Densifier par l’habitat collectif

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Communication à l’occasion du colloque IDEP 2016 (L’interdisciplinarité dans les études du politique)

16-09-2016

Marne-la-Vallée

 

Densifier par l’habitat collectif :

quelle gouvernance pour favoriser la qualité urbaine et architecturale ?

Le cas des centres bourgs périurbains franciliens

 

« Après avoir été considérée comme une source des plus graves pathologies urbaines, la densité apparaît aujourd’hui comme un antidote à la crise environnementale et comme un idéal pour les villes » (Touati 2010 : 26). Progressivement, la densification est devenue un objectif des politiques publiques.

Mon analyse s’intéresse à la densification par la construction ou à la réhabilitation d’immeubles collectifs dans les centres-bourgs périurbains francilien, c’est-à-dire dans les communes de lointaine couronne parisienne ayant entre 500 et 6000 habitants et qui ont conservé des fonctions de centralité. Si ces communes ont historiquement des formes classiques d’habitat collectif, comme des maisons de ville divisées ou des petits immeubles, depuis les années 1960, avec la périurbanisation, ces communes rurales se sont essentiellement développées au travers de maisons individuelles en rupture des bourgs (Bauer et Roux 1976) (Berger 2004). Or, ce modèle n’est plus considéré comme souhaitable, d’une part parce qu’il conduit à l’urbanisation des terres agricoles (Derycke 1974) (Fouchier 2001), mais aussi parce qu’il encourage des déplacements automobiles (Newman et Kenworthy 1999).

L’étude des conditions de la production de logements collectifs dans les centres est fondamentale : ceux-ci constituent une part non négligeable de la production de logement, tout en répondant à un besoin social important de diversification du parc de logement, en lien avec le desserrement des ménages et le vieillissement des populations (Aragau et al. 2011). Accueillir davantage de population en centre-bourg permet également de conforter ces centralités commerciales fragiles (Aragau 2008). Enfin, ces projets de densification représentent un microcosme des interactions qu’on retrouve dans de plus gros projets, en termes de relation entre les acteurs, tout en concentrant des tensions sociales importantes.

J’analyserai ici comment la mobilisation de différents niveaux d’acteurs et l’interdisciplinarité que nécessitent les opérations de densification en milieu périurbain sont créateurs de qualité urbaine et architecturale.

Pour cela, dans un premier temps j’étudierais le rôle de la gouvernance multiniveau, soutien de la politique de densification, avant de montrer que la densification nécessite des pratiques interdisciplinaires pour être qualitative.

 

I. La gouvernance multiniveaux soutien de la politique de densification

La densification est devenue un objectif des politiques publiques (Anastasia Touati 2010), ce qui s’est traduit par le biais de la loi ALUR (Accès au Logement et à un Urbanisme Rénové, 2014) qui l’impose aux communes ainsi que par la loi SRU (solidarité et au renouvellement urbains, 2000) qui rend obligatoire la construction de logement social sur certaines d’entre-elles. Ces objectifs sont déclinés au niveau de la Région, par le biais de son schéma directeur (SDRIF). Mais malgré l’incitation forte de ces deux niveaux de gouvernance, ces objectifs sont souvent rejetés localement par les populations en place et par les élus, sensibles aux pressions de leurs électeurs. A ces freins, il faut ajouter que les projets de densification sont souvent complexes et coûteux (Castel 2011), et qu’ils s’avèrent peu rentables pour les promoteurs et les bailleurs sociaux qui boudent les territoires périurbains (Maurice 2014), ou bien y proposent des projets peu qualitatifs.

Pour remédier à ces problématiques, différents acteurs interviennent en soutien des politiques de densification.

 

1. Une multiplicité d’acteurs et d’intervenants

Nous n’étudierons pas seulement les acteurs publics de la gouvernance, mais nous questionnerons également l’intervention des acteurs privés.

a. Des intervenants spécifiques en milieu rural

Puisqu’il est difficile de mobiliser des acteurs pour construire dans les bourgs périurbains franciliens, une filière spécifique d’acteurs s’est constituée pour répondre – en partie – aux besoins en ce milieu.

Les acteurs qui interviennent ne sont pas les mêmes qu’en milieu urbain (Trouillard 2014). Dans le cadre de la promotion privée, si l’on trouve tout de même des acteurs d’envergure nationale comme Nexity, Bouygues ou Kaufman (Pollard 2007), c’est assez rare au cœur des bourgs, car ils privilégient des opérations de plus grande envergure, moins complexes, le plus souvent en extension. Dans les centres-bourgs, on trouve davantage des promoteurs de plus petite dimension, qui réalisent peu d’opérations et ou qui sont spécialisés sur un territoire, ou sur un type de produit (la réhabilitation lourde, la promotion immobilière haut de gamme, par exemple). On peut également y trouver des particuliers, non professionnels de l’immobilier, qui réalisent des indivisions ou de toutes petites opérations de logements collectif (Maurice 2014).

En termes de logement social, on trouve des bailleurs nationaux comme Logement Français ou Immobilière 3f dans les territoires périurbains, même si beaucoup d’opérations sont réalisées par des bailleurs départementaux. Là aussi, l’ancrage local est extrêmement important. Les départements disposent souvent d’un bailleur social départemental comme l’OPH 77, Essonne Habitat, Val d’Oise Habitat. Ce sont autant d’interlocuteurs privilégiés sur les communes rurales et périurbaines, car, même si les opérations qu’ils portent doivent être équilibrées, l’objectif de rentabilité est moindre que pour des bailleurs privés, et, comme ils ont des liens politiques importants avec le département, il est plus aisé de les faire intervenir sur des sites moins attractifs.

