Soutenance Claire Fonticelli

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Thèse de doctorat en sciences du paysage

Laboratoire de recherche en projet de paysage (LAREP), laboratoire de recherche de l’école nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille (ENSP) / École doctorale n°581 Agriculture, alimentation, biologie, environnement et santé (ABIES) / Financement R2DS).

CONSTRUIRE DES IMMEUBLES AU ROYAUME DES MAISONS
La densification des bourgs périurbains franciliens par le logement collectif : modalités, intérêts et limites.

Jury :

M. Eric Charmes, directeur de recherches, ENTPE Rapporteur
M. Xavier Desjardins, professeur, Sorbonne Université Examinateur
M. Jean-Claude Driant, professeur, École d’urbanisme de Paris (Université Paris Est) Examinateur
Mme Marie-Christine Jaillet, directrice de recherches CNRS, Université de Toulouse Examinatrice
Mme Lucile Mettetal, chargée d’études à l’institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France Membre invitée
Mme Monique Poulot, professeur, Université Paris Nanterre Rapporteur
M. Patrick Moquay, professeur, ENSP, directeur de thèse Directeur de thèse
La thèse sera soutenue publiquement le 27 novembre 2018 à 14h au 19 avenue du Maine 75015 Paris amphithéâtre B208 (2ème étage, couloir B).

Résumé : ­

Alors que le périurbain est souvent vu comme le royaume du logement individuel, le parc de logement des communes périurbaines se diversifie en Ile-de-France. Le logement collectif y représente 40% des opérations de construction de logement (Sit@del 2009-2013).
Ces logements – souvent des opérations modestes comprenant en moyenne une vingtaine de logements – permettent de diversifier le parc existant pour réaliser des logements locatifs ou plus petits. Ils permettraient alors de répondre aux besoins des jeunes ménages, des familles monoparentales ou des personnes âgées qui n’ont pas nécessairement les moyens ou l’envie d’habiter dans du logement individuel. Ce serait une opportunité de de renforcer la maturation périurbaine (Berger, 2014), tout en de dynamisant la commune et en favorisant la transition démographique, souvent souhaitée par les élus.
Pourtant, la densification est loin d’être évidente sur ces communes : les difficultés à densifier sont importantes. Le coût direct de la densification pour la collectivité est le plus souvent très élevé, et le marché laissé libre ne produirait – sauf exceptions – que des maisons individuelles. L’argent public devient ainsi indispensable pour construire du collectif en densification dans ces communes : il est largement subventionné. Le manque d’acteurs pour réaliser ces opérations est également un frein, que ce soit en termes d’ingénierie pour aider à réaliser la construction qu’en termes d’opérateurs ou de promoteurs. Si ce parc de logement se construit, le plus souvent, c’est parce que l’imbrication réglementaire et législative propre à l’Ile de France l’impose, souvent à l’encontre des volontés des maires.
Alors, sur ces bourgs périurbains, la plupart des constructions revêtent un style standardisé : les immeubles de petit collectif utilisent le plus souvent des formes architecturales dites de « néo-village » qui imitent l’architecture traditionnelle des bourgs sans hésiter à la détourner. L’architecture des centres-bourgs se doit être la plus consensuelle possible pour ne pas rajouter des crispations complémentaires pour les habitants. Elle se traduit par des façades sur rue, peu rythmées, qui interdisent les balcons et les terrasses auxquelles les habitants aspirent. Or, dans ces communes où habiter dans une maison est la norme, et où le rêve d’un jardin est important, ces appartements peinent à répondre aux aspirations de leurs habitants.
En cela, la densification révèle un côté irréconciliable entre les attentes des habitants et celles des élus. L’investissement important que la densification demande pour se réaliser – aussi bien en termes de risque politique que d’argent public – en comparaison à la satisfaction en demi-teinte par laquelle elle se traduit, une fois achevée, questionne la pertinence des politiques de densification sur les territoires périurbains.

Page personnelle de Rémy Teyssèdre

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Résumé du projet de thèse

(Résumé présenté à AAC 2018 PSGS-HCH – Inscription en doctorat par le projet)

Ce projet de thèse a pour objet de concevoir par la rechercheaction des outils de médiations ouverts aux habitants pour formaliser des projets spatiaux à l’échelle territoriale.

Le paysage, clé de lecture de la relation entre un territoire à sa population est mobilisé. Par les outils développés, le paysage est le support de sensibilisation, de médiation et d’élaboration d’un projet de territoire partagé. Nous établirons par le test en situation de projet, les outils de médiations et les modalités de pilotages de la démarche pour coconstruire avec les acteurs du territoire concernés un projet.

Le terrain d’expérimentation de cette thèse est le Parc naturel régional de l’Aubrac. Ce PNR comme de nombreux territoires ruraux, font face à de multiples problèmes de nature sociétale en lien à des déprises démographiques, au processus de vieillissement de la population et à une diversification sociale des habitants. De plus, les citoyens, par l’intérêt croissant qu’ils portent pour leur cadre de vie, sont à la demande d’implication auprès des pouvoirs publics.

Cette situation constitue un véritable défi pour les administrations locales et les incite à renouveler leurs formes d’actions et à produire de nouveaux outils. Le travail de recherche visera à déployer sur ce territoire de l’Aubrac des dispositifs de conception de projets spatiaux pour définir « l’Aubrac de demain ». Ces expérimentations se concrétiseront par des actions et par des dispositifs matériels, évolutifs, coordonnés au sein d’un processus de projet. Le design, méthode créative de conception, est l’approche adoptée pour produire ces outils. La méthode suivie prendra la forme de l’immersion, de l’atelier, de la conception-transformation. Enfin, au terme des projets, nous engagerons les pistes d’actions développées dans les scénarios de territoire.

Page personnelle de Simon Lacourt

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Agroforesterie et projet de paysage

La transition territoriale par le paysage productif

Thèse réalisée sous la direction d’Yves Petit-Berghem

 

S’il est convenu que l’agriculteur est par essence créateur de paysage, son action dans le territoire n’est pas considérée comme composante de l’aménagement à part entière, et la parcelle agricole souvent considérée comme « réserve foncière ». L’agriculteur se considèrera plutôt comme un producteur de ressources et non de paysage.

Dans un contexte où cette production connait une crise importante, la mutation des pratiques qui s’engage et les enjeux qu’elle questionne tant en termes de société, d’économie ou de production paysagère, doivent être anticipés et étudiés. En ce sens, l’objectif de la thèse est d’alimenter la réflexion sur l’agroforesterie à la fois comme outil de production, mais aussi comme mode de création de paysages et de nouveaux enjeux sociétaux par des projets concertés. La recherche autour des paysages agroforestiers permettrait d’apporter une connaissance partagée et un outil crédible à l’usage des acteurs du territoire, confrontés à des logiques d’économie territoriale et de lien social.

L’agroforesterie propose des solutions innovantes en faisant le pari de la complexité et du mélange. Les pratiques associant arbres, cultures et élevage sont en rupture avec le paradigme productiviste de l’agriculture et de la foresterie qui fut longtemps la règle, imposant une simplification du système censée garantir rendements maximums et gestion à moindre coût. Avec l’agroforesterie, les systèmes se renouvellent et forgent de nouveaux rapports entre l’homme et la terre. Rompant avec l’uniformité, ces systèmes assurent de nombreuses fonctions économiques et écologiques et se placent en position de force pour répondre aux critères du développement durable.

