7 – Les débuts de la recherche

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Chapitre 7

Les débuts de la recherche à l’ENSP (1980-82)

Version du 1er décembre 2018

Pierre Donadieu revisite la période où a été réalisé le premier programme de recherches de l’ENSP.

Les pionniers

À la fin des années 1950, aucun enseignant de la Section n’avait soulevé le problème d’une recherche permettant de mieux former les apprentis paysagistes. Car le modèle lointain restant les ateliers de l’École des Beaux-arts, il allait de soi que les enseignants d’ateliers détenaient les savoirs les plus pertinents, techniques et de création, pour former des concepteurs de projets de jardins et de paysage, c’est-à-dire des architectes de jardin et de paysage.

Le premier à parler de recherche dans les conseils d’enseignants fut Bernard Lassus à partir de 1963. Ancien élève de l’historien et critique d’art Pierre Francastel et de l’atelier du peintre Fernand Léger, jeune professeur de l’École des Beaux-Arts en 1968, il détenait le capital de prestige et de compétences plasticiennes qui lui permettait d’introduire des pensées et pratiques innovantes dans les formations de paysagistes de la Section. N’étant pas architecte, mais peintre coloriste, il s’était distingué par de nombreux travaux de recherches sur la couleur et les ambiances, puis par des publications remarquées dans le cadre de commande de recherches de la Direction Générale de la recherche scientifique et technique. Elles aboutiront aux premières publications qui l’introduisirent dans le champ paysagiste : Le jardin de l’Antérieur en 1975, Les habitants paysagistes en 19771.

Il fut à l’origine de la notion de recherche associée à l’enseignement pratique d’atelier dans le premier Institut national du paysage imaginé par la commission Harvois (1969-1972). Voir chapitre 3.

Quand l’ENSP fut créée, l’idée d’une recherche liée à l’enseignement fut à nouveau proposée par B. Lassus. Elle fut comprise de manière très différente par les enseignants présents selon leur domaine.

D’un côté les enseignants de l’ENSH, scientifiques biologistes, technologues ou économistes en majorité, connaissaient peu les travaux de B. Lassus, contrairement aux enseignants d’arts plastiques et de techniques de représentation. Ils les accueillirent au mieux avec la réserve des non spécialistes …

De l’autre côté, les praticiens associaient l’idée de recherche à celle de conception du projet de jardin, d’espaces verts et de paysage, sans relation avec la posture académique et scientifique du chercheur professionnel. Alors que les chercheurs (jeunes et moins jeunes) de l’ENSH et de l’ENSP disposaient d’une culture scientifique que le ministère de tutelle, l’Agriculture, souhaitait développer. Autant dire que les échanges furent rares entre ces deux groupes. Seuls les économistes de l’ENSH Jean Carrel, puis Philippe Mainié, seuls représentants du champ des sciences sociales, maintinrent ce lien ténu jusqu’en 1983.

Formé à la recherche scientifique expérimentale en écologie à l’Université de Montpellier, j’étais intrigué par le discours et les publications de B. Lassus. Il développait la compréhension de l’imaginaire du paysage et du jardin, non comme un psychologue ou un neuroscientifique, mais comme un artiste curieux des processus perceptifs qu’il souhaitait maitriser et surtout expliquer. Je le situais d’autant plus dans le champ des sciences humaines, et en particulier l’anthropologie, que je venais de côtoyer au Maroc les pratiques des ethnologues et des agronomes en étudiant le partage des communaux pastoraux.

Je venais de découvrir un monde de savoirs pour lequel je n’avais pas été formé. Je les trouvais fort pertinents puisqu’ils me permettaient de comprendre les relations entre les hommes et leur milieu de vie. Et surtout de pouvoir agir sur elles. Ce qui semblait l’enjeu principal des recherches à entreprendre.

Que pouvions nous apporter M. Rumelhart et moi, qui nous intéressions aux relations entre les végétaux dans le champ de la phytosociologie, notre domaine de compétence ? Quel projet de recherche pouvions nous proposer, alors qu’aucun indice ne permettait de dire que ce champ était important pour former les paysagistes ? Nous étions, de fait, limités par notre spécialité héritée des enseignements de l’écologue Jacques Montégut. Et les études écologiques que nous menions pour divers commanditaires publics (autoroutes, Directions départementales de l’Équipement, collectivités) ne nous en disaient pas plus sur le choix du thème des recherches à entreprendre.

La commande du ministère

Une commande de travaux de recherche fut adressée à l’école en 1979 par Alain Riquois, responsable de la mission du Paysage du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie (rattachée à la Direction de l’urbanisme et des paysages -DUP- du ministère de l’Équipement et du Logement )2. Sa direction fut en partie confiée par R. Chaux à P. Mainié, un agro-économiste et chercheur à l’INRA de Versailles qui s’intéressait à l’ENSP à l’économie des agences de paysagistes autant qu’aux paysages ruraux.

Cette commande était adressée à d’autres chercheurs en France par la sociologue Isabelle Billard de la DUP, notamment Abraham Moles psychologue, Judith Epstein, Michel Conan historien et sociologue, François Béguin philosophe, Jean-René Hissard artiste, Pierre Sansot, anthropologue, Marie-Hélène Chassagne et quelques autres.

Le financement de la Mission fut réparti entre plusieurs personnes, au titre de leurs agences respectives, à M. Corajoud et B. Lassus, et pour les autres via la prise en charge directe par l’ENSP.

M. Corajoud se consacra, avec les paysagistes M-H. Loze et J. Coulon, aux jardins de Versailles ; B. Lassus, seul, à un travail sur « La profondeur » et les autres (P. Donadieu, M. Rumelhart, G. Clément, P. Dauvergne, …) à une étude prospective des paysages de la vallée de la Mauldre à l’ouest de Versailles.

À cette époque (la fin des années 1970), la recherche scientifique sur le paysage était émergente et vigoureuse en France. Elle intéressait les géographes (G. Bertrand à l’Université de Toulouse notamment), les géoagronomes (J.-P. Deffontaines à l’INRA-SAD de Versailles), les sitologues (les architectes J.-P. Faye et M. Tournaire), les paysagistes d’aménagement (B. Fischesser et H. Lambert) au CEMAGREF de Grenoble, les phytoécologues (G. Long et M. Godron au CEPE-CNRS à Montpellier), les phytosociologues (J.-M. Géhu à Bailleul), sans compter les historiens de l’art et des jardins (M. Conan) et bien d’autres spécialistes comme, entre autres, le philosophe Alain Roger (Nus et paysages, essai sur la fonction de l’art, 1978).

Les notions de paysage et d’environnement séduisaient de nombreuses disciplines universitaires, mais sans rapport immédiat avec le métier de paysagiste encore peu professionnalisé. Il était représenté par la Société Française des Paysagistes et la Chambre syndicale des paysagistes conseils

À l’école était donc posée, par le gouvernement, la question de la création de démarches de recherches, qui satisfassent autant les paysagistes maîtres d’œuvre que les tous nouveaux métiers du « paysagisme d’aménagement », autre dénomination énigmatique d’une pratique qui ne voulait pas s’appeler planification des paysages, ni planification écologique sur le modèle américain (Design with nature, I. McHarg, 1969), jugé trop naturaliste et peu créatif.

Les uns voulaient éclairer le processus créatif de projet de paysage, les autres expliquer l’origine et les transformations des paysages, afin d’en maitriser les changements controversés (le mitage, les remembrements, les équipements touristiques, les lotissements …). Dans ce contexte, qu’avons-nous fait dans la vallée de la Mauldre ?

La vallée de la Mauldre

Assez vite, je me suis convaincu que je ne pouvais reconduire les démarches scientifiques de la phytoécologie dans ce projet de recherche. Pourtant, je m’apercevais que P. Dauvergne connaissait les travaux de cartographie écologique du CEPE-CNRS de Montpellier sur la Sologne et y faisait référence dans les travaux menés au CNERP. J’avais acquis cette compétence car, formé au CNRS de Montpellier en 1970, j’avais pu cartographier, avec d’autres, de vastes régions pastorales selon cette méthode en Algérie steppique pour la FAO, et au Maroc. Était-il pertinent dans la vallée de la Mauldre ? Il eut fallu en parler collectivement ce qui se révéla impossible dans une école qui ressemblait plus à un hall de gare qu’à une communauté de chercheurs. Et où les enjeux de pouvoirs commençaient à être visibles.

N’ayant pu définir une problématique de recherche, et en l’absence de directives de la part du commanditaire, je décidais d’explorer le terrain choisi, une petite vallée résidentielle de banlieue, au milieu de vastes plateaux céréaliers au sud de la vallée de la Seine à l’Ouest de Paris.

J’ai beaucoup photographié la vallée, son urbanisation, les architectures pavillonnaires, les bords de la rivière et les jardins, sans en tirer de conclusions probantes. Et pour cause : je ne savais pas ce que je cherchais … Jusqu’au jour où je me suis joint aux enquêtes que menaient l’économiste P. Mainié et le sociologue Marc Chopplet auprès des habitants. Je me suis souvenu de mon expérience marocaine auprès des éleveurs transhumants. Là où j’avais recours aux filtres de la science botanique et phytogéographique pour décrire l’acheb (l’herbe) des parcours, les bergers me répondaient en termes de préférence, de rejet ou de danger des plantes pour les troupeaux de moutons. Là où je disposais de deux mots latins pour désigner une plante, ils en utilisaient trois au quatre pour rendre compte de ses usages alimentaires, pharmacologiques ou symboliques. Là où je distinguais soigneusement des genres, des espèces et des variétés, ils les regroupaient sous un nom berbère qui signifiait que les moutons ne les mangeaient pas (les plantes épineuses ou vénéneuses par exemple).

En écoutant les habitants de Mareil-sur-Mauldre et de Maule nous parler de leur cadre de vie, j’ai fait le parallèle avec mon expérience nord-africaine. Je me rendais compte qu’ils parlaient d’abord d’eux, de leur histoire, de leur origine (la Bretagne souvent), de leur famille, et surtout de leur jardin. Ce que je regardais avec intérêt (les plantes évidemment), ils n’y accordaient de l’importance que s’ils pouvaient en évoquer l’usage alimentaire ou décoratif. Ils décrivaient des paysages familiers, des lieux intimes, insoupçonnables et inépuisables. Les plus bavards racontaient des souvenirs, de leur enfance ou de leurs voyages. Tous nous faisaient partager des bribes de leurs récits de vie, souvent émouvants.

Comment relier le monde matériel, objectif, que je savais décrire en termes de séries de végétation ou d’activités agricoles et forestières, et les mondes insaisissables de chacun ? Fallait-il avoir recours à la psychologie (les coquilles emboitées d’Abraham Moles) ? A la sociologie poétique de Pierre Sansot ? Au triptyque du géographe G. Bertrand (Territoire, géosystème, paysage) ? A la logique systémique du géoagronome J.-P. Deffontaines ? Sans compter tous les auteurs que j’écartais involontairement parce que je ne les connaissais pas !

En fait, je m’en suis aperçu ensuite, il ne fallait pas choisir, car toutes les entrées avaient un intérêt descriptif, explicatif ou interprétatif. Ce qui obligeait soit à une posture méta disciplinaire surplombante (philosophique par exemple), soit à un point de vue holiste, globalisant, prometteur de synthèses impossibles et de difficultés avec ses pairs scientifiques. Mais ce dernier problème ne se posait pas encore.

Au début des années 1980, mon projet personnel était en effet de rendre compte de mon expérience scientifique de phytogéographe et de pastoraliste méditerranéen en soutenant une thèse de doctorat à l’université de Montpellier. Ingénieur d’agronomie, je n’étais pas destiné à devenir enseignant-chercheur bien que cette perspective se concrétisa dix ans après. À cette époque, j’étais surtout un ingénieur fonctionnaire d’un corps d’État employé à mettre en place, avec d’autres, une politique publique de formation de cadres paysagistes. Je ne prétendais à aucune œuvre personnelle, ni à une carrière dans un ministère. Je tentais d’éclairer le mystère de la notion de paysage, laquelle était restée pour moi d’une limpidité surprenante grâce au paradigme de la plante indicatrice qui fonctionnait très bien au sud de la Méditerranée. Un vrai plaisir pour le voyageur curieux d’Essaouira à Gabès, et de Tanger à Bizerte. Mais l’idée de paysage s’était brutalement obscurcie en France au contact de la planète paysagiste.