Enfin, il y a, souvent, un lien entre l’élu et les autres acteurs en place, qui fait qu’une maîtrise d’ouvrage déjà implantée va avoir tendance à réaliser plusieurs opérations sur place (Dupuy 2010). La bonne connaissance et la bonne entente entre les acteurs est donc un levier pour l’obtention de marchés.

b. Des ingénieries renforcées pour pallier au manque de ressources des communes périurbaines ou rurales

Malgré ce réseau d’acteurs spécifique, le manque d’effectifs et de compétences diversifiées rend difficile le portage de projets complexes par la commune. En effet, rares sont les bourgs périurbains qui ont une personne chargée de l’urbanisme dans la commune : le plus souvent c’est le directeur des services techniques qui en est également responsable. Cela pourrait être un problème si, pour pallier au manque de moyens dans ces communes, les structures publiques n’avaient pas orienté leurs actions vers l’aide à l’ingénierie périurbaine.

Pour pallier à la difficulté de trouver des acteurs acceptant de porter des projets de construction, certains acteurs territoriaux se sont spécialisés dans la mise en réseau, notamment en incitant les bailleurs départementaux à intervenir en milieu périurbain. Les Parcs naturels régionaux (PNR), pour les communes qui en sont dotées, tentent ainsi de mettre en réseau bailleurs sociaux et communes, notamment à travers la thématique du logement social multi-site, qui vise à créer plusieurs plots de logements sur une ou plusieurs communes proches dans l’optique de rationaliser les coûts. Au-delà, le département des Yvelines a créé une agence dédiée à la création de logements sociaux dans le milieu rural. Il s’agit de l’Agence IngenierY, l’agence départementale d’aide aux communes rurales, qui a signé un protocole avec trois bailleurs sociaux nationaux avec l’objectif de réaliser 220 logements sociaux en milieu rural et en petites unités, dans les bourgs et leurs abords entre 2015 et 2017. L’agence met en relation bailleurs et collectivités puis apporte des financements complémentaires (issus du Conseil Général), qui permettent d’équilibrer les opérations de construction ou de rénovation.

L’apport peut également être en termes d’ingénierie. Certaines structures publiques ou associatives ont un rôle de conseil et de support auprès des collectivités, comme les PNR, qui disposent d’une expertise et appuient et soutiennent les communes dans leurs démarches urbaines, de l’élaboration d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) au portage de projets de logements collectif, en passant par la sélection des promoteurs et des bailleurs. Ils visent à améliorer la qualité des projets, par exemple en conseillant un changement de site d’implantation pour un projet de construction sur un site plus adapté, ou par des reprises de modénatures de façade sur un projet de construction neuve. De même, les CAUE, conseils en architecture, urbanisme et environnement, sont des structures implantées dans chaque département qui, sur sollicitation des communes ou des particuliers peuvent aider à améliorer la qualité urbaine et architecturale des projets, par des conseils architecturaux.

Ainsi, aux niveaux de gouvernance traditionnellement étudiés (Etat, région, commune) (Christiansen et Centre 1996), s’ajoutent des structures publiques de niveau intermédiaire comme les PNR, les CAUE, les départements… Cet état des lieux quelque peu idéal ne doit pas pourtant cacher des disparités fortes d’une commune à une autre. Certaines ne se saisissent pas des possibilités de conseil pour des raisons politiques ou par méconnaissances de ces structures, ce qui se traduit par des situations contrastées. 

c. Multiplier les niveaux d’acteurs : multiplier les financements ?

Le manque de ressource n’est pas seulement technique, il est également financier. Les communes peuvent ainsi être amenées à multiplier les acteurs intervenants dans l’espoir de multiplier les participations financières, afin d’équilibrer le budget des programmes de densification.

Les communes ayant peu de ressources financières, elles ne peuvent porter ces opérations en interne ni préempter le foncier. Pour cela, elles recourent à un acteur extérieur, l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France. Il intervient à la demande des communes en maitrise foncière, en achetant temporairement le site en question, qui sera par la suite rétrocédé à l’aménageur. Propriétaire – indirectement – du terrain, la commune est ainsi davantage en mesure d’imposer ses conditions aux aménageurs (Maurice 2014).

Mais les communes vont également tâcher de trouver des subventions, notamment par le biais des PNR qui peuvent être amenés à financer des études pour leurs communes membres, afin d’améliorer la qualité d’un projet, ou de pousser davantage les études préalables, si les premières études s’avèrent peu satisfaisantes. Certains parcs peuvent également participer financièrement à la construction de logements, par le biais d’enveloppes complémentaires.

Enfin, par la réponse ponctuelle à des appels à projets, les communes peuvent obtenir des fonds supplémentaires pour réaliser du logement et obtenir un surplus de qualité. Ainsi, Bouray-sur-Juine, commune de 2000 habitants dans l’Essonne, a tout d’abord remporté un appel à projet urbanisme durable organisé par le PNR du Gâtinais, finançant entièrement une étude sur la réhabilitation d’un presbytère et la construction d’un bâtiment neuf. Puis, la commune a remporté l’appel à projet TEPCV (territoire à énergie positive pour la croissance verte), apportant des financements à hauteur de 100000€ pour financer les rénovations énergétiques. Enfin, au sein d’un territoire LEADER, le projet pourra également bénéficier de financements européens pour l’utilisation de matériaux biosourcés. S’y ajoutent les aides du département pour le financement du logement social. Le projet bénéficie ainsi de quatre financements différents, auquel s’ajoutent des aides de la commune, pour un programme de 6 logements, aux prestations thermiques exceptionnelles et dont le coût est estimé à près d’un million d’euros (hors prix du foncier).

