenus pour lui les fondements des projets de paysage.
Dans les trois cas, la pensée du projet est une « pensée de l’action » qui reformule les questions relatives au devenir du site de projet, quelle qu’en soit l’échelle spatiale. Les discours des trois praticiens ne s’appuient pas sur des connaissances scientifiques (biologiques, biotechniques ou sociologiques). Parfois ils évoquent des analyses philosophiques et éthiques globalisantes, de la même façon que les architectes qui cherchent à théoriser leurs pratiques. J.-P. Clarac approuve par exemple le suburbanisme du philosophe Sébastien Marot qui met en évidence la nécessité du soin des sites et le rôle des paysagistes. Tout autant que, selon les situations, « sont écoutés les points de vue de l’archéologue ou du chasseur, et reconnues les forces de la nature (qui gagnent toujours) ».
Sont-ils d’accord pour admettre comme J. Coulon que le paysage et le jardinage « ce sont d’abord des évènements à regarder » ? Une inondation, dit-il, est autant un événement visuel qu’une catastrophe car « même la vie de tous les jours est un évènement qui mérite d’être regardé ». Le paysagiste, conviennent-ils, se donne la mission d’assembler de manière cohérente les formes à voir qui vont marquer le territoire commun à ses usagers : « Nous, on peut faire avancer les choses, en fabriquant la qualité des choses (des espaces) pour répondre, a minima, aux besoins fondamentaux de la société : de nourriture, d’air et d’eau ». Tous récusent fermement la compétence du paysagiste décorateur que la société et les pouvoirs politiques leur avait assignée au moment de leur formation. Et qu’ils ont su remettre en question et redéfinir tout au long de leur carrière.
2-L’expérience de Jacques Sgard
Né en 1929, formé dans la Section du paysage et de l’art des jardins de l’EN(S)H, puis enseignant (ENSH et ENSP) jusqu’à aujourd’hui, Jacques Sgard est le plus ancien et le plus expérimenté des paysagistes urbanistes français.
La Section du paysage et de l’art des jardins de l’Ecole nationale d’horticulture (ENH) de Versailles a recruté ses premiers élèves en 1946 : six ingénieurs horticoles diplômés de l’ENH qui feront leurs études en un an. La Section leur était destinée : la demande avait été formulée auprès du ministère de l’Agriculture par plusieurs canaux : au début des années 1930 par le comité d’art des jardins de la SNHF et par la société française d’art des jardins (Achille Duchêne), puis par Ferdinand Duprat (professeur d’architecture des jardins et d’urbanisme à l’ENH de Versailles), et Robert Joffet, conservateur en chef des jardins et espaces verts de Paris.
À la rentrée de l’année scolaire 1947-48, six autres élèves sont admis dont trois ingénieurs horticoles. Parmi les non ingénieurs, « un bachelier avec de réelles aptitudes au dessin, mais sans connaissances botaniques et horticoles » est sélectionné avec un traitement de faveur. Il s’agit de Jacques Sgard qui avait alors 18 ans. Le directeur Jean Lenfant lui propose une année comme auditeur libre pour acquérir les connaissances horticoles nécessaires après sa sortie de la Section. Faveur (non reproductible décide le conseil des enseignants du 12 juillet 1948) qu’il mettra à profit comme « cuscute[2] » après sa formation en un an.
Il bénéficia, en deux ans, des enseignements d’ateliers de l’architecte de jardins et urbaniste André Riousse, de l’architecte et urbaniste Roger Puget, de l’expérience de l’ingénieur horticole (élève de Ferdinand Duprat) Albert Audias, de l’érudition botanique de Henri Thébaud en connaissance et utilisation des végétaux, des cours de l’historienne des jardins Marguerite Charageat, de la formation technique de Robert Brice et Jean-Paul Bernard, ainsi que des cours de dessin de René Enard.
Autant de disciplines (12), qui complétaient la formation de l’ingénieur horticole auquel avait été déjà enseigné les matières scientifiques (botanique, physique, chimie, mathématiques), biotechniques (arboriculture, floriculture, pépinières, maraichage), et économiques. En développant l’histoire des jardins qui était dispensée par le professeur d’architecture des jardins et le dessin artistique. En conservant quelques matières techniques (nivellement, levée de plans, utilisation des végétaux dans les projets). Et surtout en créant des ateliers de projets et des cours d’urbanisme, la nouvelle formation de paysagiste était fondée.
À la fin de l’année scolaire, les élèves sortant (dont J. Sgard et J.-B. Perrin) obtiennent brillamment le certificat d’études de la Section. Les travaux remis donnent entière satisfaction à M. Charageat : « Ils ont valeur d’une thèse ».
Néanmoins, « on n’apprenait pas grand-chose, c’était un peu léger » juge-t-il, soixante-dix ans après[3]. Cette formation nouvelle n’avait que deux années d’expériences …
À la fin de l’année 1949, il n’avait pas trouvé le stage qui était nécessaire, avec ensuite le concours en loge, pour obtenir le titre de paysagiste diplômé par le ministère de l’Agriculture. En novembre 1950, il est néanmoins autorisé à s’inscrire aux épreuves de ce concours en loge. Il comprenait une partie éliminatoire (un projet de composition à présenter sous forme d’esquisses), un projet technique et un projet de plantation. Il obtient le titre en 1953 (ou 1952).
Puis, après des cours par correspondance auprès de l’Institut d’urbanisme de Paris, et ayant obtenu une bourse universitaire d’étude, il part en vélo aux Pays-Bas en 1954.
Sous la conduite du paysagiste Jan This Peter Bijouhwer (1898-1974), il découvre les projets néerlandais, notamment ceux de la reconstruction, des plans de paysage et de développement rural, et des polders comme celui de l’Isselmeer. En 1958, il soutient sous la direction de l’urbaniste Jean Royer, une thèse de fin d’étude, intitulée Récréation et espace vert aux Pays-Bas[4].
Puis il poursuit sa carrière avec les jeunes paysagistes Pierre Roulet et Jean-Claude Saint-Maurice, carrière qu’il avait déjà commencée seul avec le plan de paysage de la station thermale de Lamalou-les-Bains (Hérault) en 1955.
