17 – Les Ateliers Pédagogiques Régionaux

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Chapitre 17

Les Ateliers Pédagogiques Régionaux de l’ENSP de Versailles

1985-1996

Pierre Donadieu raconte le début des ateliers (pédagogiques) régionaux (APR) à l’ENSP de Versailles (1985-1996), et esquisse une problématique de recherche.

Le contexte – La nouvelle quatrième année – Le marché des APR- Les ateliers régionaux des années 1991-92 et 1992-93 – Objectifs et méthodes de recherche – Quelques réponses d’ateliers (1985-1996)- Conclusion- Nouvelles questions épistémologiques et philosophiques.

Rédigé à partir des archives de Pierre Donadieu et de l’ENSP1, ce texte reconstitue la fondation des ateliers régionaux de quatrième année. Il en précise le contexte, les finalités, les acteurs et les différents sujets abordés. Il est destiné à esquisser un programme de recherches dont les résultats pourraient indiquer les différentes voies de refondation des APR à l’ENSP, après leur disparition en 20182. Peut-être pourrait-on envisager leur réinsertion dans le cadre de la dernière année de master DEP3 ?

La création des ateliers régionaux4 de quatrième année est indissociable de la réforme pédagogique de l’ENSP en 1986. Revenons sur cette époque.

Le contexte

En 1985, l’ENSP et l’ENSH qui disposent du même directeur Raymond Chaux et du même conseil d’administration, coexistent, de manière séparée, au Potager du roi. Installée sur une partie de l’actuel bâtiment Saint-Louis, l’ENSP gère environ 130 étudiants et un budget autonome avec deux instances propres : un conseil des enseignants et un conseil de l’enseignement et de la pédagogie. Les études durent trois ans suivis d’une quatrième année consacrée à des stages et finalisée par un travail personnel de fin d’étude (TPFE) portant sur une proposition de projet accompagné d’un mémoire.

Après une longue grève des étudiants qui avait suivi l’échec du projet d’Institut français du paysage (IFP), le paysagiste Michel Corajoud5 est recruté en septembre 1985 comme maître de conférences en « théories et pratiques du projet de paysage »6.

Le 26 juin 1986, le conseil des enseignants et le conseil général (d’administration) approuvent un nouveau projet pédagogique pour l’établissement. Celui-ci prévoit, entre autres dispositions7, de reprendre le contrôle pédagogique de la quatrième année, le dispositif des stages professionnels, notamment dans les agences de paysagistes ou d’urbaniste, se révélant insuffisant.

Les ateliers ont en effet expérimenté en 3ème année, dès 1984, la formule pédagogique des « ateliers régionaux (de paysage) ». Elle visait trois objectifs définis par M. Corajoud en 1985 :

-«Offrir aux étudiants en fin de formation la possibilité de faire un projet long, embrassant la totalité des champs disciplinaires de l’école (…) : un terrain, des échelles multiples, des interlocuteurs et acteurs sociaux nombreux, des enjeux, des contraintes, des programmes sectoriels plus ou moins précis,

– Décentraliser la formation (dans le cadre du projet de l’IFP qui prévoyait cette possibilité)

– Former des enseignants locaux (dans le cadre précédent) »8.

Ce dispositif pédagogique, qui se traduisait le plus souvent par une « plaquette » en général assez épaisse, une présentation publique et une exposition locale (en mairie notamment), permettait d’exprimer en termes de projets de paysage des réponses possibles à des problématiques territoriales très diverses, notamment la réhabilitation des friches industrielles dans le Nord et en Lorraine, l’aménagement des carrières après leur exploitation, les aménagements de nouvelles infrastructures de transport, des entrées de ville …

« Ce travail d’étudiants, écrivait M. Corajoud, ne peut être comparé à une étude faite par des professionnels (ce n’est pas l’objectif). Il ouvre cependant des perspectives et formule des hypothèses d’aménagement qui seraient à explorer dans une étude ultérieure »9.

Au cours des années scolaires suivantes, l’expérimentation commença en quatrième année (peut-être continua-t-elle un peu en troisième année ?)10. Les thèmes commencèrent à se diversifier en fonction des propositions faites et des compétences des encadrants. Mais les financements attendus de ces nouvelles formes de stages collectifs (souvent avec des collectivités) ne furent pas toujours au rendez-vous.

Isabelle Auricoste, paysagiste, et Jeanine Christiany historienne des jardins, encadrèrent des projets de restauration/réinvention du parc de Chantilly (1987), du site et des jardins de la villa Noailles à Hyères, et des jardins du château de Gaillon (1988). S’y ajoutèrent, avec d’autres encadrants, des projets de réhabilitation de friches industrielles en Lorraine, d’aménagements urbains et périurbains (Vitry-le-François, Alès, la Plage Bleue à Valenton), et une expérience de gestion paysagère de la vallée rurales des Dhuys (05) en relation avec l’INRA d’Avignon11.

La nouvelle quatrième année (1988-89)

Inaugurée à la rentrée de l’année scolaire 1988-89 par une décision du conseil des enseignants du 23 décembre 1988, la direction de la quatrième année est confiée à P. Donadieu12, assisté par Odile Bénard et Chantal Corbière. Il est chargé de la prospection des Ateliers pédagogiques régionaux et des stages-mémoire, de l’organisation des mémoires de fin d’études et de la programmation des séminaires13.

Il est prévu en effet que « chaque étudiant doit effectuer un travail personnel aboutissant à la réalisation d’un mémoire. En même temps, il doit effectuer un stage en milieu professionnel selon deux structures opérationnelles : Ateliers Régionaux et Stages-Mémoires. Enfin des Séminaires, regroupant tout ou partie des étudiants sont programmés »14.

L’Atelier Régional, qui dure 6 mois, est dirigé par un enseignant de l’école (choisi sur une liste d’une trentaine de personnes, en général vacataires, approuvée par le Conseil des enseignants) et accueille au moins deux étudiants. Ils étudient « des problèmes réels dans un contexte concret associant professionnels et décideurs locaux » (p. 3). Est affirmée la nécessité d’une « convention d’étude et de recherche entre l’École et l’organisme support de l’atelier régional ou du stage-mémoire. Chaque convention définit le travail à réaliser et les modalités de son financement ». Dans ce cadre, qui engage la responsabilité de l’école, les étudiants sont indemnisés de leurs frais et les encadrants vacataires rémunérés.

Formule pédagogique nouvelle, le Stage-Mémoire engage un travail encadré d’étudiants, tel que prévu par une convention d’étude et de recherche, et débouche sur le mémoire de fin d’études. Sachant que, par ailleurs, il peut y avoir disjonction ou continuité des sujets entre l’Atelier Régional et le mémoire de fin d’étude.

Les Séminaires ont pour objet la présentation des sujets de mémoire, des apports spécifiques, la mise en commun des réflexions conduites dans les Ateliers et les Stages-Mémoires, et des enseignements complémentaires apportés par les différents départements.

Au cours du printemps 1989, quatre ateliers régionaux (officiels) au moins trouvèrent des financements : en Corse avec M. Rumelhart, professeur d’écologie et le paysagiste DPLG Alain Freytet (3 étudiants), pour l’aménagement d’un cimetière en Seine-Saint-Denis avec les paysagistes DPLG L. Tailhade-Collin et Guy de la Personne (4 étudiants), sur le site de Sophia-Antipolis avec les paysagistes DPLG J.-P. Clarac et A. Chemetoff (4 étudiants), et les jardins médiévaux avec F.-M. Manach, enseignant de techniques de représentation graphique avec deux étudiantes.

S’y ajoutaient 17 stages-mémoire sur différents thèmes : notamment sur les jardins historiques à Chantilly et à Talcy, la photographie de paysage, la cartographie de paysage, l’aménagement routier, l’aménagement de la vallée de la Bièvre, le paysage rural … Mais les conventions de financement restaient difficiles à trouver15.

Le montant des contrats pouvait varier entre 60 000 F et 200 000 F HT selon la plaquette de 1991-92.

En 1990 le prix d’un atelier variait entre 28 000 F (les jardins médiévaux) et 104 800 F HT (cimetière de Seine-Saint-Denis)16. Ce montant servait à défrayer les étudiants, et à rémunérer les encadrants entre 3300 F HT (Talcy) et 31 800 F HT (Jardins de Chantilly).