Par des aides financières complémentaires, un apport temporaire de fonds, des prestations techniques ou de la mise en réseau, une partie du service public intervient pour pallier au manque de compétence des communes rurales francilienne, ce qui n’est pas sans poser des problèmes en matière de gouvernance.

d. Des compétences mélangées, quand le public et le privé s’enchevêtrent

Au vu de l’importance que prend le secteur public dans ces territoires, il peut parfois se suppléer au privé pour les études ou la maîtrise d’œuvre. Le cas le plus flagrant est celui des PNR. Nous l’avons vu, ils peuvent être amenés à financer des études complémentaires ou à intervenir au cours d’un projet en cours d’élaboration jugé insatisfaisant, mais ils peuvent également remplacer les entreprises privées en réalisant des études en interne pour les communes. Ils sortent alors de leur rôle de conseil, pour endosser celui de prestataire. En complétant les bureaux d’études privés parfois défaillant, les PNR interviennent pour la qualité urbaine et architecturale des opérations de densification et permettent de remédier à l’absence de ces compétences chez les acteurs traditionnellement en place (commune, bureau d’étude, promoteurs). Cela n’est pas sans générer des crispations chez les acteurs privés, reprochant aux PNR et aux CAUE d’empiéter sur leurs secteurs de travail1, en évitant le recours à des prestataires extérieurs privés. Les syndicats du secteur dénoncent la prédominance de l’ingénierie publique, au dépend de l’ingénierie privée.

Si des structures publiques peuvent se suppléer au privé, au-delà, des communes peuvent également endosser le rôle des bailleurs sociaux afin de porter et de gérer des logements. Pour les communes, c’est un moyen d’éviter les intermédiaires, mais cela leur permet également de parler de logements communaux plutôt que sociaux, d’où une meilleure acceptation des électeurs. Enfin, cela permet la construction de logements sociaux là où des bailleurs ne souhaitent pas intervenir, en petite quantité. La complexité à porter une opération de réhabilitation lourde ou de construction neuve pour un acteur non expérimenté peut pour autant occasionner des risques financiers pour la commune, notamment lorsque la maîtrise d’œuvre fait défaut.

Si les objectifs politiques s’imbriquent, mobilisant tous les niveaux de gouvernances, les compétences et les champs d’intervention sont également mêlés, entre des acteurs publics aux rôles parfois similaires, ou entre les acteurs publics et privés concurrents, générant parfois des tensions. Au final, l’ensemble des intervenants produit un système de gouvernance complexe et lourd à porter – surtout pour des programmes qui ne font parfois pas plus d’une dizaine de logements. Dans les faits, l’ensemble des acteurs ne sont pas toujours impliqués; ils ont une bonne connaissance les uns des autres, et travaillent ensemble sur des projets de longue haleine, ce qui permet de remédier à la complexité initiale de ces montages, même si les délais de production de logement s’en trouvent parfois rallongés.

 

2. De simple approbateur à démarcheur, le positionnement des élus locaux : typologie de la gouvernance

Si tous les niveaux supérieurs de gouvernance incitent à densifier, pour autant c’est toujours le niveau local, le maire, qui détient la compétence urbanisme et qui est le premier responsable de la politique urbaine communale, donc de la densification. La typologie suivante souligne les différentes façons des élus de s’approprier cette problématique complexe.

a. Le rejet de l’habitat collectif, les communes NIMBY :

Il s’agit des communes qui ne construisent pas d’habitat collectif. Ce rejet peut être du fait des élus, parce que les communes sont dans une logique de rétention foncière. On parle alors de commune malthusienne (Charmes 2007). Les documents d’urbanisme sont ici élaborés dans un souci d’empêcher toute densification, par tous les biais juridiques possibles.

Mais le rejet peut également venir des habitants qui s’expriment par des pétitions, un vote protestataire voire en attaquant le permis de construire. Ce type de posture, relevant du « syndrome NIMBY » (Brion 1991) peut contribuer à un abandon des projets de logement, mais aussi à un changement municipal, allant dans un sens plus malthusien.

b. La gouvernance défaillante :

Le second type est composé de communes qui ne sont pas opposées à la construction de logements, mais qui peinent à porter des projets. Cela peut être lié à une difficulté à se saisir de projets stratégiques, les conduisant ainsi à laisser l’initiative des projets aux acteurs privés. La densification n’est pas liée à une amélioration de la qualité de vie pour les habitants, et se résume simplement à l’ajout d’une construction dont la qualité est souvent médiocre. On rejoint alors un schéma traditionnel où le promoteur est le chef d’orchestre, à l’initiative et détenant les tenants et aboutissants des programmes (Callen 2011).

La défaillance peut également être liée à une difficulté à attirer les acteurs sur le territoire, voire à trouver un équilibre économique pour réaliser un projet conduisant à son abandon.