C’est en 1963 qu’il revient dans la Section comme enseignant d’atelier, appelé avec J.-C. Saint Maurice par le directeur de l’ENSH Etienne Le Guélinel, puis les années suivantes avec P. Roulet, G. Samel, B. Lassus et P. Dauvergne. Il démissionne de ses fonctions d’enseignant en 1968 au moment des grèves étudiantes et enseignantes qui affectent la Section. Mais surtout en raison du manque flagrant de moyens financiers et d’autonomie de la Section qui, de plus, ne dispose pas d’enseignants titulaires.
De 1969 à 1974, le schisme naissant du « paysagisme d’aménagement » au sein de la Section se traduit par la création du GERP (groupe d’étude et de recherches sur le paysage) puis du CNERP (centre national d’étude et de recherche du paysage) en 1972 où il se réinvestit comme enseignant jusqu’à sa fermeture en 1979. Il contribue ainsi à former l’agronome Y. Luginbühl, les paysagistes A. Levavasseur, J.P. Saurin, H. Lambert et J.-P. Clarac, et l’ingénieur du Génie rural, des eaux et des forêts B. Fischesser, entre autres[5].
En 1976, l’ENSP est créée après la disparition de la Section en 1974. J. Sgard revient alors enseigner dans la quatrième et dernière année de formation à partir de 1983. Presque chaque année pendant trente ans, il encadrera un atelier pédagogique régional (une étude paysagère en situation de commande publique réelle) et un ou deux mémoires de fin d’étude.
3-Transmettre l’art du projet : une démarche heuristique méconnue
L’architecture de paysage (landscape architecture en anglais), dite parfois paysagisme en français, ou plus simplement pour les paysagistes concepteurs, « le paysage », est à l’origine un métier (dessinateur de jardin) qui s’est professionnalisé à la fin du siècle dernier. À partir de 2016, il est devenu une profession réglementée par l’État, comme les architectes, les médecins ou les notaires.
Comment leurs multiples compétences ont-elles été et sont-elles aujourd’hui transmises ? Nous n’en avons qu’une idée assez vague, même si l’histoire de l’école de Versailles, la plus ancienne des cinq écoles actuelles de paysagistes concepteurs, commence à être connue[6]. Que dit un paysagiste enseignant de son enseignement d’atelier ? Nous ne le savons que par les intitulés des programmes pédagogiques des ateliers, les textes introductifs, les projets produits par les ateliers, les notes attribuées aux élèves, quelques textes fondateurs comme ceux de M. Corajoud (Lettre aux étudiants, 2000[7]) et les souvenirs des étudiants et des enseignants. Ce qui est largement insuffisant pour rendre compte de la pratique réelle de transmission des savoirs.
Pour commencer à en parler, j’ai choisi d’imaginer un entretien fictif entre un enseignant paysagiste imaginaire (EPI), inspiré en partie par les figures de Jacques Sgard et de Pierre Dauvergne, et un journaliste curieux (JC).
JC : Vous êtes l’un des plus expérimentés parmi les paysagistes enseignants d’ateliers en France. Dans l’école de Versailles où vous avez été élève, vous avez enseigné depuis 1963. Comment enseignait-on dans les ateliers de projet avant cette date ?
EPI : Avant la création de l’École d’horticulture de Versailles en 1873, le métier d’architecte paysagiste ou plutôt de maître jardinier s’apprenait « sur le tas », c’est-à-dire en situation professionnelle réelle. C’était un apprentissage auprès de praticiens confirmés. Souvent cela se passait dans le milieu familial. Le père d’André Le Nôtre était jardinier ordinaire du roi Louis XIII chargé de l’entretien du jardin des Tuileries. Il portait le titre de dessinateur des plans et jardins. Son fils apprit le dessin pendant six ans dans l’atelier du peintre Simon Vouet, puis la perspective et l’architecture auprès de François Mansart, (Jules-Hardouin était son petit neveu).
Au XIXe siècle, le paysagiste Jean-Pierre Barillet-Deschamps était fils de jardinier. Grâce à son beau-père, il développa à Bordeaux une entreprise horticole où il multiplia de nombreuses espèces exotiques. Appelé par l’ingénieur A. Alphand, il devint le premier jardinier en chef du service des promenades et plantations de la ville de Paris.
Comment apprenait-on à dessiner un jardin à cette époque ?
Je n’y étais pas… Mais j’imagine que l’on imitait beaucoup des plans existants. On les recopiait en les adaptant aux situations. À l’époque de Le Nôtre, les traités de Claude Mollet et de Jacques Boyceau de la Baraudière étaient bien connus. C’était un peu des catalogues où chacun puisait son inspiration. La vogue européenne des jardins à la française au XVIIIe siècle a été facilitée par la circulation des plans, parfois même sans que le site à aménager soit connu de l’auteur. Il en a été de même pour les jardins irréguliers (anglo-chinois, paysagers ou à l’anglaise) à partir du début du XIXe siècle.
Dessiner était l’apanage des jardiniers dessinateurs, mais comment apprenaient-ils à réaliser le projet ?
Là encore je n’y étais pas. Mais, comme aujourd’hui, il s’associait, j’imagine, à d’autres compétences. À l’époque de Le Nôtre, les fontainiers, géomètres et topographes savaient maitriser l’écoulement des eaux, les drainages et les terrassements. Les travaux étaient souvent herculéens. Ils se faisaient à bras d’hommes avec des brouettes et des charrettes. Les machines étaient rares. Il leur fallait beaucoup de contremaitres pour encadrer des centaines d’ouvriers et contrôler la conformité des travaux aux projets.
C’est vrai, il n’y avait pas d’école, c’était l’expérience des jardiniers dessinateurs et maitres d’œuvre, leurs succès et leurs échecs, qui leur apprenaient leur métier d’architecte de jardins avec les géomètres et les fontainiers.
En 1874, l’École d’horticulture de Versailles est créée au Potager du roi. Une chaire d’architecture des jardins et des serres est mise en place. Qu’est ce qui change dans la formation de ceux qui s’appelleront ensuite architecte paysagiste ? N’avaient-ils pas un diplôme d’ingénieur en horticulture ?
Les historiens pourraient répondre mieux que moi. Ce que je sais c’est que les premiers enseignants de cette chaire étaient, je crois, tous des ingénieurs des ponts et chaussées, ou des arts et manufactures, sauf Edouard André. Mais ils avaient une formation artistique, historique, technique et pratique acquise autant à l’école que dans les services des promenades de Paris.