Le « marché » des APR (1990-91)

À partir de la rentrée de l’année scolaire 1990-91, Bertrand Follea, jeune paysagiste DPLG récemment diplômé, rejoint Pierre Donadieu pour l’aider à organiser la quatrième année.

En cette même rentrée, l’ENSH et l’ENSP changent de directeur : Alain Riquois, IGREF, ancien responsable de la Mission du paysage du ministère de l’Environnement succède à Raymond Chaux qui fait valoir ses droits à la retraite.

Dès la fin de l’année scolaire précédente, au printemps, la prospection des ateliers a commencé. Paysagistes ou non, les enseignants ont mobilisé leurs réseaux professionnels de façon à ce que les 31 étudiants de troisième année puissent choisir entre un atelier régional et un stage-mémoire, voire un stage classique. Un véritable « marché » est organisé en juin 1990 avec les enseignants porteurs de projet d’atelier, les étudiants et parfois les représentants des commanditaires issus de toute la France.

Plusieurs projets semblent déjà assurés du fait des contacts pris ou des demandes adressées à l’école. L’Institut national agronomique de Paris-Grignon, un voisin, souhaite restaurer le petit parc paysager du XIXe siècle voisin du château de Grignon. Mais rien ne dit qu’à ce stade le périmètre restera aussi restreint. N’est-ce pas à l’échelle du vaste domaine historique de Grignon qu’il faudrait faire l’étude ? La ville de Tonnerre dans l’Yonne dont le maire est Henri Nallet, ministre de l’Agriculture, a fait savoir son intérêt pour un projet de paysage concernant sa ville. C’est Isabelle Auricoste qui est sollicitée pour encadrer ces deux ateliers réunissant trois étudiants. D’autres offres, parfois floues, sont discutées : publiques comme celle du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres en Charente-Maritime, du centre d’études techniques de l’équipement (CETE) d’Aix-en-Provence, du CAUE de la Nièvre, du Service d’Espaces Verts du Val-de-Marne ou d’un Syndicat intercommunal du Forez, ou bien privées des agences de paysagistes (M. Desvignes, G. Vexlard, Ilex, M. et C. Corajoud, J.-C. Hardy, TER). Dans ce dernier cas, le stage classique restera opérationnel.

Des options sont prises par les étudiants en fonction de leur centre d’intérêt et des encadrants qui sont pressentis. Tous sont des enseignants de l’école, paysagistes pour la plupart, avec quelques exceptions : des architectes comme P. Madec, A. Dervieux et C. Boutry, un enseignant de dessin (F. M. Manach), un sociologue de l’EHESS (J. Cloarec) ou les écologues enseignants de l’école M. Rumelhart et P. Donadieu.

Dès la rentrée, les étudiants font connaissance avec le site, aidés en général par leur encadrant, en même temps que sont rédigées et signées les conventions d’étude et de recherche, et les conventions classiques de stage qui persistent encore. Elles sont acceptées dans la mesure ou les maîtres de stage sont des enseignants de l’école ou des anciens élèves. Deux initiatives d’étudiants laissent perplexes P. Donadieu et B. Follea, car les financements sont flous pour prendre en charge les échanges d’étudiants entre des institutions étrangères, roumaines et indiennes. Quatre d’entre eux veulent partir à New Dehli encadrés par la jeune paysagiste Françoise Crémel et deux autres dans une agence d’urbanisme de Bucarest pour étudier les espaces publics urbains.

Au 10 janvier 199117, 17 conventions de stages-mémoires sont signées et deux sont en attente. Deux conventions d’ateliers, dont celle de Grignon, ont abouti et deux autres sont en attente de signature. Les deux ateliers internationaux n’ont pas trouvé de financement de la part du ministère de l’Agriculture qui a été sollicité (DGER). Un financement de 20 000 F pris sur des reliquats de convention soldées permettra de pallier cette difficulté. Dans d’autres cas où la commande n’existe pas, l’encadrant accepte de pas être indemnisé et l’étudiant n’est pas défrayé. Plus subtilement, un maitre de stage classique peut être habilité comme directeur d’étude d’atelier … Le statut du stage-mémoire reste incertain, dans la mesure où il permettrait à l’étudiant d’échapper à l’apprentissage du projet pour des alternatives floues de recherches, discutables au sein d’une école professionnelle.

Cette année-là, comme la précédente, reste expérimentale et hésitante. Car les commandes attendues n’affluent pas, et la demande externe reste celle de stagiaires indemnisés, et non celle d’une étude à finalité préprofessionnelle encadrée par l’Ecole. Le « marché » des Ateliers Régionaux est au tout début de sa construction.

Les ateliers régionaux des années 1991-92 et 1992-9318

Au cours de ces deux années, trois décisions politiques troublèrent les enseignants et surtout la direction des deux écoles : en 1990 la décision du ministère de l’Agriculture de regrouper les écoles d’enseignement supérieur agronomique, agroalimentaire, du génie rural et des eaux et forêts, vétérinaire, d’horticulture et de paysage d’Ile-de-France dans un seul Institut des sciences et technologie du vivant (ISTV), en 1992 celle de délocaliser l’ENSH à Bergerac et l’ENSP à Blois, et au début de 1993 de transférer l’ENSH à Angers.

Dans ce contexte agité, les outils de l’État en matière de politiques publiques de paysage se transformaient : les outils juridiques avec la promulgation en janvier 1993 de la Loi dite Paysage qui créait, entre autres, les chartes intercommunales de paysage dans les parcs naturels régionaux, et le « volet paysager » du permis de construire. Ainsi que les outils de projet avec les expérimentations de plans de paysage qui étaient financées par la Mission du paysage.19

Parallèlement B. Follea prenait en charge l’organisation de la quatrième année dans la mesure où P. Donadieu se consacrait en partie à la préparation de sa thèse de doctorat en géographie à l’Université Paris VII20.

Au cours de ces deux années, la prospection des ateliers régionaux rencontra une demande accrue de plus en plus séduite par cette formule originale, certes coûteuse, mais productrice d’idées nouvelles et d’apprentissages nouveaux d’intérêt public. Onze ateliers furent organisés en 1991-92, et 15 en 1992-93.

L’on peut en distinguer cinq catégories correspondant aux compétences des enseignants encadrants.

Les jardins historiques étaient liés aux compétences du tandem formé par l’architecte et historienne des jardins J. Christiany avec la paysagiste I. Auricoste21. À l’inventaire des jardins historiques de Bourgogne appuyé par le CAUE local succéda la réinvention des jardins bas disparus du château de Gaillon (1989)22. Ces deux ateliers tiraient profit de la politique publique d’inventaire et de gestion des jardins historiques du ministère de la Culture lancée dans la région PACA par l’architecte et historien des jardins Michel Racine.

Deux autres thèmes attiraient une majorité d’étudiants. Les projets d’aménagement des espaces publics et privés, urbains et périurbains s’inscrivaient dans la tradition des compétences paysagistes : avec le Service d’espaces verts (SEV) du Val de Marne et des villes de Paris et de Clermont (1991-92), avec la réhabilitation des espaces extérieurs de grands ensembles immobiliers (SCIC), et d’aménagement de forêts urbaines (SEV du Val de Marne)23 en 1992-93.

À ce titre ont été organisés en 1992-93 des ateliers sur deux plans de paysage du parc naturel régional du Nord et de la vallée de l’Yvette avec la Lyonnaise des Eaux, des réhabilitations paysagères dans le Queyras avec le CAUE. Ils succédaient à des projets de paysages à Marseille, dans la vallée de la Mauldre (78) avec la Lyonnaise des eaux, et sur les sites des châteaux cathares avec le CAUE de l’Aude.

L’ensemble de ces sujets relevait d’une commande renouvelée, héritière des travaux de recherche sur « le paysagisme d’aménagement » du CNERP (1972-79), que les paysagistes appellent aujourd’hui « Grand paysage ou Grande échelle », ou encore « Urbanisme paysagiste » en reprenant une terminologie américaine (landscape urbanism) des années 2000.