Toujours est-il que le mélange de praticiens paysagistes libéraux, de jeunes enseignants des écoles d’architecture et d’ingénieurs horticoles formés récemment à la recherche scientifique créait un milieu incertain pour faire émerger une recherche cohérente à l’école. Chacun fit la sienne, indépendamment des autres, y compris sur le même lieu (la vallée de la Mauldre) et en publia les résultats significatifs quatre ans après la commande du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie.

Les résultats des recherches

Ils furent publiés en 1983 dans le dossier « Des paysages » des Annales de la Recherche urbaine, n° 18-19, sous les titres : « Lecture d’un jardin » (Corajoud, M., et al), « Profondeurs » par B. Lassus et « La démarche de projet » par P. Mainié et al.

M. Corajoud et ses associés rendirent compte d’une analyse très fine des bosquets des jardins du château de Versailles, appuyée sur des mesures et des observations. « Nous avons fait le choix, écrivaient-ils en introduction, d’aborder cette recherche selon des modalités proches de celles que nous utilisons dans notre propre démarche de projet, c’est-à-dire en décomposant l’espace selon certains processus de son élaboration et en privilégiant un de ses aspects (…). Pour nous, la conception du jardin commence par la maîtrise du site, par le bâti général à partir duquel les lieux s’organisent, les formes s’installent. ».

Ils concluaient la publication ainsi : « Nous avons cependant quelques raisons de croire qu’elles (nos observations) laissent transparaître des ruptures évidentes dans les modes d’élaboration du jardin(…). En considérant seulement l’intervalle de temps qui va de 1660 à 1775, nous pouvons isoler trois grandes périodes formelles. La première, à Versailles, trouve son terme avec la représentation du jardin tel qu’il figure sur le plan «de l’Institut», trouvé par Alfred Marie (…). La seconde période correspond à la maîtrise d’œuvre effective de Le Nôtre et de ses collaborateurs de Vaux (1662-1663). Après Monceaux, Rueil et Vaux-le-Vicomte, l’influence italienne transforme le Versailles de Louis XIII, le jardin s’ouvre et annexe tout le territoire. Pour ce faire, Le Nôtre utilise des tracés qui introduisent une dynamique. Les figures instaurent un mode de croissance du jardin par des relations homothétiques et additives, des correspondances ouvertes et subtiles entre longueurs, surfaces et volumes, un enchaînement continu de proportions qui, partiellement, rompent avec la symétrie pour introduire l’équivalence (…). La troisième période correspond, pensons-nous, à la reprise en main du jardin par Mansart. A la fin de sa vie, Le Nôtre lui-même avait déjà modifié son vocabulaire formel et simplifié ses figures ».3

De son côté, B. Lassus a réuni plusieurs travaux personnels sous l’intitulé « Profondeurs ». Le Jardin vertical proposé pour le concours du parc de la Villette ; le Jardin des Planètes qui a fait également partie du projet pour le site des anciens abattoirs parisiens ; et deux textes plus anciens, « Le puits » et « Le monument », destiné à illustrer la dimension incommensurable de l’imaginaire poétique des lieux4.

Enfin, au nom de l’ENSP, l’économiste P. Mainié a rassemblé les travaux des autres enseignants dans un texte synthétique « La démarche de projet ». Neuf enseignants y ont participé : deux paysagistes, M. Corajoud et P. Dauvergne, deux écologues (et non écologistes !), P. Donadieu et M. Rumelhart, une historienne S. Hoog, un agronome économiste P. Mainié, un sociologue M. Chopplet, une plasticienne F. Blin et une documentaliste C. Bou5.

Le premier texte, rédigé par les paysagistes (essentiellement par P. Dauvergne), fait surtout état du rôle souhaitable des paysagistes dans l’établissement des documents d’urbanisme, notamment dans la conception des plans d’occupation des sols (POS). Il plaide l’idée que le Plan d’occupation des sols devrait devenir un véritable projet de paysage. Et il discute le droit, sinon le devoir, de juger « du beau et du laid » pour les habitants et les praticiens. Le texte s’appuie sur les travaux de B. Lassus (Le Jardin de l’antérieur, 1976 ; le Jeu des points rouges, 1978) et de l’historien dix-huitièmiste M. Conan.

Le second texte, intitulé « Les hommes et le milieu », expose succinctement l’étude sociologique : « les perceptions et satisfactions des habitants en matière de paysage » dans la vallée de la Mauldre, insiste sur le mitage du paysage, évoque des catégories de jardins (d’invention et de reconduction), et souligne l’intérêt de la mémoire et de l’histoire des lieux. Mais il est peu question des paysages de la vallée de la Mauldre qui ne sont pas décrits, ni évoqués. En conclusion, des « propositions pour des recherches ultérieures » sont indiquées. P. Mainié constate que « la vie difficile du groupe de recherche a reproduit le divorce qui bloque la création dans le domaine paysager ». Il suggère d’étudier les pratiques professionnelles qui sont diverses et peu connues, d’analyser la demande sociale et les formations dans ce domaine et de proposer une politique publique gouvernementale ambitieuse de paysage.

Toutes ces questions recevront des réponses de chercheurs au cours des trente années suivantes.

Conclusion

L’étape fondatrice de la recherche à l’ENSP peut paraitre hétérogène. Elle est en fait à l’image des acteurs principaux des débuts de l’école. Deux écoles nouvelles de pensée paysagiste (dite plus tard « école française de paysage » par la Fédération française du paysage) se juxtaposaient (avant de s’affronter) en indiquant leurs postulats, celui d’une matérialité à gérer par la maitrise formelle, dessinée, globale et de détail, du projet dans le cas de M. Corajoud, qui s’inscrivait dans les pas d’André le Nôtre ; celui d’un imaginaire du paysage à susciter par « apport sur un support » en s’appuyant, notamment sur les théories du jardin pittoresque de Williams Chambers et de l’abbé Delisle (1776).

A côté de ces deux pôles majeurs du débat, la recherche académique dans les autres disciplines était balbutiante à l’école. Les sciences écologiques n’émergeaient pas pour des raisons que j’ai expliquées. Elles se développeront à partir d’un foyer franco-américain dix ans plus tard au CNRS et à l’INRA en dehors de l’école sous la forme de la landscape ecology. Seules les recherches en sciences humaines et sociales (géographie, sociologie, ethnoécologie, histoire des jardins, des paysagistes et du paysage, sciences politiques), portées d’abord par P. Dauvergne puis par A. Mazas, P. Donadieu et D. Bouillon, poursuivront ensuite leur développement avec la création du LAREP (laboratoire de recherches de l’École du Paysage) en 1993. Quatre années après que Bernard Lassus eut créé à l’École nationale d’architecture de Paris-la-Villette le diplôme d’Études approfondies (DEA) « Jardins, paysages, territoires » et sa formation doctorale avec l’École des hautes études en sciences sociales de Paris.

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Bibliographie

Pierre Donadieu : Retour sur la recherche à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille (1995-2011). Publié dans Projets de paysage le 16/01/2012.


Notes

2 Ce rattachement reste à vérifier.
3 http://corajoudmichel.nerim.net/10-textes/01-versailles-lect.htm
5 http://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1983_num_18_1_1075

5 – Histoire du CNERP

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Chapitre 5
Pour une histoire du Centre National d’Étude et de Recherche du paysage (CNERP)
(1972-1979)

Version du 30 12 2018

 

Membres du CNERP, Yves Luginbühl et Pierre Dauvergne retracent un moment fondateur de l’histoire de la pensée du paysage en France.

Au regard de ce qu’a représenté le paysage dans l’histoire des relations des sociétés à la nature et à l’aménagement du territoire, l’histoire du Centre national d’Étude et de Recherche du paysage (1972-1979), le CNERP, pourrait paraître dérisoire. Le terme paysage apparaît en effet pour la première fois dans les Provinces Réunis, c’est-à-dire l’actuelle Hollande, en 1462 sous le mot « Lantscap », avant l’équivalent français dont la première occurrence connue date de 1549. Les diverses dates d’apparition du terme dans les autres langues s’éparpillent sur une durée de presque deux siècles et demi si l’on admet que le terme espagnol ne voit le jour qu’en 1708, selon l’Académie Royale d’Espagne.

Dès son origine, le terme est lié à l’aménagement du territoire, bien que certains spécialistes aient voulu voir en lui un mot du seul domaine artistique, la peinture de paysage, qui émerge chez les maîtres flamands. Pourtant, des manifestations picturales du paysage sont reconnues bien avant, notamment dans certaines fresques des villas romaines, et dans la célèbre fresque d’Ambrogio Lorenzetti peinte sur les murs du Palais ducal de Sienne en 1338 ; mais alors, le terme équivalent à paysage n’existait pas dans les langues correspondantes (le mot paesaggio apparaît en 1552, calqué sur le terme français bien que le dictionnaire Robert ait affirmé longtemps que c’était le terme italien qui avait inspiré le français).

Le CNERP à Trappes (Yvelines) dans les locaux d’une unité pédagogique parisienne d’architecture.

 

Pourquoi une histoire du CNERP ? Le contexte

Cette histoire sémantique pourrait sembler éloigner le sujet de cet article de son objet fondamental : il n’en est rien, dans la mesure où la somme des connaissances acquises lors de la création du CNERP n’était pas encore d’une ampleur suffisante pour fonder une ou des théories du paysage. Or, le CNERP doit son existence à cette histoire et il paraît essentiel de le rappeler. Pourquoi alors se consacrer à l’histoire de cet organisme qui vit le jour en 1972, après presque cinq siècles de pratiques d’aménagement des territoires, de réalisation de jardins dans tous les pays du monde, et de production d’une immense quantité de toiles représentant le paysage, dont certaines atteignent des sommes vertigineuses lors de ventes aux enchères ?

Pour les auteurs de cet article, l’objectif visé ici est une manifestation nécessaire de mémoire collective envers les jeunes générations de paysagistes et de chercheurs en paysage. Passer sous silence cette histoire serait oublier des milliers d’heures de réflexion, des débats parfois enflammés ou polémiques sur ce qui fait, finalement, le cadre de vie des populations de la planète. Car il s’agit bien de cela : loin de réserver la question du paysage à son unique protection, lorsque le paysage n’est conçu qu’en tant que sites remarquables ainsi que le défendent les lois de 1906[1] et 1930[2], les auteurs de ce texte souhaitent raviver un ensemble de questions que leur communauté s’est posée dans le cadre d’un formidable mouvement de transformation des paysages aussi bien français que mondiaux à la fin du XXe siècle.

Le CNERP doit son existence à un processus qui s’est amorcé bien avant sa date de création. Il n’est pas inutile de rappeler que dès le XIXe siècle, certaines personnalités ont déjà pensé le paysage dans leurs œuvres. À commencer par Alexander von Humboldt, explorateur et botaniste allemand qui parcourut le monde et surtout l’Amérique du sud de 1799 à 1803 pour comprendre la répartition des espèces végétales sur la planète ; certes, le savant allemand, membre de l’Académie des Sciences de la France, est un naturaliste passionné par la flore et la faune, mais dans ses récits, il est clair qu’il est fasciné par la beauté de la nature et des paysages. On pourrait dire qu’il est l’un des premiers à décrire les paysages qu’il a contemplés lors de ses expéditions.