À l’école de Versailles, les étudiants ont bénéficié très tôt, je pense, de toutes les connaissances de l’époque nécessaires à un projet d’architecture de jardin et à sa réalisation. Ils apprenaient la botanique, la comptabilité, les techniques horticoles, le dessin, les levées de plans, le nivellement et l’histoire de l’art et de l’art des jardins. Ils visitaient des expositions, des musées, des chantiers et des pépinières et voyageaient un peu à travers la France et l’Europe. C’était le rôle des professeurs d’architecture des jardins de les accompagner dans le dessin de projets qui se terminaient toujours par un plan de plantation et une évaluation des coûts des travaux. Le traité d’Edouard André de 1879 est resté la référence essentielle des étudiants de l’école pendant environ un siècle. Il donnait des règles d’organisation de l’espace de projet que les élèves ingénieurs devaient respecter, mais toujours adapter au site à aménager.
Ce qui a changé avec l’école, à mon avis, c’est de réunir dans un même lieu, tous les savoirs et savoir-faire nécessaires aux élèves paysagistes. L’atelier de projet, ou ce qui en tenait lieu, n’était pas cependant un lieu central pour les élèves ingénieurs horticoles. Le nombre d’heures de cours d’architecture de jardin était très réduit (25 leçons) et en fin de formation. Le modèle d’enseignement qui s’est imposé ensuite, surtout après la deuxième guerre mondiale, était très lié à la culture scientifique des ingénieurs, puis à la recherche académique. Les paysagistes ingénieurs ont été alors beaucoup moins bien formés à la conception des projets, mais beaucoup mieux à la gestion des parcs et des jardins.
Vous suivez pendant deux ans la formation de la Section du paysage et de l’art des jardins de l’ENH. Vous souvenez vous de l’apprentissage des projets en ateliers ?
Un peu, mais c’est très lointain. On était six, installés dans l’actuelle salle du Potager du bâtiment de la Figuerie. Cette formation courte était faite pour les ingénieurs horticoles qui avaient suivi l’enseignement d’architecture des jardins de Ferdinand Duprat, avant et pendant la guerre. Ils étaient trois, dont l’un d’entre eux venait des services de Robert Joffet à Paris.
Ceux qui enseignaient le projet, c’était des architectes qui avait pratiqué la conception et la réalisation de jardins ou l’urbanisme. André Riousse, élève de Forestier, nous apprenait à composer l’espace du projet à la lumière des modèles de l’art et de l’art des jardins qu’évoquait l’historienne Marguerite Charageat. Robert Puget apportait l’échelle du projet urbain et les principes de l’urbanisme réglementaire. Les apports techniques venaient des ingénieurs horticoles comme Albert Audias, un collaborateur de Ferdinand Duprat, et de Robert Brice.
C’était les bases élémentaires du métier. L’essentiel je l’ai appris après, par la pratique, « sur le tas », au début c’était très formel avec ensuite, après l’école, le concours en loge pour porter le titre de paysagiste.
Au début des années 1960, le directeur de l’ENSH vous appelle pour enseigner dans la Section. Quel a été votre rôle d’enseignant ?
J’ai appris ensuite que j’avais été pressenti dès 1961, mais que le conseil des enseignants m’avait trouvé trop jeune pour enseigner. La Section était en mauvaise posture depuis le milieu des années 1950. Les ingénieurs n’étaient plus candidats et le marché des paysagistes décollait à peine. Mais il décollait. Je venais d’obtenir mes premiers chantiers comme l’aménagement des espaces extérieurs d’une ZUP à La Courneuve.
La formation durait deux ans. Ils étaient une dizaine par année, puis en quelques années, l’effectif a doublé sans moyens supplémentaires. On faisait faire des projets liés surtout à la construction de logements. On essayait de faire mieux que les espaces verts habituels, de tenir compte du site, de son relief, des points de vue. Car une autre commande publique apparaissait de plus en plus : le grand paysage, c’est ainsi qu’on l’appelait. Je me souviens de Pierre Dauvergne qui était à mon arrivée passionné par ce sujet. Il n’était pas le seul : Francis Teste, Pierre Pillet, Paul Clerc, P. Treyve, A. Levavasseur, se sont ensuite investis dans ce domaine. Certains sont passés par le CNERP. J’utilisais des types de projets que je mettais en œuvre en même temps : les carrières ou les bases de loisirs. J’accompagnais les travaux d’élèves en leur montrant les possibilités d’un site, et en leur demandant dans le temps de l’atelier d’approfondir un parti prometteur de projet original. Je leur montrais avec des photos des exemples pris en France et en Europe du Nord. Pour les noter, j’évaluais leur progrès au cours de l’atelier, pas nécessairement leurs compétences techniques.
Mais en 1968, j’ai arrêté. On commençait pourtant à avoir des assistants (P. Dauvergne, M. Viollet). Mais cela ne suffisait pas. Les moyens de la Section étaient trop dérisoires et l’ambiance générale devait beaucoup à la contestation étudiante.
Quelles relations aviez-vous avec les autres enseignants de la Section ?
On se voyait peu, sinon dans le conseil des enseignants. Chacun était dans son atelier, le temps d’un encadrement à la table à dessin ou d’un rendu collectif, puis on rejoignait nos agences. Je me souviens un peu de Leveau, il était très distant. Mais beaucoup plus de l’écologue J. Montégut qui nous a rejoint ensuite au CNERP et dans l’étude de la base de loisirs de Saint-Quentin en Yvelines (1973-75). Je passais peu de temps à l’école.
En 1972, est créée l’association Paysage dont J. Sgard est le président ? Elle préfigure le CNERP. Vos élèves sont des diplômés : paysagiste, agronome, forestier, écologue, géographe ou architecte. Quel a été votre rôle d’enseignant du CNERP à Paris puis à Trappes ?
Nous avions effectivement affaire à des stagiaires déjà diplômés. On les recrutait après un entretien. Nous avions formé un groupe d’orientation scientifique et stratégique avec Lassus, Pérelman, Rossetti, Challet et Dauvergne, entre autres. On animait des séminaires réguliers. On échangeait sur des sujets nouveaux : le paysage polysensoriel, le paysage sonore, la planification écologique venue des pays anglo-saxons et reprise par les chercheurs du CNRS à Montpellier, ou l’interaction des échelles géographiques et de temps. On allait visiter les rives de l’étang de Berre où naissaient les raffineries pétrolières. Les stagiaires participaient aux études de paysage dans le jeune parc naturel régional d’Armorique (le Faou) ou à Sophia-Antipolis dans les Alpes-Maritimes. On était libéré de l’héritage horticole et jardinier.