Il s’agit souvent de communes hors PNR ne bénéficiant pas de soutien complémentaire, et qui peinent à intervenir, et où le déficit d’ingénierie périurbaine est important (Bonnet 2015).

c. Les communes carencées, obligées de construire :

Il s’agit des communes légalement contraintes de construire du logement social. En effet, la loi SRU impose aux communes de plus de 1500 habitants en IDF (3500 habitants hors IDF) appartenant à un EPCI ou à une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants d’avoir 25% de logements sociaux, sous peines de sanctions, allant de la retenue financière au retrait des compétences en urbanisme du maire, alors confiées au préfet (SRU 2000). Pour rattraper leur retard en construction sans risquer ces pénalités, elles sont donc contraintes de construire, rapidement, parfois plusieurs centaines de logements dans des communes de quelques milliers d’habitants.

La question qui se pose est celle des conditions de la densification : à force de devoir construire massivement, le travail dans la dentelle nécessaire pour réaliser des projets de qualité n’est pas possible. Les projets qui sortent sont donc bien souvent de piètre qualité, accentuant le rejet par les populations en place. La difficulté pour les élus est alors de les rassurer.

d. Des communes motrices qui développent des projets innovants

Le dernier type regroupe les communes convaincues de l’intérêt de la densification, et qui pensent qu’en la maîtrisant, on peut apporter de la qualité de vie à l’ensemble de la commune. Elles vont donc mobiliser un ensemble important d’acteurs pour permettre à leurs projets de voir le jour.

Dans ce cadre, les élus sont amenés à adopter un rôle très actif, en démarchant les bailleurs sociaux pour qu’ils acceptent de construire sur le territoire communal, ou bien en participant à des appels à projet et à des concours pour obtenir des financements complémentaires.

Pour rassurer les électeurs, elles peuvent développer des formes plus rassurantes de montage d’opération (baux à rénover, baux emphytéotiques) afin de conserver la maitrise du foncier.

Parfois, la politique de logement social ou de densification peut être tellement assumée qu’elle devient un objectif communal incarnant des valeurs positives pour les habitants : la construction de logements sociaux pouvant être vu comme le moyen de loger les jeunes ou les personnes âgées de la commune sur place, quand la densification peut être utilisée comme le moyen de rénover des fermes en centre-bourg ou de créer des commerces. A l’inverse des situations où la gouvernance est défaillante, là, l’élu est au cœur du jeu d’acteurs pour la production.

Cette typologie souligne combien des situations locales peuvent être différentes des politiques choisies par les élus, mais elle souligne également que c’est la capacité des communes à mobiliser et s’appuyer sur des niveaux et des réseaux d’acteurs différents qui permet la réalisation de projets de densification.

 

II] L’interdisciplinarité, indispensable pour une densification qualitative.

Il peut sembler paradoxal de parler d’interdisciplinarité pour aborder les champs de l’architecture et de l’urbanisme. Pour autant, ces champs souffrent d’une méconnaissance (Epron 1981) liée aussi bien à un manque d’éducation à ce champ culturel, qu’à une faible expertise du grand public en ces domaines. Or, construire passe par des acteurs qui ne sont pas des spécialistes de l’architecture et de l’urbanisme. Dès lors, il convient de se demander quelles autres disciplines doivent être convoquées pour en parler.

1. La difficulté à constituer un vocabulaire commun : l’interdisciplinarité au service de la densification.

La difficulté de l’interdisciplinarité repose en grande partie dans la difficulté à trouver un langage commun (Martouzet 2012). Pourtant, ici, la problématique me semble inversée : l’interdisciplinarité est à mon sens ce qui permet de constituer un vocabulaire commun, par un travail sur le langage utilisé et sur les méthodes de représentation. Les acteurs portent alors une réflexion importante afin de savoir comment se faire comprendre par des acteurs de domaines différents.

a. Quel langage utiliser : des mots à proscrire

L’important est ainsi de trouver un vocabulaire consensuel et partagé. Les structures accompagnatrices ont fait le constat de mots tabous pour les élus ou pour les habitants, qu’il faut éviter afin de pouvoir densifier. L’exemple le plus fréquemment donné est celui de « logement social ». Si ces tabous ne sont pas tous les mêmes et que les acteurs interrogés notent une certaine amélioration dans la façon de le considérer, ils expliquent que pour produire du logement, ils sont régulièrement amenés à utiliser des euphémismes. Ils parleront ainsi de « logement aidé », ou de « logements communaux », afin d’éviter d’utiliser le terme logement social qui effraye tant. Pourtant, il s’agit peu ou prou de la même chose, mais ces périphrases évitent de convoquer des images stigmatisantes. De même les termes « immeuble », « densification », « contemporain », voire parfois les termes « logement collectif » peuvent provoquer des crispations. Les élus et les habitants n’y sont pas pour autant intrinsèquement opposés, mais ils s’en méfient, rendant nécessaire le recours à d’autres termes.

b. Sensibiliser à la densification

Au-delà du développement d’un vocabulaire commun, pour densifier, il est aussi nécessaire de convaincre l’ensemble des acteurs du bien-fondé de la démarche. Un gros travail a été réalisé par les PNR et les CAUE sur la question de la densité. La densité est souvent mal ressentie (Amphoux 2003) (Fouchier 1998) : les formes urbaines perçues comme étant les plus denses (barres ou tour HLM) étant moins denses en réalité que les centres-bourgs.