Deux sujets restaient plus discrets : sur les espaces ruraux et naturels : les bords de Loire avec l’agence d’urbanisme de Tours, les marais de Brouage avec le Conservatoire du Littoral, et les carrières de granulats avec l’UNICEM, ; et sur des infrastructures autoroutières et de canaux (l’A20 avec la DDE de Haute Vienne, et les canaux de Bourgogne avec les CAUE locaux).

Objectifs et méthodes de la recherche

Tous ces sujets font appel à une pédagogie heuristique de la démarche de projet. Que souhaitons nous savoir que nous ne saurions et partagions déjà ?

Partons du postulat que la démarche de projet de paysage exprime l’anticipation formalisée d’une intention d’aménagement de l’espace en réponse à une ou plusieurs questions formulées par un commanditaire (le maitre d’ouvrage) et précisées souvent dans un programme d’aménagement.

Cette démarche se traduit par l’acquisition de connaissances sur un site (analyses disciplinaires et thématiques, le plus souvent géographiques et historiques, mais aussi sensibles24), puis (ou simultanément) par des intentions de projet (esquisse, orientation). Ces intentions, déduites des analyses autant qu’induites par l’intuition du concepteur, sont traduites en recommandations et soumises à l’agrément du commanditaire de l’étude. Elles sont exprimées par des textes et des images : des plans, des maquettes et des coupes en général à plusieurs échelles spatiales, de la petite échelle géographique (un projet urbain ou territorial) à la grande échelle géographique (la rue, la rivière). Démarche qui permet de créer une cohérence fonctionnelle entre les actions planificatrices de régulation (POS, PLU, SCOT) et celles de réalisation (parcs, plantations …)

Comment ces questions sont-elles formulées par le commanditaire et interprétées par le concepteur ? Comment le périmètre de travail est-il défini ?

Quelles méthodes de connaissance du site l’élève paysagiste adopte-t-il ? Quelles connaissances académiques ou originales mobilise-t-il ? Quelles places relatives occupe l’analyse (géographique, historique, sociologique, écologique …) et la reconnaissance sensible (croquis, description d’ambiances, maquette…) ?

Quelles démarches de projet choisit-il ? Quels rôles jouent la (re) connaissance du site, les logiques inductives et déductives de projet ? La posture scénographique de projet inspirée de la topographie naturelle et de l’histoire du site est-elle généralisée ? Comment le parti adopté est-il discuté et approuvé par les commanditaires et leurs représentants?

Peut-on connaitre l’influence qu’ont eu les résultats d’APR sur les partis prenantes du projet, école comprise ?

D’une manière générale peut-on montrer que les APR ont été avant tout une préparation « in situ » au travail d’agence ? Mais également une réponse à des problèmes locaux de qualité de cadre de la vie humaine autant qu’à des injonctions législatives ? Ils ont offert la possibilité aux élèves de s’adapter très vite aux nouvelles commandes publiques (urbanisme, énergies renouvelables, infrastructures circulatoires, zones humides, agricultures urbaines …). N’ont-ils pas apporté une formation empirique des maitres d’ouvrage publics autant que des enseignants d’ateliers, notamment en région PACA ?

Ce faisant, l’instrumentalisation du paysage comme outil de politiques publiques n’a-t-elle pas en revanche vidé cette notion de son contenu émotionnelle et éthique ?

En principe, nous disposons pour chaque APR d’un dossier administratif et financier (notamment la convention passée entre l’école et le commanditaire), et d’un mémoire (ou plaquette) réalisé par les étudiants. Mais en pratique l’école ne semble pas avoir archivé tous ces documents, notamment au début. Il faudrait le vérifier.

Par ailleurs, il sera nécessaire de faire un choix parmi les 250 à 300 APR réalisés entre 1988 et 2018.

Pour cette raison, la première étape de la recherche devra être la réunion de toutes les archives, actuellement localisées dans trois salles, dans un seul lieu. Un catalogue de ces documents sera réalisé pour permettre un échantillonnage significatif des catégories de projet identifiées et de leur évolution en trente ans.

Les réponses de 8 ateliers25 (1985-1996)

Les pensées projectuelles à l’œuvre semblent relever en grande partie de la scénographie26, mais ce terme n’est jamais écrit, celui de mise en scène très rarement ; peu d’appuis théoriques explicites sont mobilisés dans les bibliographies souvent sommaires. La pratique mise en œuvre s’inscrit dans la continuité des ateliers de projet précédents des étudiants, de la même manière que dans la formation donnée dans les ateliers des écoles d’art ou d’architecture27.

Peut-être le théoricien de l’art, architecte et archéologue, Antoine Quatremère de Quincy (1755-1849) en formulait-il le paradigme, inconscient aujourd’hui :

« Ce que le poète, l’artiste, le génie trouve (ou invente), non seulement n’est pas hors des lois de la nature, mais en est au contraire l’esprit et le sommaire. Car ce que chacun prend pour la nature est fort loin de répondre à ce nom, dès qu’il faut entendre par là, non tout ce qui est comme il est, mais ce qui est tel qu’il doit être ou peut être (…) Car on n’invente que ce qui n’existe pas (…) et le poète ne trouvera jamais dans la nature le concert harmonieux des rapports qu’il recherche. » Essai sur la nature, le but et l’imitation dans les Beaux-Arts, 1823.

Autrement dit, l’apprenti paysagiste concepteur pense et projette, au nom d’une « nature » idéale à inventer et à identifier, avec les outils de création que ses enseignants lui ont transmis (la photo, le croquis, la coupe, la carte, la maquette, la marche ou l’arpentage dans les sites …).

Dans le langage paysagiste, le mot polysémique de « paysage » a remplacé celui équivoque de « nature » en évoquant implicitement la légitimité de la tradition paysagère picturale depuis la Renaissance. Mais ce terme peut-il rendre compte de pratiques paysagistes contemporaines hybrides avec celles de l’urbanisme, de l’écologie, de l’horticulture, de l’agriculture, de la foresterie, des sciences géographiques, de l’histoire de l’art et des arts visuels (entre autres…) ?

Nous allons essayer de répondre à cette question en analysant quelques projets de la première période des APR (1985-1996).

1 – Les ateliers « Jardins Historiques »28

Réinvention/restauration de jardins historiques

Dans la période considérée au moins quatre ateliers ont concerné des jardins de bâtiments historiques : notamment ceux des châteaux de Chantilly (60), de Gaillon (24) et de Talcy (41).

Jardins du château de Gaillon 1988-89, I. Auricoste/J.Christiany

Au début de 1987, la mairie de Gaillon (Maurice Maire et son adjoint Willy Dupont), petite ville de 6 000 habitants dans l’Eure souhaite créer un parc public à l’emplacement des anciens jardins du château en cours de restauration. À cet effet, elle demande l’organisation d’un atelier régional (1987-88) avec les deux écoles d’architecture et de paysage de Versailles encadré par J. Christiany et I. Auricoste.

Il est prévu de « repenser pour notre époque les caractéristiques d’un jardin capable de susciter l’émerveillement et le dépaysement et d’imaginer les moyens de mettre en œuvre cette intention. Thème retenu : le jardin des quatre éléments » Il est demandé « une planche d’analyse, une esquisse au 1/1000e, une planche de croquis et notes, un plan des effets végétaux, une axonométrie et un journal de bord » 29.

En 1988-89, un second atelier régional envisage, toujours avec les deux écoles, de préciser l’aménagement du « Jardin de Bas » dans la mesure où il s’agit d’imaginer cet espace avec des hôtels. La plaquette de cet atelier n’a pas été retrouvé, mais le mémoire de Claire Gauthier-Follea rend compte du TPFE (travail personnel de fin d’études) qui lui a succédé sur le même sujet30.

Son intérêt principal (parmi d’autres) réside dans l’explicitation graphique du processus de conception du projet.

La demande du commanditaire est ambigüe « Faire des jardins de Bas un lieu à la fois privé (pour les hôtels à venir) et public (pour les habitants de la ville de Gaillon)»31. Des ateliers précédents, l’étudiante retient 1/ Les nombreuses gravures et plans du site et de ses jardins depuis le XVIe siècle qui montrent l’articulation originale du jardin bas avec le château via le jardin haut 2/que la vue depuis le château (propriété de l’Etat) et le jardin bas sur la vallée de la Seine ne concerne plus des paysages agricoles comme au XVIIe siècle mais des activités à la fois industrielles, urbaines et agricoles.