Au-delà des arguments écologiques et économiques, l’agroforesterie compose avec les territoires, leviers d’innovations et de projets : l’objectif est de rassembler et d’identifier des pratiques amenant la réconciliation des villes et des campagnes, dans une économie de proximité qui replace l’agriculture au centre du jeu.

Les paysagistes font partie des artisans de cette réconciliation, explicitant les perspectives ouvertes par la symbiose entre arbres et cultures dans la construction de paysages agricoles durables.

Les différents modèles qui émergent en agroécologie s’inscrivent dans des projets agricoles qui cherchent à s’extraire d’un modèle normé et universel, pour répondre localement à des questions de résilience, de production et de consommation saine, de construction d’un bien commun. L’agroforesterie contemporaine prend aujourd’hui de multiples formes, du sylvo-pastoralisme à l’agro-photovoltaïque, elle intègre à la fois les méthodes ancestrales de culture comme les plus contemporaines, créant ainsi les paysages les plus variés. L’enjeu de cette recherche est de conduire, par une confrontation au terrain et aux pratiques des exploitants, une réflexion sur la portée paysagère et sociétale des projets agroforestiers. L’agroforesterie est donc à la fois vue comme un modèle de société concerté et comme un projet territorial, retissant du lien entre des mondes qui se tournent parfois le dos et qui sont pourtant interdépendants.

Une approche par le paysage permet à la fois de s’intéresser à la dynamique d’un système, d’analyser les représentations que s’en font les usagers et les acteurs qu’ils soient exploitants agricoles ou aménageurs, mais aussi d’intégrer l’économie générée par ces paysages. Quand la ville pense ses espaces publics en termes ‘productifs’ et accueille des projets d’agriculture urbaine, quand l’exploitant envisage son activité comme production paysagère s’intégrant dans une logique territoriale, l’agroforesterie s’immisce comme lien entre ville et campagne.

Le projet de thèse met en œuvre une démarche de recherche itérative s’inscrivant dans le domaine des théories et pratiques paysagistes et cristallise autour d’elle des enjeux liés à la question du développement durable. Dans un souci de réalité de terrain et « d’efficience » de la recherche, celle-ci s’emploiera à impliquer directement des acteurs cultivateurs de ces paysages agroforestiers, et s’appuiera sur des cas concrets en intégrant la réflexion des exploitants. Plus particulièrement dans le domaine du paysagisme et du projet territorial, pareille posture vise à saisir les points de vue des individus (parfois de collectifs) et produire avec eux du savoir sur les situations qu’ils rencontrent ; en une formule : faire qu’ils deviennent les savants de leur propre réalité.

Par la lecture et l’analyse critique permettant de confirmer ou infirmer les hypothèses émises plus haut, cette thèse ambitionne de parvenir à une meilleure compréhension de l’agroforesterie en ville et hors la ville dans des systèmes végétaux et agricoles qui forment la trame de la construction territoriale. Parallèlement, le travail contribuera à apporter une expertise scientifique, économique et sociale aux projets d’agroforesterie à différentes échelles, souvent décriés comme des anecdotes paysagères, et de prouver la cohérence territoriale de projets agroforestiers.

Les retombées sur le plan opérationnel seront de retisser un lien entre villes et campagnes, mais par le biais de leurs acteurs. Faire entrer les exploitants dans le jeu d’acteurs de l’aménagement, et inversement, d’apprendre aux acteurs locaux que leurs espaces publics peuvent être considérés comme des espaces productifs. La notion productive de ces paysages est à entendre d’une manière large et multiple et à différencier de la productivité ou rentabilité, bien qu’elle n’en soit pas fondamentalement décorrélée. La recherche apportera des éléments de réflexion sur la potentialité de ces espaces productifs à générer sinon du profit, au moins des économies de gestion et de retour sur investissement à très long terme. L’objet de la thèse est de montrer qu’il existe au-delà des bénéfices agronomiques, écologiques ou de biodiversité des potentialités de valorisation sociale, paysagère, mais également économiques de ces systèmes agroforestiers. On ne parle pas ici uniquement de rendement agricole ni de ligniculture, mais bien de la production d’un paysage bénéfique à de multiples niveaux, qui vient apporter une dimension stratégique à ces espaces au-delà du simple agrément.

Page personnelle de Joris Masafont

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Développement du projet de paysage énergétique pour une prise en compte des ressources territoriales dans les documents d’urbanisme

Joris Masafont, étudiant Paysagiste DPLG, Urbaniste

Sous la direction de Patrick MOQUAY (Larep) et de Philippe BLANC (MINES ParisTech)

LAREP, laboratoire de recherche en projet de paysage de l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille (ENSP)
en collaboration avec le Centre OIE de MINES ParisTech.

 

Résumé

Au carrefour entre les sciences de l’ingénieur et les sciences du paysage, la thèse a pour objectif scientifique la conception et la validation de nouveaux outils d’analyse permettant de mesurer et de qualifier les coévolutions entre l’organisation spatiale d’un territoire et les ressources (énergies renouvelables, sols, eau, forêts, paysages) dont il dispose. Inscrite dans la continuité d’un master recherche en urbanisme, elle entend faciliter le partage des connaissances en matière de planification énergétique, urbanistique et paysagère par l’intermédiaire d’outils interdisciplinaires multi-scalaires afin de répondre aux enjeux d’opérationnalisation et d’organisation spatiale d’une transition énergétique et écologique (TEE) des territoires. Le travail s’appuiera en premier lieu sur une analyse bibliographique des dimensions spatiales de la transition énergétique en France. Dans un second temps, l’examen des pratiques actuelles de planification énergétique permettra de pointer les enjeux et les besoins. Cet examen débouchera sur l’élaboration d’outils d’analyses visant à croiser les prospectives urbanistiques et paysagères et les outils mathématiques de modélisation-prospective, afin de combiner les dimensions rationnelles, sensibles et sociales en les inscrivant dans une réalité économique et technique. Ainsi, une méthodologie en va-et-vient entre une approche sensible sur le terrain et l’analyse cartographique de type SIG sera développée au regard des outils de connaissances existant comme les atlas des paysages ou celui du gisement solaire. Ces méthodes seront testées sur le territoire du Parc naturel régional des Préalpes d’Azur. Il s’agira de formaliser des outils conceptuels et méthodologiques d’aide à l’élaboration d’un projet prenant pleinement en compte les ressources tout en s’intégrant aux différentes échelles administratives de la planification. L’objectif final est de préfigurer un outil pluridisciplinaire d’aide à la décision à l’attention des acteurs publics et privés comme les développeurs de projets énergétiques renouvelables, pour une prise en compte effective des ressources énergétiques et intrinsèques d’un territoire dans les documents de planification, à l’horizon 2030/2050. La thèse se positionne ainsi principalement sur le champ thématique “Villes et territoires durables” de l’appel à candidature. Les enjeux abordés peuvent être rattachés en second lieu au champ thématique “Énergie, environnement et société” (Démarches prospectives et politiques publiques de la TEE).