Un peu plus tard encore, Elisée Reclus, célèbre anarchiste emprisonné pour avoir milité lors de la Commune, écrit en 1866 un article intitulé « Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes »[3]. Il amorce un point de vue sur le paysage qui ne sera conceptualisé que bien plus tard, lorsque la Convention Européenne du Paysage sera adoptée en octobre 2000 à Florence par 18 Etats membres du Conseil de l’Europe et aujourd’hui ratifiée par 38 de ces Etats : « La nature que le Français comprend le mieux et qu’il aime le plus à regarder, c’est la campagne doucement ondulée dont les cultures alternent avec grâce jusqu’à l’horizon lointain des plaines (…) Partout l’homme qui contemple cette scène voit des marques de l’industrie de ses semblables : la nature, façonnée par le travail, s’est humanisée pour ainsi dire, et le spectateur aime à se retrouver lui-même dans l’œuvre commune. ». Ici, c’est l’expression « œuvre commune » qui doit retenir l’attention car elle renvoie au cadre de vie élaboré par tous les acteurs du paysage et qui se retrouve sous le terme « paysages du quotidien » présent dans l’article 2 de la Convention Européenne du Paysage. Là se situe l’enjeu fondamental du sens du terme paysage alors que dès les années 1960, certains spécialistes s’alarment de l’étalement urbain et de la prolifération des lotissements, de la construction de nombreuses infrastructures, des stations balnéaires ou hivernales, des centrales nucléaires, de la disparition du bocage, des lignes à haute tension, etc.

Les premières dispositions réglementaires ont donc pour objectifs de rationaliser l’occupation du sol : c’est notamment la Loi d’Orientation Foncière (LOF) de 1967 qui institue les POS et les SDAU[4]. Mais ces documents législatifs ne règlent pas la qualité des paysages : ils ne font que tenter de répartir les activités sociales et économiques dans l’espace, à diverses échelles.

Le Service Central d’Aménagement et d’Urbanisme (STCAU), existant de 1967 à 1969, dépendant de la Direction de l’Aménagement Foncier et de l’Urbanisme (DAFU), du ministère de l’Equipement et de l’urbanisme (MEL) a été mis en place pour mettre en application la Loi d’Orientation Foncière. Dans ce but, dans le même temps, une administration territoriale technique se met en place et se renforce : les Directions Départementales de l’Equipement (DDE) et les Groupes d’études et de programmation (les GEP). Ces services étaient pour la plupart dirigés par de jeunes Ingénieurs des Travaux Publics. Sont également mis en place les Services Régionaux de l’Equipement (SRE). Le STCAU a été créé afin de les aider dans leurs nouvelles tâches par des assistances techniques, méthodologiques, documentaires, il a été structuré autour de groupes d’études et de recherches thématiques, comme le Centre de Documentation sur l’Urbanisme (CDU), et le Groupe de travail “Relations Ville Campagne ».

Ce groupe était dirigé par Rémi Pérelman, ingénieur agronome. Il était composé d’une petite équipe interdisciplinaire : Colette Sauvant, géographe, Florence Marot, sociologue, Claude Lelong, architecte à mi-temps, chercheur au CDU, et Pierre Dauvergne, paysagiste DPLG. Le STCAU a fait appel à des conseillers pour le paysage ou à des consultants : Jacques SGARD, paysagiste DPLG et urbaniste, et Bernard LASSUS plasticien coloriste, puis Charles ROSSETTI, ingénieur écologue, François BRUN, Denis POUPARDIN, Sané de PARCEVAUX, et Jean-Pierre DEFFONTAINES, agronomes, tous issus de l’INRA.

Cet organisme a publié de nombreuses notes techniques à l’adresse des équipes d’urbanisme sur le terrain. Ces notes sont baptisées « notes violettes » en raison du contraste qu’elles offrent par rapport aux documents habituels. Par ailleurs, le Centre de Documentation de l’Urbanisme, le CDU a édité en particulier le « BULLDOC ». Le Groupe Relations Ville Campagne a été très productif en notices violettes sous l’intitulé « les éléments principaux du site ». C’était le refus de l’idéologie de la table rase : sur un espace donné, il ne pouvait être question de tout urbaniser, car le paysage existe matériellement ; un plan n’est pas un espace vide, il y a toujours un élément concret du paysage ; ce principe s’adressait surtout aux DDE. Ainsi, de 1967 à 1970, les notes ont balayé la quasi-totalité des éléments physiques et naturels des sites, dont les exploitations agricoles, la bioclimatologie, la géomorphologie, la géologie, l’hydrologie, etc.

Dans cette période d’effervescence autour de l’émergence du paysage en tant que concept de l’aménagement et du territoire, de nombreuses notes sur divers sujets ont été publiées : en particulier des notes sur la végétation (1968) et la forêt (1969) par Pierre Dauvergne associé à des Ingénieurs du GREF, comme Mrs CLAUZURE conseiller technique auprès du Préfet de la région parisienne, et LASSEIGNE, du département tourisme, chasse et pêche à la Direction Technique de l’ONF[5]. Ces deux notes d’information accompagnaient en particulier la politique du ministre Albin CHALANDON, qui souhaitait développer l’urbanisation dans les massifs forestiers[6], ainsi qu’autour de plans d’eau, afin de « rapprocher les français de la nature »[7]. Une note sur l’expérience des Pays-Bas en matière d’environnement et d’aménagement a également été diffusée ; il faut préciser que les Pays-Bas étaient en avance sur ces questions et en particulier sur celle du paysage. Une note sur le « Paysage » était prévue également. La première étude générale recensant les diverses approches du paysage, principalement à l’étranger, et proposant des axes d’action, a été produite par les bureaux d’étude CINAM-SCAUE lancée par la DAFU – « La mise en valeur et la protection des paysages – De la protection des paysages à la mise en valeur du milieu de vie ». Cette recherche a été menée à la demande de Paul Dufournet, architecte, Inspecteur Général de la Construction. Jean Zeitoun, polytechnicien, l’un des membres de l’équipe, a publié un long article sur « La notion de paysage »[8].

Les années 1960 sont particulièrement fécondes en ce qui concerne le paysage et surtout 1968, année de renouveau des publications sur le paysage, notamment par Georges Bertrand, géographe et naturaliste, qui publie un article : « Le paysage, science diagonale » ; suivent des articles de Roger Brunet, « Analyse des paysages et sémiologie, Eléments pour un débat »[9], de Gilles Sautter, « Le paysage comme connivence »[10], et de bien d’autres. La communauté des géographes renoue avec la question négligée de paysage alors qu’elle avait été auparavant fortement analysée par de grands noms de la géographie, comme Paul Vidal de la Blache (le paysage comme produit de la relation des sociétés à la nature) ou Jean Brunhes.

Dans le même temps, le Centre de documentation livrait un numéro de son bulletin, dénommé le BULLDOC. Il comprenait deux articles principaux, très remarqués, mais guère apprécié par la hiérarchie (DAFU et Cabinet du ministre) :   de Jacques Dreyfus « Les ambigüités de la notion d’environnement » (critique de la politique d’environnement), et   de Bernard Lassus, « Les habitants face aux structures dans la création du paysage urbain.

Le STCAU était une véritable plaque tournante pour échanger connaissances, expériences avec les équipes de terrain, et vice versa. Ainsi, le groupe relation ville campagne a animé le Club des paysagistes d’OREAM, avec la participation du responsable de l’environnement de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture, l’APCA : Jacques Sgard (Nancy-Metz-Thionville, et Aix-Marseille-Fos), Michel-François Citerne (Nancy-Metz-Thionville), Jean Challet et Pierre Mas (Nord – Pas de Calais), Michel Viollet, (Nantes-Saint-Nazaire). Ces échanges étaient nécessaires dans cette période, où tous les spécialistes étaient confrontés à des échelles et à des questionnements totalement nouveaux, en particulier la protection et l’aménagement des espaces agricoles, et des projets de « ceintures vertes », « coupures vertes », « coulées vertes », … dans les aires urbaines.

Les évènements de mai 1968 ont eu des conséquences sur le processus de développement des études et analyses du paysage en France : le STCAU a été en grève et en assemblée générale durant plusieurs semaines, et des motions ont fait la une des Revues d’Urbanisme au plan international. Le gouvernement n’a pas apprécié et, à partir de 1969, le STCAU a été démantelé en douceur. En marge des activités du groupe « relations Ville Campagne », de nombreux intervenants se sont mobilisés pour agir et poursuivre la défense des idées de paysage, et tout particulièrement pour demander la création de formations de professionnels, sachant que le ministère de l’Agriculture avait l’intention d’arrêter la Section du Paysage et de l’Art des Jardins (SPAJ) de l’ENSH.

Quelques repères à retenir :

1967 – 1970 : LE G.E.R.P. GROUPE D’ETUDE ET RECHERCHE SUR LE PAYSAGE est mis en place, et dans le même temps :

1969 – 1974 : L’OREALM, ORGANISATION D’ETUDES D’AMENAGEMENT DE LA LOIRE MOYENNE, où travaille le paysagiste Pierre Dauvergne ,

1968 – 1975 : L’ASSOCIATION PAYSAGE, préfigurant le CNERP, est créée :

Douze fondateurs se réunissent dont : Jacques Sgard, paysagiste-urbaniste, Président, Bernard Lassus, plasticien, Vice-Président, Rémi Pérelman, ingénieur agronome, Secrétaire général, Pierre Dauvergne, paysagiste DPLG, Secrétaire, Paul Clerc, paysagiste, du bureau d’étude PAYSA, Trésorier. Autres Membres : Jean Challet, paysagiste DPLG et urbaniste à l’OREAM Nord, Charles Rossetti, ingénieur écologue, Claude Auber, architecte, directeur adjoint du STCAU, Clauzure, ingénieur forestier, conseiller technique auprès du Préfet de la région parisienne, Jean-Pierre Deffontaines, ingénieur agronome-géographe à l’INRA, Olivier Dollfus géographe, et Paul Rendu, sociologue au Centre de sociologie urbaine, le CSU. Il s’agit d’un regroupement de disciplines variées pour aborder les questions de paysage dans toute leur ampleur, et en cela, bien au-delà des questions esthétisantes et protectionnistes, qui ont cours à cette époque.

En 1971, lors de la création du premier Ministère chargé de l’Environnement par Robert Poujade (1971/1974), l’association PAYSAGE lui fait part de ses préoccupations et propositions, soit de mettre en place une formation au « paysage d’aménagement » pour des professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme. Le Ministre, qui avait besoin d’asseoir son autorité le plus vite possible, donne son accord au projet de l’association, car il pouvait être mis en place très rapidement. Ainsi, l’association est chargée par le Ministère de l’environnement de créer un cycle d’un an pour une formation expérimentale au « paysage d’aménagement » destinée à des professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme, et pour développer la recherche. Ce cycle a été mis en place en 1972. En 1973, le Ministre prend publiquement position dans Le MONDE du 22 septembre 1973 par un article en pleine page, intitulé « Vie et mort des paysages – Les pouvoirs publics peuvent-ils sauver les sites ? »[11]. L’association s’installe dans des locaux 45, rue de Lisbonne à Paris. La première promotion de quinze professionnels a été prolongée d’un an. Le bilan étant jugé très positif, ce cycle a été reconduit durant trois années. Il est animé par le Groupe d’Orientation Pédagogique et scientifique (GOPS),

Serge Antoine, du Haut Comité de l’Environnement, suggère au ministre la création du cycle de formation au paysage, projet qu’il connait, et qui de son point de vue, est mûr pour sa mise en œuvre. D’autre part, ce projet contribuerait à la formation de personnels compétents pour les futures politiques du ministère, et ses nouvelles structures administratives décentralisées. Le 2 novembre 1971, un Conseil Interministériel charge l’association PAYSAGE de mettre en place un cycle professionnel annuel sur « le paysage d’aménagement ». Grâce à une subvention du Ministère, le cycle est installé le 16 novembre 1972. Une petite équipe auprès de Rémi Pérelman prépare le cycle : Sarah Zarmati, Charles Rossetti et Pierre Dauvergne, puis est mis en place le GOBS, avec la participation de membres de l’équipe plus Jacques Sgard et Bernard Lassus. Les stagiaires font acte de candidature après parution d’annonces dans la presse, ou par connaissance de l’existence du cycle, notamment par les GERP et la SPAJ (section du paysage et de l’art des jardins de l’ENSH de Versailles). Ils sont recrutés après entretien avec un jury. Il est veillé à la constitution de promotions équilibrées entre paysagistes et les autres disciplines. De 1973 à 1974, Pierre Dauvergne est chargé de mission pour mettre en place l’« Appui Technique » aux Ateliers Régionaux des Sites et Paysage (ARSP), puis aux Directeurs Régionaux de l’Environnement (DRE), deux nouvelles structures de l’Administration. De 1972 à 1976 : quatre cycles longs interdisciplinaires de formation professionnelle au paysage (post 3ème cycle) se déroulent durant cette période. Le Groupe d’Orientation Pédagogique et Scientifique, rassemble Jacques Sgard, Bernard Lassus, Charles Rossetti, Jean Challet, Jacques Montégut, Michel Macary, Pierre Dauvergne et d’autres intervenants ponctuels.