Recherche graphique de tracés des jardins privatifs, Extrait de « Gaillon, jardin de Bas », op. cit., 1989, p. 35

Dix pages de croquis annotés illustrent la recherche par tâtonnements : de l’emplacement des hôtels, des lignes génératrices des jardins privatifs (mais non privés) entre château et ville en conservant l’axe historique et en créant un axe contemporain, de leur symbolique cosmologique propre (jardins du centre, du quatuor, du quadruple et du labyrinthe), et de l’implantation des parkings.

Ce projet ambitieux ne semble pas avoir vu le jour. Contrairement à celui de Talcy qui a été réalisé selon le projet d’atelier de Joëlle Weill à partir de 1996.

2 – Les ateliers « rural, agriculture et nature »

Mise en valeur de caractères territoriaux, paysagers et écologiques, locaux ou régionaux : Analyse et reconnaissance, puis projet (restauration, réhabilitation, recréation, régulation …)

Atelier Régional Nord (paysages de l’Asvenois), D. Delbaere et K. Emeran , Charte de paysage pour le parc naturel régional du Nord-Pas-de-calais, secteur de la plaine de la Scarpe et de l’Escaut.

http://www.metropolys.com/news/a-découvrir-%3A-le-parc-naturel-régional-scarpe-escaut-1264

Carte des paysages, dossier APR, ENSP Versailles, 1993

Mené d’octobre 1992 à Juin 1993, cet atelier régional, réalisé par D. Delbaere et K. Emerand, a été commandité et financé par le parc naturel régional du Nord-Pas-de-Calais pour en réviser la charte intercommunale en 1996, suite à la loi « Paysage » de 1993. La commande concernait une étude générale des paysages et l’élaboration d’un programme d’actions destiné à orienter sa politique en matière de paysage32.

Le texte qui résume le travail de l’atelier part du constat « d’un territoire largement victime de sa géographie et de son histoire récente (« morne plaine, plat pays, pays noir charbon, corons »). Comme dans la plupart des autres ateliers, c’est l’identité actuelle des paysages qui est « mise en accusation » dans une démarche dite « culturelle ». L’enjeu de l’étude est de (re) découvrir une nouvelle identité paysagère, de « changer les regards » sur le Plat Pays.

Pour ce faire, ils produisent « une carte naïve »33 qui recompose les paysages sur la base de leur perception sensible : « centralité de la plaine, horizons circulaires, contraste de couleurs, sols spongieux ». Elle est accompagnée d’une « carte savante » qui définit des unités paysagères objectives « sur lesquels seront déclinés les thèmes poétiques des entités paysagères ». Elle se traduit également par une structuration paysagère du territoire (huit entités paysagères), avec des lignes (canaux, lisières, routes) offrant des axes de découvertes et des points stratégiques d’observation des paysages.

Cette étude cartographique (carte des paysages et des vocations paysagères) a permis d’ouvrir une période de concertation avec les élus en avril 1993, et tous les acteurs du paysage (DDE, DDA, Voies Navigables, EDF …).

Sont ainsi définies et validées les trois entités paysagères du « cœur paysager » (géographique, écologique, historique) : de la Scarpe, de la Forêt de Saint-Amand et de l’Escaut, ainsi que les entités périphériques (Pévèle et Ostrevent, axe urbain valenciennois …). Cette démarche a été validée en octobre suivant, ainsi que ses objectifs d’action : le renforcement des entités paysagères de la Scarpe et de la forêt de Raismes-Saint-Amand-Wallers « les paysages les plus expressifs » du parc ; et la valorisation des entités paysagères voisines et des « portes d’entrée » du parc. Des stratégies de renforcements des traits identitaires paysagers sont prévues en agissant sur les structures arborées, les paysages de l’eau et la valorisation du patrimoine agricole en réduisant les nuisances visuelles (pylônes, poteaux téléphoniques…).

Illustrant la charte, un atlas des paysages sera ensuite élaboré, accompagné de « livrets de sensibilisation et de sensibilisation aux problèmes du paysage » ainsi que des « contrats de qualité » entre parties prenantes de la production des paysages.

Cet atelier régional, très opérationnel, s’est inséré dans une dynamique institutionnelle qui lui a permis de déboucher sur de réelles actions concrètes. Elles vont construire les nouvelles identités paysagères régionales d’aujourd’hui.

Marais de Rochefort 1992-93 Donadieu/Freytet/Bertin  et trois étudiants: Conservatoire du littoral ; le récit fondateur de l’imaginaire de l’eau et des rivages du marais

En 1992, le Conservatoire national de l’espace littoral et des rivages lacustres adresse à l’ENSP une commande d’atelier pédagogique régional concernant ses futures propriétés foncières dans le marais de Hiers-Brouage (Charente-Maritime)34 autour de la citadelle historique homonyme. Le contrat a pour finalité de définir le cahier des charges paysagères qui sera adressé aux éleveurs avec lesquels des baux agricoles seront conclus.

L’atelier est dirigé par P. Donadieu et deux paysagistes : Alain Freytet et Stéphane Bertin, sensibles aux démarches apprises auprès du paysagiste B. Lassus. Trois étudiants de l’ENSP de quatrième année y travailleront : Agnès Dossat, Jean-Marc Coubé et Thierry Leproust. S’y ajouteront deux stagiaires, un agronome et une écologue de l’École nationale supérieure d’agronomie de Rennes.

Le marais et la citadelle de Brouage, photo S. Bertin, 1991, archives Donadieu
Carte des trois marais de l’ancien golfe de Saintonge, mémoire d’atelier, 1993.

Cette commande n’est pas le fruit du hasard. Elle concerne un réseau d’enseignants et de professionnels qui se connaissent. B. Lassus, plasticien et P. Donadieu agro-écologue travaillent ensemble à la réalisation du projet du Jardin des retours sur le site de la Corderie royale de Rochefort ; Emmanuel Lopez, directeur adjoint du Conservatoire du littoral et P. Donadieu sont membres de l’équipe pédagogique de la formation doctorale Jardins, Paysages, Territoires que B. Lassus a fondée avec le géographe A. Berque, le philosophe A. Roger et l’historien et sociologue M. Conan en 1989 à l’école d’architecture de Paris-La-Villette. Ils incarnent une mouvance émergente d’idées qui soulignent l’intérêt des approches culturalistes et de l’imaginaire poétique dans la conception des projets de paysage.

Telle qu’elle est formulée dans le mémoire des étudiants35, la réponse à la demande de cahier des charges est subordonnée à deux modes complémentaires de connaissance du site : un ancien marais salant devenu plaine agricole et marécageuse. D’une part une analyse géographique et historique fournit une description cartographique précise de la morphologie du marais (les « jas » et les « bosses »). D’autre part, une reconnaissance des imaginaires de l’eau et des iles à partir desquels prend naissance la dimension onirique du marais.

Les étudiants paysagistes rendent compte des relations entre cet imaginaire et la topographie avec des descriptions poétiques, de nombreux croquis et des photographies. Evocations qui leur permettent de créer (analyse inventive) comme concept du projet un récit fondateur du sens paysager du marais, puis d’en déduire, en fonction des différentes unités paysagères adoptées (marais « primordial », habité et poldérisé) les règles de gestion demandées (clôtures traditionnelles, absences de pylônes électriques, étalement des boues de curage, rebocagement des iles…).

Ce projet qui succède à d’autres36 dans la même région de marais est fondé en partie sur les démarches plasticiennes et théoriques de B. Lassus. Celles-ci valorisent les imaginaires possibles et les « cartes sensibles » des sites, et souvent des interventions minimalistes d’aménagement.