Mots-clés : Transition énergétique ; organisation spatiale ; ressources ; énergies renouvelables ; pluridisciplinarité ; savoir-faire ; paysage ; projet de paysage ; démarches prospectives ; approche paysagiste ; approche réglementaire ; approche d’ingénierie ; politiques publiques ; développeurs ;

Page personnelle d’Eugénie Denarnaud

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Co-direction

Vincent Piveteau – Directeur ENSP, IGPEF, Dr en Sciences économiques (Paris I), HDR en Géographie et aménagement (École Normale Supérieure de Lyon) – LAREP

Romain Simenel -Anthropologue, Dr en Ethnologie (Paris X) – PALOC Patrimoines Locaux et Gouvernance, IRD MNHN

 

Titre

JARDIN PIRATE, lieu d’affirmation d’humanités dans le contexte de la métropolisation de Tanger, Maroc

 

Première inscription

2016-2017

 

Résumé

L’hypothèse de départ est de décrire à travers les jardins pirates un phénomène né dans une filiation d’un grand nombre de chercheurs, ou de théoricien qui abordent le jardin comme un lieu d’expérience alternative et sensible. Le jardin comme lieu de réinvention du monde, est abordé comme lieu de germination d’une pensée alternative. Les figures archétypales de la piraterie apportent une donnée nouvelle sur ces espaces de flous dans la ville, de délaissés, de dérive (Careri 2013), sans affectations: hétérotopies (Foucault 2009): d’abord un changement de rapport à la figure programmatique de la ville : ensuite un rapport à l’espace et au temps dans une nouvelle acception du terme u-topie, qui n’est pas un rêve mais prends corps de manière tangible dans une temporalité donnée. Le jardin pirate n’est pas seulement une métaphore. Il porte en lui la matière d’une contestation.

Je les ai rencontrés, à Tanger, au Maroc lors d’un voyage en 2008. Dans un contexte de développement économique sans précédent, dû à l’ouverture de la plateforme portuaire TangerMed, la ville a entamé une mutation spectaculaire. Les nouvelles zones industrielles accueillant les industries délocalisée d’Europe, fait vivre à la ville, depuis le début du XXIème siècle, un basculement.

C’est de cette observation, que va naître ma réflexion sur la figure du jardin comme lieu de réinvention du monde et de résilience, dans le contexte de la globalisation économique et des grandes transitions urbaines qui en découlent. Mon travail de recherche consiste à décrire les jardins pirates, et en quoi sont ils des « signaux faibles » (Heurgon 2005) dans la prospective des transitions urbaines.

Le propos est de développer une approche intégrative de la nature et des relations avec les êtres vivants. Bnadem de ben : fils et de adam : Adam, signifie « être humain » en arabe dialectal et les habitants utilisent ce mot pour décrire le nécessaire lien à la terre, dans la ville globalisée. « A force de nous abstraire de la terre, on va finir par perdre pied » dit Augustin Berque à propos de la relation dualiste à notre milieu, dont la figure étudiée ici, serait comme une des antidotes. Une approche ethnographique basée sur des éléments hétérogènes, délivrés par la lecture du paysage, vont nous permettre de revoir cette notion à l’aune des approche inter-relationnelles en réseau émanent du vivant, ainsi que de l’anthropologie de la nature, par le biais factuel et concret d’une dimension intégrative et sensible.

 

Thèmes de recherche

Sciences du paysage ;

Relation à la terre dans les métropoles globalisées;

Anthropologie de la nature ;

Développement et écologie ;

 

 

Mots clefs : paysage, ethnobotanique, perception de l’espace, jardin pirate, lien à la terre, Tanger métropole, Maroc, société vernaculaire, photographie, herbier

 

Terrains

Maroc nord, région de Tanger, confédération des Jbalas, Rif occidental, détroit de Gibraltar, Andalousie

 

Principales publications

ARTICLES

Exsiccata ou la rhétorique de l’herbier, revue PlastiK n°4, CNRS & département d’art Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2014.

La vie sous presse, article co-écrit avec Marc Rumelhart, Carnet du paysage n°26 Inventer des plantes,éditions Actes Sud & ENSP, 2014.

Être à la table du paysage Parabole sur le commensalisme, avec Sébastien Argant, Carnet du Paysage n°25 Nourritures, éditions Actes Sud & ENSP, 2014.

CONTRIBUTION À DES OUVRAGES COLLECTIFS

« Aux confins du territoire urbain et du paysage vernaculaire du détroit de Gibraltar, conditions et origines de l’émergence du jardin pirate », in Actes du colloque « Autour de Gilles Clément », éditions Hermann, Paris, 2018.

« Jardin Pirate, premières intention » in Actes du colloque Nourritures jardinières dans les sociétés urbanisées, éditions Hermann, Paris, 2016.

Page personnelle de Louis-Philippe Rousselle-Brosseau

 

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PROFIL DU CANDIDAT
Louis-Philippe Rousselle-Brosseau est titulaire d’une maîtrise en architecture de paysage de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal (ÉUAP) et est présentement candidat aux doctorats en Aménagement du territoire et en Sciences du paysage (co-tutelle entre la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et l’ENSP Versailles / Agreenium). Au gré de ses expériences professionnelles et académiques, il s’est forgé un champ de pratique gravitant autour des questions paysagères et patrimoniales des milieux ruraux québécois : aménagement régional, participation citoyenne, caractérisation paysagère, viabilité et revitalisation des communautés, stratégies de protection dynamique des territoires. Il se spécialise également dans la réalisation d’inventaires et diagnostics paysagers et dans la représentation graphique des dynamiques paysagères. Sous la direction de Gérald Domon et Julie Ruiz, il a collaboré entre 2009 et 2013 au projet pilote de recherche sur les paysages de l’ordinaire de la région des Maskoutains, située dans la plaine agricole du fleuve Saint-Laurent, au Québec. Il collabore d’ailleurs toujours à des projets de mise en valeur du territoire au sein de la Chaire en paysage et environnement de l’Université de Montréal (CPEUM). La question patrimoniale étant au cœur de ses préoccupations depuis le tout débuts, Louis-Philippe a oeuvré à titre de chargé de projet pendant 4 années au sein de l’organisme Rues principales, qui a pour mandat la revitalisation des quartiers anciens de Saint-Jean-sur-Richelieu. Désireux de mettre ses savoirs à l’épreuve et de les transmettre, il enseigne l’espace régional et le projet de paysage à l’ÉUAP à titre de chargé de formation pratique depuis 2011. Parallèlement, il a pris part à plusieurs colloques à titre de conférencier et formateur. Aujourd’hui, Louis-Philippe est propriétaire de l’Atelier Le Méandre, une jeune boîte coopérative spécialisée dans la pratique du paysage à l’échelle régionale. Il collabore ainsi à divers projets de mise en valeur du territoire en partenariat avec d’autres jeunes professionnels du territoire, des Municipalités régionales de comté et d’autres organismes publics de développement et d’aménagement.

 

PIÈCES JOINTES

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Pub_RousselleBrosseau_201611

 
AFFILIATIONS 

LAREP – ENSP Versailles-Marseille

Chaire en paysage et environnement de l’Université de Montréal – CPEUM

 
PROJET DE THÈSE

La protection du paysage comme stratégie territoriale. Enjeux, limites, dépassements. Le cas du bien UNESCO des Causses et Cévennes.

 

Le caractère exceptionnel et l’authenticité préservée des paysages agropastoraux des Causses et Cévennes ont mené, en 2011, à leur reconnaissance au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Ces paysages montagneux, forestiers, pâturés, parcourus de drailles et ponctués d’artefacts agricoles dont les pratiques sont parfois millénaires, s’étendent sur plus de 3000 km2 à travers granites, schistes et calcaires traversant les frontières départementales de l’Aveyron, du Gard, de l’Hérault et de la Lozère. Conséquemment, les différentes études menées sur le territoire montrent que le territoire a vécu des évolutions constrastées d’un lieu à l’autre. Des transformations, conséquences de changements sociétaux structurels, mettent en péril certaines caractéristiques paysagères traditionnelles : par exemple, les terrasses agricoles en flanc de plateau sont de plus en plus réinvesties par la forêt, alors que les drailles s’embrousaillent ou disparaissent sous l’effet de la diminution des troupeaux en transhumance. De plus petites structures, par exemple celles servant à irriguer les Causses ou à y accumuler l’eau, auparavant gérées collectivements, sont parfois abandonnées (Scazzosi, 2013). Ce ne sont que quelques cas qui illustrent l’ensemble des transformations en cours sur le territoire.

