16 – Retour à l’école

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Chapitre 16

Retour à l’école (1977-1981)  

 

Pierre Donadieu revient sur le début de sa carrière d’enseignant-chercheur à l’ENSP.

Une insertion délicate

Mon retour à Versailles, un lundi matin de septembre 1977, est gravée dans ma mémoire comme une image de vieux film.  Neuf ans après avoir quitté l’école, je pousse la lourde porte vitrée du 6 bis rue Hardy. Dans le vaste hall désert, l’élégante volée d’escaliers en béton couvert de marbre et sa rampe en fer forgé qui donne accès aux deux étages est toujours aussi majestueuse. C’est dans ce bâtiment terminé en 1928 et aménagé en internat que nous vivions pendant le temps scolaire, que nous mangions, buvions (beaucoup), dormions (peu), dansions (les soirs de week-end dans le sous-sol) et travaillions les examens (pas énormément…). 

Après les cours et les travaux pratiques qui se déroulaient dans d’autres bâtiments du Potager du roi, chacun regagnait sa chambre ou le réfectoire (situé dans l’actuelle documentation de l’ENSP). En 1965, en première année, je partageais cette chambre (cette « piaule » disait-on) avec Christian Duvivier qui deviendra paysagiste DPLG et directeur des jardins de la ville de Caen, Michel Meliava qui fera une carrière de banquier et Lucien Pons de conseiller dans une chambre d’agriculture. En seconde année, nous étions deux, avec Bernard Silliaud, dans une chambre du second étage, privilège dû à nos responsabilités de trésorier et de président du comité des fêtes. Et en troisième année, je partageais une chambre de six là où aujourd’hui est situé un atelier de projet.

Une chambre d’élèves (4) dans les années 1930. Archives ENSH/ENSP

Je monte au premier étage en espérant y trouver quelques habitants. Les murs sont sales. Le long couloir qui traverse le bâtiment est désert et sombre, inquiétant, comme traversé des fantômes des centaines d’élèves ingénieurs qui y sont passées depuis un siècle. En me penchant au-dessus du garde-corps, je revois les torrents d’eau qu’un jour nous avions déversés avec des poubelles depuis l’étage pour accueillir le directeur Etienne le Guélinel au rez-de-chaussée. Un crime de lèse-majesté qui rencontra beaucoup d’indulgence.

Dans ce bâtiment, la majorité d’entre nous vivait en cercle fermé, assez indifférent aux évènements extérieurs, à la ville de Versailles et plus loin à la vie parisienne. Au moment des vacances le foyer des élèves – ancienne « Coopérative »- c’était son nom, se vidait complétement, laissant le potager à ses seuls jardiniers, et sur le pignon de l’édifice à un petit commissariat de quartier très sensible à nos débordements nocturnes.

Le long des couloirs, les chambres étaient vides, comme au rez-de-chaussée, les cuisines, le réfectoire, la bibliothèque et la salle de sports. Aucun étudiant n’habitait ici, alors que la nouvelle école du paysage et celle d’horticulture allaient faire leur troisième rentrée. Les derniers étudiants de l’école d’Horticulture (ancienne formule en trois ans) et de la Section du paysage et de l’art des jardins l’avaient quittée trois ans auparavant, en juillet 1974. Et personne n’avait réoccupé les locaux vétustes et lugubres.

Je traverse le Potager du roi, aussi foisonnant de légumes, de fleurs et de fruits qu’à l’époque où je l’avais quitté, aussi paisible à traverser qu’autrefois, aussi lourd d’histoire que le laissent penser les antiques contre-espaliers de poiriers en partie décrépis. 

J’ai rendez-vous dans le bâtiment des Suisses avec Jacques Montégut, mon ancien professeur de botanique et d’écologie végétale à l’ENSH. Grâce à lui, non seulement j’avais aimé l’écologie et la botanique et j’étais devenu enseignant-chercheur dans ce domaine à Dijon, Alger et Rabat, mais il avait conseillé au directeur Raymond Chaux de me recruter comme enseignant. Ce qu’il avait fait pour Marc Rumelhart l’année précédente. Affectation qui était en principe facile puisque j’étais fonctionnaire du ministère de l’Agriculture. Il m’en avait parlé lors de missions que j’avais organisées avec lui au Maroc, à la recherche dans la plaine du Gharb et sur les plateaux d’Azrou, de ses chères adventices, en 1975 et 1976.

Je le retrouve, toujours aussi jovial et passionné, dans son bureau où il travaille avec ses assistants depuis 1956. Il m’explique les enseignements d’écologie végétale et de botanique qu’il dispensait à la Section et qu’il n’a plus le temps de faire (il travaille pour l’entreprise Monsanto sur les plantules des mauvaises herbes…). Enseignement que nous aurons à perpétuer avec Marc Rumelhart, de retour de coopération à Djelfa en Algérie et assistant à l’Agro avec un détachement à l’ENSH.

Il me désigne mon petit bureau qui ouvre sur un jeune verger de pommiers (disparu en 2018). Je ne suis pas dépaysé dans un monde de blouses blanches et de laboratoires de recherches. C’était mon univers à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat où j’étais chargé, comme coopérant civil, des enseignements de bioclimatologie, botanique, écologie, agrostologie et malherbologie. Où j’avais également participé à une opération originale et passionnante de développement agricole dans le Haut Atlas de Marrakech. Plus que l’agronomie, mon domaine c’était la botanique méditerranéenne et la phytogéographie nord-africaine où d’illustres prédécesseurs, René Maire puis Pierre Quézel, m’avaient montré le chemin botanique de la science des pâturages. Ce n’était pas celui qui menait aux sciences du paysage. Je l’apprendrai bien plus tard.

Deux jours plus tard, je rencontre Raymond Chaux dans son impressionnant bureau directorial du rez-de-chaussée de la maison historique de Jean-Baptiste de La Quintinie, fondateur du Potager du roi. Successeur de E. Le Guélinel, il est arrivé depuis trois ans avec la double mission de mettre en place deux écoles, renouvelée : l’ENSH, et nouvelle : l’ENSP. Inséparable de ses cigarillos, il m’explique ce que sera l’école du paysage où je suis affecté : une école de paysagistes, des praticiens à la fois architectes et ingénieurs, artistes et techniciens, maitres d’œuvre et planificateurs. J’ai enseigné la bioclimatologie ! Très bien, le cours que laissait le chercheur de l’INRA Sané de Parcevaux en première année m’est confié sur le champ. Tandis que l’enseignement de J. Montégut sera assuré par M Rumelhart. Je suis un peu déçu car il me faudra inventer ce cours pour l’adapter aux élèves paysagistes dont j’ignore les besoins.

R. Chaux était un fonctionnaire d’autorité autant qu’un diplomate pragmatique. Il ne me raconta pas tous les contacts qu’il avait déjà pris pour construire l’enseignement à l’école, ni l’histoire de la commission Harvois et l’échec du premier Institut du paysage (1969-1972) qu’il connaissait. Il savait distribuer les rôles et séparer les informations pour exercer son pouvoir. Sa mission était cependant délicate, car il devait mettre en place une nouvelle école en utilisant les moyens de l’ancienne (l’ENSH), tout en répondant à la demande nouvelle de l’Etat : des paysagistes pour l’aménagement du territoire, des « paysagistes d’aménagement », et non des architectes de jardin.

N’ayant rencontré ni paysagiste de la Section, ni enseignant de l’ENSH, encore moins ceux du CNERP, je n’avais pas conscience de ces enjeux. Mon seul capital était les sciences phytogéographiques et écologiques, une formation assez technique d’ingénieur horticole avec une spécialisation en protection des végétaux (et un mémoire sur les maladies des peupliers), un diplôme d’études approfondies d’écologie végétale à l’Université de Montpellier et un poste stable d’ingénieur d’agronomie titulaire détaché à l’ENSP. Regroupé plus tard avec le corps des ingénieurs du Génie rural et des Eaux et Forêts, et celui des Ponts-et-Chaussées, le corps des ingénieurs d’Agronomie sera fondu dans le corps unique des Ponts et des Forêts. 