Ces études, avec surtout les deux autres, agronomiques et écologiques, ont probablement inspiré les règles paysagères introduites dans les baux agricoles37. Mais les dimensions imaginaires et poétiques des étendues de marais, qui ont été mises en évidence, ne sont plus perceptibles aujourd’hui dans la communication du site au public ,au profit de la restauration et de la valorisation de la citadelle (la Porte Royale, la halle aux vivres qui venait d’être restaurée en 1991, la poudrière de la Brèche, l’église) … Seule la diversité des pratiques agricoles (prairies naturelles extensives) favorables à la biodiversité des 16 000 ha de marais est mise en avant : « cette diversité d’habitats est propice à l’accueil d’une flore riche et d’une faune variée : loutres d’Europe, visons d’Europe, cigognes blanches, busards des roseaux, échasses blanches, hérons pourprés, cistudes d’Europe, etc. On y rencontre également beaucoup de passereaux, et de canards, comme les canards colvert ou souchet ou les sarcelles d’été et d’hiver, qui fréquentent la réserve naturelle de Moëze, située à 4 kilomètres de Brouage »38.

En revanche, le marais de Brouage est devenu une zone humide qui sera classé « Grand site » protégé en 2011, et dont les paysages « de terre et d’eau » seront à ce titre valorisés.

3 – Ateliers urbains

Urbanisme paysagiste : (re)construire la ville avec les caractères paysagers des lieux et des sites) pour améliorer la qualité de vie urbaine

Friches industrielles des papeteries d’Arques 1984-85, M. Corajoud/P. Thomas (3ème année) : relier les quartiers de la ville avec la campagne environnante.

Les ateliers régionaux sont probablement nés du souci des chefs d’ateliers de disposer d’une commande réelle (ou potentielle) de projets en troisième année. Cette idée a été expérimentée en février-mars-avril 1985 avec 10 étudiants de 3ème année dans les ateliers « Le Nôtre » que M. Corajoud dirigeait avec un de ses anciens élèves Philippe Thomas. À cette époque, il préparait le dossier du concours de maitre de conférences en « Théories et pratiques du projet de paysage » qui aura lieu en septembre. Il ne s’agissait, écrit-il, que d’une initiative de l’Atelier le Nôtre, faite en accord avec la direction de l’école39 ».

J. Bouterin et P. Jacotot, plaquette atelier, ENSP3, 1985

L’objectif de l’atelier, qui a été fixé conjointement par le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais et l’ENSP, était à la fois « de participer à la formation des paysagistes » et de contribuer à la réflexion sur le devenir des friches industrielles « phénomène dont l’ampleur ne cesse de croitre en France mais aussi en Europe »40.

Le site de friches concerné couvre 5 hectares occupés en partie par une papeterie désaffectée. Quelles réponses pourra apporter l’atelier aux questions posées par la municipalité ? La réponse ne doit pas être littérale, car il est affirmé également la nécessité de reformuler ces questions et de « dépasser les limites du site ».

Une présentation orale le 10 mai 1985 à la mairie d’Arques conclut le travail des 10 étudiants. Les 9 projets énoncés dans la plaquette (une page de textes et quelques images par projet) suivent une démarche commune. Entre la colline et le canal, ils reconnaissent les limites visuelles de l’espace et établissent le réseau de lignes géométriques (plantations, rues, canal, voies ferrées, habitations…) qui définissent le cadre de l’identité « restituée » du site et son rattachement possible au centre-ville. Les solutions de projet (urbanisation, préverdissement, mise en patrimoine architectural) s’inscrivent dans ces trames graphiques. Elles expriment le potentiel de transformation des friches « en s’appuyant sur la ligne et le transect comme élément de révélation, de lecture et d’écriture de la ville » (P. Jacotot).

Cette démarche devenue classique sera reprise dans la plupart des ateliers « Le Nôtre » et leurs héritiers (par G. Vexlard notamment).

Nous ignorons le mode de financement et le destin de cette étude (re)fondatrice pour les paysagistes impliqués dans le projet urbain41.

Clermont de l’Oise 1991-92, I. Hervio encadrée par G. Chauvel : scénographier le site d’une petite ville picarde.

La plaquette de l’atelier régional « Clermont de l’Oise : regard d’une paysagiste sur la ville »42 a été publiée en janvier 1992. Il a été réalisé par Isabelle Hervio (entrée à l’école en 1988) sous la direction de G. Chauvel, paysagiste DPLG, enseignant vacataire, et M. Koval, « urbaniste et concepteur paysagiste » à Compiègne. Commanditée par la mairie de Clermont, l’étude réalisée dans un temps très court (deux ou trois mois) propose de « dégager les éléments dominants du paysage de Clermont » et ainsi de « contribuer au futur plan municipal d’environnement de la ville »43. Il s’agit « de poser un regard neuf, dégagé de la mémoire des lieux et des habitudes visuelles, de préserver mais aussi de valoriser ce qui détermine le charme et l’identité propre de cette ville de l’Oise ».

Grâce à de nombreux croquis à main levée, l’analyse paysagère de cette petite ville en forme de place forte (9000 habitants) entre Beauvais et Compiègne, identifie les repères visuels (la flèche de l’église, le donjon, les parcs …), côté ville et côté campagne, l’effet « Douve » de la vallée de la Brèche, renforcé par les voies routières et SNCF ; la couronne végétale du site, les vues panoramiques exceptionnelles sur le plateau picard, ou, depuis les rues et les venelles, sur les espaces boisés et les jardins potagers intimes.

Pour valoriser le charme de la petite cité historique, et déplorant le paysage (périurbain) chaotique des routes, des entrepôts et de panneaux publicitaires, l’étude identifie les points noirs (notamment la place de la gare, les entrées de ville et la traversée de la RN 16). Elle propose avec des images et des schémas cinq interventions : conserver l’effet douve de la vallée, protéger la couronne végétale du site historique, accentuer les perspectives sur les espaces boisés et les parcs publics, créer des sentiers piétonniers à travers les jardins potagers, et remodeler l’image de la ville dans sa communication.

Orientations paysagères, plaquette d’atelier, ENSP, 1992.

En conclusion, le caractère remarquable et patrimonial des paysages urbains est affirmé à partir d’une analyse visuelle subjective accompagnée d’une scénarisation destinée « à offrir une réelle qualité de vie à ses habitants et à ses travailleurs ».

Hué 1995-96 F.-X. Mousquet encadrant de M. Hammami et X. Gaugler. Caractérisation fonctionnelle et culturelle de l’espace public du quartier de la citadelle à Hué, Conseil régional du Nord Pas de Calais.

Alors qu’en France, la périurbanisation fondée sur le zoning séparé (et souvent incohérent) des activités (lotissements pavillonnaires, grandes surfaces commerciales, réseaux routiers …) poursuit son expansion en mobilisant peu les paysagistes concepteurs (plutôt des entrepreneurs paysagistes au service des promoteurs), d’autres opportunités s’offrent aux APR à l’étranger.

En 1994, l’association française des Amis de Hué (Vietnam) s’adresse à l’ENSP pour organiser un atelier pédagogique international afin de : « Servir de lieu de rencontres interculturelles entre étudiants, chercheurs français et vietnamiens dans le contexte des enjeux économiques et culturels posés par la mise en valeur du patrimoine paysager de Hué »44.

La citadelle impériale et différents lieux historiques de la région viennent d’être classés au patrimoine mondial par l’UNESCO en 1993. Et la Région Nord-Pas-de-Calais, qui entretient des actions de coopération avec le centre du Viet-Nam, est prête à financer le projet avec le concours de l’École d’agriculture et des forêts de Hué.

Le mémoire qui est introduit par une citation de C. Levi-Strauss extraite de Tristes Tropiques (1955) s’inscrit dans un cadre culturaliste. Il vise d’abord à reconnaitre les caractères paysagers spécifiques des paysages de la vallée de la rivière des parfums, puis à proposer des actions sur l’espace public de l’ancienne ville impériale.

Les repères paysagers principaux (citadelle, écran royal, pagode de la Dame céleste, ile du Dragon, pont de chemin de fer…) sont identifiés avec leurs origines historiques (géomancie, dynasties impériales, colonie française, période d’indépendance …). Les ambiances publiques spécifiques (habitats urbains sur pilotis, jardins de pots et d’apparat, architectures religieuses, végétations urbaines et rurales, rizières, circulations …) ainsi que leurs évolutions sont analysées et illustrées. La citadelle et ses douves, réoccupées par une urbanisation anarchique et de nombreux jardins potagers, ainsi que les berges de la rivière et des canaux font l’objet d’une attention particulière (coupes) pour en montrer les logiques sociales d’agencement spontané. Le texte, qui ne s’intéresse pas à l’architecture historique des palais impériaux (en mauvais état après les guerres), souligne l’insalubrité et la précarité des conditions sociales de vie, « incompatibles avec la mise en valeur du patrimoine historique de la ville » (p. 46).