En 1975, l’Association PAYSAGE laisse la place à une association (loi 1901) qui devient le support du CENTRE NATIONAL D’ETUDE ET DE RECHERCHE DU PAYSAGE (CNERP), structure plus pérenne. Elle poursuit le cycle de formation jusqu’en 1976.

Le CNERP : CENTRE NATIONAL D’ETUDE ET DE RECHERCHE DU PAYSAGE.

Après les deux premières années, le cycle de formation est institutionnalisé au sein du CNERP le 31 mars 1975 par le Ministre de la Qualité de la Vie, André JARROT, à Trappes près de Versailles, dans les locaux d’une antenne pédagogique d’une école d’architecture parisienne. Il reste une association, mais comporte un Conseil d’Administration interministériel, présidé par Pierre de la Lande de Calan de la Fondation de France[12]. Le CNERP est confirmé par le Ministre André FOSSET le 27 avril 1976. Mais, à l’issue de l’Assemblée générale du CNERP du 24 janvier 1979, le Ministre Michel d’ORNANO décide de fermer le CNERP.

De gauche à droite, Alain Levavasseur, Janine Grégoire, Yves Luginbühl, …, Jean-Pierre Boyer, Sarah Zarmati, Pierre Dauvergne, Viviane (secrétaire du CNERP), Rémi Pérelman,…, Philippe Robichon, Alain Sandoz, Bernard Fischesser, Claude Bassin-Carlier.…, 1974.

 

Les missions du CNERP et ses réalisations

Les missions du CNERP comprenaient :

  1. Les études et la recherche
  2. La documentation
  3. La conception et la diffusion de documents d’information, la mise en place de session de formation.
  4. La formation proprement dite de « paysagistes d’aménagement », expression qui mérite que l’on s’y arrête un moment.

Toutes ces missions ont été assurées, plus ou moins. La formation des paysagistes d’aménagement n’a duré que 5 années, c’est-à-dire 4 cycles de formation. La documentation a bien fonctionné avec le recueil de nombreux ouvrages, articles, rapports grâce à la ténacité de Sarah Zarmati assistée plus tard de Claudine Zysberg et de Nicole de Gouttes ; y participent également Alain Sandoz et Luc Voyenne qui s’occupe des « Nouvelles du Paysage », lettre d’information sur l’actualité du paysage. De nombreux documents d’information ont été réalisés, avec la mise en place de sessions de formation pour les cadres et techniciens des administrations concernées. L’équipe des études et de recherche, dirigée par Pierre Dauvergne, recruté le 31/01/1975 à cet effet, produit des études de paysage un peu partout en France avec l’aide des stagiaires devenus chargés d’étude. La recherche reste cependant une activité plutôt marginale.

À partir de 1975, la direction est assurée par Rémy Pérelman et un secrétariat assuré par diverses personnes qui se sont succédées au cours du temps. Le cycle de formation professionnelle au paysage d’aménagement comprend des séminaires animés par un groupe d’enseignants comportant Jacques Sgard, Bernard Lassus, Charles Rossetti, Rémi Perelman. D’autres enseignants participent également à l’enseignement comme Michel Macary, architecte, Jean Challet, paysagiste, Jacques Montégut, écologue, Pierre Dauvergne. Les séminaires portent sur des sujets divers, comme la poly-sensorialité du paysage, l’apprentissage de nouvelles sensations sensorielles avec l’écoute de musiques contemporaines (le compositeur Pierre Mariettan), les approches philosophiques de la sensorialité, la démarche écologique, la question du changement d’échelle, l’apprentissage de l’analyse des photographies aériennes, etc. Plusieurs voyages furent organisés pour la première promotion : autour de Fos-sur-Mer, au moment de la constitution du grand aménagement du terminal pétrolier et la découverte de l’étang de Berre, une journée au BRGM à Orléans pour découvrir les capacités du microscope électronique, notamment.

La présentation de la première étude sur le paysage à l’échelle de l’aménagement du territoire, en vallée de la Loire, est réalisée par l’OREALM et une équipe de jeunes paysagistes sous la direction de Pierre Dauvergne, avec des phyto-sociologues du Centre d’études phytosociologiques et écologiques (CEPE),un laboratoire du CNRS à Montpellier. Cette étude, publiée sous le nom « Le paysage rural et régional » a été l’occasion de découvrir l’approche poly-sensorielle et les méthodes de diagnostic paysager, d’évaluation des évolutions des paysages, et l’intégration des propositions dans les documents d’urbanisme tels que les POS et SDAU.

Les stagiaires ont participé à trois études de paysage à l’échelle de l’aménagement du territoire : l’étude paysagère du plateau de Valbonne-Sophia-Antipolis, l’étude paysagère d’un périmètre dans le Parc naturel régional d’Armorique autour de la commune du Faou, et l’étude de paysage d’un axe routier en Champagne.

Plus précisément, le CNERP s’est organisé selon les activités suivantes :

  • Le Centre de Documentation du Paysage, dirigé par Sarah Zarmati, réunira plusieurs milliers d’ouvrages et de publications diverses. Il a réalisé des bibliographies, des notes et des recherches documentaires.
  • La cellule audiovisuelle, dirigée par Yves Luginbühl, assisté de Jean Pierre Boyer et Pierre Vantouroux ,a constitué une diathèque et réalisé des documents audiovisuels de sensibilisation au paysage. Cette cellule concevra les maquettes des publications du CNERP.
  • La cellule de la Formation Continue animée par Anne Kriegel a animé de nombreuses sessions de formation continue à l’adresse des milieux professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme. Voir par exemple le programme de l’année 78.

  • Le groupe d’étude, de recherche et d’expérimentation :

Avant la mise en place du groupe, l’Appui Technique (1973-1975) animé par Pierre Dauvergne, a fonctionné principalement auprès des Chefs des Ateliers Régionaux des Sites et Paysage (ARSP), puis des Directeurs Régionaux de l’Environnement (DRE). Par ailleurs, Alain Mignard, paysagiste, a été recruté temporairement en 1973-1974 et mis à disposition de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Ville Nouvelle du Vaudreuil. À partir de 1975, Pierre Dauvergne est recruté au 31/01/1975, en tant que directeur d’étude responsable de l’équipe des études, recherches et expérimentations. L’équipe est rapidement constituée principalement par des professionnels issus des cycles de formation du CNERP dont : Alain Levavasseur, paysagiste DPLG, Marie Noëlle Brault, paysagiste DPLG, Zsuza Cros, paysagiste hongroise, Jean Pierre Saurin, paysagiste DPLG, Jean Rémy Nègre, architecte-urbaniste. S’y joindront d’autres membres de l’équipe : Marie Claude Diebold, géographe, Claude Bassin-Carlier, ingénieur écologue, Janine Grégoire, secrétaire. Il était fréquent que des travaux mobilisent des membres de plusieurs unités en même temps. Selon le Centre de Documentation, de 1973 à 1977, 127 rapports d’études, ou de recherches sont réalisés par les équipes du CNERP (7 en 1973, 24 en 1974, 28 en 1975, 34 en 1976 et 34 encore en 1977). À l’analyse de ces listes il est possible de recenser les thèmes qui préoccupaient le Ministère et ses services. En effet, la quasi-totalité de celles-ci correspondent à des commandes du Cabinet et des services centraux. Les contrats étaient négociés par Rémi Pérelman. Certains constituaient des formes de subvention publique de fonctionnement au CNERP.

Désormais, il faut se pencher sur les apports du CNERP non seulement au domaine du paysage lui-même, mais également aux paysagistes et à la recherche sur le paysage.

 

Les apports du CNERP

Le premier apport a sans doute été une nouvelle manière d’aborder le paysage en lui donnant une dimension sensible. Cependant, celle-ci se résumait à la poly-sensorialité, surtout centrée sur la vue ; c’est cette sensorialité qui a été présente dans l’étude des paysages de la Loire moyenne réalisée par l’OREALM. Elle se traduisait par des schémas de vues sur les éléments du paysage, et des coupes de la vallée notamment. La question des sensibilités sociales aux paysages n’était pas vraiment évoquée. Elle viendra plus tard, lors du premier appel d’offres de recherche engagé par la Mission de la Recherche Urbaine en 1983. Une tentative eut lieu pourtant dans une étude effectuée sur la vallée aval de la Loire, mais elle n’aboutit pas totalement. L’intérêt pour cette sensibilité est cependant précurseur des nombreuses recherches qui ont commencé dans les années 1980 avec les notions de représentations sociales des paysages et qui ont marqué profondément un renouveau des approches paysagères ; ces représentations sociales ont été au cœur de toutes les recherches réalisées dans le cadre des programmes scientifiques engagés ensuite au ministère chargé de l’environnement[13].

Cet apport s’est accompagné d’une réflexion globale sur les dimensions matérielles et immatérielles du paysage, qui ne virent leur aboutissement que plus tard, avec les recherches conduites dans les programmes scientifiques évoqués ci-dessus. Mais cette réflexion avait permis d’engager un débat qui se cristallisera en 1991 lors du colloque organisé par Bernard Lassus, Augustin Berque, Alain Roger, Pierre Donadieu, Lucien Chabason et Bernard Kalaora au Centre Georges Pompidou et intitulé « Au-delà du paysage moderne »[14]. C’est lors de ce colloque que les participants ont d’une certaine manière entériné la fin de l’esthétique du pittoresque et du sublime qui avaient déjà été critiqués dans les séminaires du CNERP.

Le second apport a concerné les méthodologies d’analyse des paysages. Alors que celles-ci s’appuyaient principalement sur l’étude de l’occupation des sols à l’aide de données statistiques quantitatives, notamment chez les géographes, les enseignants du CNERP ont développé des approches qualitatives fondées sur des analyses sensibles. Les études précédentes qui utilisaient ces données des recensements de la population ou de l’agriculture étaient critiquées pour leur « froideur » qui ne rendait pas compte des sensibilités aux paysages. L’étude de l’OREALM fit figure de pionnière, en mettant en œuvre la dimension sensible. C’est d’ailleurs cette méthode qui fut appliquée dans les études du CNERP, non seulement à Sophia Antipolis, mais aussi au Faou. Puis dans les autres études qui suivirent, la même méthode fut également mise en œuvre. Notamment dans l’étude du Plan d’Aménagement Rural de l’Argonne, lieu des terribles combats durant la Grande Guerre de 1914/18.

La formation des ingénieurs du Centre d’Etude du Réseau de Transport (CERT) d’Electricité de France) (EDF)[15]. Ainsi, la totalité des ingénieurs du CERT, ont participé à une formation exemplaire sur plusieurs années. Ces ingénieurs, dits les « lignards » étaient responsables des tracés des lignes à très haute tension et hautes tensions pour transporter l’énergie produite par les nouvelles centrales nucléaires. Les études se heurtaient à de fortes oppositions car les lignards élaboraient des tracés linéaires faisant fi des singularités géographiques. Parfois, les tracés évitaient des secteurs trop sensibles. Ainsi, le CNERP a été chargé de développer une culture du paysage chez ces lignards par des sessions courtes de formation, mais aussi par des exercices pratiques avec une maquette représentant le terrain. Au-dessus de celle-ci des caméras mobiles permettaient de visualiser et d’évaluer les simulations de tracé. Les lignards devaient justifier leur projet de tracé.

Les cadres des entreprises d’extraction des granulats ont aussi fait l’objet de sessions de formation. C’est ainsi qu’à partir d’une maquette de 5 m x 5 m conçue par Y. Luginbühl représentant la situation géographique de la confluence de la Seine et de l’Yonne a été réalisée et filmée en 16 mm avec la caméra d’Yves Luginbühl, assisté de Jean-Pierre Boyer et de Pierre Vantouroux, image par image afin de reconstituer l’évolution des paysages avec le développement des sablières et de l’urbanisation.