Le CNERP fonctionnait avec des fonds publics comme une vaste agence qui était payée pour répondre à des commandes publiques. On n’était pas dépaysé. Le transfert de nos expériences d’agence vers le CNERP était naturel. Le travail était collectif chacun apportant ce qu’il savait, et apprenant des autres ce qu’il ne savait pas.
C’était au final la même idée qu’avant l’école : apprendre en marchant, capitaliser l’expérience collective, tenir compte du regard de l’autre, et s’adapter aux nouvelles situations et questions.
Comment se faisait la synthèse de ces études paysagères ? Etait-ce un projet ?
Oui, le savoir de l’étude paysagère, et donc du projet d’action, était construit comme une intention collective. Chacun devait y retrouver ses idées d’action. Ce qui nous réunissait, c’était l’idée que le site, son écologie, son histoire, ses habitants, ses formes, inspiraient les stratégies d’action. Ce n’était évident pour personne. L’architecte du mouvement moderne montrait de son côté tout l’intérêt de la tabula rasa. Le plan d’occupation du sol devait donc intégrer ces nouvelles règles de construction de paysages. Bref, les territoires devaient offrir des paysages acceptables par tous. Ce qui nous désignait des adversaires, à commencer parfois par les élus ou le monde agricole en pleine modernisation.
Y avait-il des désaccords entre vous ?
Oui bien sûr. Au début des années 1970, les écologues pensaient que l’analyse minutieuse des ressources et contraintes des sites devait fonder les projets. Les géographes de Toulouse découpaient la question paysagère en géosystème, territoire et paysage. Le paysage était alors réduit à une approche sensible, subjective. Certains architectes avaient inventé la sitologie pour conformer l’architecture aux formes du relief. C’était trop simpliste. Ceux qui étaient trop radicaux ou trop idéologues était souvent mis en minorité. Les conflits n’étaient pas rares.
C’était une pensée pragmatique ? Est-elle toujours d’actualité ?
Je le pense. La formation professionnelle se fait à l’occasion de pensées de l’action à imiter ou à inventer. Celle qui est retenue par les commanditaires l’est d’abord en tant que projet. Mais rien ne dit que ce projet sera mis en œuvre. Il faut rester très humble.
C’est pour cela que l’atelier est toujours resté le centre de la formation des paysagistes ; un centre d’apprentissage inclusif, sélectif des autres savoirs et non exclusif. Ce qui dépend beaucoup des chefs d’ateliers. Souvent la porosité des pratiques d’ateliers a été très limitée, ce qui est regrettable.
Au début des années 1980, l’ENSP met en place la formation de quatrième année. Elle créé les ateliers pédagogiques régionaux et vous sollicite comme encadrant de projets. Votre pédagogie a-t-elle changé dans ces ateliers ?
Au CNERP, j’avais à faire à des diplômés de nature très diverses. À l’ENSP, c’était le contraire dans l’année professionnalisante de préparation au diplôme, en deux temps, l’atelier pédagogique régional puis le travail personnel de fin d’étude. C’était complémentaire. Dans l’atelier, l’étudiant répondait à une vraie commande publique en général, et le plus souvent à des échelles variables de territoires, sans perspectives de maitrise d’œuvre immédiate. Puis avec le diplôme et avec plus de liberté, il devait faire la preuve qu’il savait articuler grande et petite échelle d’actions en répondant aux questions qu’il posait. L’un des critères des « bons projets », c’était leur cohérence, mais aussi leur justesse par rapport à la dynamique du site.
Leur formation générale au projet au bout de trois ans était en général suffisante pour élaborer les documents graphiques capables de communiquer des intentions d’action à un client. Et avec plus d’indépendance dans le cas du mémoire (sans client en général)
Dans les deux cas, il suffisait de les accompagner comme, dans une agence, un jeune chef de projet. Certains avaient déjà acquis des réflexes professionnels, d’autres étaient plus hésitants, moins imaginatifs, plus lents. Il fallait les aider, les stimuler, les orienter. La plupart avait des potentialités incroyables. C’était à l’enseignant de projet de les faire s’exprimer.
L’essentiel de la formation des paysagistes aujourd’hui resterait-elle « sur le tas » ?
Oui, d’une certaine façon, mais de manière très différente d’autrefois avant la création de l’école. On apprend vraiment un métier qu’en étant confronté à une situation réelle de travail. Ce que font les ateliers. Mais il faut des bases, des réflexes de pensée de projets, appris à l’école. Il faut surtout d’autres enseignants qui apportent des savoirs non paysagistes que nous n’avons pas.
De mon point de vue, aujourd’hui, avec les grandes transitions du XXIe siècle en cours, il ne peut plus y avoir de règles et de modèles tout faits de projets de paysage. Ni à la façon du traité d’Edouard André, ni à celle trop rigide des planificateurs anglo-saxons des années 1970, et encore moins en cherchant la seule synthèse des disciplines scientifiques concernées d’aujourd’hui. Je crois beaucoup à l’invention permanente des méthodes de projet en restant à l’écoute de ce que nous disent les chercheurs universitaires que nous ne sommes pas.
Nous devons aussi entendre les parties prenantes des projets qui en sont les premiers destinataires.
Il n’est pas exclu non plus de s’inspirer, en matière d’urbanisme paysagiste, des pionniers : F.L. Olmsted et J.-C. N. Forestier par exemple
Je me suis plu, pendant toute ma carrière, à répondre à des questions souvent mal posées et à des programmes surchargés ou imprécis qu’il fallait reformuler. C’est l’aptitude à ces réponses localisées et singulières qui est le savoir le plus précieux de notre métier.
C’est cela que nous transmettons.
Depuis que l’école existe, les paysagistes ne sont plus des autodidactes. A Versailles, depuis 1976, on a créé des départements d’enseignement autres que les ateliers. Quelles relations aviez-vous avec les enseignants non paysagistes ?