Je me rendis assez vite compte que cette carte de visite n’allait pas faciliter mon insertion dans l’équipe enseignante en construction. Je n’étais pas paysagiste et a priori pas légitime pour former des professionnels, hors de mon domaine scientifique qui était également celui de M. Rumelhart. Je m’aperçus cependant que d’autres enseignants comme Michel Corajoud ou Bernard Lassus ne l’étaient pas plus que moi, mais étaient déjà engagés dans le métier ou la formation des paysagistes de la Section depuis longtemps. Depuis 1963 pour B. Lassus et 1972 pour M. Corajoud.

Devais-je devenir paysagiste pour compenser ce handicap, ou bien me contenter d’un poste administratif d’adjoint au directeur comme mon collègue ingénieur d’agronomie Alain Durnerin à l’école d’Horticulture ?

Je ne ferai ni l’un ni l’autre en traçant un autre chemin, celui d’enseignant-chercheur. C’était ma vocation initiale puisque, en 1970, j’étais devenu par concours chef de travaux en écologie végétale à l’Ecole nationale des ingénieurs des travaux agricoles (ENITA) de Dijon. Mais j’avais démissionné de ce poste d’enseignant-chercheur à mon retour du Maroc pour me consacrer à la jeune ENSP.

Premiers contacts

Mes premiers enseignements ont lieu dans l’amphithéâtre de l’ENSH et dans des préfabriqués installés dans la cour de l’école. Le foyer des élèves n’est pas encore aménagé, si bien que le secrétaire général Roger Bellec et sa secrétaire Lydie Hureau sont hébergés dans des locaux très provisoires en attendant mieux. Les ateliers de projet sont restés ceux de la Section en face des serres vieillissantes, réparées tant bien que mal par les agents de l’école. L’ENSH règne comme une maison mère sur sa fille. Elle détient les pouvoirs administratifs et financiers, occupe la quasi-totalité des bâtiments et impose l’héritage séculaire des valeurs de l’ horticulture et de l‘art des jardins.

Les premiers contacts avec les enseignants paysagistes ou plasticiens me déconcertent. Le tutoiement est de rigueur, l’absence de cravate également et je comprends que ma blouse blanche de chercheurs en laboratoire est contre indiquée. Je l’abandonne très vite. 

B. Lassus, issu d’une planète inconnue pour moi : l’architecture et les arts plastiques, parle un langage ésotérique où il est question de poésie, d’imaginaire, de « démesurable » et de jeux des points rouges. Le mot recherche y est codé par un contenu mystérieux. Il me semble parfaitement familier des lieux et des autres enseignants. Pourtant personne n’évoque la Section du paysage et de l’art des jardins déjà rangée dans les tiroirs de l’histoire, et encore moins le CNERP de Trappes. Cette fameuse Section dont je n’ai pas voulu suivre la formation en 1967-68 tant elle me paraissait chaotique, alors que j’avais choisi l’ENSH (au lieu de l’École d’agronomie de Grignon) pour devenir paysagiste, une vocation précoce mais inexplicable. Sauf peut-être en remontant très loin : mon arrière-grand-père n’était-il pas jardinier grainetier. Mais c’était un métier d’horticulteur et non de paysagiste.

M. Corajoud, comme B. Lassus, est un ancien enseignant de la Section, plus jeune que celui qui allait devenir son rival. J’apprends qu’il compte déjà des réalisations paysagistes remarquées contrairement à B. Lassus, mais qu’il n’est pas paysagiste DPLG. D’ailleurs dans nos réunions de conseils des enseignants, évoquant le désastre de la tabula rasa des architectes du mouvement moderne, il parle avec insistance du projet de paysage comme d’un outil précieux, alors que cette notion restait énigmatique à mes yeux. J’eus, de même, beaucoup de mal à situer Pierre Dauvergne dans la constellation paysagiste car j’ignorais à peu près tout du CNERP de Trappes, et de son rôle dans les dernières années de la Section. R. Chaux ne m’en avait parlé qu’en tant qu’organisation en voie de disparition.

Dans ce théâtre d’ombres, j’ai eu du mal à deviner les non-dits, les enjeux politiques et les rivalités naissantes ou anciennes. Je n’ai pas repéré les figures entrantes et sortantes. La réserve sceptique, voire goguenarde, des enseignants de l’ENSH m’intrigua longtemps. Je n’oubliais pas que, autrefois, dans le langage des élèves ingénieurs, les élèves en classe préparatoire à la Section étaient désignés sous le nom de « cuscute », un parasite végétal bien connu de la luzerne…

Jusqu’en 1980, je ne fus qu’un spectateur, peu initié et maladroit, du déroulement d’une intrigue dont je n’avais pas les clés. Je n’étais pas vraiment pressé de les trouver, car je consacrais une grande partie de mon temps à des missions de consultant en pastoralisme en Afrique et au Moyen-Orient. À ce moment-là, mon métier d’expertise c’était le pastoralisme et la science des pâturages, et les consultants internationaux étaient rares sur ce marché.

Enseigner l’écologie

M. Rumelhart et moi, nous avons perpétué une jeune tradition pédagogique. Transmettre aux paysagistes les connaissances botaniques et phytoécologiques particulièrement sophistiquées que J. Montégut avait créées pour les ingénieurs horticoles, grâce à des travaux pratiques, des excursions et d’innombrables polycopiés. Comme je l’avais fait avec les ingénieurs agronomes français, puis algériens et marocains, en suivant avec le pastoraliste Henri-Noël Le Houérou, l’héritage montpelliérain du Centre d’études phyto-socio-écologiques et écologiques (CEPE-CNRS) de Louis Emberger et de Charles Sauvage. Et comme M. Rumelhart l’a fait jusqu’à sa retraite et le feront sans doute ses successeurs.

Cet enseignement était-il celui qui convenait à des paysagistes concepteurs ? Je n’en suis pas certain aujourd’hui, car dans les écrits et les discours de nos anciens élèves, ce savoir botanique et écologique a en partie disparu comme il s’est effacé des savoirs universitaires. Il n’est plus revendiqué, mais a évolué au contact des démarches ethno-scientifiques. Pas plus et pas moins que, sauf projets particuliers de restauration, l’histoire des jardins ne transparait explicitement dans les pratiques paysagistes (à l’exception de la figure fondatrice de Le Nôtre). 

Ces savoirs, religieusement transmis à l’école, appartiennent à la culture générale paysagiste, ce qui les distingue des architectes et des ingénieurs. Ce ne sont, peut-être aujourd’hui, plus vraiment des compétences mais des souvenirs d’un passé horticole où l’histoire de l’art et des jardins et la science botanique avaient été maintenues ; puis l’écologie végétale avait été introduite par un enseignant visionnaire J. Montégut dans les années 1960. Ces savoirs anciens, d’ailleurs, ne sont plus vraiment transmis aujourd’hui dans les formations de paysagistes mais ont été réinventés par les jeunes enseignants en ethnobotanique. Il fallut toute l’inventivité et la persévérance de M. Rumelhart avec ses collaborateurs (notamment Gabriel Chauvel et Alain Freytet) pour expérimenter, avec succès, l’écologie appliquée au projet de paysage.