Il s’agit alors de parvenir à sensibiliser les élus à ces phénomènes de perception visuelle, afin qu’ils puissent autoriser davantage de logements qui soient mieux intégrés au bourg. Les PNR, CAUE et autres agences s’y attachent, dans le cadre de leur rôle de sensibilisation, notamment en présentant des benchmarks, des cahiers de références sur la densité, afin de souligner que l’on peut faire dense sans que cette densité ne soit lisible.

Il en va de même pour l’architecture contemporaine : le rejet de l’architecture moderne traduit souvent un rejet du grand ensemble, auquel elle est assimilée (Donzelot 2009). Afin de montrer que celle-ci peut être qualitative et de sortir des représentations stéréotypées, le PNR de Chevreuse a ainsi organisé une exposition sur l’architecture contemporaine en milieu rural, soulignant que celle-ci peut être discrète et qualitative, pendant que le PNR du gâtinais organisait des visites sur site et des conférences. En y conviant les élus, les promoteurs et l’ensemble des acteurs territoriaux, parfois les habitants, ces initiatives ont pour objectif de constituer une culture commune et une compréhension mutuelle, en présentant à la fois des enjeux de la densification et ses qualités concrètes.

Pour parvenir à dialoguer sur la nature des projets de construction, il faut avant tout tacher de constituer un vocabulaire commun entre tous les acteurs, ce qui passe par de la pédagogie et de la sensibilisation, mais également par des capacités de communication. Pour cela, en dehors de leurs métiers premiers d’urbanistes et d’architectes les structures accompagnatrices se font parfois guides touristiques, organisateurs d’expositions, éditeurs d’ouvrages… Divers savoir-faire, et au-delà diverses compétences disciplinaires doivent être mobilisés à cette fin, tant dans l’analyse des situations locales problématiques que dans leur résolution : sociologie, urbanisme, économie, droit, communication, design, aménagement, architecture…

 

2. L’interdisciplinarité : garantie de la qualité urbaine et architecturale ?

Si l’interdisciplinarité est nécessaire pour constituer un vocabulaire commun et réussir à parler de densification et d’architecture, elle l’est encore davantage pour garantir la qualité des opérations de densification. 

a. L’importance des équipes interdisciplinaires pour des projets de qualité.

L’important de l’interdisciplinarité intervient dès l’amont des projets, au stade de l’élaboration des PLU. Les bureaux d’études sont composés d’équipes trop souvent mono-disciplinaires, pour des travaux qui demandent d’allier plusieurs cultures professionnelles. Par exemple, les OAP (orientations prioritaires d’aménagement) sont obligatoires et permettent de définir sur certains secteurs un règlement très précis, quasiment un projet, qui sera par la suite opposable. Mais, faute de moyens, elles sont souvent réalisées par des urbanistes dont ce n’est pas le métier et qui peinent à réaliser des OAP de bonne qualité, rendant in fine médiocre le projet qui en résulte.

A l’inverse, des équipes interdisciplinaires sont capables, par alliance des compétences, de débusquer le « génie du lieu », là où se tiendra l’âme du projet et là où il tirera par la suite ses qualités, que ce soit par la conservation d’arbres emblématiques (paysagistes, ou écologues), par une meilleure préconisation d’orientation (ingénieur), par la conservation d’éléments de décor, la réutilisation de certaines modénatures (architecte). La qualité du projet résulte essentiellement de la qualité des orientations données, et donc rend nécessaire une interdisciplinarité dès les phases études. C’est ce qui explique que les équipes interdisciplinaires des PNR interviennent régulièrement pendant l’élaboration de PLU sur leurs communes membres pour refaire des OAP. Quid des communes qui n’en font pas partie ?

b. Favoriser le compromis

L’interdisciplinarité permet de sortir de ses logiques personnelles pour comprendre les positions des autres, et les intégrer de bout en bout.

Un projet de qualité n’émerge que s’il y a eu interdisciplinarité, si, par allers-retours itératifs, chacun des acteurs a pu entendre la logique de l’autre. Ainsi, la qualité ne pourra se faire que si l’élu comprend les contraintes économiques du bailleur social et accepte la création de quelques logements supplémentaires pour équilibrer son opération. Le bailleur comprend les pressions politiques et sociales auxquelles sont confrontés les élus et reverra à la baisse le nombre de logement qu’il exigeait initialement, pour finalement trouver un compromis entre leurs deux positions. L’architecte des Bâtiments de France, devant les contraintes économiques des projets acceptera de renoncer à des volets bois, ou bien, devant l’engouement architectural pour le bardage bois fera une exception, pendant que l’architecte se concertera avec les habitants au long du projet et communiquera ses avancées.

Réaliser un projet de qualité exige donc que chacune des parties prenantes sorte de son rôle premier pour comprendre les logiques des autres acteurs et trouver des compromis. Les réunions où participent l’ensemble des parties prenantes sont fondamentales pour réussir à parvenir à ce dialogue, bien que certains acteurs puissent en dénoncer la lourdeur, du fait d’un nombre trop important de parties prenantes.

S’il est vrai que bien souvent, dans les négociations, l’un des acteurs finit par dominer les négociations et imposer ses vues, lorsque les démarches sont accompagnées par des équipes interdisciplinaires assurant le suivi de l’opération, alors la qualité peut être au rendez-vous.