Il y a dans ce contexte matière à préoccupations. D’une part, il est valable de s’interroger sur la survie de ces paysages agropastoraux dont les forces génératrices sont en déclin (diminution de l’élevage ovin, de la transhumance, des cultures associées ; abandon ou remplacement du patrimoine désuet ; compétition entre les activités agropastorales traditionnelles, l’agriculture contemporaine et de nouvelles activités niches, etc.) Qu’est-ce qui, dans ce contexte, pourrait sécuriser l’inscription au patrimoine mondial à long terme? Tel que mentionné dans les documents d’inscriptin du bien, le territoire est encore vivant et habité. Comment, alors, l’actualiser et préserver ses paysages sans le mettre sous cloche, afin qu’il demeure vivant et habité? Cette question, simple en apparence, en sous-tend une plus grande : comment, sur la base d’un grand paysage culturel exceptionnel, crée-t-on un nouveau paysage tout aussi exceptionnel? Or, paysage signifie territoire, et donc acteurs (ceux qui créent, vivent ou consomment le paysage). Le paysage est créé par l’appropriation physique et mentale du territoire par ses différents acteurs.

Le projet de thèse proposé prend donc le parti suivant : l’appropriation du territoire pourrait être élevée au rang de valeur universelle du patrimoine mondial. Il s’appuie sur l’hypothèse selon laquelle l’appropriation territoriale pourrait être documentée et stimulée par la tenue d’exercices de prospective paysagère sur l’ensemble du territoire du bien. Par définition, la prospective paysagère correspond à la définition collective d’un avenir souhaité pour un paysage donné par la tenue d’entretiens, puis d’activités collaboratives sur un terrain particulier. La prospective est donc vue, dans le contexte des Causses et Cévennes, comme un outil qui permettrait à la fois de réunir les acteurs autour de visions d’avenir à construire et de démontrer le potentiel de réappropriation de certains espaces ou structures agropastoraux.

Problématique générale

La prise de conscience collective de l’importance des paysages s’est traduite par l’adoption d’une série de lois et statuts de protection des paysages au Canada, aux États-Unis et en Europe au cours des vingt dernières années. En Europe, où le territoire est travaillé par les civilisations depuis des millénaires, les statuts de protection des paysages ont d’emblée adopté une teneur culturelle liée à l’interaction entre homme et nature. Cette tendance s’illustre, en France, avec l’avènement des Parcs naturels régionaux (ci-après PNR) et des grands sites (ci-après GSF), qui a permis un premier pas vers la sauvegarde de paysages remarquables par la mise en place de contrats de paysage sous forme de chartes. Or, les milieux ruraux sont souvent en perte de vitesse démographique et voient la régression de leurs activités économiques et touristiques traditionnelles (Yengue et al., 2007). Dans ce contexte, il devient pertinent de s’interroger sur les moyens d’action et les stratégies de gouvernance paysagère inhérents à la structure de ces statuts.

Injonction paradoxale : la protection des paysages

La question centrale se profile donc ici, par la mise en relation de deux éléments d’importance : d’une part, les paysages sont de nature évolutive et sont générés par des activités humaines tirant profit des facteurs géographiques locaux ; d’autre part, les statuts de protection des paysages prévoient toute la démarche d’accession à la protection, mais ne spécifient pas nécessairement comment réussir à maintenir des structures paysagères en dépit de la disparition fréquente de l’activité génératrice du paysage. De plus, des schémas de gouvernance paysagère s’enchevêtrent, voire se superposent, patriculièrement sur les territoires exceptionnels. Pierre Donadieu, penseur du paysage, résume ainsi la situation : en 40 ans de mise en place de statuts paysagers en Europe (tout a commencé en France, en 1973), aucune étude n’a été faite pour en évaluer leur succès ou insuccès (Donadieu, 2012).

En France, pays précurseur en matière de protection d’espaces habités, les Causses et Cévennes illustrent bien la problématique générale. Ce bien vient d’être inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO dans une optique de préservation des caractéristiques exceptionnelles de ses paysages agro-pastoraux méditerranéens ayant pris forme depuis le Néolithique (UNESCO, 2014). L’étude ayant mené à cette classification souligne certes le caractère exceptionnel des lieux, mais également des transformations mettant en péril certaines caractéristiques paysagères essentielles : par exemple, les terrasses de culture sont de plus en plus réinvesties par la forêt, alors que les sentiers de transhumance sont moins utilisés dans le cadre des pratiques modernes d’élevage (Scazzosi, 2013). D’autre part, une partie du bien est gérée sous l’égide du PN des Cévennes et une autre, sous le PNR des Grands Causses. Ce contexte, commun, révèle le pararoxe soulevé précédemment, soit la tension entre protection et évolution paysagère. Cette tension est mise en exergue, et le tout est accentué par l’accumulation de stratégies de gouvernance n’allant pas forcément dans la même direction. Cependant, il importe de sortir de cette injonction paradoxale afin de se questionner sur les paysages que l’on souhaite créer. La question est d’autant plus pertinente sur un site exceptionnel tel celui des Causses et Cévennes, emblématique de toute la France, et dont les forces motrices paysagères sont en déclin.

Le projet de thèse visera, par une étude de cas portant sur le bien UNESCO des Causses et Cévennes, à alimenter une réflexion à la fois théorique et professionnelle, par le biais d’expériences de terrain collaboratives, sur la construction de visions d’avenir collectivement partagées. D’ailleurs, l’étude de Scazzosi (2013) dépeint un territoire patrimonial aux évolutions différenciées selon les secteurs. Dans ce contexte, il sera possible d’adresser des questions quant au choix des paysages à faire évoluer, à conserver ou à laisser aller. Dans un contexte de décroissance, les acteurs du territoire et collectivités se voient confrontés à ces choix, et c’est là que la question de la prospective prend son sens.

Le projet poursuivra donc trois objectifs de connaissance : comprendre les schémas de gouvernance paysagère (ci-après SGP) divers qui s’enchevêtrent sur le bien (Parc naturel régional, Parc national, classement à l’UNESCO) et interpréter les tensions entre les désirs de protection et d’évolution paysagers en lien avec ces SGP ; documenter ces tensions et les manières probables de les surpasser par la co-construction de scénarios paysagers prospectifs en collaboration avec les divers acteurs du milieu ; enfin, en adoptant le point de vue d’un professionnel du paysage ayant déjà expérimenté le projet sur le terrain, comprendre quelle est la position du paysagiste à chacune de ces étapes et les rôles qu’il peut -ou ne peut pas- assumer, ainsi qu’évaluer de manière réflexive l’efficacité de la prospective au sein d’une telle démarche paysagère.