Dans les ateliers, on n’enseigne pas à dessiner, à cartographier, à réaliser des coupes ou des axonométries. On n’apprend pas l’expression graphique. C’est un métier d’enseignant en soi qui est nécessaire à la formation. On n’apprend ni la botanique et l’écologie végétale, ni le jardinage, les techniques de terrassement ou d’éclairage, et encore moins l’histoire des jardins, le droit ou la géographie, voire la philosophie.
A l’ENSH, puis à l’ENSP, nous nous connaissions, parfois très bien, on se rencontrait dans les conseils d’enseignants, mais nous avons rarement enseigné ensemble.
Est-ce que ces enseignements convenaient à ce qu’en attendaient les responsables d’ateliers ?
Je ne savais pas précisément ce qui était enseigné en dehors des ateliers. Je ne pouvais donc pas le mobiliser dans les ateliers. D’ailleurs ce n’était pas le but des projets. Je constatais seulement les niveaux de compétences des élèves en dessin, en savoirs techniques, historiques, écologiques ou géographiques. Pour moi, ce qui était important, c’était ce qui était utile au projet qu’il travaillait. Je me suis rendu compte qu’ils avaient appris, surtout aujourd’hui avec internet, à aller chercher ces connaissances là où il le fallait. Je leur faisais confiance.
Selon les situations de commande, en France ou à l’étranger, nous sommes des architectes de jardin, des planificateurs ou des producteurs de réseaux verts et aquatiques. Dans tous les cas c’est la forme prise par l’espace qui nous est confiée. Le reste, nous savons le sous-traiter à d’autres.
Je pense aujourd’hui que ces savoirs et savoir-faire relèvent plutôt d’une vaste culture générale adaptée à la profession de paysagiste. Certains sont plus utiles que d’autres. Ils sont sans doute nécessaires sinon nos compétences seraient trop liées à l’atelier, sans capacités à s’inscrire dans un contexte de connaissances et un cadre public très variable. En cela, les élèves ne sont pas seulement des apprentis qui apprennent leur métier avec des professionnels. Ce sont des citoyens responsables concernés par la chose publique, sinon politique.
La formation en agence ou bureau d’étude n’est plus celle du XIXe ou du début du XXe siècle. Elle bénéficie aujourd’hui des savoirs existants et de leur transmission dans l’école. Ils sont sans commune mesure avec ceux d’hier. Ce qui oblige les ateliers à se concentrer sur leurs propres compétences : transmettre l’aptitude à projeter avec le maximum d’imagination et de pertinence.
4-Ce que disent les élèves aujourd’hui de leurs ateliers de projets
Depuis au moins l’année scolaire 2014-2015[8], neufs ateliers se succèdent, avec la même progression pédagogique au cours de trois premières années d’étude. L’autre partie de la formation (quatre départements), un peu plus de la moitié des heures, complète en parallèle l’enseignement : en enseignements artistiques, en techniques associées au projet, en sciences humaines et sociales, en écologie appliquée au projet de paysage. La cohérence et la progression de l’ensemble sont indiquées dans le programme pédagogique de l’établissement (diplôme d’État de paysagiste)[9].
Que disent huit étudiants[10]de ces ateliers à la fin de l’année scolaire 2018-19 ?
Première année
L’atelier 1 Relief
«Au début de la première année, l’objectif de cet atelier (en 2014-15) est de donner à l’ensemble d’une promotion les mêmes bases techniques et les outils de travail du relief : topographie, nivellement, terrassement (…) l’approche de la capacité à la création de paysages passe par la transformation du relief »[11].
Quatre ans après, la finalité est la même. L’atelier est encadré par Bruno Tanant et Alix Faucheux.
« Chacun, on devait faire un volume en maquette de carton, en montrant les courbes de niveaux. On était libre, mais un peu désemparé … On regarde ce que fait le voisin, on est aidé, guidé. On travaille ensuite par groupes … on inscrit une trame dans la maquette, on relève les cotes altimétriques, et on se demande comment inscrire une végétation sur ce relief. On réfléchit à un accompagnement sonore, à des photos. On écoute les commentaires des enseignants. Ça nous rassure, mais c’est très conceptuel … ».
L’initiation à l’espace en volume déstabilise les idées toutes faites des étudiants, elle donne une culture commune de la représentation de l’espace en 3D, déjà familière pour les uns, nouvelle pour les autres.
L’atelier 2 Composition
« S’emparer d’un lieu pour le transformer : en 2014-15, l’élève choisit de manière argumentée un lieu dans un périmètre d’étude défini et doit présenter un projet de transformation convaincante. Il expérimente ainsi le processus de projet, les allers et retours entre le site et le projet. D’abord il exprime le lieu choisi, ses qualités et ses hypothèses de transformation, puis il le développe et le communique »[12].
En 2018-19, l’atelier 2 Compositionest dirigé par S. Salles et M. H. Loze.
« D’abord on a fait, seuls, une visite de Versailles, on est en trois groupes avec une carte … on marche en se demandant ce que l’on va capter, garder de la promenade. On fait des photos, des croquis. Qu’est ce qui nous attend ? On ne le sait pas. Puis par groupes, on réalise des cartes sensibles, on nous a expliqué ce que c’était et comment les faire. Elles sont exposées, commentées, discutées. Toujours par groupe, on se met d’accord sur une idée à approfondir, par exemple la théâtralité à Versailles, et sur sa pertinence. Puis chacun émet une idée d’action, avec une esquisse, des mots, une maquette, une coupe. Il n’y a pas de consigne. Chacun puise dans ses possibilités, son savoir (info ou photo)graphique ; certains s’essouflent … »
Dans cette phase, l’étudiant s’auto-initie à la mise en espace d’une intention concrète, selon sa motivation et ses capacités à formuler une organisation d’espace et à communiquer. Les enseignants accompagnent chaque idée et la font progresser.
Atelier 3 Conduire le vivant, le droit à l’erreur
« L’atelier 2014-2015 s’appuie sur les ressources vivantes d’un lieu : plantes, animaux, riverains, usagers. Il s’agit de mettre en relation les différentes compétences nécessaires pour transformer le site, notamment par le jardinage. L’atelier accorde une grande place à l’essai pratique et donne le droit à l’erreur dans le cadre d’un chantier collectif »[13]
En 2019 l’atelier, avec le même intitulé, est dirigé par F. Roumet. Il a lieu à Marseille pendant trois semaines dans la région du canal et des Calanques.