Extrait de l’étude de l’évolution de l’habitat urbain à Hué, plaquette d’atelier, ENSP, 1996, p. 24

À partir de cette analyse dite sensible, le projet s’intéresse à l’organisation de la circulation piétonnière et cycliste sur les berges publiques de la rivière en face de la citadelle, aux vues à préserver, aux vides à retrouver et aux transitions visuelles à maitriser entre la citadelle et le fleuve. La finalité d’attraction touristique de l’aménagement du site est affirmée notamment dans les séquences visuelles des cheminements sur les murs de la citadelle et aux bords des canaux.

Un tableau final récapitule les objectifs de l’atelier : pour les étudiants avoir acquis une expérience préprofessionnelle ; pour l’ENSP, exporté un savoir-faire paysagiste ; pour l’école d’agriculture, compris la discipline du paysage ; pour l’association des amis de Hué et la ville de Hué, induit des travaux d’aménagement et de restauration et drainer des moyens financiers internationaux ; et pour la Région Nord-Pas de Calais, facilité la mise en place de projets écologiques simples inscrits dans les principes du développement durable.

Beaucoup de ces objectifs n’ont pas été atteints à Hué (fautes de moyens financiers et de volonté politique)45. Mais 17 ans après, un jeune architecte de Hué Nguyen Vu Minh a obtenu un doctorat en sciences et architecture du paysage à l’ENSP46, puis est devenu enseignant à l’école d’architecture de la ville pour transmettre les pratiques paysagistes aux jeunes architectes.

4 – Les ateliers d’infrastructures routières

Insérer (intégrer) les équipements nouveaux dans les paysages environnants. Résorber les points noirs des entrées de ville par des démarches scénographiques.

Atelier Beauvais et ses entrées, 1995

Commanditée par la DDE de l’Oise et la Société autoroutière du nord-est de la France (SANEF), cet atelier réunissait pendant 6 mois de janvier à juin 1995 Laurence Kaisergrüber (ENSP) encadrée par M. Corajoud, et Priscilla Tettaz (ENSAP de Bordeaux) dirigée par I. Auricoste. Il s’est traduit par trois plaquettes. La première « Beauvais et ses entrées, Analyse géographique et historique », la seconde « Analyse séquentielle des principales pénétrantes autoroutières et de l’autoroute A16 » et la troisième « Des stratégies d’aménagement pour la périphérie est de Beauvais »47.

La première partie rend compte d’une analyse cartographique historique et géographique de l’évolution du site urbain. La problématique paysagère des entrées de ville est considérée comme liée à une défiguration récente et à la déstructuration des zones périurbaines conquises par l’expansion industrielle, urbaine et routière hors des coteaux historiques. Les limites de la ceinture routière, génératrice de zones d’activités, ne semblent pas suffisantes pour contenir l’étalement urbain. Il serait nécessaire de « conserver une limite franche sur le plateau Saint-Jean entre l’espace agricole et le milieu urbain ». Comment ?

La deuxième partie analyse les différentes séquences paysagères attachées à chacune des pénétrantes routières à l’aide de plans, coupes et documents photographiques. Y sont distinguées les pénétrantes anciennes qui permettent une transition linéaire entre ville et campagne et les pénétrantes récentes, en remblais ou déblais, qui offrent parfois des perspectives sur la ville ou « se referment sur elles-mêmes ». Ainsi sont définies des entités paysagères réelles ou potentielles, discutables ou non, point de départ « d’orientations d’aménagement » (non urbanisation, plantation de structures végétales, vues prioritaires, limites urbaines …).

Extrait de la plaquette d’atelier n° 3, ENSP, 1995

La troisième partie imagine différentes coupes types caractérisant chaque unité paysagère (zone d’activités, mise en scène des entrées routières et autoroutières, séquences boisées urbaines, espaces agricoles …). Elle conclut sur « un projet encore non finalisé » et la nécessité de poursuivre la réflexion dans le cadre des diplômes de deux étudiantes.

Cette étude a-t-elle inspiré la DDE et les services techniques de la mairie de Beauvais ? Nous ne le savons pas.

Conclusion : quelles réponses aux questions de départ ?

Comment les sujets d’ateliers sont-ils formulés par le commanditaire et interprétées par le concepteur ? Comment le périmètre de travail est-il défini ?

Précisée dans les conventions, la commande est en général formulée de manière brève48. Elle précise cependant le site de l’étude (le marais de Hiers-Brouage ou les villes de Clermont sur Oise ou de Hué par exemple), sa durée (6 mois), les noms des étudiants et de leur (s) encadrant(s), les étapes de l’atelier (rendus intermédiaire et final), l’attendu général et le montant du financement public.

L’attendu de la commande concerne le plus souvent une étude générale des paysages du site et l’élaboration d’un programme d’intentions destiné à orienter la politique du commanditaire en matière de qualification des paysages perçus ou à percevoir. La finalité est parfois précise (un cahier des charges paysagères pour les agriculteurs locataires du Conservatoire du littoral, le renouvellement de la charte intercommunale du PNR du Nord-Pas-de-Calais, l’exportation d’une démarche professionnelle au Viet-Nam, la régulation de l’étalement urbain à Beauvais, un parc public/privé à Gaillon…).

Le périmètre d’étude est presque toujours élargi aux vues sur les espaces environnants et depuis ces espaces sur le site d’étude. La dynamique des paysages urbains et ruraux est schématisée. Les zonages réglementaires d’urbanisme fonctionnel ne sont pas pris en compte et parfois, implicitement, dénoncés. Toutefois les intentions d’ateliers visent le plus souvent à établir autant des transparences et des perspectives que de nouvelles limites ou transitions visuelles, par exemple entre les espaces agricoles et urbains à Beauvais.

Quelles méthodes de connaissance du site l’élève paysagiste adopte-t-il ? Quelles connaissances académiques ou originales mobilisent-ils ? Quelles places relatives occupent l’analyse (géographique, historique, sociologique, écologique …) et la reconnaissance sensible (croquis, description d’ambiances, maquette…) ?

L’analyse géographique (morphologique surtout), historique (dynamiques urbaines) et très rarement écologique ou sociologique prend une forme souvent cartographique (unités paysagères), à partir de données bibliographiques locales. L’étudiant n’ajoute rien à ce qui est déjà connu et décrit, mais en tire parti. En revanche, originale, l’approche dite sensible singularise le site. Elle met en mots et en images (schémas, croquis, photos) les paysages : « partie de territoire telle que perçue » par les étudiants49. Soit elle insiste plutôt sur l’imaginaire poétique ou cosmologique du site (Brouage, Nord-Pas-de-Calais, Hué, Gaillon), soit elle révèle davantage sa géographie visible dans une schématisation des formes géométriques perceptibles (lignes, axes, centralités, points d’appels, trames parcellaires …). Le plus souvent, les apprentis concepteurs mettent en œuvre les deux approches en rapprochant, dans les intentions de projet, unités paysagères objectives et matérielles, et entités paysagères ressenties.

Quelles démarches de projet choisit-il ? La posture scénographique de projet inspirée de la topographie naturelle et de l’histoire du site est-elle généralisée ?

La posture professionnelle commune aux étudiants est de « changer le regard » sur le site étudié en s’appuyant sur les jugements publics dépréciatifs qui le concerne : le chaos périurbain (Beauvais, Clermont), les entrées de ville illisibles (Beauvais), les friches industrielles (Arques), les patrimoines paysagers délaissés (Hué) ou ignorés (Brouage, Nord) et l’absence de mémoire (Gaillon)

Les intentions de projet consistent alors à révéler, à partir de ce qui est (vu), ce qui n’est pas (vu) et mérite d’être regardé50, et à organiser (virtuellement) l’espace du site en fonction de la commande (charte d’un parc naturel, plan d’environnement d’une mairie, stratégies paysagères d’une DDE ou d’une entreprise autoroutière, projet de parcs publics). Traduire donc en actes techniques et en règles collectives territoriales potentielles des expressions juridiques ou politiques restées vagues depuis la fin des années 1960 : « tenir compte du paysage, intégrer des équipements dans le paysage ».