Le projet terrain prendra la forme d’une étude de cas instrumentale sur le bien UNESCO des Causses et Cévennes. Il mettra l’accent sur le déploiement de mécanismes fédératifs autour des structures ou lieux paysagers emblématiques de l’agropastoralisme afin de co-construire par la prospective une vision d’avenir pour ceux-ci, répartis sur l’ensemble du bien. Cette structure d’étude de cas organisée autour de processus collaboratifs permettra de concilier une vision professionnelle de la pratique du paysagisme alimentée par les récents développements de l’étude du paysage, ce qui rejoint les fondements mêmes de recherche-action (Yin, 1994). L’étude de cas peut prendre appui sur de nombreuses approches et combiner différentes méthodes de cueillette et d’analyse de données complémentaires (Bryman, 1989). Ces différentes manières de fédérer les acteurs autour du paysage ont été puisées à même la pratique professionnelle et les récents développements en recherche. Cependant, afin de les appliquer, il sera nécessaire de faire du repérage sur le terrain en compagnie de professionnels reliés à l’Entente interdépartementale des Causses et Cévennes (l’Entente ci-après) et au Conseil scientifique du bien UNESCO, de manière à identifier des territoires variés et représentatifs qui pourraient faire l’objet de démarches prospectives, et de manière aussi à prendre en compte les mécanismes de médiation paysagère existants (par exemple, l’observatoire photographique), de manière à les intégrer au protocole.

L’étude s’attardera surtout à l’analyse des perceptions paysagères, passées, présentes et futures des parties prenantes du paysage, afin de mettre en exergue les diverses sensibilités qui animent les processus d’interaction et d’appropriation du territoire.

Comme les responsables du PNR, du PN et du bien UNESCO sont aux prises avec une problématique de déprise des structures payagères agropastorales et des stratégies d’action différentes, l’idée de recourir à une méthode découlant de la recherche action, où chercheurs et acteurs du paysage se rencontreraient, semble l’une des avenues prometteuses pour la refondation d’un paysage d’avenir. Ce choix est d’autant plus justifié par la caractéristique de cette méthodologie à amener les participants à prendre, en quelque sorte, le contrôle dans la définition de stratégies qui viendront modifier leur environnement subséquemment (Gonzalez-Laporte, 2014).

Scénario méthodologique provisoire : s’inscrire en complémentarité des processus ayant déjà cours sur le terrain

Le scénario méthodologique proposé en vue de la collecte des données sur le terrain se veut un assemblage de méthodes dites participatives inscrites au sein d’une démarche collaborative qui permettrait d’extraire à la fois des discours évoquant le passé paysager, le présent et les enjeux ainsi que des visions d’avenir collectivement partagées. La sélection des méthodes retenues a été faite selon les besoins spécifiques afin de relever des perceptions sur chacun des temps du paysage (passé, présent, futur), de manière à en arriver à la co-construction de scénarios paysagers. La combinaison choisie consiste en une activité de photographie participative menant à une co-construction de scénarios paysagers, intercalée par une série de parcours commentés. L’étude ainsi composée propose donc la mise en réflexion du rôle d’un professionnel du paysage à travers les différentes étapes du processus de prospective (chercheur, accompagnateur, designer, facilitateur). Cette méthodologie facilite aussi l’arrimage des activités sur le terrain avec la tenue de l’Atelier pédagogique régional mené par Jacques Sgard de l’ENSPV; il sera possible de rencontrer l’objectif d’action territoriale de l’Atelier sur une ou des parcelles du bien de manière à tester les perceptions et outils paysagers auprès des acteurs et citoyens, dans une optique d’appropriation du bien.

Première méthode : L’analyse photographique participative (APP) :

Pub_RousselleBrosseau_201611 CV_RousselleBrosseau_201611Afin de recueillir des perceptions quant au passé des paysages agropastoraux des causses Méjean et Noir, une APP est élaborée. L’APP, communément utilisée en paysage, est une méthode de recherche qualitative qui consiste au relevé de valorisations paysagères selon des thèmes par l’utilisation de questions orientées et indirectes auxquelles le participant doit répondre par le biais de photographies et d’une courte justification (Michelin et al., 2005). Il s’agit d’une méthode efficace de dialogue qui, par la réunion de différentes parties-prenantes, peut mener à la prise de décision collective. Les travaux fondateurs de Michelin (1998) et subséquents de Lelli (2003), entre autres, servent de balises à la conception du cadre d’analyse. Le but de cette analyse est donc de faire en sorte que les participants photographient un certain nombre de vues qui sont, selon eux, reliées à l’image du passé ou encore aux dynamiques présentes (par exemple, les structures agropastorales faisant partie de leur quotidien, celles qui font leur fierté, celles qui les attristent, celles qu’ils utilisent formellement ou informellement etc.) La principale difficulté de cette méthode d’analyse réside dans la formulation des questions : les participants à de telles activités ne sont généralement pas formés au jargon professionnel d’une part et, d’autre part, il faut éviter les biais de formulation. Ainsi, les questions sont pour la plupart du temps formulées de manière à atteindre indirectement l’objectif visé. Par exemple, afin de faire ressortir les lieux de fierté ou les landmarks, on peut poser une question dans l’esprit de : «Si un membre de votre famille vivant à l’étranger venait vous visiter, quel endroit de votre entourage lui montreriez-vous en premier? » plutôt que de poser la question directement. Le participant photographie alors un paysage qu’il montrerait d’emblée, donnée pouvant être utile lorsqu’on veut juger d’un potentiel touristique ou identitaire (Michelin, 1998). L’APP peut servir de base au choix des sites qui feront l’objet de scénarios paysagers prospectifs (voir la troisième méthode, plus bas). Elle peut être évitée si des sites précis sont choisis en collaboration avec les intervenants de l’Entente et du Conseil scientifique.

Seconde méthode : les parcours commentés :

Si l’APP et la CCSP permettront d’analyser le paysage tel que perçu par les agriculteurs, éleveurs, élus et autres citoyens, le parcours commenté, qui s’inscrit dans une approche socio-anthropologique et phénoménologique, facilitera la compréhension du paysage tel que vécu par les usagers, gestionnaires et décideurs. Selon Miaux (2008), il s’agit d’une mise en récit du parcours, qui s’appuie sur les Human thinking-aloud protocols, développés par Alan Newell et Herbert Simon dans les années 1970, aux Etats-Unis. Le principe est simple : normalement, la personne interrogée effectue un parcours de sa propre confection, et le chercheur la suit en engageant la conversation. Une tierce personne, généralement photographe, suit le binôme en immortalisant toute fluctuation de parcours ou d’émotion (Miaux, 2008 ; Petiteau, 2006). La conversation est enregistrée et est ultimement retranscrite et encodée. Ainsi, l’usager du paysage est mis en interrelation directe avec l’espace matériel ; la cueillette de relations plus fines au paysage est rendue possible (lieux d’émotion, impressions, qualités sensorielles des espaces, etc.) (Adam, 2012). Le parcours commenté jouit d’une longue tradition en urbanisme et en géographie culturelle et permet de relever les attentes vis-à-vis l’espace (Adam, 2012), ce qui ouvre vers la prospective. Ainsi, dans la méthode élaborée, le parcours commenté est réalisé avant la co-construction de scénarios paysagers. L’activité devra être tenue à différents endroits sur les deux Causses de manière à ce que le chercheur soit exposé au plus grand nombre possible de contextes.