« Il a commencé par un atelier d’arts plastiques (F. Watelier). On a travaillé par groupe de 9, réalisé des cartes sensibles des paysages traversés. On a rendu compte de l’état des lieux, avec des coupes, des croquis, des plans masse, des photos. L’important c’était de poser des questions et de proposer des réponses pratiques de transformation des lieux utilisés par le public. Alors on a coupé, planté, on s’est initié au plessage, on a inventé des mobiliers, cartographié des usages. Et toutes ces idées, un peu expérimentées, on les a exposées à des acteurs locaux qui les ont commentées. Et parfois critiquées si on ne respectait pas la propriété privée. Quand on est remonté à Versailles pour le stage jardinage obligatoire, on a repris individuellement les projets pour les préciser et les formaliser ».
L’initiation empirique à la transformation du milieu vivant, notamment végétal ou social, commence par des expérimentations pratiques dont la pertinence, les intentions et les effets sont discutés avec les enseignants de l’atelier.
Atelier 4 Le jardin manifeste du XXIe siècle
« En 2015, l’atelier Espaces publicsa proposé une étude de projets pour le quartier Masséna à Paris, une promenade suspendue reliant les deux rives de la Seine, dans un contexte de risques liés au dérèglement climatique » N. Gilsoul, responsable.
En 2019, le sujet de l’atelier, toujours dirigé par N. Gilsoul, a changé. Il concernait Le jardin manifeste du XXIe siècle,sur le site du jardin tropical dans le bois de Vincennes.
« On a parcouru le site, réalisé des croquis, des cartes, des coupes, des photos. On a donné notre définition du jardin, de ce qu’il devait être. En fait on a surtout parlé de nous pour dire les idées qu’il devait exprimer. Le manifeste s’appuyait sur les missions d’une ONG, la maison de Sagesse qui s’intéresse aux personnes oubliées et notamment aux enfants, et à la manière de les réintégrer dans la société. Les projets de chacun exprimaient des idées de jardin-manifeste, et disaient comment avec différents matériaux, comme les végétaux, la terre, l’eau, on pouvait exprimer publiquement nos idées en forme de manifeste commun ».
Deuxième année
Atelier 5 Urbanisme paysagiste (initiation)
En 2014, l’atelier 5 portait sur le thème Penser la ville par le paysage[14]« Il s’agissait de créer un quartier à Verneuil sur Seine, en anticipant l’arrivée d’un nouveau quartier d’habitation, en concevant une armature paysagère et donnant un statut aux espaces publics et semi privés, et en proposant des solutions souples de gestion à long terme ».
En 2019, Deux groupes ont travaillé.
1 Le Potager du roi
En raison de l’organisation au Potager du roi, d’une partie de la biennale Architecture et Paysage d’Ile-de-France à Versailles de mai à juillet 2019, un atelier portant sur le devenir du Potager du Roi a été organisé par M. Audouy, F. Roumet et C. Santini. Les projets ont été exposés pendant deux mois.
Les trois carrés (ouest) du Potager du Roi, projet de deuxième année, 2019
« On voulait comprendre comment la vie dans le potager se déroulait. En deux groupes on a enquêté auprès des jardiniers et d’A. Jacobsohn. Ils nous ont raconté et montré les aspects techniques, économiques, sanitaires, les collections de formes fruitières et les changements de gestion du patrimoine en cours. Deux axes thématiques ont été choisis, l’un à l’ouest sur les formes fruitières le long de la rue du maréchal Joffre, l’autre sur l’espace du pavillon des Suisses au jardin le Nôtre pour l’adapter aux événements de la Biennale. On travaillait à la table le lundi et le mardi puis on a fait des rendus, intermédiaires et finaux de projet pour dire ce qui devait être conservé et ce qui pouvait changer. Antoine J. nous a beaucoup aidé ».
2 Penser la ville par le paysage
Sur le site du village olympique de l’ile Saint-Denis, deux groupes ont été constitués, l’un anglophone avec Hélène Stocke et Carole Wimgren, l’autre francophone avec Alice Brauns.
« Le premier était plus collectif, le second plus centré sur les projets individuels. Il s’agissait, sur une ile déjà construite et avec des friches industrielles, de proposer une aire de parc urbain incluant le village olympique et imaginant sa destinée après 2024. On a arpenté le site, réalisé croquis et photos selon des exercices courts, puis on a formulé des intentions de projet en zoomant et dé-zoomant. Il fallait articuler avec l’urbanisation voisine (Saint-Ouen) et penser les structures pérennes du parc. Les uns voulaient ne pas trop changer l’existant, mais c’était difficile à argumenter, les autres projeter un nouvel écoquartier ».
Atelier 6 Paysage et habitat
En 2015, le thème Paysage et habitat, la ville négociéeavait été choisie. Les étudiants étaient invités « à manipuler les conditions préalables (demandes sociales, contraintes techniques …) à la création d’un nouveau quartier pour pouvoir les intégrer, les dépasser et s’en servir pour argumenter un projet de paysage. Sur un site inondable à Neuilly sur Marne, comment définir un programme d’aménagement et, par groupes, élaborer un projet global sur le site à travers plusieurs scénarios pour fédérer plusieurs attentes, puis préciser les qualités apportées à un quartier d’habitat ? »[15].
En 2019, le problème de la ville résilienteaux risques climatiques est envisagé en deux groupes à San Francisco et à Barcelone. (Direction N. Gilsoul, Alexis Faucheux,)
« Pour nous c’était des projets utopiques. On n’allait pas dans ces deux villes. Ça nous dépassait. On s’est mis d’abord en immersion via internet. On a essayé de penser catalan et américain. Quels étaient les enjeux urbains à venir ? Puis on a fait des atlas pour regrouper des thèmes, des images, des cartes de risques, et des collages pour chaque ville. Des axes de projet sont apparus en fonction de scénarios (sur l’augmentation de la pluie et des sécheresses, des tempêtes, de la chaleur). On est passé aux plans à partir des collages avec des pré-rendus et maquettes à échelles libres, et des zooms. Puis on a fait des axonométries en imaginant les réadaptations des villes et de leur littoral : des alternatives cultivées et inondables aux quais du port de San Francisco, des dunes artificielles, des zones tampons …
Avec N. Gilsoul, c’était plutôt une prise de conscience collective, on a fait une BD sur format A0, on voulait dépoldériser le littoral urbanisé … »
Atelier 7 Mutations de la campagne
En 2015 le groupe 1 avec B. Tanant, « posait la question de la périphérie de l’urbain, et de la limite entre la ville, et la campagne, les champs, la forêt. Quelles transitions entre le parc du Sausset, et les forêts de Bondy et de Sevran ? » Le groupe 2 avec Françoise Crémel recherchait « les formes des paysages dans une campagne dénaturée sur le pourtour du parc des Lilas dans le Val de Marne »[16].