Comment le parti adopté est-il discuté et approuvé par les commanditaires et leurs représentants ?

Sur ce point les archives sont insuffisantes car il n’y a pas de comptes-rendus des présentations intermédiaires et finales. Tout se passe comme si le commanditaire avait payé l’école pour recueillir des idées nouvelles pour sa politique de paysage, souvent confondue avec celle d’environnement. Ceci afin de comprendre comment les paysagistes répondent à des questions d’aménagement en proposant des intentions pour des outils spécifiques (plans et chartes de paysage, cahier des charges paysagères, contrats de paysage, atlas de paysage, plans de parcs publics…). Démarche qui est celle, habituelle, des commanditaires s’adressant à une agence professionnelle.

Ces différents outils51 seront d’ailleurs confirmés par les services de l’Etat au cours de la décennie 1990 et au-delà.

Dans tous les cas, les rendus de projets ont été des moments de co-construction des consciences et démarches paysagères avec des parties prenantes techniques et politiques, publiques et privés souvent sceptiques.

Peut-on connaitre l’influence qu’ont eu les résultats d’APR sur les partis prenantes du projet, école comprise ?

Les documents consultés, sauf cas particuliers, ne permettent pas d’en juger. Les contextes institutionnels du PNR du Nord et des marais de Brouage (Grand Site) indiquent des conséquences précises (une charte intercommunale de paysage, un classement de protection). L’atelier « Jardins de Talcy » a été suivi de réalisations. Mais dans bien des cas, rien n’indique que les regards aient été changés sur les sites indiqués. Il faut rappeler que les projets de paysage ne sont pas démontrables (scientifiquement par des preuves factuels)52, mais s’imposent s’ils peuvent-ils séduire et convaincre.

L’intérêt de l’ENSP a été principalement financier et pédagogique, mais l’école en a rarement et explicitement fait état … Sinon en perpétuant chaque année, pendant trente ans le dispositif pédagogique des APR.

D’une manière générale peut-on montrer que les APR ont été avant tout une préparation « in situ » au travail d’agence ? Mais également une réponse à des problèmes de qualité de cadre de vie autant qu’à des injonctions législatives ?

La finalité des projets en termes de qualité de vie ou de bien-être collectif, voire de demande sociale, n’est pas questionnée explicitement dans les huit ateliers. Le postulat implicite reste que le double changement du regard et de l’organisation de l’espace induira des modifications souhaitées des relations humaines à l’espace et à la nature. Le commanditaire ne fait pas état de demande précise dans ce domaine. Il ne semble pas, sauf dans le cas du PNR du Nord et du Conservatoire du Littoral, faire allusion aux injonctions législatives (Lois de 1976, 1993).

Les ateliers ont certainement offert la possibilité aux élèves et aux enseignants de s’adapter très vite aux nouvelles commandes publiques de années 1980/90 (plans d’urbanisme, infrastructures circulatoires, études d’impact, protection de la nature et des paysages …), et de répondre au marché traditionnel (parcs et jardins publics). Un marché public nouveau a été de fait conquis et confirmé, avec un monopole (relatif) certain, car les agences privées de paysagistes, autant que l’école et les institutions publiques concernées y avaient intérêt.

Ces conclusions provisoires ne portent que sur huit ateliers régionaux pendant dix ans (1985-1996). Au cours de cette période, on peut estimer à une cinquantaine le nombre d’ateliers réalisés. Un catalogue des archives de ces travaux semble donc indispensable pour valider et surtout compléter ces premières conclusions.


Postface

Nouvelles questions épistémologiques

Avoir recours à des commandes réelles pour former des étudiants dans l’enseignement supérieur est banal, notamment chez les urbanistes, les architectes, les ingénieurs ou les géographes.

Mais le statut de la connaissance et de sa transmission est différent selon les formations et les métiers. Chez les tenants d’une culture scientifique (ingénieur, géographe, écologue, sociologue, archéologue …), les projets ou les recommandations d’action s’appuient sur des connaissances validées par des méthodes scientifiques (apporter des preuves factuelles de véracité avec le moins d’incertitudes possible). Alors que pour les autres, comme les architectes et les paysagistes, la validation des projets d’actions s’appuie sur la nécessité admise d’une triple confirmation, à la fois des professionnels, des experts et des commanditaires.

L’architecture ne se revendique pas comme science et définit ses propres axiomes et démarches (Boudon, 2003). Qu’en est-il de la conception des paysages (paysagisme) ? L’analyse des travaux d’APR pourrait-elle permettre de répondre à cette question épistémologique ?

L’hypothèse la plus intuitive est de considérer le projet de paysage comme un producteur empirique de savoir-faire hybrides à formaliser, non par le praticien mais par les chercheurs en sciences humaines et sociales.

Le paysagiste n’apporte rien aux connaissances scientifiques et techniques existantes qu’ils ne discutent que rarement. Pour lui, ce sont des informations, qui deviennent des véritables connaissances s’il sait les justifier et les expliquer à lui-même et à autrui.

Il les utilise et les adapte à ses finalités : l’invention ou la reconnaissance des formes d’un site. Il les produit avec ses propres outils. La maquette et la carte topographique lui servent à identifier les formes de relief comme repères de lecture et d’intentions d’aménagement ; le croquis à communiquer les caractères visibles d’un site ; la coupe à montrer les logiques d’agencement des paysages selon le relief ; la perspective ou le bloc diagramme à les inscrire dans les trois dimensions, voire les quatre (le temps) ; le végétal et l’eau à comprendre le site et à inventer de nouveaux paysages …

Autant de connaissances et de croyances qui ne sont transmissibles et discutables que dans un cadre professionnel, et de ce fait restent peu partageables au-delà…

Selon quels concepts peut-on formaliser ces connaissances hybrides, avec ou sans les finalités morales ou politiques des actions ? Les concepts de projet suffisent-ils à rendre compte des intentions ? Faut-il d’ailleurs formaliser les savoirs, si les formations des paysagistes concepteurs n’ont pas à rendre des comptes aux universités ?

Autrement dit, qu’est-il convenu, explicitement, de savoir et faire en tant que futur paysagiste pour convaincre un commanditaire ? Faire un bon projet certes, mais de quoi dépend-il pour être bon et pour qui ?

Des outils graphiques normatifs utilisés (le plan, la carte, la coupe, la maquette, le croquis, le bloc-diagramme…) ? De la clarté et de l’argumentation du concept de projet ? De la composition des jurys et du processus de validation ? De l’érudition de l’analyse du site et de l’interprétation du programme ? De l’inventivité et de la pertinence de la réponse ? Ou de tout cela en même temps …

Croire (constater) collectivement à un bon (ou à un mauvais) projet de paysage dépend de quels processus psycho-sociaux ? Quels rôles jouent les « Ecoles » et les communautés professionnelles comme réceptacles des savoirs fiables et de leurs critiques ?

Transformer les « croyances » des professionnels du paysage à leurs pratiques de projet, en de véritables connaissances conceptualisées (des croyances vraies et rationnellement justifiées) transmissibles et explicables à autrui, pourrait devenir une finalité pédagogique de la recherche sur les APR.

À moins de considérer que les pensées et pratiques paysagistes nous échappent, ne sont pas « enfermables » dans des concepts de connaissance et gagnent, comme les paysages « purs », à rester « indisponibles » au sens du philosophe allemand Hartmut Rosa. (Rendre le monde indisponible, La Découverte, 2020)53.

Dans ce cas, une autre orientation de la recherche serait peut-être de poursuivre la comparaison des pratiques d’APR et de leur évolution sous l’angle anthropologique des ethnosciences.

P. Donadieu

27 Janvier 2020


Notes

1 Notamment les boites n° 2078 et 2038, salle 6, archives ENSP Versailles.

2 En raison de la réforme des études des quatre écoles françaises de paysage : « Le Diplôme d’État de paysagiste (DEP) remplace le diplôme de Paysagiste DPLG à partir de la rentrée 2015. La formation conduisant au DEP se fait en trois ans » (extrait du site de l’ENSP, 2019). Décret n° 2014-1400 du 24 novembre 2014, arrêtés du 9 janvier 2015 relatifs aux modalités d’admission dans la formation conduisant au diplôme d’État de paysagiste.