Troisième méthode : la co-construction de scénarios paysagers (CCSP) :

Les questions de l’APP (première méthode, voir plus haut) sont normalement formulées de manière à aborder le thème des évolutions paysagères. Ce thème et les photos associées constituent la base de la discussion lors de la co-construction de scénarios paysagers. Cette méthode d’analyse est la déclinaison des méthodologies plus générales de la prospective, et se divise en deux familles : les scénarios stratégiques (pour déterminer une série d’actions à poser) et exploratoires (pour réaliser un premier débroussaillement de ce qui pourrait être fait) (Jouvenel, 1999)-. La seconde famille sied davantage à l’objectif recherché dans le cadre du projet de thèse, c’est-à-dire relever des idées d’intentions ou de projets réalisables sur les structures paysagères agropastorales des Causses et Cévennes. La CCSP consiste généralement en la construction de situations hypothétiques futures pour un cadre paysager particulier, selon les tendances observées sur le terrain et selon des scénarios de continuité et de rupture. Ainsi, une première mouture de scénarios est construite par le chercheur, puis validée en groupe. L’ensemble des participants, au cours d’une activité d’échange et négociation, construit un scénario faisant consensus à partir de ceux du chercheur, et à l’aide de ce dernier (Bergez et al., 2010). Idéalement, une série de scénarios serait produit par site paysager choisi. En termes d’avantages, la CCSP permet surtout d’identifier les scénarios d’évolution les plus et les moins acceptables par les parties prenantes, et donc les visions d’avenir collectivement envisagées ou rejetées. Le danger réside cependant dans l’échantillonnage des groupes, qui peut induire une sur-représentation d’un point de vue ou le contraire, lorsque sur une base volontaire. Il suffit cependant de poser ces limites et de travailler en leur intérieur.

 

BIBLIOGRAPHIE

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Bergez, J., Carpy-Goulard, F., Paradis, S., & Ridier, A. (2011). Participatory foresight analysis of the cash crop sector at the regional level: Case study from southwestern France. Regional Environmental Change Reg Environ Change, 11(4), 951-961.

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Lois

Loi sur la Conservation du Patrimoine naturel, R.S.Q. c. C-61.01.

Loi sur le Patrimoine culturel, R.S.Q. c. P-9.002.

Ontario Heritage Act, R.S.O. 1990, c. 0.18.

 

 

Densifier par l’habitat collectif

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Communication à l’occasion du colloque IDEP 2016 (L’interdisciplinarité dans les études du politique)

16-09-2016

Marne-la-Vallée

 

Densifier par l’habitat collectif :

quelle gouvernance pour favoriser la qualité urbaine et architecturale ?

Le cas des centres bourgs périurbains franciliens

 

« Après avoir été considérée comme une source des plus graves pathologies urbaines, la densité apparaît aujourd’hui comme un antidote à la crise environnementale et comme un idéal pour les villes » (Touati 2010 : 26). Progressivement, la densification est devenue un objectif des politiques publiques.

Mon analyse s’intéresse à la densification par la construction ou à la réhabilitation d’immeubles collectifs dans les centres-bourgs périurbains francilien, c’est-à-dire dans les communes de lointaine couronne parisienne ayant entre 500 et 6000 habitants et qui ont conservé des fonctions de centralité. Si ces communes ont historiquement des formes classiques d’habitat collectif, comme des maisons de ville divisées ou des petits immeubles, depuis les années 1960, avec la périurbanisation, ces communes rurales se sont essentiellement développées au travers de maisons individuelles en rupture des bourgs (Bauer et Roux 1976) (Berger 2004). Or, ce modèle n’est plus considéré comme souhaitable, d’une part parce qu’il conduit à l’urbanisation des terres agricoles (Derycke 1974) (Fouchier 2001), mais aussi parce qu’il encourage des déplacements automobiles (Newman et Kenworthy 1999).

L’étude des conditions de la production de logements collectifs dans les centres est fondamentale : ceux-ci constituent une part non négligeable de la production de logement, tout en répondant à un besoin social important de diversification du parc de logement, en lien avec le desserrement des ménages et le vieillissement des populations (Aragau et al. 2011). Accueillir davantage de population en centre-bourg permet également de conforter ces centralités commerciales fragiles (Aragau 2008). Enfin, ces projets de densification représentent un microcosme des interactions qu’on retrouve dans de plus gros projets, en termes de relation entre les acteurs, tout en concentrant des tensions sociales importantes.

J’analyserai ici comment la mobilisation de différents niveaux d’acteurs et l’interdisciplinarité que nécessitent les opérations de densification en milieu périurbain sont créateurs de qualité urbaine et architecturale.

Pour cela, dans un premier temps j’étudierais le rôle de la gouvernance multiniveau, soutien de la politique de densification, avant de montrer que la densification nécessite des pratiques interdisciplinaires pour être qualitative.

 

I. La gouvernance multiniveaux soutien de la politique de densification

La densification est devenue un objectif des politiques publiques (Anastasia Touati 2010), ce qui s’est traduit par le biais de la loi ALUR (Accès au Logement et à un Urbanisme Rénové, 2014) qui l’impose aux communes ainsi que par la loi SRU (solidarité et au renouvellement urbains, 2000) qui rend obligatoire la construction de logement social sur certaines d’entre-elles. Ces objectifs sont déclinés au niveau de la Région, par le biais de son schéma directeur (SDRIF). Mais malgré l’incitation forte de ces deux niveaux de gouvernance, ces objectifs sont souvent rejetés localement par les populations en place et par les élus, sensibles aux pressions de leurs électeurs. A ces freins, il faut ajouter que les projets de densification sont souvent complexes et coûteux (Castel 2011), et qu’ils s’avèrent peu rentables pour les promoteurs et les bailleurs sociaux qui boudent les territoires périurbains (Maurice 2014), ou bien y proposent des projets peu qualitatifs.

Pour remédier à ces problématiques, différents acteurs interviennent en soutien des politiques de densification.

 

1. Une multiplicité d’acteurs et d’intervenants

Nous n’étudierons pas seulement les acteurs publics de la gouvernance, mais nous questionnerons également l’intervention des acteurs privés.

a. Des intervenants spécifiques en milieu rural

Puisqu’il est difficile de mobiliser des acteurs pour construire dans les bourgs périurbains franciliens, une filière spécifique d’acteurs s’est constituée pour répondre – en partie – aux besoins en ce milieu.

Les acteurs qui interviennent ne sont pas les mêmes qu’en milieu urbain (Trouillard 2014). Dans le cadre de la promotion privée, si l’on trouve tout de même des acteurs d’envergure nationale comme Nexity, Bouygues ou Kaufman (Pollard 2007), c’est assez rare au cœur des bourgs, car ils privilégient des opérations de plus grande envergure, moins complexes, le plus souvent en extension. Dans les centres-bourgs, on trouve davantage des promoteurs de plus petite dimension, qui réalisent peu d’opérations et ou qui sont spécialisés sur un territoire, ou sur un type de produit (la réhabilitation lourde, la promotion immobilière haut de gamme, par exemple). On peut également y trouver des particuliers, non professionnels de l’immobilier, qui réalisent des indivisions ou de toutes petites opérations de logements collectif (Maurice 2014).

En termes de logement social, on trouve des bailleurs nationaux comme Logement Français ou Immobilière 3f dans les territoires périurbains, même si beaucoup d’opérations sont réalisées par des bailleurs départementaux. Là aussi, l’ancrage local est extrêmement important. Les départements disposent souvent d’un bailleur social départemental comme l’OPH 77, Essonne Habitat, Val d’Oise Habitat. Ce sont autant d’interlocuteurs privilégiés sur les communes rurales et périurbaines, car, même si les opérations qu’ils portent doivent être équilibrées, l’objectif de rentabilité est moindre que pour des bailleurs privés, et, comme ils ont des liens politiques importants avec le département, il est plus aisé de les faire intervenir sur des sites moins attractifs.

