Le LAREP se rend à Reims le 5 juillet dans le cadre du séminaire « Communs et paysage, lieux, pratiques, projet ». Ce séminaire est coorganisé par l’équipe EhGO (UMR Géographie-Cités), le GGH-Terres (Groupe de géographie et d’histoire des territoires, EHESS) et le LAREP (ENSP Versailles).
Programme du séminaire itinérant à Reims.
Des communs paysagistes ?
Comprise sur le temps long, la culture professionnelle des paysagiste s’inscrit dans l’art des jardins et des productions qui ont majoritairement relevé de commandes élitaires. Pour ces dernières existent des modes de reconnaissance, de protection et de valorisation qui sont éprouvés (classements, labels, activité scientifique, réseaux, etc.). Au tournant de la Seconde Guerre mondiale, les choses sont beaucoup moins claires. Les pratiques s’étendent à de nouveaux objets, espaces publics urbains, grands ensembles, puis infrastructures, grands paysages, sites naturels. Suivre à la trace les «inscriptions» laissées par les paysagistes relève d’un jeu de piste : car en multipliant les situations de projet, les échelles et les stratégies d’intervention, c’est désormais sur plusieurs plans qu’il faut pister les traces laissées par les paysagistes, et souvent en dehors de tout guide de visite préétabli. Les paysagistes laissent des traces matérielles, certes, mais qui sont vivantes, évolutives, souvent inscrites dans des espaces en fortes mutations, soumis à de multiples pressions (comme les périphéries de ville par exemple). Ils laissent des traces documentaires (des revues, des traités, des atlas, des manifestes, de la littérature grise) ; des traces plus dispersées, à l’intérieur de quartiers ou de groupes sociaux, lorsque leur intervention a concerné des modes de gestion, de jardinage, des formes d’implication collectives, parfois éphémères. Beaucoup de ces inscriptions sont fugaces, voire revendiquent ce caractère passager, transitoire : on peut penser aux systèmes de préverdissement, puis aux «natures intermédiaires» proposées par Michel Desvigne.
Ces objets posent des questions nouvelles sur le plan de la transmission, de la mémoire d’une profession, de la diffusion de ses pratiques, de sa critique. Les paysagistes, à l’instar de Gilles Clément, ont souvent prôné le mouvement, la nécessaire mutabilité des situations construites, l’autonomie d’évolution des écosystèmes. Peut-être auraient-ils du mal à admettre qu’il faille s’attacher, aujourd’hui, à conserver certains des sites de leurs interventions, en ce qu’ils ont été des lieux d’invention, d’expérimentation, des lieux-école, où s’opère la transmission d’un métier… tout autant que des usages quotidiens. Le Parc du Sausset de Claire et Michel Corajoud fut peut-être l’un de ces lieux-école pour le projet de paysage, tout comme les Jardins en mouvement de Gilles Clément, ou plus récemment le projet ouvert du Parc des Lilas, étudié par Françoise Crémel. Le Parc Saint-John-Perse et les interventions de Jacques Simon dans les ensembles urbains de Reims devraient figurer, également, dans cette constellation de lieux pivots entre invention paysagiste et usages quotidiens. Si les lieux, les usages, les structures végétales évoluent, pourrait-on transmettre quelque chose de l’esprit d’invention qui a présidé à leur élaboration ?
Cette journée de séminaire itinérante à Reims, pourra être l’occasion de débattre d’hypothèses sur les communs paysagistes, en faisant d’abord l’expérience directe de situations de projets et en réfléchissant à ce qui peut en être transmis, conservé, raconté, que ce soit au travers de cadres connus (protections, labels, archivage… avec leur part de réification ou de contrainte règlementaire) ou pourquoi pas de protocoles à inventer : projets continus, ouverts, contigus… des processus où le dessin de l’espace, les choix en matière de génie végétal s’articulent avec des modalités de transmission.
Des communs paysagistes, ou bien des paysages apprenants ?
Ouvrons la discussion, sur le terrain.
Alexis Pernet
Parc St John Perse, Reims. Paysagiste : Jacques Simon
© Collage photos Jacques Simon
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