En rendant possible le dialogue et les échanges, et en favorisant la qualité architecturale, paysagère et urbaine, l’interdisciplinarité est indispensable pour la réalisation d’opérations de densification en centre-bourg périurbain qualitative. Pour autant, faute de moyens financiers, de ressources humaines et d’une ingénierie suffisante, la qualité est rarement au rendez-vous. La piètre qualité des constructions de logement – collectif ou individuel – dans les petites communes suffit à le constater.

 

Conclusion

La densification est un objectif des politiques publiques imposé par l’Etat et la Région aux communes. Toutes n’y sont pas favorables, et elles réagissent différemment à ces incitations ou obligations.

Au final, les projets de l’architecture du quotidien en France mobilisent un nombre important d’acteurs, que ce soit pour assurer un portage financier ou pour assurer une certaine ingénierie. Si cette multitude d’acteurs rend plus lourde la gouvernance, générant des délais de réalisation, elle permet également d’assurer la qualité des projets, si elle est bien accompagnée par des équipes support interdisciplinaires.

Mais ces équipes, comme celles des PNR, ne sont pas présentes partout sur les territoires, beaucoup de communes ayant des moyens limités et peinant à faire du projet de qualité, faute d’une ingénierie périurbaine efficace. En résulte alors une incapacité à réaliser des projets en densification, ou bien des constructions médiocres. Ainsi, bien qu’essentiels pour la qualité urbaine et architecturale, l’interdisciplinarité et les démarches multi-acteurs ne sont pas toujours une réalité.

 


Bibliographie

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Biblio Claire Fonticelli

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Bibliographie indicative

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Page personnelle de Claire Fonticelli

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Soutenance

Bibliographie

communication IDEP 2016

Thèse sous la direction de Patrick Moquay

Débutée en 2015

CONSTRUIRE DES IMMEUBLES AU ROYAUME DES MAISONS
La densification des bourgs périurbains franciliens par le logement collectif : modalités, intérêts et limites.

La périurbanisation est un phénomène majeur qui a caractérisé l’évolution du peuplement de notre pays et les formes de son développement urbain ces dernières décennies (Roux et Vanier 2008). Ce vaste mouvement de périurbanisation, qui touche de façon diverses l’ensemble des pays occidentaux (Caruso 2002), s’est notamment traduit par des formes urbaines très consommatrices d’espace.

S’il a été dans un premier temps perçu sous un aspect assez favorable, aussi bien par la puissance publique (Mayoux 1979) que par les chercheurs (Bauer et Roux 1976, Dubois-Taine et Chalas 1998), l’étalement urbain et l’espace qu’il produit, le périurbain, restent néanmoins très controversés depuis l’emblématique ouvrage, La ville insoutenable (Bonnin et al. 2006). D’autres publications ont ensuite repris cette critique de l’étalement urbain (par exemple,  La tentation du bitume, où s’arrêtera l’étalement urbain ?  (Hamelin et Razemon 2012) jusqu’au livre extrêmement critique Le cauchemar pavillonnaire (Debry 2012), les médias culturels français reprenant cette vision (de Jarcy et Rémy 2010). Si, et de plus en plus, ces critiques sont mêlées de des voix discordantes, qui défendent ce mode de vie spécifique comme le souligne l’article d’Eric Charmes, « Les périurbains sont-ils anti-urbains ? » (Charmes 2007b), ou Marie-Christine Jaillet «L’espace périurbain : un univers pour les classes moyennes» (Jaillet 2004),  le périurbain demeure largement controversé.

Pour autant, l’étalement urbain, qui se poursuit actuellement en dehors des limites de l’Ile de France, est de plus en plus contraint règlementairement, et un ensemble d’acteurs – chercheurs, responsables de l’urbanisme à l’échelle nationale, régionale et départementale – s’accordent sur les méfaits (environnementaux, sociaux, économiques) de l’étalement urbain (Reux 2015), et, sans tomber dans une critique systématique et stérile de ces espaces, s’attachent, au contraire à trouver une alternative à l’étalement urbain. L’objectif public est aujourd’hui à la réhabilitation de ces espaces, comme le soulignent les prises de position de l’actuelle ministre du logement (Pinel 2015). Cette réhabilitation passe notamment par la recherche d’un modèle alternatif à l’étalement urbain, et a conduit la pensée urbanistique à prôner un retour à des formes urbaines plus denses. La densification s’est ainsi vue progressivement érigée en objectif de politique publique (Anastasia Touati 2010). Par elle, il serait possible de faire vivre davantage de population au sein d’un même espace, et donc de préserver les espaces agricoles et naturels. Encore faut-il que les stratégies de densification soient acceptées par les résidents.

En effet, travailler sur la densification dans les ensembles urbains préalablement constitués permet de satisfaire les besoins en logements sans pour autant consommer des terres agricoles (Le Foll et Miet 2013). C’est également un moyen de répondre aux communes pratiquant la rétention foncière ou le malthusianisme foncier (Charmes 2007a). Ce phénomène consiste pour les communes périurbaines constituées à ne pas continuer leur urbanisation sous prétexte de préservation des espaces agricoles et du cadre de vie, ce qui favorise la dispersion périurbaine et le Leapfrog (Mills 1981). Densifier est alors le moyen de remédier au besoin qu’ont ces communes d’accueillir de l’habitat, sans pour autant consommer des terres agricoles. Partant de ce constat, le programme de recherche BIMBY (Build In My Backyard), ciblant spécifiquement les quartiers pavillonnaires, a ainsi conduit à des expérimentations sur la densification de ces espaces.