Enfin, il y a, souvent, un lien entre l’élu et les autres acteurs en place, qui fait qu’une maîtrise d’ouvrage déjà implantée va avoir tendance à réaliser plusieurs opérations sur place (Dupuy 2010). La bonne connaissance et la bonne entente entre les acteurs est donc un levier pour l’obtention de marchés.

b. Des ingénieries renforcées pour pallier au manque de ressources des communes périurbaines ou rurales

Malgré ce réseau d’acteurs spécifique, le manque d’effectifs et de compétences diversifiées rend difficile le portage de projets complexes par la commune. En effet, rares sont les bourgs périurbains qui ont une personne chargée de l’urbanisme dans la commune : le plus souvent c’est le directeur des services techniques qui en est également responsable. Cela pourrait être un problème si, pour pallier au manque de moyens dans ces communes, les structures publiques n’avaient pas orienté leurs actions vers l’aide à l’ingénierie périurbaine.

Pour pallier à la difficulté de trouver des acteurs acceptant de porter des projets de construction, certains acteurs territoriaux se sont spécialisés dans la mise en réseau, notamment en incitant les bailleurs départementaux à intervenir en milieu périurbain. Les Parcs naturels régionaux (PNR), pour les communes qui en sont dotées, tentent ainsi de mettre en réseau bailleurs sociaux et communes, notamment à travers la thématique du logement social multi-site, qui vise à créer plusieurs plots de logements sur une ou plusieurs communes proches dans l’optique de rationaliser les coûts. Au-delà, le département des Yvelines a créé une agence dédiée à la création de logements sociaux dans le milieu rural. Il s’agit de l’Agence IngenierY, l’agence départementale d’aide aux communes rurales, qui a signé un protocole avec trois bailleurs sociaux nationaux avec l’objectif de réaliser 220 logements sociaux en milieu rural et en petites unités, dans les bourgs et leurs abords entre 2015 et 2017. L’agence met en relation bailleurs et collectivités puis apporte des financements complémentaires (issus du Conseil Général), qui permettent d’équilibrer les opérations de construction ou de rénovation.

L’apport peut également être en termes d’ingénierie. Certaines structures publiques ou associatives ont un rôle de conseil et de support auprès des collectivités, comme les PNR, qui disposent d’une expertise et appuient et soutiennent les communes dans leurs démarches urbaines, de l’élaboration d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) au portage de projets de logements collectif, en passant par la sélection des promoteurs et des bailleurs. Ils visent à améliorer la qualité des projets, par exemple en conseillant un changement de site d’implantation pour un projet de construction sur un site plus adapté, ou par des reprises de modénatures de façade sur un projet de construction neuve. De même, les CAUE, conseils en architecture, urbanisme et environnement, sont des structures implantées dans chaque département qui, sur sollicitation des communes ou des particuliers peuvent aider à améliorer la qualité urbaine et architecturale des projets, par des conseils architecturaux.

Ainsi, aux niveaux de gouvernance traditionnellement étudiés (Etat, région, commune) (Christiansen et Centre 1996), s’ajoutent des structures publiques de niveau intermédiaire comme les PNR, les CAUE, les départements… Cet état des lieux quelque peu idéal ne doit pas pourtant cacher des disparités fortes d’une commune à une autre. Certaines ne se saisissent pas des possibilités de conseil pour des raisons politiques ou par méconnaissances de ces structures, ce qui se traduit par des situations contrastées. 

c. Multiplier les niveaux d’acteurs : multiplier les financements ?

Le manque de ressource n’est pas seulement technique, il est également financier. Les communes peuvent ainsi être amenées à multiplier les acteurs intervenants dans l’espoir de multiplier les participations financières, afin d’équilibrer le budget des programmes de densification.

Les communes ayant peu de ressources financières, elles ne peuvent porter ces opérations en interne ni préempter le foncier. Pour cela, elles recourent à un acteur extérieur, l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France. Il intervient à la demande des communes en maitrise foncière, en achetant temporairement le site en question, qui sera par la suite rétrocédé à l’aménageur. Propriétaire – indirectement – du terrain, la commune est ainsi davantage en mesure d’imposer ses conditions aux aménageurs (Maurice 2014).

Mais les communes vont également tâcher de trouver des subventions, notamment par le biais des PNR qui peuvent être amenés à financer des études pour leurs communes membres, afin d’améliorer la qualité d’un projet, ou de pousser davantage les études préalables, si les premières études s’avèrent peu satisfaisantes. Certains parcs peuvent également participer financièrement à la construction de logements, par le biais d’enveloppes complémentaires.

Enfin, par la réponse ponctuelle à des appels à projets, les communes peuvent obtenir des fonds supplémentaires pour réaliser du logement et obtenir un surplus de qualité. Ainsi, Bouray-sur-Juine, commune de 2000 habitants dans l’Essonne, a tout d’abord remporté un appel à projet urbanisme durable organisé par le PNR du Gâtinais, finançant entièrement une étude sur la réhabilitation d’un presbytère et la construction d’un bâtiment neuf. Puis, la commune a remporté l’appel à projet TEPCV (territoire à énergie positive pour la croissance verte), apportant des financements à hauteur de 100000€ pour financer les rénovations énergétiques. Enfin, au sein d’un territoire LEADER, le projet pourra également bénéficier de financements européens pour l’utilisation de matériaux biosourcés. S’y ajoutent les aides du département pour le financement du logement social. Le projet bénéficie ainsi de quatre financements différents, auquel s’ajoutent des aides de la commune, pour un programme de 6 logements, aux prestations thermiques exceptionnelles et dont le coût est estimé à près d’un million d’euros (hors prix du foncier).

Par des aides financières complémentaires, un apport temporaire de fonds, des prestations techniques ou de la mise en réseau, une partie du service public intervient pour pallier au manque de compétence des communes rurales francilienne, ce qui n’est pas sans poser des problèmes en matière de gouvernance.

d. Des compétences mélangées, quand le public et le privé s’enchevêtrent

Au vu de l’importance que prend le secteur public dans ces territoires, il peut parfois se suppléer au privé pour les études ou la maîtrise d’œuvre. Le cas le plus flagrant est celui des PNR. Nous l’avons vu, ils peuvent être amenés à financer des études complémentaires ou à intervenir au cours d’un projet en cours d’élaboration jugé insatisfaisant, mais ils peuvent également remplacer les entreprises privées en réalisant des études en interne pour les communes. Ils sortent alors de leur rôle de conseil, pour endosser celui de prestataire. En complétant les bureaux d’études privés parfois défaillant, les PNR interviennent pour la qualité urbaine et architecturale des opérations de densification et permettent de remédier à l’absence de ces compétences chez les acteurs traditionnellement en place (commune, bureau d’étude, promoteurs). Cela n’est pas sans générer des crispations chez les acteurs privés, reprochant aux PNR et aux CAUE d’empiéter sur leurs secteurs de travail1, en évitant le recours à des prestataires extérieurs privés. Les syndicats du secteur dénoncent la prédominance de l’ingénierie publique, au dépend de l’ingénierie privée.

Si des structures publiques peuvent se suppléer au privé, au-delà, des communes peuvent également endosser le rôle des bailleurs sociaux afin de porter et de gérer des logements. Pour les communes, c’est un moyen d’éviter les intermédiaires, mais cela leur permet également de parler de logements communaux plutôt que sociaux, d’où une meilleure acceptation des électeurs. Enfin, cela permet la construction de logements sociaux là où des bailleurs ne souhaitent pas intervenir, en petite quantité. La complexité à porter une opération de réhabilitation lourde ou de construction neuve pour un acteur non expérimenté peut pour autant occasionner des risques financiers pour la commune, notamment lorsque la maîtrise d’œuvre fait défaut.