À la fin des années 1970, avec le rapport Meadows The Limits to growth (1972) émergeait une écologie politique soucieuse de qualité de l’environnement, d’urbanisme écologique et d’équité sociale. De quelle écologie avait besoin les paysagistes ? Pour le savoir, j’ai écouté les enseignants de l’école sur ce sujet. Allain Provost me disait : « Nous paysagistes, on est des libéraux, indépendants, l’écologie c’est politique, c’est une mode, tu verras, dans quelques années, on en parlera plus… Il faut seulement que les élèves sachent quoi planter et où ». 

Tous ne partageaient pas ce point de vue et certains étaient sensibles aux questions environnementales. J’ai alors mis au point un enseignement d’écologie urbaine qui montrait les relations entre la qualité de la végétation urbaine et le milieu urbain, ainsi que son rôle pour climatiser la ville et créer un milieu plus favorable à la santé humaine. L’analyse des « structures végétales » par les étudiants en était l’outil principal.

C’était à l’époque héroïque des transparents, des rétroprojecteurs et des projections de diapositives. Ce cours remplaça rapidement celui de climatologie beaucoup trop théorique. Il eut fallu le convertir en enseignement de micro-climatologie urbaine, mais les recherches scientifiques, insuffisantes sur ce sujet, restaient hors de portée.

Quand se posa le problème, qui deviendra récurrent, de l’articulation entre les enseignements du département d’écologie et les ateliers, je me rendis compte que, pour un praticien qui forme un apprenti paysagiste, la connaissance pertinente doit être à portée de main, immédiatement disponible : dans une bibliothèque à cette époque, sur internet aujourd’hui. L’enseignant spécialiste devait donc à la fois susciter des questions et y répondre dans le contexte de chaque projet au sein de l’atelier. C’est pour cette raison que certains ateliers de M. Corajoud étaient associés aux enseignements du département de techniques d’Allain Provost, paysagiste DPLG et ingénieur horticole ; tous les deux, étant paysagistes, s’accordaient sur cette organisation. Et que plus tard G. Chauvel, paysagiste DPLG, accompagna M. Rumelhart, ingénieur horticole et phytosociologue, dans l’enseignement de l’utilisation des végétaux dans les projets.

Les praticiens paysagistes avaient (et ont toujours à juste titre) une vision strictement utilitaire et sélective de l’écologie végétale et de l’horticulture dans le projet. Alors que M. Rumelhart et moi, formés à l’écologie générale, à la phytogéographie et à la phytosociologie défendions une vision plutôt écocentrée de l’environnement humain. Ils avaient besoin d’experts attitrés dans les ateliers. Je défendais une autonomie de pensée socio-écologiste pour en transmettre les principes aux étudiants. Alors que M. Corajoud voyait, tactiquement, dans les sciences sociales et l’écologisme naissant, des obstacles majeurs à la liberté de créer. Ce clivage connut son acmé au moment où nous fumes invités à participer aux concours du parc du Sausset et de la Corderie Royale à Rochefort à la fin des années 1970.

L’expérience du Sausset

En 1978, le concours du parc du Sausset au nord de Paris est organisé par le département du Val d’Oise. M. Corajoud nous demande (à Marc Rumelhart et moi) un travail d’analyse du site : un vaste espace agricole de 200 hectares qu’il s’agit de remplacer par un fragment de la ceinture verte parisienne en continuité du parc de la Courneuve. Nous saisissons l’occasion d’expérimenter un travail commun avec une agence de paysagistes, et de comprendre ce que chacun attendait de l’autre.

Très vite l’idée s’imposa à toute l’équipe qu’il fallait avoir recours à plusieurs modes d’occupation du sol : la forêt, la campagne, l’eau et le jardin. Comment émergèrent les idées du bocage et du marais ? Je ne m’en souviens plus exactement. Toujours est-il que je m’attachais à celle du bocage, qui me rappelait mes origines agricoles, tandis que M. Rumelhart approfondissait celle du marais. Au stade du concours, l’important était de trouver la forme graphique de projet qui les évoquait, et beaucoup moins d’en préciser la matérialité et les usages sociaux. Qu’ai-je pu dire du bocage qui ne soit déjà connu : des haies et des talus, une structure et des fonctions écologiques ? Je n’ai pas participé à la finalisation du projet réalisé par l’agence.

Ce dont je me souviens, c’est de la présentation en 1980 du projet lauréat de M. et C. Corajoud et de J. Coulon dans le grand amphithéâtre de l’école. J’avais regretté, sans doute un peu naïvement que les apports des membres de l’équipe n’aient pas été précisés et valorisés : une règle du jeu que j’ignorais et que j’apprenais à mes dépens. Dans les projets, les compétences des uns et des autres disparaissaient au profit du chef de projet, une pratique qui ne me convenait pas vraiment.

Ce bocage, je l’imaginais comme un témoignage symbolique d’une agriculture paysanne qui disparaissait, d’un paysage rural qui s’éclaircissait un peu partout, et d’une résistance à l’extension de la forêt ou des parcs urbains aux dépens des sols agricoles. J’aurais aimé y installer une véritable ferme agro-écologique. Plus tard, d’ailleurs, des activités agricoles y seront organisées, notamment avec des fêtes des moissons.

L’expérience du jardin des Retours de La Corderie Royale

En 1981 est organisé le concours d’aménagement du parc de la Corderie Royale à Rochefort. Bernard Lassus rassemble une équipe autour de lui : des anciens élèves de la Section et du CNERP, et des élèves de l’ENSP   : Pascal Aubry, Alain Mazas, Dominique Anglésio, Alain Levavasseur notamment, et m’invite à en faire partie.

Au cours de ce travail, je me familiarise avec les concepts culturalistes de B. Lassus, celui de paysage mille-feuille m’est immédiatement compréhensible, comme ceux de substrat et de paysage en tant qu’imaginaire mental structuré par des schèmes culturels. Avec Les habitants-paysagistes, publiés en 1977, puis Mort du paysage édité par les philosophes François Dagognet et Odile Marcel en 1982, je me rends compte que la planète paysage m’est inconnue, ou plus exactement que ce n’est pas la même que la mienne, celle d’un naturaliste : botaniste, phytogéographe et pastoraliste.

C’est pourtant ainsi qu’une pensée paysagiste originale, inventée par un artiste plasticien, m’est devenue progressivement familière. Plus facilement que les pratiques paysagistes usuelles qui s’emparaient de la morphologie d’un site pour en projeter l’organisation spatiale avec les outils de la géométrie (la perspective, les grilles modulaires, la trame foncière par exemple). J’en comprenais la logique en constatant cependant avec regret que, en dehors de la topographie et de l’hydrographie, les processus naturels et économiques fonctionnels (les climats, les sols, les végétations, les activités humaines) n’y avaient pas de place, sinon a posteriori.

Dans l’approche culturaliste de B. Lassus non plus, aucune place n’était réservée aux déterminismes naturels. Cependant il me semblait que l’élaboration du projet visait une construction rationnelle de l’imaginaire du site. Rationalité que je ne percevais, dans les autres catégories de projet, qu’à travers l’outil de la géométrie qui renvoyait à la culture de l’architecte.

Or j’avais compris en lisant les écrits du marquis de Girardin et de l’historien anglo-américain John-Dixon Hunt, et en consultant les travaux du philosophe Alain Roger, que le paysagiste, en tant qu’architecte de jardin, devait se tenir à distance de l’architecte autant que de l’ingénieur tout en étant proche du peintre. Et en tant qu’héritier de la culture horticole, je ne pouvais imaginer d’autres outils majeurs du concepteur que les éléments de nature : le végétal, l’eau ou le rocher par exemple. Pour cette raison, je regrettais un peu de pas être allé jusqu’au bout de mon projet de devenir paysagiste.  Mais j’avais adhéré aux valeurs éthiques de l’écologie politique, et scientifiques de l’écologie académique, lesquelles ne me menaient pourtant à rien en matière d’esthétique, même en ayant recours aux enseignements de la Gestalttheorie (le tout est plus que la somme des parties …).