Au problème intrinsèque de l’étalement urbain s’ajoute celui des types urbains produits : 90% du périurbain est effectivement constitué de maisons individuelles. Si celles-ci sont souvent idéalisées dans les représentations et plébiscitées par les français (ce que soulignent régulièrement de nombreux sondages, par exemple, le sondage Ipsos-Orpi de 2013,  révèle que 79% des français aspirent à une maison individuelle[1]), elles ne sont pour autant pas adaptées à tous mais essentiellement au modèle couple avec enfant et ne répondent donc pas aux besoins de l’ensemble de la population, comme le souligne dès 1966 l’ouvrage Les pavillonnaires : étude psychosociologique d’un mode d’habitat (Haumont 1966).

D’autres types de logements permettraient ainsi de développer davantage de mixité aussi bien sociale que  générationnelle – en offrant des types d’habitats adaptés aux personnes âgées, ainsi que des surfaces convenant aux personnes seules. L’habitat collectif ou intermédiaire apparaît alors comme une solution.

Avec l’habitat collectif, la densité urbaine est par ailleurs historiquement présente dans les bourgs périurbains (Bordes-Pages et al. 1995), que ce soit par des villages rues, aux maisons de ville mitoyennes accolées, ou bien par des formes de petit collectif assez denses, bien que peu hauts (Fouchier 1998). Cette culture de la densité qui caractérisait les villages a été perdue depuis les années 50, le modèle de la maison isolée sur la parcelle s’imposant peu à peu, alors que l’habitat collectif se résumait de plus en plus aux grands ensembles. L’ère de l’habitat sur rue était alors terminée (De Portzamparc 2005).

Mais si ces formes étaient autrefois présentes dans ces contextes urbains, la densification – par l’habitat collectif, qui plus est – cristallise les oppositions des habitants (Fouchier 1995). La densification concentre en effet les oppositions citoyennes (phénomène NIMBY) (Trom 1999), tout comme le collectif, rapidement associé aux « HLM » et autres logements sociaux qui sont des contre-modèles pour ces populations périurbaines (Berger 2004). A l’inverse, la figure du bourg, du village périurbain, se fait plus rassurante (Charmes 2011). Le développement des bourgs et de formes de centralité de périurbain est par ailleurs identifié dans différents scénarii prospectifs comme une solution alternative à l’étalement urbain (Ghorra-Gobin 2006 et Wiel M 2000), alors que dans certains de ces bourgs, le commerce de proximité se dynamise (Aragau 2007).

Mais aujourd’hui, du fait des obligations de compacités et de construction auxquelles sont confrontées les communes, et alors que se multiplient à la fois les pressions sur les élus locaux pour qu’ils limitent la consommation foncière (ALUR 2014), tout en construisant de l’habitat, notamment social (Loi SRU, 2000), certaines de ces communes se densifient pour répondre à ce double objectif, que ce soit par la réhabilitation d’habitat ancien (fermes divisées, maisons de ville divisée, surélévation), ou bien par de la construction sur des dents creuses et en démolition reconstruction (Didier-Fèvre et al. 2014).

Problématique :

Ainsi, si la densification est souvent mal vécue par les habitants, elle est –presque- toujours encouragée par les professionnels. Mais à quelles conditions ? Est-il possible de dépasser cette contradiction et de réconcilier les habitants avec la densification ? C’est la question que la thèse devra explorer, sur la base d’études de cas d’habitat collectif au sein des centres-bourgs périurbains : de la densité rejetée à la densité souhaitée, dans quelles conditions la densification peut-elle être vertueuse et bien vécue ?

Le choix de termes à dimension morale pour formuler la question de recherche est bien évidemment volontaire et assumé : il s’agit à la fois de questionner la portée normative de l’impératif de densification et de souligner la dimension qualitative du phénomène de rejet ou d’acceptation de celle-ci. Au-delà des caractéristiques matérielles et objectives de la densification, la réaction des habitants mobilise avant tout des appréciations esthétiques (dont des considérations paysagères et de qualité de vie) et des jugements moraux (le bien et le mal), bref des représentations socialement construites.

La densification, qui est ici comprise comme l’augmentation de la densité résidentielle sur un espace donné, sera étudiée sur les bourgs périurbains, c’est-à-dire les ensemble historiquement constitués rassemblant, dans le périurbain francilien, des fonctions de centralité sans pour autant être des villes. Il s’agira essentiellement des anciens noyaux villageois. Cette définition sera affinée au cours de la thèse.

Dans ce contexte, l’étude de l’habitat collectif, ainsi que l’habitat intermédiaire prend ainsi tout son sens, et il s’agira de brosser son portrait. Peu étudié dans le cadre du périurbain où la plupart des études monographiques portent sur l’habitat individuel, l’habitat collectif périurbain mérite cependant qu’on s’y attarde afin de déterminer qui y habite et dans quelles conditions de logement (subit, choisi).

Le travail de recherche ne pourra s’affranchir d’un travail approfondi sur les formes urbaines – collectif, intermédiaire, voire individuel dense – permettant la densité urbaine.

Quelles formes prend alors la densification des centres-bourgs périurbains franciliens? Comment densifier par de l’habitat collectif sans pour autant générer des oppositions de la part des populations en place ?

Hypothèses :

Hypothèse 1: la densification douce en centre-bourg périurbain est un mode de production de logement qui répond aux enjeux actuels de durabilité et d’économie d’espace.