En 1977, une expertise éclair sur le projet d’implantation de la station de sports d’hiver de Barca dans la vallée d’Aspe, près du village d’Aydius. Elle a été réalisée pour le compte du Conseil Général des Pyrénées Atlantiques par Yves Luginbühl, Sarah Zarmati, Janine Grégoire et Pierre Dauvergne. Il était demandé d’évaluer le volume bâti dans le paysage et de mesurer l’impact de la voirie d’accès à créer. Cette expertise réalisée en un temps record est exemplaire de l’approche paysagère du CNERP, à la fin de son existence. Cette approche globalisante affiche une problématique en termes de développement et d’aménagement d’un territoire, bien au-delà des simples impacts visuels.

De 1973 à 1984, 12 années d’assistance à l’Etablissement Public d’Aménagement de la Ville Nouvelle du Vaudreuil (EPVNV) et à sa Cellule Environnement. Cette assistance correspondait à l’une des « 100 mesures pour l’environnement » puis a été inscrite dans le programme de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST). Ont été réalisées plusieurs études méthodologiques et recherches et assurée une présence au sein de la cellule ‘environnement du Conseil scientifique. Cet ensemble de travaux a été mené par le CNERP dans la durée, puis, à partir de 1979, par le service technique de l’urbanisme avec l’ENSP de Versailles nouvellement créée. Il comprenait un géographe, un sociologue, un acousticien, un hydrogéologue, un naturaliste pour la faune, et un paysagiste. Le conseil a particulièrement travaillé sur les dossiers d’impact des projets d’ aménagement:

  1. en 1974, l’étude paysagère du site de la ville nouvelle du Vaudreuil par Alain Mignard,
  2. en 1978, avec Alain Levavasseur recherche méthodologique pour l’établissement de palettes végétales des sites en voie d’urbanisation.
  3. de 1978 à 1980 : Recherche sur « la production, la gestion et l’appropriation des espaces extérieurs en milieux urbains nouveaux ». Recherche menée par Sarah Zarmati, Alain Levavasseur, moi-même avec les sociologues Maurice Imbert et Jean Charles Lagree du Centre d’Ethnologie Sociale et de Psychologie du CNRS, enfin avec Michel Gantier, photographe à l’EPAVNV.

Les 6 et 7 mai 1976, à Cabourg, présentation des résultats de l’étude sur « les approches paysagères ». Ce fut le séminaire « Paysage et Aménagement » de Cabourg. Le travail fut mené par Sarah Zarmati, Jean Pierre Saurin, Ssuzsa Cros, et Pierre Dauvergne. C’était une commande importante du ministère de la Qualité de la Vie (MQV). La restitution de l’étude s’est faite dans le Grand Hôtel de Cabourg devant une centaine de personnalités des différentes directions et services des ministères en charge des questions de sites, paysage et environnement.

1978 à 1981 – Préparation et exploitation du concours du parc départemental du SAUSSET pour la Société d’Economie Mixte du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis (la SODEDAT 93). Sous la Direction de de C. Bouzemberg, architecte-urbaniste, une équipe a été constituée avec, pour le CNERP : Alain Levavasseur, Claude Bassin-Carlier, et Pierre Dauvergne, pour l’Université de Paris Nord (Villetaneuse), le Professeur Sivignon, géographe, et pour le laboratoire d’économétrie de l’Ecole polytechnique, Robert Ballion, sociologue. Les propositions remises ont mis en évidence nettement les deux tendances conceptuelles du moment dont l’une, récente, qui s’est affirmée lors du concours. À ce titre, ce concours présente une certaine exemplarité, qui a d’ailleurs inspiré les responsables de la mission du parc de l’Etablissement Public d’Aménagement du Parc de la Villette.

L’apport à la recherche scientifique fut cependant marginal : il y eut bien deux réponses à un appel d’offres du CORDA, du ministère de la Culture, l’une sur les paysages de coteaux, conduite en Bourgogne par Yves Luginbühl et Rémi Pérelman, l’autre par Rémi Nègre. Mais elles n’aboutirent pas à des enseignements très déterminants, même si la première se poursuivit pour Y. Luginbühl, par une thèse de doctorat sur les valeurs attribuées aux paysages de la Côte viticole bourguignonne.

Sans doute le principal apport du CNERP a-t-il concerné les significations du paysage, en particulier la double dimension, matérielle d’une part et immatérielle d’autre part en ayant recours à ce qui avait été développé autour du « sensible ». Il est possible d’affirmer que tous les travaux qui ont été réalisés plus tard dans la communauté scientifique et dans celle des praticiens du paysage ont été marqués par les avancées du CNERP, même si celles-ci n’étaient pas toujours évoquées. Dans la sphère des administrations concernées par l’aménagement du territoire, il est certain également que ces avancées ont été significatives, notamment à la Mission Paysage devenue en 1993 Bureau des paysages. Il faut rappeler que la Mission Paysage a été composée dès sa création en 1979 de deux anciens stagiaires du CNERP, Yves Luginbühl et Anne Kriegel placés sous la direction de Lucien Chabason, au sein de la Direction de l’Urbanisme et des Paysages dirigée par Yves Dauge puis par Eudes Roullier. D’ailleurs, en 1993, Ségolène Royal a fait voter la première loi « Paysage » qui s’est inspirée indirectement des avancées du CNERP[16].

Un autre apport, enfin, a été déterminant pour l’avenir du paysage d’aménagement : celui d’avoir constitué une communauté de praticiens du paysage. Ils sont passés de l’échelle du jardin à celle du territoire habité et ont structuré la collectivité des chercheurs en un grand groupe opératoire sur les analyses des paysages grâce à une forte diversité de démarches et de résultats. Mais d’une certaine manière, le fait d’avoir contribué à la reconnaissance des paysagistes d’aménagement a conduit le CNERP à sa perte.

En 1975, la création de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles a provoqué la fin du CNERP : non seulement, de nombreux paysagistes, qui n’étaient pas passés par cet organisme, le considérèrent comme un concurrent à leurs propres agences libérales, mais, en outre, le CNERP connut une période de difficultés financières en raison de son mode de fonctionnement, fondé sur des contrats, sans subvention régulière qui aurait pu assurer sa survie. La composition interdisciplinaire du CNERP n’était sans doute pas non plus bien vue des paysagistes. En février 1979, le ministère de l’Environnement mit fin au CNERP. Ses agents partirent soit au Service Technique de l’Urbanisme, soit à la Mission Paysage, soit à l’Atelier Central de l’Environnement ; les autres suivirent une autre voie, en dehors des institutions publiques.

Les réunions périodiques des chefs des ateliers régionaux des sites et paysages (ARSP) à Trappes avec l’Appui Technique ont finalement été suspendues et rapatriées au ministère, ce dernier vivant mal l’influence des idées du CNERP sur ses jeunes services…sans compter avec les difficultés d’accès depuis la province. Avant la dissolution du CNERP, les agents entreprirent une grève. À la fin de 78, les personnels, une vingtaine de personnes, mènent une série d’actions pour défendre l’existence du CNERP, outil expérimenté dans le domaine du paysage, et bien sûr pour la défense de leur emploi. Avec le soutien de l’Union locale de la CGT, de nombreuses interventions sont menées. Deux parlementaires se mobilisent et posent une question orale tant à l’Assemblée Nationale, qu’au Sénat : Michel Rocard, député des Yvelines, Maire de Conflans-Sainte-Honorine, et Bernard Hugo, sénateur, maire de Trappes, Président de l’EPA de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines. Les préoccupations des personnels sont prises en considération, comme l’intérêt de préserver l’expérience du CNERP, notamment lors d’une Inspection générale du Ministère. La création d’une nouvelle direction, celle de la Direction de l’Urbanisme et du Paysage (DUP), une grande première ! Et en son sein, la Mission du Paysage ! Le CNERP n’a pas été inutile, il pouvait laisser la place à une administration durable.

Aujourd’hui, le paysage s’est relativement bien imposé dans le domaine de l’aménagement du territoire. Il y occupe une place non négligeable et surtout dans les dispositifs participatifs à l’échelle locale ; il reste cependant assez loin au-dessous des enjeux actuels du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Par ailleurs, il signifie souvent pour les élus davantage protection plutôt qu’aménagement du territoire. En conséquence, il devient une contrainte plutôt qu’un atout. En outre, il est le plus souvent invoqué dans les opérations de tourisme qui devient ainsi l’une des activités économiques les plus attractives des collectivités territoriales. Pourtant, à l’échelle européenne, grâce à la Convention Européenne du Paysage, le paysage est fréquemment un facteur de développement économique et de bien-être social. Mais il reste du chemin à parcourir pour que l’idée de paysage devienne un objectif à part entière à côté du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Bien qu’il puisse, par la prise en compte des structures paysagères, pouvoir servir ces deux causes essentielles pour l’avenir de l’humanité et de la planète.

Au-delà du CNERP, les anciens stagiaires ont suivi des trajectoires différentes, les uns dans l’administration déconcentrée, d’autres dans le privé, d’autres encore dans la recherche ou dans des associations, des CAUE, etc. Chacun d’entre eux ont vécu l’expérience du CNERP d’une manière différente. C’est donc leurs témoignages individuels qui complètent cette brève histoire, mais qui apportent des enseignements essentiels pour comprendre le développement pionnier en France du « paysage d’aménagement ».

Yves Luginbühl et Pierre Dauvergne avec le concours de Pierre Donadieu, décembre 2018.

 

Voir également

Pierre Dauvergne, L’émergence du « paysage d’aménagement » en France, 1967-1985, Topia/Histoire et mémoire/Biographies, 2019.

Yves Luginbühl, Pour une histoire personnelle du CNERP, Topia/Histoire et mémoire/Biographies, 2019.

Zsuza Cros, paysagiste hongroise, ancienne élève du CNERP (1972-79), raconte sa carrière en France et en Hongrie. Topia/Histoire et mémoire/Biographies, 2019.

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Notes

[1] Loi sur la protection des sites et monuments naturels de 1906 pour leur intérêt artistique, légendaire, scientifique et esthétique. Cette loi a concrétisé un long parcours de diverses personnalités françaises dont Prosper Mérimée et le Touring Club de France. C’est Charles Beauquier, député du Doubs qui fit voter la loi à la Chambre des Députés.

[2] Loi de 1930 sur les sites classés et inscrits remplaçant celle de 1906.

[3] Reclus Elisée, 15 mai 1866, « Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes », Revue des Deux Mondes, Paris.

[4] Cette loi permettait de mettre en œuvre les Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU), les Plans d’Occupation des Sols (POS), les Coefficients d’Occupation des sols (COS), la Taxe Locale d’Equipement (TLE), et les Zones d’Aménagement Concertée (ZAC).

[5] Note rééditée en 1971 par Rémi Pérelman.

[6] En effet, la LOF l’autorisait à condition de laisser ouvert au public les 9/10ème du massif urbanisé

[7] Voir les lotissements de maisons individuelles dites « Chalandonnettes »

[8  Zeitoun,1969, « La notion de paysage », in L’architecture d’aujourd’hui – N° 145.

[9] Brunet Roger, 1974, « Analyse des paysages et sémiologie, Eléments pour un débat », L’espace géographique, n° 2, pp 120-126, Paris.

[10] Sautter Gilles, 1979, « Le paysage comme connivence »- Hérodote (16), p. 41-66.

[11] Ce texte est intégré dans son ouvrage de 1975 « Le ministère de l’impossible ».

[12] Par ailleurs l’un des dirigeants de la Barclay’s Bank.

[13] Programmes de recherche : Paysage et Politiques Publiques, de 1998 à 2003, Paysage et Développement Durable, phase 1, de 2005 à 2010, Paysage et Développement Durable, phase 2, de 2010 à 2015, Paysage, Territoires, Transitions, à partir de 2015. Yves Luginbühl, membre du CNERP a été président des comités scientifiques de ces programmes.

[14] Le Débat (1991). « Au-delà du paysage moderne ». Paris, Gallimard, n° 65, mai-août.

[15] A noter, qu’EDF faisait partie du Conseil d’Administration du CNERP.