À Rochefort, ma compétence écologique et horticole a été peu utile. En revanche j’ai écouté et beaucoup appris de mes coéquipiers. Comment le bâtiment industriel de la Corderie historique allait-il être relié à la ville ? Comment l’histoire du site (un ancien port militaire) pouvait-elle fonder l’identité du parc ? Comment la Charente devait-elle devenir le fil directeur du processus d’aménagement de la région urbaine, et les bégonias un outil de la renaissance économique de cette ville endormie dans son histoire thermale et militaire ?

Au bout de quelques années de travail avec l’agence de B. Lassus, je crois avoir compris ce qu’était un projet de paysage cohérent, inscrit dans plusieurs échelles d’espace et de temps, et support d’un imaginaire nouveau capable de faire renaitre une ville assoupie. J’ai été, je pense, à bonne école.

En 1981, les travaux d’aménagement de l’ancien foyer des élèves sont terminés. Les secrétariats prennent possession de leurs nouveaux bureaux (là où ils sont actuellement). Je m’installe dans mon ancienne chambre d’étudiant de première année à l’ENSH. J’apprécie la continuité… En face, de l’autre côté du couloir, M. Rumelhart occupe plusieurs anciennes chambres qui deviendront, après 1997, après leur utilisation par le laboratoire de physiologie végétale de Claude Bigot et Noëlle Dorion, les locaux du département d’écologie. Une salle de réunion est créée sur le pignon est du bâtiment. Le réfectoire devient l’atelier de première année, et le second étage l’atelier de deuxième année.  Pendant quinze années, l’ENSP, le laboratoire de physiologie végétale de l’ENSH, et la formation continue ENSH/ENSP vont se partager le bâtiment Saint-Louis actuel. La coexistence fut pacifique.

À l’ENSP, un nouveau chantier s’annonce, parmi beaucoup d’autres : la mise en place d’un programme de recherches financé par la nouvelle Mission du paysage du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie. Créée en 1979, elle est dirigée par Alain Riquois, ingénieur du Génie rural et des eaux et forêts, qui deviendra directeur de l’ENSP en 1990 (voir les chapitres 6-7-8 de l’histoire de l’ENSP).

Pierre Donadieu

Versailles 3 octobre 2019


Bibliographie

M. Rumelhart, « Eco-logiques pour les projets de paysage, autobiographie d’un héritage », Les Carnets du paysage n° 20, 2011.  

P. Donadieu, Histoire et mémoire de l’ENSP (Chap. 1 à 15)

15 – La séparation ENSH / ENSP

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Chapitre 15

La séparation

de l’ENSH et de l’ENSP de Versailles

(1989-1994)

Pierre Donadieu raconte le divorce de l’ENSH et de l’ENSP à la suite du projet d’Institut des sciences et technologies du vivant (ISTV).

Que dit le rapport Poly ? (1989) L’année des négociations (1990) Un pôle Environnement et Paysage (1990)Où localiser le futur ISTV ? (1990) – L’école doctorale des Grandes Écoles du Vivant (1991-93) Délocalisation manquée de l’ENSP à Blois (1992-1993)La séparation (1993-94).

5 avril 1989, Le ministre de l’Agriculture et de la Forêt Henri Nallet1 annonce au conseil national de l’enseignement agricole son intention de « rapprocher » l’Institut national agronomique de Paris-Grignon (INA PG), l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires de Massy (ENSIA), l’École nationale du Génie rural et des Eaux et Forêts (ENGREF), l’École nationale supérieure d’horticulture de Versailles (ENSH) avec son établissement rattaché l’École nationale supérieure de paysage de Versailles (ENSP) et l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA)2.

Avec un établissement unique, il souhaite créer « un pôle d’enseignement supérieur et de recherche, formant des cadres de très haut niveau, adaptés aux besoins futurs de l’économie agricole et agroindustrielle, et aux exigences de la gestion et de l’aménagement de l’espace rural »3.

À cette fin, il confie à Jacques Poly, président de l’INRA, la rédaction d’un rapport « pour étudier la faisabilité de cette entreprise ».

En octobre, le rapport « sur les possibilités de rapprochement, en région parisienne, des établissements d’enseignement supérieur, dépendant de l’agriculture et de la forêt »4 est remis au ministre.

En 1989, l’ENSP cohabite avec l’ENSH avec laquelle les relations pédagogiques ont cessé depuis 1983. Le conseil d’administration, commun aux deux établissements, est présidé par l’agronome Bernard le Buanec avant de céder la place au paysagiste Pierre Dauvergne. R. Chaux dirige les deux écoles depuis 1975.

Une réforme de la pédagogie de l’ENSP menée, à partir de 1986, avec le recrutement de deux maîtres de conférences, M. Corajoud et M. Rumelhart, a été mise en œuvre pour mieux articuler ateliers de projets et enseignements des quatre départements. Une quatrième année autonome a été mise en place avec la création des ateliers régionaux en 1988.

De son côté, en 1989, le plasticien B. Lassus, avec le géographe A. Berque (EHESS) a fondé une formation doctorale le DEA « Jardins, paysages, territoires » à l’École nationale d’architecture de Paris-la-Villette où il est professeur titulaire.

L’annonce du rapport Poly vient raviver à l’ENSP le souvenir de deux projets avortés d’Institut du paysage en 1972 et 1985.

Que dit le rapport Poly ? (1989) ^

J. Poly est un visionnaire. Il constate que le modèle agricole seulement productiviste est dépassé, et que, désormais, il faudra « produire pour vendre, en achetant moins, en produisant mieux et proprement, et en restant compétitif » (p. 6). Il souligne le potentiel des biotechnologies, de l’électronique, de la biologie moléculaire et des sciences de l’information pour « anticiper les évolutions prévisibles de la Société ».

Le président de l’INRA expose les avantages du rapprochement : créer l’image de marque d’un nouveau centre avec 2000 étudiants aujourd’hui éparpillés dans la région Ile-de-France, disposer d’une force de négociation politique, multiplier les itinéraires de formation en faisant tomber les barrières injustifiées, déployer une recherche de bon niveau, des services communs efficaces. En bref faire des économies d’échelle et ouvrir, voire hybrider, les formations existantes.

Le nouvel établissement développera donc des formations de deuxième et troisième cycle : des généralistes « sur lesquels on pourra éventuellement greffer des enseignements optionnels, voire de spécialisation » (p. 16). Une formation par la recherche scientifique, non encyclopédique, évolutive, partageable à l’échelle nationale et internationale.

Concernant l’ENSP, il écrit, p. 30 : « Elle répond certainement à des besoins sociaux réels et probablement croissants. Mais son développement dépend de plusieurs ministères. Il y aurait certainement intérêt à la localiser dans le technopôle prévu. Elle pourrait bénéficier de certains enseignements professionnels du domaine de l’horticulture et de la sylviculture. Ses étudiants côtoieraient sur le campus des ingénieurs spécialisés dans la création et l’entretien des espaces verts (…), des élèves de l’ENGREF et (bénéficieraient) de tous les services sociaux et sportifs du nouvel ensemble. En contrepartie, la présence de l’ENSP pourrait jouer un rôle de sensibilisation utile des biologistes et des ingénieurs en formation à l’esthétique du paysage et aux problèmes du design ».

Un énorme travail sera nécessaire, conclut-il, si ce projet est accepté.

Le 27 décembre, avertis du projet, R. Chaux et B. Le Buanec demandent une audience à Maurice Barbezant, conseiller d’Henri Nallet. Reçus (avec M. Rumelhart, P. Donadieu, P. Dauvergne et A. Chemetoff) le 24 janvier 1990, ils demandent des décisions rapides sur « la place faite aux formations au paysage, les liens avec les autres ministères et la localisation de la nouvelle structure ». Ils soulignent le risque d’apparition « d’un ghetto artistique » à Versailles.