Hypothèse 2 : la densification par l’habitat collectif et intermédiaire en centre-bourg est d’autant mieux acceptée et suscite d’autant moins de rejet que cette construction imite et recréé les architectures traditionnelles des bourgs.

Hypothèse 3 :  la propension à la densification est extrêmement variable d’une commune à l’autre, selon les préférences des systèmes d’acteurs impliqués (élus et ingénieries locales).  L’implication des élus et ingénieries locales pour favoriser ou défavoriser la densification varie fortement d’une commune à une autre, et elle peut se manifester aussi bien à la défaveur qu’à la faveur de la dynamique de construction, faisant apparaître un gradient entre les bourgs périurbains, du plus malthusien au plus bâtisseur. La construction dans les bourgs-centres fait intervenir des acteurs spécifiques avec un ancrage local important (petits promoteurs locaux, bailleurs sociaux départementaux où filiales locales des grands groupes). Ce sont souvent les promoteurs qui sont à l’initiative de la densification dans les bourgs périurbains, les ingénieries locales étant souvent en retrait et n’assumant pas la densification comme un enjeu de leurs politiques, ou ne se saisissant pas de projets d’intérêt communal.

Méthode :

La méthode d’analyse se décline en trois temps. Dans un premier temps, elle reposera sur une connaissance globale de la densification par l’habitat collectif dans ce milieu. Puis, à travers une analyse basée sur une dizaine de sites, la méthode tâchera de dégager les tenants et les aboutissants de la production de logement collectif. Enfin, elle permettra une analyse sur la réception de l’habitat collectif et intermédiaire en centre-bourg.

1- Etat de l’art de l’offre d’habitat collectif et intermédiaire dans les centres-bourgs périurbains

  • analyse de l’offre des principaux constructeurs d’habitat collectif en Ile de France (promoteurs mais également bailleurs sociaux), afin d’analyser dans le contexte de notre étude – les centres-bourgs périurbains – la nature de l’offre produite. Elle s’appuiera sur une enquête téléphonique réalisée auprès de l’ensemble des bourgs périurbains franciliens.
  • Après avoir dégagé les principales caractéristiques du marché immobilier public et privé dans les centres-bourgs périurbains, les caractéristiques des immeubles construits ainsi que le type d’architecture dont ils s’inspirent seront identifiés afin de définir une typologie de la construction d’habitat collectif et intermédiaire. Elle soulignera les types d’habitats dominants, en fonction de critères immobiliers (SHAB, nombre de logement, nombre d’étage…), et architecturaux (matériaux, couleur de la façade, type de toiture, type d’architecture dont il est inspiré).
  • Afin d’avoir une connaissance plus générale du marché de la production d’habitat collectif et intermédiaire, des entretiens avec des acteurs identifiés de la construction seront menés sur ces thématiques (promoteurs réalisant du collectif de bourg, maître d’œuvre ayant des références dans ces secteurs…).

2-  Analyse de cas : la production d’habitat collectif en centre-bourg

  • Une dizaine de réalisations, issue de la typologie précédente sera étudiée de façon plus approfondie. Elles devront être variées (architecture pastichante ou plus contemporaine ; logement social ou promotion privée, contexte de la commune …) afin de permettre une lecture diversifiée du contexte de la construction de l’habitat collectif en centre-bourg périurbain.
  • Une analyse des sites et des contextes de l’étude sera menée. Il s’agira de connaître les tenants et aboutissants des opérations de densification afin de dégager quelles sont les conditions ayant influencé leur construction (projet de la commune, plan local d‘urbanisme, système d’acteurs en place, exigences architecturales).
  • Sur ces sites, des entretiens avec les porteurs du projet (élus, cadres techniques, promoteurs, maître d’œuvre) seront également menés. Il s’agira d’entretiens exploratoires, portant sur les éléments factuels et les motivations officielles… Parmi les personnes ciblées pour ces entretiens, on peut penser aux chargés d’études responsables de ces densifications, aux maîtres d’ouvrages, aux responsables politiques locaux (élus à l’urbanisme), ainsi qu’aux maîtres d’œuvre. Ces entretiens devront mettre l’accent sur le choix des formes architecturales, au regard des questions de densité et de production de logement.

3- La réception de la densification par les habitants:

  • Trois sites parmi les dix précédents seront alors choisis et une série d’entretiens qualitatifs auprès d’habitants du bourg, de la rue de l’immeuble et de l’immeuble sera menée, afin d’analyser les éléments d’appréciation énoncés par les habitants.
  • La thèse tachera de mettre en avant des projets où cette densification a été bien acceptée pendant le projet, ou a fait l’objet d’une acceptation ultérieure, afin de comprendre les tenants et les aboutissants des positions des habitants. Les démarches mises en place pour accompagner la densification, notamment en matière d’information ou de participation, seront analysées et les conditions de leur efficacité seront questionnées.
  • En complément de ces enquêtes auprès de responsables locaux et d’habitants, des formes d’objectivation des aménités du quartier seront recherchées. Ainsi, la qualité du cadre de vie selon des critères paysagers et architecturaux sera également caractérisée et des données relatives aux prix de l’immobilier chercheront à établir les variations relatives d’attractivité des quartiers étudiés. Au total, il s’agira d’analyser les impacts de la densification sur le cadre de vie, que ce soit en matière de qualité architecturale, paysagère et de mixité sociale et fonctionnelle des quartiers.