[16] LOI n° 93-24 du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages et modifiant certaines dispositions législatives en matière d’enquêtes publiques (1

6 – Les débuts de l’enseignement à l’ENSP

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Chapitre 6

Les débuts de l’enseignement à l’École nationale supérieure du paysage de Versailles

La continuité

(1975-1980)

Après avoir évoqué la fin de la Section du paysage et de l’art des jardins de l’ENSH, Pierre Donadieu évoque la mise en place de l’enseignement à l’ENSP.

La fin de la Section (voir chapitre 4)

Les derniers étudiants paysagistes sont sortis de la Section à l’automne 1974. Les annuaires des anciens élèves de l’ENSH et de l’ENSP signalent un phénomène significatif. Les faibles effectifs d’étudiants paysagistes inscrits à la Section se sont mis à augmenter de 1962 à 1972, date de la dernière rentrée. Ils sont passés de 5 en 1962 et 8 en 1963 à 28 en 19721.

Pendant cette période, l’ENSH et le ministère de l’Agriculture commencent à penser la réforme des deux formations versaillaises d’ingénieur horticole et de paysagiste DPLG. La demande de paysagistes augmente. Ce qui s’est traduit pour l’École par le projet d’Institut du paysage lequel, malgré les efforts de la commission présidée par Paul Harvois, n’aboutira pas en 1971 (Chapitre 3).

On connait également les derniers enseignants paysagistes de la Section : A. Audias (depuis 1946), J. Sgard (depuis 1962), B. Lassus (depuis 1963), M. Viollet (depuis 1968), P. Dauvergne (depuis 1969), G. Samel et J.-C. Saint-Maurice (depuis 1960) ainsi que P. Roulet, mais également M. Corajoud et J. Simon qui furent invités à enseigner à partir de 1972. Deux d’entre eux étaient ingénieurs horticoles et paysagistes DPLG (Saint-Maurice, A. Audias). Ils symbolisaient la fin d’une longue période (depuis le début du siècle) où les besoins paysagistes de l’urbanisme avaient été satisfaits surtout par les compétences de l’art des jardins, de l’horticulture ornementale et du jardinage dans les services techniques de parcs et jardins publics.

Parallèlement avait été peu à peu développée, au contact de la culture des Beaux-Arts, des arts décoratifs et de l’architecture, la compétence de concepteur de projet, d’architecte de jardins, distincte de la culture technique de l’ingénieur horticole. Elle était revendiquée par les jeunes professionnels en même temps qu’apparaissait une demande politique de formation de paysagistes comme agents de la requalification des paysages urbains et ruraux avec l’épisode du CNERP (1972-79).

Dans cette période charnière de 1974 à 1980, la nouvelle école du paysage de Versailles, créée par un décret de 1976, se mit en place avec un nouveau directeur, Raymond Chaux2, ingénieur agronome et inspecteur général du ministère de l’Agriculture. Celui-ci était également directeur de l’ENSH – établissement principal devenu nouvelle école d’application des écoles d’ingénieurs agronomes la même année – à laquelle était rattachée l’ENSP.

Le premier programme

Nommé en 1974, R. Chaux succède à E. Le Guélinel qui avait présidé le dernier conseil des professeurs de la Section le 27 juin 1974. Il prépare le concours d’entrée de la première promotion de la jeune ENSP à l’automne 1975.

Un premier programme est rédigé au printemps 19753. Il prévoit en première année des enseignements de base qui supposent l’intervention des enseignants de l’école d’horticulture ou de l’INRA de Versailles4 : climatologie, sols, topographie, floristique, mathématiques, mais également d’autres compétences, enseignées dans la Section, en histoire de l’art, ainsi qu’en dessin. En seconde année, un enseignement plutôt technique et d’atelier est inspiré de celui de la Section (techniques forestières, botanique, hydraulique, aménagement des terrains, gazons…) ainsi qu’une formation à la « composition paysagère », au dessin et, en groupes, à une « orientation urbanisme et aménagement ». La troisième année est surtout consacrée à des ateliers de « composition paysagère », comme dans la Section, avec des compléments en urbanisme, en aménagement du territoire, et en « économie de l’espace ».

R. Chaux l’avait conçu avec les anciens enseignants de la Section, mais surtout avec ceux de l’ENSH déjà impliqués. Car il devait s’appuyer sur les compétences de ces derniers en l’absence de postes budgétaires propres à l’ENSP. Ce programme était donc hybride. Il ne choisissait pas entre un profil technique d’ingénieur paysagiste et un profil de concepteur de projet.

Dans les « Considérations générales », il insiste sur l’expression graphique et la connaissance des matériaux vivants et inertes, ainsi que « du milieu où sera appliqué le travail du paysagiste ». Il souligne « l’apprentissage de l’art de la composition des volumes et des couleurs ». Le paysagiste est pour R. Chaux « un producteur autonome d’espaces verts et un expert s’associant dès la conception à l’élaboration de projets plus complexes ».

Les études doivent durer trois ans suivis d’un stage de neuf mois au minimum, et l’effectif restera inférieur à 15-20 étudiants par année. Aucune option n’est prévue, mais les étudiants pourront choisir les thèmes de leurs projets.

Le programme prévoit que la moitié du temps d’enseignement est consacrée « à la formation au tracé et à la composition graphique dans des ateliers » selon deux groupes de disciplines : 1/ Le dessin, l’expression plastique et la perspective, 2 / La composition paysagère, réunissant des cours d’histoire de l’art, de l’art des jardins et de l’architecture, et l’étude et la composition du paysage.

Ce programme, qui annonce des débats vifs à venir, insiste sur la compétence spatiale du paysagiste qui « conçoit et construit des espaces » et qui, d’un point de vue écologique, « respecte le milieu naturel indispensable au bien-fondé de l’action paysagère ». Compétence qui s’inscrit dans le temps « d’autant plus long que les espaces traités sont de plus grande étendue et constitués d’éléments composites dont il faudra prévoir et diriger l’évolution en vue d’atteindre les objectifs fixés ». Phrase qui suppose la prise en compte, dans la formation, de l’idée de « grand paysage » ou de « paysage d’aménagement » qui est expérimentée au même moment au CNERP de Trappes, à quelques kilomètres de Versailles.

La formation prévue réunit en fait la capacité à la maîtrise d’œuvre et à la planification de la production des paysages. Elle reprend une partie des compétences que le CNERP transmettait au même moment à de jeunes diplômés d’architecture, d’agronomie et de paysage. Mais elle ne fait pas appel explicitement à la notion de paysagisme d’aménagement ou de « grand paysage » qui s’imposera plus tard.

Elle explicite l’idée que le paysagiste « partage plus que tout autre ce qui constitue les préoccupations des urbanistes », notamment d’un point de vue géographique, économique et juridique.

L’ambition de ce programme, rédigé après de nombreuses consultations, est importante, mais beaucoup moins que le projet d’Institut national du paysage et de l’environnement de 1971. Elle s’inspire du premier projet d’ « École du paysage et de l’art des jardins » élaboré en 1966 avant le projet d’Institut (Chapitre 1). Elle reprend la pédagogie de la Section (qui est comparable à celle des ateliers des Unités Pédagogiques d’architecture) en y associant celle des écoles d’ingénieurs (les cours et les applications). R. Chaux ignore cependant que ces deux domaines s’articulent très difficilement, ce que ne tarderont pas à lui faire savoir les étudiants et les enseignants d’ateliers. Il ne semble pas s’appuyer sur les dernières expérimentations pédagogiques menées de 1972 à 1974 par P. Dauvergne, J. Simon et M. Corajoud (voir chapitre 4).

La première équipe enseignante et les départements

En 1966, le premier projet d’école du paysage et de l’art des jardins en trois ans prévoyait une structure pédagogique simple. Quatre domaines devaient organiser l’enseignement : « la connaissance de l’homme (le cadre juridique et social des activités de plein air), la connaissance de la nature (l’utilisation des végétaux et la phytogéographie), les techniques de réalisation (de jardinage, de génies civil et rural) et les travaux d’atelier de projet (esquisse, avant-projet, projet technique, rendu, devis estimatif, rapport de présentation) ».

Etaient ainsi préfigurés les regroupements d’enseignements qui virent le jour en 19775 : « La connaissance du milieu humain ; la connaissance du milieu (écologique) ; les techniques de l’ingénieur, les études sur les processus d’élaboration d’un aménagement ». Le mot atelier n’apparaissait pas comme dans la Section des années 1972-74.

Autant de futurs départements auxquels il fallut ajouter : « les techniques de communication, les arts plastiques, la phase d’accueil de début de première année, la phase de sensibilisation à l’expression6, l’histoire de l’art, les voyages d’étude …».

Ces regroupements ne prirent progressivement le nom de département qu’en 1979 avec cinq pôles : Connaissance du milieu social, Connaissance du milieu (physique), Techniques de projets, Ateliers de théories et de projets, Arts plastiques, Techniques de représentation et de communication. Usuelle dans les écoles d’ingénieurs ou à l’université (avec les chaires7), cette structure en départements n’existait pas dans les écoles d’architecture.

Pour structurer l’enseignement, il fallait constituer un gouvernement stable de l’école. Ce qui fut fait avec l’arrêté du 15 septembre 1977 créant les conseils des enseignants et le conseil de l’enseignement et de la pédagogie de l’ENSP de Versailles.

Dès le début de la première année d’enseignement 1975-1976, un conseil d’enseignants provisoire avait été créé. En juin 1977, il réunissait, répartis en plusieurs groupes de réflexion :

dans le groupe Arts plastiques et Histoire de l’art des jardins : F. Blin, R. Péchère ; dans « Milieu humain » : l’économiste et juriste J. Carrel et le paysagiste (et ingénieur horticole) Elie Mauret ; dans « Techniques de représentation », le paysagiste P. Aubry, P. Bordes (topographie) et F. Manach (techniques de représentation) ; dans « Milieu écologique » : P. Pasquier (Sciences du sol) ; le paysagiste et ingénieur horticole G. Clément (Utilisation des végétaux) ; N. Dorion (Physiologie végétale), P. Lemattre (horticulture ornementale) et M. Rumelhart, assistant représentant J. Montégut, professeur d’écologie végétale. S’y ajoutaient, surtout dans des activités de type ateliers, les paysagistes, anciens comme D. Collin, L. Tailhade-Collin, J.-B. Perrin et P. Roulet, et plus jeunes comme M. Corajoud, B. Lassus, L. Saccardy, A. Provost, P. Dauvergne, A. Spaak ; des historiens : J. Pasquier (ingénieur horticole et directeur adjoint de l’ENSH), S. Hoog, conservatrice au château de Versailles et d’autres professeurs de l’École d’horticulture : J.-M. Lemoyne de Forges (en génie horticole) et T. De Parcevaux en bioclimatologie (un chercheur de l’INRA qui sera remplacé l’année suivante par P. Donadieu) 8

R. Chaux avait pu ainsi rassembler une trentaine de personnes de différents horizons. Une douzaine d’entre eux étaient des paysagistes ayant suivi la Section, ingénieurs horticoles ou non, et/ou ayant participé à l’histoire de la Section depuis 1961 comme B. Lassus, P. Dauvergne ou P. Roulet. La majorité des autres était issue du personnel enseignant titulaire (assistant, chef de travaux et professeur) de l’ENSH, soit une dizaine de personnes.

Structurés en conseil de l’enseignement et de la pédagogie et en conseil des enseignants (notamment sous une forme restreinte aux représentants des cinq départements), ils vont faire évoluer le programme pédagogique de 1975.

1978 : le second programme pédagogique

Dès 1975, R. Chaux avait distribué les grands volumes horaires d’enseignement. Sur les 2700 à 3000 heures prévues pendant trois ans, la moitié devait revenir à des pédagogies collectives et pratiques de « composition paysagère » et d’ «études d’urbanisme et aménagement de l’espace». Il affirmait ainsi l’orientation professionnelle de la formation mais ne définissait pas les objectifs et les modes pédagogiques.