1990, l’année des négociations ^

Dans le compte-rendu du 25 janvier 1990 que R. Chaux fait de sa réunion au ministère, il apparait que « l’implantation sur le plateau de Saclay est probable, mais ne sera pas officielle avant octobre ». Nouvelle inquiétante pour les écoles versaillaises, et notamment l’ENSP, qui ne souhaitent pas quitter le Potager du roi. D’autant plus que le mot paysage n’apparait dans la nomenclature des futurs départements de l’ISTV que sous la rubrique « Gestion de l’espace et de l’environnement : bioclimatologie, écologie, hydrologie, paysage… Le spectre de la délocalisation forcée (à Blois) n’apparaitra cependant qu’après novembre 19915.

Les commissions inter-écoles commencent à travailler. Les écoles se connaissent peu, voire s’ignorent. L’ENSP y affirme que « l’objectif pour la filière paysagiste n’est pas de former des ingénieurs, mais des paysagistes DPLG, tendant vers l’architecte paysagiste avec 6 années de formation (après le bac) »6. Et l’on rassure en affirmant qu’« il y a volonté à l’ENSP de faire naitre une école doctorale pour des postes de recherche et d’enseignement ». Le projet pédagogique de 1986, proposé par M. Corajoud7, reste la référence intangible des représentants de l’ENSP : 40% des heures doivent être consacrés aux ateliers de projet pendant trois ans.

De son côté, l’ENSH qui s’est s’engagée depuis 1980 sur des débouchés dans « les espaces verts et l’ingénierie d’aménagement paysager », annoncent 20 % des emplois des diplômés8.

Le 31 janvier 1990, le Conseil des ministres « approuve le projet de création d’un pôle d’enseignement supérieur et de recherche agronomique, à la mesure de notre secteur agroalimentaire ».9 Il prendra le nom d’Institut scientifique et technologique du vivant (ISTV).

En mars, une première synthèse des commissions inter-écoles est rédigée par C. Bigot (ENSH). Beaucoup de points restent imprécis, écrit-il en conclusion : le lieu d’implantation, le statut juridique, le statut des enseignants chercheurs, les diplômes, les équipes doctorales et l’habilitation de l’ISTV à délivrer le doctorat10, sans compter la conception architecturale et les coûts.

Un pôle Environnement et Paysage (1990) ^

Au même moment, Pierre Donadieu précise les positions de l’ENSP dans un document de 14 pages11. Il y affirme la nécessité d’une filière de formation d’architecte paysagiste consacrée à « la gestion et à l’aménagement de l’espace en trois cycles, dont le troisième à finalités professionnelles et de recherches ». Les écoles du Potager du roi pourraient, à terme, former 100 DPLG/an à l’ENSP et 20 à 30 ingénieurs paysagistes / an à l’ENSH.

Cette idée reste cependant isolée car la conception paysagiste de l’ENSP n’est pas ou peu comprise et partagée. Consultée sur le projet en mars, l’Académie d’Agriculture de France ignore les paysagistes et ne retient que les formations d’ingénieur et de vétérinaire … Elle inclut le terme paysage dans une sous-spécialisation des formations d’ingénieur : « Milieu et équipements » au sein de « Milieux naturels et production »12.

En mai, P. Donadieu esquisse le projet d’un pôle de formation et de recherche à l’ISTV « Gestion environnementale et paysagère de l’espace »13.

Ces préoccupations ne sont pas étrangères au contexte médiatique. R. Cans (Le Monde du 16 juin) évoque « un plan vert pour la France de l’an 2000 et la création d’un institut français d’environnement ». Il s’inquiète d’«une gestion des territoires de plus en plus a-spatial ». En se rapprochant de l’ENGREF, une formation d’ingénieurs agronomes en gestion environnementale et paysagère de l’espace (GEPE) est proposée14 grâce (hors ENGREF) à 22 à 26 enseignants-chercheurs de l’INAPG et des écoles versaillaises. En fait elle existe déjà à l’ENGREF avec les enseignements des paysagistes du CEMAGREF de Grenoble et de Nogent sur Vernisson.

R. Chaux nomme dans la commission « Productions végétales » J.-L. Regnard et P. Lemattre, et dans celle de « Gestion de l’espace », P. Donadieu. Vigilant, il rappelle le 14 mai que ce dernier n’a pas été invité par André Berkaloff15 à la commission inter-écoles « Gestion de l’espace ». Un oubli, sans doute, s’amuse-t-il. Il faudra ensuite un groupe « Environnement et paysage » animé par P. Donadieu pour savoir qui fait quoi, qui veut faire quoi dans les écoles concernées par ce domaine et avec quels objectifs.

Jusqu’à l’été 1990, les réunions des commissions se succèdent. Les positions atypiques de l’ENSP sont parfois mal interprétées. Si bien que Marc Rumelhart propose à la direction et à P. Donadieu « d’organiser un séminaire promotionnel pour présenter de vive voix le cadre des ateliers et la participation des professionnels à la formation »16.

Le 24 août, R. Chaux diffuse « le rapport du groupe de prospective sur les besoins de formation auxquels l’ISTV devra répondre ». Tandis que sont diffusés les statuts de l’association pour l’établissement des sciences et techniques du vivant (AESTV)17.

Fin septembre, avec l’ENGREF (Y. Deperroy), l’INAPG (M.-C. et C. Girard, B. Peyre), l’ENSP (M. Rumelhart) et l’ENSH (P. Bordes), P. Donadieu expose deux formations structurant le pôle environnement et paysage18. D’une part à l’ENSP une filière d’architecte paysagiste en quatre ans plus une classe préparatoire en deux ans, d’autre part une formation (ou deux) d’ingénierie paysagiste, et de gestion environnementale de l’espace en trois ans entre l’ENSH, l’ENGREF et l’INAPG. Deux départements d’enseignement et de recherche, distincts, mais interactifs seraient ainsi créés au sein de l’ISTV.

Le 1er octobre 1990, Alain Riquois19 remplace R. Chaux qui part en retraite, mais est rapidement coopté par l’Académie d’Agriculture de France. L’on ne sait toujours pas où sera construit l’ISTV, incertitude qui entrave beaucoup de discussions et freine les engagements des écoles.

Où localiser le futur ISTV ? (1990) ^

Chacun a en tête l’idée de réunir les écoles dans un lieu unique, sur le plateau de Saclay notamment, car l’INAPG y dispose de terrains d’expérimentation dont ceux de la ferme du Moulon. Les représentants des écoles y sont d’ailleurs conviés au cours d’une visite spectaculaire en hélicoptère…

Pourtant les débats orientent les choix vers d’autres horizons. Les candidatures pour accueillir le futur campus commencent à arriver. Les Université de Compiègne et de Reims, puis celles de Tours et de Caen, ainsi que les départements de l’Essonne et des Yvelines. L’on évoque également Strasbourg et Lyon. Des visites somptueuses sont organisées sur les sites promis pour apprécier leurs qualités et leurs défauts. L’ENSP et l’ENSH qui ne souhaitent pas quitter le Potager du roi y participent de manière variable.

Néanmoins, la direction et les représentants des deux écoles versaillaises approfondissent les perspectives tracées. Dans un texte remis au conseil d’administration le 2 octobre20, il est confirmé la demande d’une formation en trois cycles, dont quatre ans de formation du paysagiste DPLG. Il est proposé également la création d’un « doctorat professionnel de recherche » en distinguant la recherche professionnelle de haut niveau (par le projet), et la recherche scientifique (mono ou pluridisciplinaire). Et réaffirmé de laisser le noyau dur de l’ENSP (le premier et le deuxième cycle) à Versailles.