Cinq ans après les mêmes thèmes, avec des variantes, sont repris sur des sites différents.
Groupe 1 B. Tanant : Un territoire sous influence métropolitaine : Grenoble et le sud du massif de la Chartreuse
« Pour nous c’est une continuité avec l’atelier 5. On voulait à la fois imaginer un plan de paysage et faire un zoom sur un espace singulier. Pour la phase d’analyse, on est en petits groupes d’abord, en toute liberté ; on n’a pas de consigne, c’est « à vous de voir ». Des rencontres sont organisées avec les acteurs locaux : des agriculteurs, des forestiers de l’ONF, des élus communaux, des agents des deux parcs naturels régionaux (Vercors et Grand-Chartreuse). Ils nous éclairent sur leurs problèmes, on met en commun, on rassemble tout le soir. Devant des habitants du parc, on présente notre diagnostic et on débat sur les questions de pression urbaine sur la campagne, sur l’étalement urbain en cours, les effets du réchauffement climatique, la mobilité … Puis à Versailles, on précise sur des maquettes et des cartes (du 25 000e au 5 000e) le parti pris des projets de chacun et on les argumente à la fin de l’atelier au moment du rendu ».
Groupe 2 F. Crémel : Un Parc dans la ville
« On est allé sur le site. D’abord il fallait traduire notre ressenti, un vrai parcours d’obstacles. Puis on a imaginé un « plateau TV » par groupe de 5 ou 6 avec des journalistes. Quelles catastrophes allaient se produire en lien avec l’organisation du territoire ? Pouvait-on les prévoir ? On a été logiques, mais sans beaucoup tenir compte des conflits potentiels. Un rendu classique a été fait puis on a eu une semaine pour produire des vidéos individuelles. Certains messages finaux semblaient désabusés, peut-être de l’inquiétude due à la difficulté de prévoir les risques locaux »
Les deux groupes ont travaillé différemment. Le groupe 1 était plus préoccupé par l’inscription formelle du projet (des lignes, des axes, des diagonales …), la définition d’un dispositif spatial et la cohérence entre les échelles dans les territoires périurbains. Le groupe 2 se fondait plus sur les émotions suscitées par le site et le débat public pour produire un projet et surtout le communiquer.
Troisième année
En 2015, deux ateliers étaient organisés. Pour introduire l’atelier 9 « Grand Urbain », G. Vexlard[17]écrivait: « L’atelier 9 pose la question du renouvellement de la pensée métropolitaine par le paysage, présente de nouvelles formes métropolitaines, dessine les lieux d’accueil pour une urbanisation maitrisée. La prospective spatiale est formelle, dimensionnée et constructive, maitrisée, convaincante …
L’atelier « Grand Rural » était encadré par le paysagiste S. Tischer. « Cet atelier vise à répondre aux grandes questions posées à la fois sur le site en tant que territoire géographique, biologique et humain, et à développer une programmation pertinente. La dimension utopique est souhaitée, quitte à réajuster avec les réalités économiques et sociales. Une attitude de projet d’organisation de l’espace est attendue de l’échelle du 1/20 000e au 1/200e. Le territoire de Melun dans un rayon de 20 km a été choisi. »[18]
En 2019, en raison de l’application (tardive, 20 ans après la directive européenne) de la réforme LMD, l’atelier « Grand rural » a été supprimé. Si bien que le temps de l’année scolaire est réparti entre trois activités. De septembre à janvier, un atelier « Grand territoire urbain »dirigé par Marion Talagrand qui participait à l’encadrement de l’atelier de 2015 ; la préparation du mémoire de troisième et dernière annéede septembre à juin, et de février à juillet le projet de travail personnel de fin d’étude, vestige du lointain concours en loge abandonné en 1985.
Trois étudiantes[19]témoignent de leur année scolaire en juin 2019.
« Le territoire de l’atelier c’était la vallée de l’Orge entre Orly et Arpajon. On était organisé en quatre groupes à géométrie variable. D’abord un collectif d’analyse à deux pour choisir un thème parmi un éventail possible de cartographies et d’informations. On a pris l’alimentation (Marine), les transports collectifs dans le tissu urbain (Clémence) ou les conséquences du Grand Paris sur le territoire jusqu’au plateau de Saclay (emplois, mobilité, urbanisation …) pour Meyris.
Puis dans un deuxième temps à quatre on a spatialisé et problématisé sur des plans et maquettes : la trame verte, le bord de l’eau pour Marine, les tracés et permanences forestières, aquatiques, agricoles, historiques et routières (Clémence), les modes d’urbanisation le long de l’Orge (Meyris).
Dans un troisième temps, on a développé un thème territorial avec des plans et maquettes : les grands axes forestiers (Marine), les lieux et tracés historiques singuliers (moulins…) le long de la RN20 et les flux qui les traversent (Clémence) ou le rôle du parc naturel régional de Chevreuse pour la qualité de l’habitat (Meyris).
Et pour finir on a fait individuellement un zoom sur un secteur particulier : greffer les villages et les zones activités sur la trame boisée et agricole en limitant l’étalement urbain (Marine), réorganiser l’urbain sur des thématiques transversales à la RN20 (Clémence) et un cheminement de Orly à Longjumeau (Meyris) ».
Parallèlement les étudiantes se sont consacrées à leur mémoire, organisé avec un rendu intermédiaire en février et un rendu final en juin, et guidé par les encadrants. Avec au choix un parcours artistique (« 9 mois pour une BD » situé dans les paysages du Mont d’Arrée pour Marine, ou plus classique : une cabane dans les délaissé urbains et un sentier dans l’Ardèche rurale pour les deux autres.