À la rentrée 19779, les enseignants n’étaient pas une population stable. De nouveaux arrivaient (P. Donadieu en Ecologie, P. Lemonnier en ethnologie ; D. Mohen en dessin, C. Preneux en horticulture ornementale, T. Pauly en techniques forestières, M. Vidal en psychosociologie). Et d’autres repartaient ou allaient repartir (D. Collin, J.-B. Perrin, P. Roulet, R. Péchère, M. Guitton, A. Spaak, M. Grocholsky …).10

Néanmoins, des orientations pédagogiques commençaient à être débattues, chaque groupe affirmant ses convictions interdisciplinaires en fonction des expériences acquises.

Par exemple le groupe Milieu écologique (M. Rumelhart, J. Montégut) faisait valoir la nécessité pour le paysagiste de « connaitre les groupes végétaux d’utilisation en fonction des caractères du milieu, d’y associer les caractères plastiques et techniques et de savoir analyser un paysage en fonction des plantes indicatrices identifiées, ceci afin de savoir recréer et compléter un milieu à aménager ». D’autres (P. Dauvergne) insistaient en première année sur l’étendue de la palette végétale du paysagiste (semblable à celle du peintre) ; sur la conscience des ambiances paysagères (L. Tailhade Collin) ; sur, en deuxième année, les « fonctions et moments du processus d’élaboration d’un aménagement (A. Provost avec une base de loisirs ; J.-B. Perrin avec un parc urbain, B. Lassus avec la réhabilitation d’une cité ouvrière). E. Mauret en 3e année voulait développer le savoir participer à « la création d’un schéma directeur d’aménagement et de sauvegarde d’un paysage territorial », et M. Corajoud défendait la pratique de conception d’un parc semi urbain. La question de la progression pédagogique était mieux posée (et provisoirement résolue) que celles de la pertinence et de l’articulation des prestations des uns et des autres. Ces dernières questions apparaitront dans le conseil des enseignants progressivement.

Premières tensions

En mars 197911, G. Clément, ingénieur horticole (IH 65) et paysagiste DPLG regrette que « l’on forme plus des plasticiens que des spécialistes d’utilisation des végétaux » et P. Pasquier que les étudiants ne lisent pas les polycopiés de sciences du sol. P. Aubry, paysagiste DPLG et assistant de B. Lassus, plaide pour développer « l’outil de la reconnaissance paysagère » et le peintre J. Sire pour « axer l’enseignement sur l’univers perceptif ». M. Corajoud déplore « des enseignements trop cloisonnés et l’absence de concepts généraux », J. Coulon, élève du précédent, recommande « d’agrafer analyse et création », P. Dauvergne « de présenter les travaux de groupe devant les élus », et D. Mohen et E. Mauret de changer de locaux trop provisoires et inconfortables (des modules préfabriqués dans la cour de l’École ).

Deux mois plus tard, en mai 1979, le procès-verbal12 n’ignore pas les tensions qui émergent. « Comment intégrer les techniques de travaux et les techniques de représentations » (A. Provost), « Faut-il des enseignements (d’ateliers) optionnels ou monolithiques ? « (P. Aubry) « Les départements sont-ils nécessaires ? (…) N’y a-t-il pas surenchère des disciplines au détriment du concept général de paysage ? (…) Quelle importance du végétal par rapport à l’architecture ? (M. Corajoud), « Les enseignants doivent être des consultants dans les ateliers dans le cadre d’un parcours » (F. Manach), « le paysagiste relève d’une option culturelle et non scientifique » (B. Lassus).

Le principe de deux ateliers de projet de paysage commence à émerger : Corajoud-Provost, et Lassus-Aubry, ce dernier sur des principes plasticiens.

Comme il devient difficile de débattre et de décider avec plus de 20 personnes, une commission restreinte, chargée de préparer les conseils des enseignants, est désignée par R. Chaux le 22 octobre 1979. Elle réunit régulièrement les responsables des cinq départements (Dauvergne, Donadieu, Manach, Sire, Provost) avec ceux des ateliers (Lassus et Aubry, Corajoud et Provost).

Les conseils restreints

Dans le compte-rendu du 25 10 1979, R. Chaux demande que l’on explicite les principes pédagogiques de l’ENSP, mais que, d’abord, l’on confirme que la structure actuelle est conforme aux objectifs de l’école définis par lui en 1975, puis dans ses articles plus récents. M. Corajoud n’approuve pas tant que « la structure actuelle (reste) trop monolithique ; elle n’offre aucune option, aucune passerelle ». Dans le conseil suivant, en formation complète, est développée une critique des stages de quatrième année, mal rémunérés et peu efficaces d’un point de vue pédagogique (mauvaise qualité du travail personnel associé). Il est alors envisagé de « réintroduire la quatrième année comme année de formation » et d’inventer une pratique de recherche dans l’établissement par les enseignants pour y associer les étudiants. Le dispositif universitaire et des écoles d’ingénieurs doit être distingué de celui des écoles de concepteurs « au même niveau des notions de projet (dans les écoles d’architecture) assemblant un mémoire à un projet ».

La notion de projet « spécifiquement paysager » n’est donc pas encore claire ou suffisamment partagée pour le Conseil restreint qui demande un nouveau débat.

Le Conseil précédent l’avait montré. M. Corajoud rejetait « la compilation qui n’est jamais dépassée ». Il craignait le « détournement de projet » s’opposant ainsi à P. Donadieu qui soutenait qu’une recherche « hors du projet » est parfois attendue par les étudiants. Tous semblaient s’être mis d’accord cependant sur la phrase proposée par P. Dauvergne : « Le travail personnel serait constitué par un mémoire devant aboutir sauf exception à un projet d’aménagement de l’espace aux échelles et dans les milieux les plus divers … »13.

Cependant P. Aubry demanda de préciser le texte en introduisant « la proposition d’aménagement de l’espace et du temps, ne pouvant être faite que par un paysagiste, et montrant ce que pourrait être le projet de paysage ». Le danger d’une interprétation trop corporatiste est signalé par P. Dauvergne et la proposition écartée avec l’appui de M. Corajoud.

Cette négociation point par point entre enseignants demeura longtemps la règle de R. Chaux. Par exemple pour la création des postes d’enseignants-praticiens obligeant à transformer des postes de vacations en postes budgétaires ; pour modifier les conditions du concours mal adaptées aux objectifs de l’école ; pour créer un premier cycle spécifique de préparation au concours d’entrée ; ou pour réformer l’enseignement du département du milieu trop isolé des pratiques d’ateliers14.

R. Bellec et R. Chaux parvinrent ainsi à écrire le texte de la première « plaquette », une notice de présentation de l’ENSP.

La première plaquette

L’introduction de cette notice provisoire pour les candidats au concours d’entrée, qui est soumise au Conseil restreint le 2 novembre 1980, affirmait le socle sur lequel sera bâtie la formation dans les années suivantes.

Elle n’éludait pas la difficulté : « pour tenir ce qui est avancé, (il faudra) un certain nombre de réformes pédagogiques …parfois déchirantes ».

L’environnement, écrivait R. Bellec, doit nous stimuler et nous soutenir. « Comment les besoins des hommes peuvent-ils être satisfaits d’une manière compatible avec cet environnement ?». Le paysagiste « à sa place et parmi d’autres » (une formule de R. Chaux) apporte des solutions à ce problème. En intervenant sur l’esthétique du changement « grâce à sa formation artistique et une approche subjective mais méthodique », c’est-à-dire en mettant en forme l’espace. En comprenant, avec les scientifiques, les faits relationnels (inscrits dans le paysage) pour aboutir « à une complicité avec le milieu physique et culturel ». Ce qui n’exclut pas l’intervention forte, et n’implique en rien l’esprit de conservation. « En créant des aménagements qui devront être agréables, confortables …et dont on se souviendra ».

Le texte conclut :« Les paysagistes travaillent en collaboration avec les urbanistes, les architectes et les ingénieurs (…). Ils peuvent intervenir comme maître d’œuvre (…) et comme conseil ou expert au sein d’équipes interdisciplinaires. ».

Ce texte, en forme de manifeste (ici reformulé), réaffirme l’identité des paysagistes concepteurs et les distinguent des compétences voisines. Le paysagiste DPLG n’est ni un architecte, ni un urbaniste ou un ingénieur, et encore moins, sauf cas particulier, un artiste. Sa singularité est de contribuer à la satisfaction des besoins humains, là où les autres aménageurs de l’espace ne le font pas ou mal. Sans préjuger des moyens techniques ou des démarches d’inspiration artistique. Sans s’inféoder aux démarches dites du paysage d’aménagement, ni à celles des ingénieries horticoles et écologiques qui ne sont pas évoquées, ni à celles des sciences qui nourrissent ou non ces dernières pratiques.

Ce texte dit, implicitement, que les compétences des paysagistes doivent être réinventées par une formation originale articulée avec la recherche de solutions de projets, nouvelles et singulières. Il s’inscrit dans une conception libérale du métier. Les réformes pédagogiques à faire se lisent entre les lignes : abandonner les enseignements scientifiques inutiles, inventer la recherche par le projet, et faire converger les apports des disciplines vers la pratique des ateliers, voire dans les ateliers.

Parallèlement le ministère de l’Environnement et du Cadre de vie venait d’arrêter la formation au CNERP en 1979 en raison des problèmes posés par son financement interministériel. Il savait que la formation au « Paysagisme d’aménagement » était en principe repris par la nouvelle ENSP. Mais aucune garantie ne lui était donnée, qu’il puisse trouver parmi les jeunes paysagistes des agents compétents pour sa politique en matière de paysage15. Une « Mission du paysage » dirigée par A. Riquois, ingénieur du Génie rural et des eaux et forêts, fut donc créée en 1979 afin de mettre en œuvre cette politique16, notamment sous la forme de contrats de recherche avec l’ENSP et ses étudiants (voir chapitres futurs : La fondation de la recherche et des ateliers pédagogiques régionaux.).

À suivre.

P. Donadieu

Version du 25 novembre 2018

Chapitre suivant


1 L’annuaire de l’association des ingénieurs de l’horticulture et du paysage de 2011 distingue deux grandes catégories d’étudiants paysagistes : 1/les ingénieurs horticoles qui ont suivi un ou deux ans d’études de la Section et obtenu le titre de paysagiste DPLG (ou non) 2/ Les étudiants de la Section qui ont obtenu ou non le titre de paysagiste DPLG. Selon les années, l’effectif de paysagiste DPLG a varié de 5/12 inscrits dans la Section en 1964 à 19/28 en 1972.

2 R. Chaux (1925-2017) avait été successivement directeur de la Chambre d’agriculture de Marrakech en 1951, directeur de la modernisation agricole au Cameroun, puis sous-directeur de l’enseignement technique agricole au ministère de l’Agriculture de 1967 à 1974. Il est nommé, par J. Chirac, premier ministre sous la présidence de V. Giscard d’Estaing, directeur de l’ENSH et de l’ENSP de Versailles où il restera jusqu’en 1990. Il succédait à Etienne Le Guélinel, ancien directeur des services agricoles de Seine-et-Oise, qui avait pris ses fonctions en 1959.
3 Programme d’enseignement de l’ENSP, 6.05/1975, 12 p., sans auteur.

4 Les enseignants de l’ENSH sont intervenus dans la formation préparatoire et celle de la Section à partir de l’année scolaire 1967-68. Ils étaient cinq au début (Montégut, De Forges, Bordes, Gallien, Anstett).

5 Programme d’enseignement par année, 11/08/1977, doc. ronéo, 6p.

6 Une partie de ces ajouts est liée à l’arrivée de Roger Bellec à la rentrée 1977. Il était animateur socioculturel de lycée agricole, chargé du secrétariat général et de la coordination pédagogique de l’ENSP. Il était assisté par une secrétaire Lydie Hureaux et un paysagiste P. Aubry. Il assura ce poste difficile de 1977 à 1985 avant de regagner sa Bretagne. Il est décédé en 2017.

7 Le terme chaire, après la remise en cause « antimandarinale » de mai 1968 à l’Université, disparut pendant plusieurs décennies. Il réapparut après 2000 avec les chaires d’entreprises surtout dans les Grandes Écoles. Une chaire Paysage et Energie a été créée en 2016 à l’ENSP.