Sans laboratoire de recherches, sans formation doctorale et doctorant (contrairement à l’ENSH), sans enseignant-chercheur ayant soutenu un doctorat, l’ENSP et les enseignants d’ateliers semblent peu concernés par la perspective d’un troisième cycle qui ne serait pas « professionnel ».

Ce que confirme une enquête d’octobre 1990 « Perceptions des jeunes diplômés des écoles de l’ISTV de la relation enseignement-métier ». Les ateliers de projet et les enseignements d’écologie appliquée au projet de paysage sont majoritairement approuvés (70 et 64 %). Mais les élèves21 restent insatisfaits de la pédagogie : « manque de cours magistraux, de contrôle de connaissances, d’enseignement de l’informatique et des langues ; les niveaux de salaire (à la sortie) restent insuffisants ».

Le 3 décembre 1990 est publié et diffusé par l’association AESTV « Le projet d’organisation du schéma pédagogique de l’ISTV », un document de 22 pages. Il reconnait l’existence de trois métiers : ingénieur, médecin vétérinaire et paysagiste. Et admet « le paysage : théories et pratiques, comme discipline de recherche à dominante culturelle, sensible et esthétique ». Le rapport insiste : « les enseignants (de l’ENSP) doivent se joindre à l’ISTV ». Comme modèle, il met en avant l’Université de Wageningen aux Pays-Bas, qui réunit les trois formations.

Riche de concertations inter-écoles, l’année 1990 aura permis la reconnaissance officielle de la formation professionnelle spécifique des paysagistes à l’ENSP.

Mais l’on ne sait toujours pas où le campus sera créé.

L’école doctorale des grandes écoles du Vivant (1991-93) ^

Fin janvier 1991, le projet d’ISTV semble évoluer vers une implantation multi-sites et une conception fédérative du regroupement des écoles. Le 21 janvier, un document circule à l’ENSH/ENSP, qui prévoit « l’installation sur le plateau de Saclay-Villaroy » avec des sites complémentaires à Grignon (INAPG) et Versailles (ENSH/ENSP).22

L’ISTV devient alors les Grandes Écoles du Vivant qui auront en commun une seule école doctorale. Ce qui ne résout en rien le problème des deux établissements versaillais qui ne peuvent se développer sur un seul site.

Mais, en même temps, pendant plus d’un an l’ENSP doit affronter une nouvelle péripétie, le projet de délocalisation à Blois (voir prochain chapitre).

À la rentrée 1992, alors que les écoles du Potager du roi dépensent leur énergie pour s’opposer aux délocalisations autoritaires à Blois (ENSP) et à Bergerac (ENSH), Paul Vialle propose à Hervé Bichat (nouveau directeur général de l’enseignement et de la recherche), et aux directeurs des écoles, « une charte de création d’une école doctorale commune à l’INA PG, l’ENSSIAA, l’ENGREF, l’ENSH et l’ENSP, dans le cadre de la Fédération des Grandes écoles du vivant »23.

L’ENSP ne disposant pas de compétences humaines et de moyens matériels pour participer à ce projet, Alain Riquois se tourne vers P. Donadieu qui participe depuis 1989 à la formation doctorale « Jardins, paysages, territoires » de l’École nationale d’architecture de Paris-la Villette, et prépare une thèse de doctorat. Il demande dans une lettre à P. Vialle que P. Donadieu soit associé au groupe fondateur de l’école doctorale24.

Un an après, le 18 mai 1993 est lancée l’école doctorale des Grandes Écoles du Vivant. Ces dernières deviendront en 2007 AgroParistech en réunissant l’INAPG, l’ENSSIA et l’ENGREF. L’école doctorale ABIES (Alimentation, Agronomie, Biologie, Environnement, Santé) rassemble 21 DEA, 400 doctorants et 37 laboratoires25

Une semaine avant, le 11 mai à l’ENGREF, P. Donadieu, qui vient de soutenir sa thèse de doctorat, présente un projet de création d’un laboratoire de recherches sur le projet de paysage à l’ENSP. Ce projet associe les ateliers de projet de quatrième année (APR et diplômes) à des ateliers de recherches conduits par des enseignants chercheurs. L’exemple de la mise en place d’une politique de paysage dans le parc naturel régional du Vexin français montre comment peut être analysé le processus de mise en paysage d’un territoire (de la commande à des éléments de charte intercommunale de paysage). Voir schéma ci-dessous.

Dans cette intervention, il distingue le paysage (notion culturelle) de l’environnement (notion écologique et scientifique) à la suite d’un article de B. Lassus et A. Berque en 1986, et trois pôles de recherche sur le projet (sciences humaines, ingénierie écologique et paysagiste, et techniques de communication et de représentation). À partir de mémoires d’ateliers pédagogiques régionaux, il présente des projets d’urbanisme paysager (l’ile Seguin en région parisienne) et de restauration de carrières (Arjuzanx dans les Landes). Pour lui « le paysage est un système de relations culturelles à l’espace et à la nature (à révéler, à conserver et à inventer).

Archives ENSP/Donadieu

À l’école, le projet de création du laboratoire de recherches reçoit cependant un accueil réservé voire sceptique de la part du conseil des enseignants. Peut-être, les praticiens auraient-ils préféré qu’un des leurs fonde et dirige ce laboratoire ? Certains se doutaient, avec raison, que l’accès aux postes d’enseignants-chercheurs serait désormais subordonné à l’obtention d’un doctorat académique, éloigné de la pratique professionnelle.

Une autre solution aurait été de s’associer avec les laboratoires de recherche de l’ENSH qui accueillaient quelques doctorants, en physiologie végétale (C. Bigot et N. Dorion), en sciences et techniques des productions légumières et d’agronomie (A. Fleury) et en génétique, amélioration des plantes et cultures ornementales (M. Mitteau et P. Lemattre). Ce qui ne fut possible qu’avec A. Fleury qui fonda à l’ENSP avec P. Donadieu les recherches en agriculture urbaine l’année suivante.

C’est donc un « laboratoire de paysage potentiel » dirigé par M. Corajoud, maitre de conférences en théories et pratiques du projet de paysage qui apparait dans les textes fondant l’école doctorale et dont Christian Férault est le directeur scientifique26.

Délocalisation manquée de l’ENSP à Blois (1992-1993) ^

Suite à la décision du gouvernement d’Edith Cresson de procéder à la délocalisation massive des emplois publics de la région parisienne vers la province à la fin de 1991, la DGER informe le 29 janvier suivant Alain Riquois de la proposition du CIAT27 de transférer l’ENSP à Blois et l’ENSH à Bergerac. Mais les écoles n’ont pas été consultées.

Les réactions d’indignation sont immédiates.

Le 2 février, les élèves de l’ENSP manifestent à Paris dans le square du Vert Galant (Le Figaro du 7/2). Sur les murs de l’école sont accrochées des banderolles : « Mise à mort, non à la délocalisation aveugle » (NR du Centre Ouest, 15.02. 1992), « Un ministre médiatique et gourmand, une situation bloquée » (NRCO, 27/02). Chacun se doute que Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale et de la Culture, maire de Blois, souhaite sa part du gâteau de la délocalisation.

Le collectif des étudiants interroge J. Lang : « S’agit-il de promouvoir l’ENSP ou de créer une autre école ? ». Cette idée va faire lentement son chemin.

Le 13 février, le Conseil général extraordinaire des écoles « choqué par la brutalité des décisions, indigné par les localisations proposées » se prononce fermement « pour un refus de la localisation à Bergerac, et pour le rapprochement avec l’INAPG ; pour le maintien de l’ENSP à Versailles, même si, après étude, une délocalisation partielle (à Blois) est possible »28.