Les TPFE (travaux personnels de fin d’études)étaient organisés selon trois thématiques : l’urbain (avec M. Talagrand), la nature en ville (S. Salles), la déshérence et le risque (B. Tanant). Etaient en cours de finalisation trois sujets de TPFE pour les trois étudiantes, « les inondations dans le Grand Morlaix », « un belvédère sur les paysages des sources de l’Allier », et un projet pour une prairie communautaire.
Alors que la fin de leurs études s’approchait, les trois étudiantes reconnaissaient l’acquis de trois apprentissages essentiels dans leur parcours de formation : la complexité des processus spatiaux et les choix nécessaires pour agir dans des contextes incertains, la maîtrise (relative) du passage entre les échelles spatiales et diachroniques du projet de paysage, et la compétence projectuelle qu’offrent le dessin et la maquette.
En bref
145 ans après sa création, le mode de formation des paysagistes comme concepteurs de projets a-t-il changé dans le site du Potager du roi ?
Depuis 1873, la formation à l’ENH durait trois ans après un recrutement à l’âge de 16-18 ans. Le domaine de l’architecture des jardins était une partie de l’enseignement graphique, technique, puis scientifique qui était donnée à tous les jardiniers devenus ensuite ingénieurs horticoles. Mais, très réduite et peu heuristique, cette formation aux métiers de l’horticulture exigeait, comme pour les autres spécialités, un complément d’expérience professionnelle sanctionnée par le concours en loge qui attribuait ensuite le titre de paysagiste. Le modèle dominant de l’ingénieur a, de fait, éloigné la formation versaillaise de celle de l’architecte à l’école des Beaux-Arts. Si bien que, pour pallier ce déficit, l’enseignement d’atelier de projet a été introduit en 1946 dans la section du paysage et de l’art des jardins de l’ENH. Elle a permis de fonder l’ENSP en 1976 en privilégiant l’aptitude à la conception des projets de paysage.
En 2019, la formation des paysagistes concepteurs à l’ENSP de Versailles dure toujours trois ans mais après un recrutement à l’âge de 20 à 21 ans (Bac + 2 ans). Elle est répartie de manière à peu près égale entre des pédagogies d’ateliers de projets et des enseignements artistiques, techniques et scientifiques. Le modèle dominant est celui de la formation donnée dans les écoles d’architecture, mais avec des finalités professionnelles distinctes : l’aptitude à la conception du projet de paysage et à sa mise en œuvre. Les paysagistes concepteurs ont ainsi conquis des parts du marché des projets urbains et de territoire, mais se sont éloignés considérablement des compétences gestionnaires de parcs et de jardins de l’ingénieur paysagiste, comme de celles des jardins privés.
Individuelle et collective, la démarche de formation à la conception des projets, devenue heuristique, n’a pas fondamentalement changé dans son principe depuis cinquante ans, même si elle a été considérablement développée à 4 puis 3 ans. Cependant, les finalités du métier ne sont plus les mêmes : le parc et le jardin public ou privé il y a cent ans, l’espace vert urbain il y a 60 ans, l’espace public urbain et l’organisation spatiale des territoires aujourd’hui.
Cette fresque est certes superficielle. Il faudrait approfondir de nombreux autres aspects de la formation. Par exemple regarder de près l’enseignement des différentes disciplines et leurs relations à l’atelier, et se demander comment le rôle de l’enseignant -en atelier ou non- a considérablement évolué en un siècle.
Pierre Donadieu
Version du 5 septembre 2019
[1]Les propos cités sont extraits de la conférence organisée à l’ENSP de Versailles le 4 mai 2019 par A. Chemetoff à l’occasion de la première Biennale d’architecture et de paysage de l’Ile-de-France à Versailles.
[2]Cuscute : petite plante parasite de la luzerne… surnom utilisé à l’ENH pour désigner les élèves en cours préparatoire au concours d’entrée à la Section.
[3]Entretien avec Y. Luginbühl et P. Donadieu le 9 mai 2019.
[4]A. Vigny, Jacques Sgard, paysagiste et urbaniste, Liège, Mardaga, 1995, p. 11.
[5]Voir Y. Luginbühl et P. Dauvergne, « Vers une histoire du CNERP », in Histoire et Mémoire, Topia, 2019
[6]Voir Chapitre 11,Les paysagistes et l’ENH de Versailles, in Histoire et mémoire, Topia, 2019
[7]https://issuu.com/bozines/docs/corajoud__lettre_aux_e_tudiants_485273588ec6ab
[8]Les projets des ateliers 2014-2015 https://issuu.com/enspdepartementduprojet/docs/projets_2014_2015_light_relecture2
servent de référence à une comparaison avec ceux de 2018-19 qui ont été évoqués par les étudiants en 2019 (entretiens du 21 mai 2019 avec 5 élèves de 1ère et deuxième années, et du 15 juin de la même année avec trois étudiantes de 3ème année.
[9]http://www.ecole-paysage.fr/media/formation_paysagiste/UPL2046595388436342347_programme_pe__dagogique_DEP_sans_ente__te_et_pied_de_page_2.pdf
[10]En première année : Anouchka Pissot, Philomène Muir, Laly Pagliero ; en seconde année Léo-Paul Cosson, Thibault Trameson.
[11]Enseignants : G. Vexlard, MH Loze, C. Bigot, P. Buisson
[12]Enseignants . MH Loze, S. Keravel, T. Boucher, Laurence Krémel, A. Quenardel, avec les interventions de O. Marty et A. Pernet.
[13]Enseignants : François Roumet, P. Frileux, R. Bocquet, C. Denis, O. Gonin …
[14]Enseignants : K. Helms, A. Brauns, C. Alliod, Sabrina Hiridjee …
[15]Enseignants : Alice Brauns, N. Gilsoul, T. de Metz, A. Faucheux, et divers intervenants hydrologue, géologue, paysagiste, programmiste
[16]Enseignants : B. Tanant, L. Pinon, C. Traband, T. Francoual, etc. / F. Crémel, A Demerlé-Got, D. Antony, J.-P. Teyssier …
[17]Enseignants : G. Vexlard, C. Bigot, Y. Salliot, C. Dard…
[18]Enseignants : S. Tischer, M. Talagrand, S. Keravel, R. Turquin, G. Georgi, A. Calyx, C. Nancey …
[19]Myris Coubert, Clémence Dubois, et Marine Guicheteau.