8 Ingénieur horticole, diplômé d’études approfondies d’écologie, ingénieur d’agronomie, P. Donadieu était depuis 1972 chargé d’enseignement et de recherche à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat (Maroc). Françoise Blin était professeur certifié de dessin, P. Bordes maître-assistant en Génie rural et topographie à l’ENSH, J. Carrel professeur d’économie et de droit à l’ENSH.

9 Le concours d’entrée recruta en 1977, sur une centaine de candidats, 13 nationaux, quatre à titre étranger, deux réintégrant l’école après une admission l’année d’avant, et deux architectes en troisième année.

10 PV du CE du 21 juin 1977 auquel assistaient 21 personnes. P. Lemonnier était assistant au CNRS, P. Mainié maitre de recherches en économie rurale à l’INRA dans le cadre ENSH, E. Mauret, urbaniste- paysagiste DPLG, T. Pauly, ingénieur forestier, J. Sire, peintre et conseiller technique et pédagogique, D. Mohen professeur certifié de dessin, F. Manach, enseignant à UP n° 5, C. Preneux, assistante à l’ENSH.

11 PV du Conseil des enseignants du 15 mars 1979 (19 personnes)
12 PV du conseil des enseignants du 9 mai 1979 auquel assistaient 24 personnes.

13 PV du conseil restreint du 20 11 1979, p. 3, rédigé par F. Manach. Ce point était conforme à la tradition de la Section depuis sa création.

14 PV du CR du 18/03/1980. Cette proposition fut discutée par A. Provost (clivages trop artificiels, utopie de raisonner du grand aménagement au petit), par M. Corajoud (la forme est prioritaire sur le « gonflage de tête » et par R. Bellec (nécessité d’une concertation entre départements pour une même action (pédagogique) »

15 M. D’Ornano souhaitait, au-delà de la politique de protection des paysages, « retrouver une capacité de création paysagère et mettre en œuvre une politique active de reconquête et de maîtrise de l’évolution des paysages », M. Champenois. Communication au conseil des ministres du 5 novembre 1980. Le Monde du 10 novembre 1980.

16 La Mission recruta notamment Yves Luginbühl et Anne Kriegel qui venaient du CNERP de Trappes.

Soutenance Claire Fonticelli

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Thèse de doctorat en sciences du paysage

Laboratoire de recherche en projet de paysage (LAREP), laboratoire de recherche de l’école nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille (ENSP) / École doctorale n°581 Agriculture, alimentation, biologie, environnement et santé (ABIES) / Financement R2DS).

CONSTRUIRE DES IMMEUBLES AU ROYAUME DES MAISONS
La densification des bourgs périurbains franciliens par le logement collectif : modalités, intérêts et limites.

Jury :

M. Eric Charmes, directeur de recherches, ENTPE Rapporteur
M. Xavier Desjardins, professeur, Sorbonne Université Examinateur
M. Jean-Claude Driant, professeur, École d’urbanisme de Paris (Université Paris Est) Examinateur
Mme Marie-Christine Jaillet, directrice de recherches CNRS, Université de Toulouse Examinatrice
Mme Lucile Mettetal, chargée d’études à l’institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France Membre invitée
Mme Monique Poulot, professeur, Université Paris Nanterre Rapporteur
M. Patrick Moquay, professeur, ENSP, directeur de thèse Directeur de thèse
La thèse sera soutenue publiquement le 27 novembre 2018 à 14h au 19 avenue du Maine 75015 Paris amphithéâtre B208 (2ème étage, couloir B).

Résumé : ­

Alors que le périurbain est souvent vu comme le royaume du logement individuel, le parc de logement des communes périurbaines se diversifie en Ile-de-France. Le logement collectif y représente 40% des opérations de construction de logement (Sit@del 2009-2013).
Ces logements – souvent des opérations modestes comprenant en moyenne une vingtaine de logements – permettent de diversifier le parc existant pour réaliser des logements locatifs ou plus petits. Ils permettraient alors de répondre aux besoins des jeunes ménages, des familles monoparentales ou des personnes âgées qui n’ont pas nécessairement les moyens ou l’envie d’habiter dans du logement individuel. Ce serait une opportunité de de renforcer la maturation périurbaine (Berger, 2014), tout en de dynamisant la commune et en favorisant la transition démographique, souvent souhaitée par les élus.
Pourtant, la densification est loin d’être évidente sur ces communes : les difficultés à densifier sont importantes. Le coût direct de la densification pour la collectivité est le plus souvent très élevé, et le marché laissé libre ne produirait – sauf exceptions – que des maisons individuelles. L’argent public devient ainsi indispensable pour construire du collectif en densification dans ces communes : il est largement subventionné. Le manque d’acteurs pour réaliser ces opérations est également un frein, que ce soit en termes d’ingénierie pour aider à réaliser la construction qu’en termes d’opérateurs ou de promoteurs. Si ce parc de logement se construit, le plus souvent, c’est parce que l’imbrication réglementaire et législative propre à l’Ile de France l’impose, souvent à l’encontre des volontés des maires.
Alors, sur ces bourgs périurbains, la plupart des constructions revêtent un style standardisé : les immeubles de petit collectif utilisent le plus souvent des formes architecturales dites de « néo-village » qui imitent l’architecture traditionnelle des bourgs sans hésiter à la détourner. L’architecture des centres-bourgs se doit être la plus consensuelle possible pour ne pas rajouter des crispations complémentaires pour les habitants. Elle se traduit par des façades sur rue, peu rythmées, qui interdisent les balcons et les terrasses auxquelles les habitants aspirent. Or, dans ces communes où habiter dans une maison est la norme, et où le rêve d’un jardin est important, ces appartements peinent à répondre aux aspirations de leurs habitants.
En cela, la densification révèle un côté irréconciliable entre les attentes des habitants et celles des élus. L’investissement important que la densification demande pour se réaliser – aussi bien en termes de risque politique que d’argent public – en comparaison à la satisfaction en demi-teinte par laquelle elle se traduit, une fois achevée, questionne la pertinence des politiques de densification sur les territoires périurbains.

Histoire des jardins

Cours (accès réservé)

HISTOIRE DES JARDINS

L’enseignement d’Histoire des jardins s’adresse aux étudiants de première année du Diplôme d’État de paysagiste (DEP, niveau licence), aux étudiants du Certificat d’études supérieures paysagères (CESP) et aux stagiaires de la Formation Continue.

 

Objectifs

  • Aborder l’histoire des jardins du Moyen Âge au début du XXe siècle, à partir des problématiques artistiques, scientifiques, techniques qui sont à leur origine. 
  • Appréhender la dimension de « monument » des jardins historiques, « expression des rapports étroits entre la civilisation et la nature », portant « témoignage d’une culture, d’un style, d’une époque, éventuellement de l’originalité d’un créateur » (Charte de Florence, 1981).
  • Apporter les outils méthodologiques nécessaires à l’étude des jardins (problématisation d’un sujet, recherche bibliographique, repérage et analyse des sources etc.).
  • Initier à la lecture de la structure et des composantes d’un projet de jardin.

 

Contenu

L’enseignement s’organise autour de cours magistraux consacrés à l’histoire des jardins en Europe entre les XIVe et XXe siècles. Chaque cours (3h) porte sur une période spécifique de l’évolution des savoirs et des savoir-faire théoriques et techniques du projet. 

A l’intérieur de ce parcours chronologique, chaque cours s’attache d’abord au contexte culturel, politique et social dont les jardins sont en même temps témoignage et représentation ; ensuite, il porte sur quelques cas d’étude, dont sont analysé les éléments suivants : 

  • traitement de la topographie, dessin de la structure d’ensemble, réalisation des tracés ; 
  • captation et gestion des ressources hydrauliques, mise en place du réseau hydraulique et des jeux d’eau ;
  • repérage et culture des plantes ; choix, plantation et gestion de la matière végétale.

Le contenu des cours est intégré et développé par un programme de visites de jardins, mutualisé avec le cours de Fondamentaux techniques.

 

Volume horaire

33h de cours magistraux et 3h de contrôle de connaissances 

 

Contrôle des connaissances (pour les étudiants DEP1)

L’enseignement est évalué à travers une épreuve écrite sur table, qui se compose de commentaires d’images et d’un questionnaire à choix multiple.

Pour la préparation de cette épreuve des dossiers iconographiques, ainsi que des articles scientifiques, sont distribués tout au long du cours. En complément de ces documents, une bibliographie thématique sur l’histoire de l’art des jardins (qui intègre de façon analytique, la bibliographie générale, présentée dans ce programme) et un Dictionnaire technique et historique de l’art des jardins, réalisé en collaboration avec l’enseignement de Fondamentaux techniques, sont distribués au début du cours. 

 

Bibliographie d’introduction générale à l’histoire des jardins

ALLAIN Yves-Marie, CHRISTIANY Janine, L’art des jardins en Europe. De l’évolution des idées et de savoir-faire, Citadelles & Mazenod, Paris, 2006.

ASSUNTO Rosario, Retour au jardin. Essais pour une philosophie de la nature. 1976-1987, éd. par Hervé BRUNON, Éditions de l’Imprimeur, Paris, 2003.

BARIDON Michel, L’eau dans les jardins d’Europe, Mardaga, Bruxelles, 2008.

BARIDON Michel, Les jardins : paysagistes, jardiniers, poètes, R. Laffont, Paris, 1998.

BÉNETIÈRE Marie-Hélène, Jardin, vocabulaire typologique et technique, dir. par M. Chatenet, M. Mosser Ed. du Patrimoine, Paris, 2000.

BRUNON Hervé, MOSSER Monique, L’imaginaire des grottes dans les jardins européens, Hazan, Paris, 2014.

CONAN Michel, Essais de poétique des jardins, L. Olschki, Florence, 2004. 

CONAN Michel, Dictionnaire historique de l’art des jardins, Hazan, Paris, 2000.

DIXON HUNT John, L’art du jardin et son histoire, Odile Jacob, Paris, 1996.

LE DANTEC Jean-Pierre P., Poétique des jardins, ENSP-Actes Sud, Versailles-Arles, 2011.

LE DANTEC Jean-Pierre, Jardins et paysages, Larousse, Paris, 1996.

JAKOB Michael (dir.), Des jardins et des livres, MetisPresses, Genève, 2018.

MOSSER M., TEYSSOT G. (dir.), Histoire des jardins : de la Renaissance à nos jours, Flammarion, Paris, 1991.

PÉNA Michel, AUDOUY Michel, Petite histoire du jardin et du paysage en ville, Cité de l’architecture et du patrimoine, Éditions alternatives, Paris, 2012.

RACINE Michel (dir.), Créateurs de jardins et de paysages en France de la Renaissance au XXIe siècle, 2 vol., École nationales supérieure du paysage de Versailles-Actes Sud, Versailles-Arles, 2002.

VERCELLONI Matteo, VERCELLONI Virgilio, L’invention du jardin occidental, Rouergue, Rodez, 2009.

 

Enseignant

Chiara Santini (Docteur en Histoire et Archiviste-paléographe d’État)

Page enseignant 

 
 

Designed Landscapes

DESIGNED LANDSCAPES – BRUSSELS 1775-2020

Organisée par le CIVA à Bruxelles, cette exposition propose un regard inédit sur le paysage de la Région de Bruxelles, à la découverte de l’histoire singulière de ses parcs et jardins publics. À travers de nombreux documents originaux, en partie inédits, elle offre une vision d’ensemble sur les créations paysagères entre 1775 et la période contemporaine, sur leurs auteurs et leur contexte historique et politique. L’exposition s’attache aussi à situer les créations bruxelloises dans un cadre culturel international et à mettre en valeur les outils spécifiques de l’architecte paysagiste.

L’École nationale supérieure de paysage de Versailles est heureuse d’avoir contribué à Designed Landscapes – Brussels 1775-2020, par la participation au comité scientifique de Chiara Santini (chercheure et enseignante d’histoire des jardins à l’ENSP) et Luisa Limido (architecte, chercheure et lauréate de la Villa Le Nôtre 2017).


Designed Landscapes – Brussels 1775-2020
16 novembre 2018 – 31 mars 2019
CIVA – Rue de l’Ermitage 55
1050 Bruxelles

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