Les professionnels se mobilisent également. L’UNEP le 3 mars, la FFP le 25 mars, puis la SNHF, l’IFLA et bien d’autres …. L’euphémisme est de rigueur : « Nous sommes plus que réservés quant à un déménagement pur et simple de l’ENSP à Blois »29. Sans compter les politiques qui interpellent les ministres concernés : Etienne Pinte député des Yvelines, Gérard Larcher sénateur et maire de Rambouillet30. M. Corajoud déclare le 30 avril au Moniteur : « Nous nous opposons à l’insolence avec laquelle notre ministère de tutelle l’Agriculture et celui de la Culture nous imposent sans concertation cette décision ».

La délocalisation complète des écoles du Potager du roi semblant compromise, la DGER propose au Conseil général des écoles « une antenne de l’ENSP à Blois », en fait un premier cycle préparatoire (un BTS paysage), sur le modèle du cursus de l’école de paysage qui vient d’être créée au sein de l’École d’architecture de Bordeaux. Le 9 mars, le conseil à nouveau « s’oppose formellement à la création à Blois de ce département ». Celui-ci devrait ouvrir dès la rentrée 1993.

Le 17 avril, Jacques Berthomeau, conseiller du ministre, demande néanmoins à A. Riquois, « un programme de de délocalisation à Blois, avec un calendrier de mise en œuvre et d’occupation progressive du site ».

Le CIAT du 30 juillet 1992 confirme le processus de délocalisation en cours de 3500 emplois. L’ENSP y contribue pour 32 emplois et l’ENSH pour 45 emplois ! Avant les vacances d’été, H. Bichat tente d’expliquer le projet au conseil des enseignants de l’ENSP mais se fait rabrouer vertement par M. Corajoud et ses collègues. De son côté l’ENSH ne croit pas à une délocalisation à Bergerac. Les élèves et les enseignants se mobilisent peu. Le projet de l’école est de se rapprocher de l’INAPG. Les positions des deux établissements et des enseignants (M. Corajoud à l’ENSP, A. Anstett et C. Bigot à l’ENSH) divergent profondément.

Au début de 1993, le projet blésois semble persister : « une École de paysage sera installée à côté du lycée agricole de Grands-Champs » (Nouvelle du Centre du 30 janvier 1993). Mais le 21 juillet de la même année, on apprend que : « L’École du paysage reste à Versailles » (Toutes les Nouvelles de Versailles). Entre temps, Jean-Pierre Soisson est devenu ministre de l’Agriculture à la place de Louis Mermaz. Mais surtout la proposition de créer une antenne rattachée à l’ENSH, « en tant que département de l’ENSP » est vigoureusement refusée par le conseil général des écoles le 9 mars.31 Statut quo ou nouvelle idée ? Que va faire la DGER face à une situation enlisée ?

À la rentrée scolaire 1993-1994, la DGER demande un rapport sur le devenir des écoles versaillaises à Jean Marrou, directeur de recherche INRA pour l’ENSH et à Jean-Claude Guérin, IGREF, pour l’ENSP, à l’échéance de la fin de l’année 1993.

Le 2 décembre 1993, lors du Conseil général présidé par P. Dauvergne, J.-C. Guerin demande de « clore la perspective de délocalisation à Blois, (d’admettre que) le moment est venu de séparer horticulture et paysage dans l’enseignement supérieur agricole. Il dit fort justement : « le concepteur est d’abord un artisan plasticien (loin de l’ingénierie), il travaille avec le vivant (contrairement à l’architecte) ».

Le projet blésois est abandonné par J. Lang dès le début de l’année 1993. Un décret signé le 29 mars32 1993 prévoyait la création dans le cadre universitaire (Université de Tours) de l’Ecole nationale supérieure de la nature et du paysage de Blois, et la première rentrée scolaire la même année.

La séparation (1993-94) ^

Le 31 janvier 1993, H. Bichat annonçait au Conseil général ENSH/ENSP présidé par P. Dauvergne l’arrêt du recrutement de l’ENSH à Versailles en 1994 et sa reprise à Angers en 1995, ainsi que la « montée en charge » de la filière ENSP dès la rentrée 1994. Les réactions de l’ENSH ne se firent pas attendre : « une situation de décomposition pour les enseignants de l’ENSH » le 20 janvier, et deux motions de grande inquiétude des élèves et des personnels ATOS réunis en assemblée générale extraordinaire le 25 janvier.

Le contexte politique de la fin de l’année 1993 est en effet favorable au paysage comme cause nationale, beaucoup moins à l’horticulture, surtout francilienne. Le 22 novembre, le sénateur Ambroise Dupont, vice-président de la commission des affaires culturelles traitant de la politique du paysage en France, écrit :

« Il n’y aura pas de paysages si les paysagistes ne se répandent pas dans les villes et les administrations (…) les formations sont quantitativement insuffisantes par rapport à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne (…) il conviendrait de ne pas accentuer la pratique déjà répandue de formations accélérées d’ingénieurs et d’architectes qui manqueraient sur le terrain du savoir nécessaire à la confection de projets paysagers authentiques. Il serait donc essentiel de renforcer les structures d’enseignement du paysage et d’augmenter le nombre de paysagistes formés chaque année »33.

La mission confiée fin 1993 à Jean-Claude Guérin et Jean Marrou proposait un choix pour les établissements versaillais : soit de localiser les ingénieurs à Angers, et deux DPLG à Versailles « (l’un plus scientifique, l’autre plus artistique »), soit de fermer l’ENITHP d’Angers et la filière Aménagements Paysagers à l’ENSH, en recréant une formation d’ingénieurs paysagistes à l’ENSP34. Au même moment, le sénateur Laffitte était chargé de son côté d’une mission sur les scénarios de devenir des écoles du pool parisien. Le départ de l’ENSH à Angers y sera indirectement confirmé au nom d’une meilleure visibilité internationale des établissements de formation.

Le 12 mars 1994, H. Bichat vient donc exposer sa politique au conseil d’administration de l’association des anciens élèves de l’ENSH/ENSP. Les participants savent que la délocalisation de l’ENSH à Angers est décidée après la tentative échouée de Bergerac35. Faut-il constituer un seul établissement et s’intégrer à AGRENA36 ? L’association semble favorable à ce scénario contrairement à l’association des élèves « Vivre l’Horti » qui veulent maintenir le concours d’entrée en 1994 et s’inquiète du départ de la chaire d’arboriculture à l’ENSA de Montpellier approuvé voire décidé par le DGER37.

H. Bichat plaide la délocalisation de l’ENSH à Angers en maintenant l’ENITHP avec la création « d’un pôle national horticole » avec deux filières d’ingénieurs : classique (ENSH avec un cycle doctoral) et « à l’allemande », par apprentissage (ENITHP).

Le 19 mai 1994, le projet de décret créant « l’ENSP comme établissement public national à caractère administratif, (…) structuré en département et en services, et administré par un directeur, un conseil d’administration, un conseil de l’enseignement et de la pédagogie, et un conseil scientifique» circule à l’ENSP38. L’ENSP deviendra établissement public autonome le 1er janvier 1995, dix ans après la demande faite dans le cadre du projet de l’Institut français du paysage en 1985.

Le 10 juin, un projet de directive de la DGER pour l’ENITHP, l’ENSH et l’ENSP annonce la création des deux pôles nationaux, horticole à Angers (ENITHP, ENSH, INRA) et du paysage à Versailles (ENSP). Dans ce dernier cas, les effectifs seront doublés, un troisième cycle sera créé (aux normes européennes de la recherche scientifique) et des programmes de recherche avec les professionnels et l’École nationale d’architecture de Versailles seront initiés. « Il conviendra d’y ajouter un centre de documentation d’excellent niveau, un centre de formation professionnelle continue, des services d’appui aux entreprises, et un service de coopération internationale » (p. 3).