3 Ce qui serait un retour à la situation initiale de 1985 comme nous allons le montrer.

4 Au début, ils n’étaient pas « pédagogiques ».

5 M. Corajoud avait cessé sa participation au conseil des enseignants en 1984 ou 1985 (vérifier), et avait été remplacé à la direction du département des ateliers par Isabelle Auricoste.

7 La suppression des options entre l’atelier André le Nôtre (M. Corajoud) et l’atelier Charles-Rivière Dufresny (B. Lassus) en particulier.

8 M. Corajoud, responsable avec Philippe Thomas, paysagiste conseil de la Région Nord-Pas-de-Calais, de l’atelier « Ville d’Arques », février-mars-avril 1985 avec 10 étudiants (notamment Pascale Jacotot et Catherine Mosbach). « Friches industrielles des Papeteries d’Arques » , Atelier régional du Nord, ENSP 3, non paginé, bibliothèque ENSP, p. 1.

Cette idée se concrétisera avec la création de l’antenne pédagogique de l’ENSP à Marseille.

9 M. Corajoud, ouvrage cité, p. 1

10 Il faudra le vérifier.

11 B. Follea, O. Bénard, « Gérer les espaces publics et privés avec les Ateliers pédagogiques régionaux de l’ENSP Versailles », plaquette de publicité, 1991.

12 Ingénieur ENSH, Ingénieur en chef d’agronomie, ancien responsable du département d’écologie (1977-1985) et ancien directeur adjoint de l’ENSP (1985-87), P. Donadieu avait été détaché en 1987-88 au Centre International des Hautes Etudes agronomiques méditerranéennes de Montpellier.

13 « Organisation de la quatrième année (1988-90), 23/12/1988, modifié le 23/10/1989 », note interne, 5 pages, Archives Donadieu.

14 Ibidem, p. 1.

15 P. Donadieu, Bilan de la quatrième année au 29-9-1989. 7 stages mémoires avaient trouvé des ressources financières. Certains restaient non financés, ou l’étaient sur des reliquats de conventions soldées.

16 P. Donadieu et O. Bénard, Bilan de gestion des conventions de 4éme année, nov. 1990.

17 P. Donadieu et O. Bénard, Programme de quatrième année 1990-91, mise au point du 10 1 1991, Archives PD.

18 Avant ces dates, les archives des APR sont plus rares, mais quelques plaquettes, déposées à la documentation, subsistent.

19 Les études étaient confiées à Alexandre Chemetoff (Belle-Ile), le bureau d’études SEGESA (Yves Luginbühl en Dordogne), Alain Mazas, Alain Marguerit …

20 Soutenue en 1993, ce doctorat facilita la mise en place la même année, avec A. Fleury, professeur de cultures légumières et d’agriculture à l’ENSH, la création du laboratoire de recherches de l’ENSP (voir chapitre 15 d’Histoire et Mémoire de l’ENSP, Topia) avec l’école doctorale ABIES d’AgroParisTech.

21 Ce groupe, avec l’historienne des jardins Monique Mosser, ingénieure de recherche au CNRS, enseignait également à l’École d’architecture de Versailles où avait été créé le DESS Jardins historiques, patrimoines, paysages en 1989. J. Christiany était maitre-assistante dans cet établissement.

22 Atelier organisé en 1987-88 avec des étudiants de l’ENSP et de l’École d’architecture de Versailles, puis à nouveau l’année suivante suivi d’un mémoire de TPFE (Claire Gauthier-Follea).

23 LE SEV du Val-de-Marne était dirigé par Pierre Dauvergne, ancien enseignant de l’ENSP, ce qui facilitait la fidélisation de la commande. Ce fut l’une des premières expériences de ce type avec la Lyonnaise des eaux et les années précédente la mairie de Gaillon.

24 « Sensible » (ou « naïf», «poétique »…) exprime par des mots et des images les affects (sensations, impressions, sentiments) ou les jugements que fournit la relation sensorielle, surtout visuelle, au site.

25 Ils ont été choisis selon deux critères (la représentation des grandes catégories de thèmes d’atelier et la disponibilité des documents).

26 Scénographie : Organisation de l’espace théâtral dans la mesure où un spectacle « paysager » serait à regarder et à partager. Chez les paysagistes concepteurs, le spectacle concerné (avec ou sans figure humaine) semble proche du paysage des tableaux paysagistes (un fond de tableau), mais également de scènes ou de lieux sans horizon.

27 Le programme d’enseignement de M. Corajoud de 1985 est directement inspiré de la pédagogie d’atelier de Henri Gaudin (né en 1931), ancien élève de l’école des Beaux-Arts et professeur à l’école d’architecture de Versailles.

28 Les mémoires d’atelier (1987-88 et 1988-89) n’ont pas été retrouvés sauf celui de TPFE (1989).

29 « Un parc dans les jardins historiques de Gaillon », une page de programme, 1987. Archives Donadieu/ENSP

30 « C. Follea-Gauthier, « Gaillon, jardin de Bas », 1989, 60 p., ENSP Versailles.

31 Op. cit., p. 7.

32 « Charte des paysages pour le parc naturel régional du Nord-Pas-de-Calais, secteur de la plaine de la Scarpe et de l’Escaut », 5 p., 1993

33 Le terme utilisé à l’époque était la « carte sensible » de paysage distincte de la carte géographique objective de paysage (mémoire de DEA « Jardins, paysages, territoires », L. Zébu, 1993). Elle avait été mise au point en 1992 dans le premier atlas des paysages des Yvelines par des élèves de B. Lassus : les paysagistes A. Freytet et A. Mazas.

34 En 2019, le Conservatoire est devenu propriétaire d’environ 1 000 ha de prairies.

35 « Gestion des marais de Rochefort-Brouage », mémoire d’APR, ENSP Versailles, 1993, 145 p.

36 Par exemple le « Projet d’aménagement de la réserve naturelle du marais d’Yves » pour la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), (J.-M. Coubé et al.), texte préalable à deux diplômes de fin d’études, np, 1993.

37 Elles préfigurent les baux environnementaux actuels.

39 « Friches industrielles des papèteries d’Arques », Atelier régional du nord, ENSP 3, 1984-85, np.

40 P. Thomas, introduction, op. cit.

41 Ce thème est apparu dès 1934 à l’ENH (la chaire d’architecture des jardins et d’urbanisme de F. Duprat). Il faisait partie des sujets de projet des ateliers de la Section du paysage et de l’art des jardins (1945-1974) en impliquant un architecte urbaniste (R. Puget).

42 Mémoire de 39 pages, format A3.

43 Introduction, p. 1, op. cit. Le contrat prévoyait également un projet d’aménagement du parc Testu Damagnez.

44 M. Hammami et X. Gaugler, « Dialogue entre la citadelle et la rivière des parfums », mémoire d’APR encadré par F.-X. Mousquet, ENSP Versailles/Ecole nationale supérieure d’agriculture de Hué, 1996, 65 p., p.2.

45 Constats faits à Hué lors d’un atelier international d’urbanisme durable : Etats-Unis, Japon, France en 2013 par P. Donadieu.

46 Sous la direction de P. Donadieuavec l’école doctorale ABIES (AgroParisTech)

47 Respectivement en format A3, 53 p., 43 p. et 42 p.

48 Ces conventions n’ont pas été retrouvées en général (tant que les archives n’ont pas été classées)

49 Je reprends la formulation de la définition du paysage dans la Convention européenne du paysage de Florence (2000)

50 Voir la citation de Quatremère de Quincy ci-dessus.

51 Sauf peut-être les directives paysagères régionales et le volet paysager du permis de construire, peu convaincants (trop simpliste ou trop complexe).

52 La conception des projets de paysage relève de raisonnements « abductifs » (accorder les conclusions aux observations) surtout intuitifs (voir les travaux de J.-M. Besse et P. Donadieu).

53 Ce philosophe fait appel à une autre notion complémentaire : la résonance, capacité d’entendre et de répondre à ce qui « vibre » en nous et autour de nous. « Quand un paysage résonne, c’est qu’il me touche, m’appelle et échappe à mes pouvoirs ». En ce dernier sens il est « indisponible » sans être transcendant.

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