Il semble donc que la DGER ait utilisé le projet d’ISTV et celui de délocalisation de l’ENSP à Blois pour résoudre le problème récurrent de la compatibilité de deux écoles au Potager du roi.

La plupart des préconisations reprises par la DGER pour l’ENSP figurait dans le projet d’Institut français du paysage de 1985, lui-même inspiré par les positions du ministère de l’Agriculture favorable dès 1967 au développement de la Section du paysage et de l’art des jardins de l’ENSH (voir la conclusion du chapitre 14 d’Histoire et Mémoire sur Topia).

Il faudra trois ans pour que le transfert d’une partie des personnels et des matériels d’enseignement et de recherches de Versailles à Angers soit réalisé, dans des conditions humaines parfois discutables39.

L’ENSP « hérite » de la gestion du site du Potager du roi, de ses bâtiments et d’une partie des personnels. Alain Riquois cède la direction en 1995 à un administrateur provisoire Jean-Baptiste Cuisinier, IGREF missionné au château de Versailles et à la DGER.

Une nouvelle vie, difficile au début, commence pour l’ENSP au Potager du roi.

Pierre Donadieu

19 novembre 2019

Merci à P. Dauvergne, Noëlle Dorion et Alain Riquois pour leur contribution.


Bibliographie

P. Donadieu, Histoire et mémoire de l’ENSP, chapitre 14 https://topia.fr/2018/03/27/histoire-de-lensp-2/


Sources d’archives

Archives ENSP, Salle 6, boites 2033 et 3097.

Archives départementales des Yvelines, 1W-18-III, dépôts 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78.


Quelques acteurs

Jacques Poly (1927-1997), Président de l’INRA en 1989

Raymond Chaux (1925-2017), Ingénieur général d’agronomie, directeur de l’ENSH et de l’ENSP (1974-1990), Archives ENSP

Alain Riquois, IGREF, directeur de l’ENSH et de l’ENSP (1990-1995)

Hervé Bichat (1938-2015), IGREF, directeur général de l’enseignement et de la recherche (1992- 1997)

Pierre Dauvergne, paysagiste DPLG, enseignant ENSP, vice-président puis président du Conseil général de l’ENSH et de l’ENSP (1988-1994)


Notes

1 Ministre chargé de l’Agriculture en 1985-1986 au moment de l’échec de l’Institut français du paysage (après Michel Rocard) puis en 1988-1990 au début du projet d’ISTV avant Louis Mermaz.

2 L’ENSP et l’ENSH sont dirigées par R. Chaux, l’INAPG par P. Vialle (IGREF), l’ENGREF par J.-P. Troy (IGREF).

3 Lettre de H. Nallet à Jacques Poly, président de l’INRA, 1er juillet 1989. Archives ENSP, S6, 2033

4 J. Poly, « Rapport sur les possibilités de rapprochement, en région parisienne, des établissements d’enseignement supérieur, dépendant de l’agriculture et de la forêt », 1989, 59 p. 

5 En novembre 1991, le Premier ministre de l’époque, Edith Cresson, annonçera son ambition de délocaliser 30.000 postes de l’administration parisienne en province d’ici à la fin du siècle.

6 CR de commission du 25/01/90

7 Choisi par vote du conseil des enseignants entre trois projets (Corajoud, Lassus, Donadieu).

8 Depuis 1980, une spécialisation sciences et techniques appliquées aux aménagements paysagers était développée à côté de celles de Défense des cultures et d’Horticulture. Elle était animée principalement par P. Bordes et L. Saccardy.

9 G. Courtois, Le Monde, 2/2/1990.

10 A cette époque, le doctorat ne pouvait être délivré que par les universités. Obtenir sa délivrance était un enjeu important pour l’ISTV qui se rapprochait ainsi d’un statut universitaire.

11 Archives ENSP, S6.

12 CR de l’AAF du 21 mars 1990.

13 Document de travail du 21 mai 1990. Archives ENSP, S6

14 Elle existe déjà avec les interventions des experts du CEMAGREF de Grenoble et de Nogent sur Vernisson (B. Fischesser en particulier).

15 André Berkaloff est professeur à l’Université Paris Sud et cofondateur de l’association ISTV.

16 Lettre manuscrite du 30 juin 1990. Archives ENSP, S6

17 Créée le 30 mai 1990, l’association pour l’établissement des sciences et techniques du vivant (AESTV) est présidée par Guy Salmon-Legagneur, conseiller maitre à la cour des comptes.

18 P. Donadieu, Un pôle environnement et paysage à l’ISTV, groupe de travail ISTV (ENSP, ENSH, INAPG), Septembre 1990, 7 p. M. Rumelhart y récuse l’expression « aménagement du paysage au profit d’ «aménagement de l’espace ». Centrées sur la connaissance, les positions scientifiques (les pédopaysages des pédologues, les unités gé(morpho)logiques de B. Peyre ou de végétation de C. Girard) semblent incompatibles avec celles de l’ENSP orientées par l’action (le projet de paysage comme méthode).

19 IGREF, A. Riquois était responsable de la mission du paysage du ministère de l’Environnement créée en 1978.

20 P. Donadieu, Options de l’ENSP de Versailles dans le cadre de l’ISTV, 21 p.

21 Les élèves enquêtés sont sortis en 1984, 85 et 86, période de crise et de grèves à l’ENSP. Ils ont donc reçu l’enseignement des professeurs de l’ENSH. Ce qui leur fait dire « les heures de chimie, physique et mathématiques suffisent … ».

22 Le protocole d’accord pour la mise en œuvre de l’implantation d’AgroParisTech et de l’INRA sur le campus de Saclay ne sera signé que le 7 juillet 2015 entre AgroParisTech, l’INRA, la Caisse des dépôts et consignations, Campus Agro SAS et les services de l’État.

23 Lettre du 22 septembre 1992. L’ENSP a été ajoutée dans la version finale.

24 Lettre du 3 avril 1992. A cette époque P. Donadieu termine la rédaction de sa thèse de doctorat en géographie qu’il soutiendra à l’université Paris VII l’année suivante.

25 Dossier de presse du 18 mai 1993.

26 Après le concours de professeur ouvert en Sciences humaines à l’ENSP, qui avait désigné D. Bouillon comme lauréat, P. Donadieu prend avec A. Fleury et l’attribution d’un poste de maitre de conférences, puis de professeur, la direction du laboratoire de recherches en 1994. Il soutiendra une habilitation à diriger des recherches en 1997.

27 Comité interministériel à l’aménagement du territoire.

28 Procès-verbal du conseil général du 4 mars 1992, Archives ADY WW-20-III, dépôt 76

29 Lettre au ministre de l’Agriculture L. Mermaz le 25 mars 1992

30 « M. Gérard Larcher appelle l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de la forêt sur le projet de délocalisation de l’Ecole nationale supérieure du paysage à Blois et ce, sans concertation préalable auprès des enseignants et personnels administratifs ».

31 PV du Conseil général du 9 mars 1993. Les enseignants y voient un moyen de délocaliser l’ENSP et pensent qu’il s’agit d’une autre école à créer.

32 Il quittera son poste de ministre le jour même …

33 Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 1993, Tome III environnement, n° 102, Sénat, p. 69.

34 CR du conseil des enseignants de l’ENSP du 28 octobre 1993.

35 PV de la réunion du 12 mars, p. 2.

36 Ce scénario l’emportera plus tard avec l’intégration de l’Institut national d’horticulture et de paysage au pôle Agrocampus Ouest Rennes-Angers.

37 Lettre du 7 mars de Hervé Bichat à Alain Riquois.

38 Une revendication forte du projet d’institut français du paysage de 1985. Non satisfaite, elle avait déclenché les grèves des élèves.

39 Ce texte a été écrit du point de vue de l’ENSP. Il mériterait d’être écrit également du point de vue de l’ENSH.