Si les objectifs politiques s’imbriquent, mobilisant tous les niveaux de gouvernances, les compétences et les champs d’intervention sont également mêlés, entre des acteurs publics aux rôles parfois similaires, ou entre les acteurs publics et privés concurrents, générant parfois des tensions. Au final, l’ensemble des intervenants produit un système de gouvernance complexe et lourd à porter – surtout pour des programmes qui ne font parfois pas plus d’une dizaine de logements. Dans les faits, l’ensemble des acteurs ne sont pas toujours impliqués; ils ont une bonne connaissance les uns des autres, et travaillent ensemble sur des projets de longue haleine, ce qui permet de remédier à la complexité initiale de ces montages, même si les délais de production de logement s’en trouvent parfois rallongés.

 

2. De simple approbateur à démarcheur, le positionnement des élus locaux : typologie de la gouvernance

Si tous les niveaux supérieurs de gouvernance incitent à densifier, pour autant c’est toujours le niveau local, le maire, qui détient la compétence urbanisme et qui est le premier responsable de la politique urbaine communale, donc de la densification. La typologie suivante souligne les différentes façons des élus de s’approprier cette problématique complexe.

a. Le rejet de l’habitat collectif, les communes NIMBY :

Il s’agit des communes qui ne construisent pas d’habitat collectif. Ce rejet peut être du fait des élus, parce que les communes sont dans une logique de rétention foncière. On parle alors de commune malthusienne (Charmes 2007). Les documents d’urbanisme sont ici élaborés dans un souci d’empêcher toute densification, par tous les biais juridiques possibles.

Mais le rejet peut également venir des habitants qui s’expriment par des pétitions, un vote protestataire voire en attaquant le permis de construire. Ce type de posture, relevant du « syndrome NIMBY » (Brion 1991) peut contribuer à un abandon des projets de logement, mais aussi à un changement municipal, allant dans un sens plus malthusien.

b. La gouvernance défaillante :

Le second type est composé de communes qui ne sont pas opposées à la construction de logements, mais qui peinent à porter des projets. Cela peut être lié à une difficulté à se saisir de projets stratégiques, les conduisant ainsi à laisser l’initiative des projets aux acteurs privés. La densification n’est pas liée à une amélioration de la qualité de vie pour les habitants, et se résume simplement à l’ajout d’une construction dont la qualité est souvent médiocre. On rejoint alors un schéma traditionnel où le promoteur est le chef d’orchestre, à l’initiative et détenant les tenants et aboutissants des programmes (Callen 2011).

La défaillance peut également être liée à une difficulté à attirer les acteurs sur le territoire, voire à trouver un équilibre économique pour réaliser un projet conduisant à son abandon.

Il s’agit souvent de communes hors PNR ne bénéficiant pas de soutien complémentaire, et qui peinent à intervenir, et où le déficit d’ingénierie périurbaine est important (Bonnet 2015).

c. Les communes carencées, obligées de construire :

Il s’agit des communes légalement contraintes de construire du logement social. En effet, la loi SRU impose aux communes de plus de 1500 habitants en IDF (3500 habitants hors IDF) appartenant à un EPCI ou à une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants d’avoir 25% de logements sociaux, sous peines de sanctions, allant de la retenue financière au retrait des compétences en urbanisme du maire, alors confiées au préfet (SRU 2000). Pour rattraper leur retard en construction sans risquer ces pénalités, elles sont donc contraintes de construire, rapidement, parfois plusieurs centaines de logements dans des communes de quelques milliers d’habitants.

La question qui se pose est celle des conditions de la densification : à force de devoir construire massivement, le travail dans la dentelle nécessaire pour réaliser des projets de qualité n’est pas possible. Les projets qui sortent sont donc bien souvent de piètre qualité, accentuant le rejet par les populations en place. La difficulté pour les élus est alors de les rassurer.

d. Des communes motrices qui développent des projets innovants

Le dernier type regroupe les communes convaincues de l’intérêt de la densification, et qui pensent qu’en la maîtrisant, on peut apporter de la qualité de vie à l’ensemble de la commune. Elles vont donc mobiliser un ensemble important d’acteurs pour permettre à leurs projets de voir le jour.

Dans ce cadre, les élus sont amenés à adopter un rôle très actif, en démarchant les bailleurs sociaux pour qu’ils acceptent de construire sur le territoire communal, ou bien en participant à des appels à projet et à des concours pour obtenir des financements complémentaires.

Pour rassurer les électeurs, elles peuvent développer des formes plus rassurantes de montage d’opération (baux à rénover, baux emphytéotiques) afin de conserver la maitrise du foncier.

Parfois, la politique de logement social ou de densification peut être tellement assumée qu’elle devient un objectif communal incarnant des valeurs positives pour les habitants : la construction de logements sociaux pouvant être vu comme le moyen de loger les jeunes ou les personnes âgées de la commune sur place, quand la densification peut être utilisée comme le moyen de rénover des fermes en centre-bourg ou de créer des commerces. A l’inverse des situations où la gouvernance est défaillante, là, l’élu est au cœur du jeu d’acteurs pour la production.

Cette typologie souligne combien des situations locales peuvent être différentes des politiques choisies par les élus, mais elle souligne également que c’est la capacité des communes à mobiliser et s’appuyer sur des niveaux et des réseaux d’acteurs différents qui permet la réalisation de projets de densification.

 

II] L’interdisciplinarité, indispensable pour une densification qualitative.

Il peut sembler paradoxal de parler d’interdisciplinarité pour aborder les champs de l’architecture et de l’urbanisme. Pour autant, ces champs souffrent d’une méconnaissance (Epron 1981) liée aussi bien à un manque d’éducation à ce champ culturel, qu’à une faible expertise du grand public en ces domaines. Or, construire passe par des acteurs qui ne sont pas des spécialistes de l’architecture et de l’urbanisme. Dès lors, il convient de se demander quelles autres disciplines doivent être convoquées pour en parler.

1. La difficulté à constituer un vocabulaire commun : l’interdisciplinarité au service de la densification.

La difficulté de l’interdisciplinarité repose en grande partie dans la difficulté à trouver un langage commun (Martouzet 2012). Pourtant, ici, la problématique me semble inversée : l’interdisciplinarité est à mon sens ce qui permet de constituer un vocabulaire commun, par un travail sur le langage utilisé et sur les méthodes de représentation. Les acteurs portent alors une réflexion importante afin de savoir comment se faire comprendre par des acteurs de domaines différents.

a. Quel langage utiliser : des mots à proscrire

L’important est ainsi de trouver un vocabulaire consensuel et partagé. Les structures accompagnatrices ont fait le constat de mots tabous pour les élus ou pour les habitants, qu’il faut éviter afin de pouvoir densifier. L’exemple le plus fréquemment donné est celui de « logement social ». Si ces tabous ne sont pas tous les mêmes et que les acteurs interrogés notent une certaine amélioration dans la façon de le considérer, ils expliquent que pour produire du logement, ils sont régulièrement amenés à utiliser des euphémismes. Ils parleront ainsi de « logement aidé », ou de « logements communaux », afin d’éviter d’utiliser le terme logement social qui effraye tant. Pourtant, il s’agit peu ou prou de la même chose, mais ces périphrases évitent de convoquer des images stigmatisantes. De même les termes « immeuble », « densification », « contemporain », voire parfois les termes « logement collectif » peuvent provoquer des crispations. Les élus et les habitants n’y sont pas pour autant intrinsèquement opposés, mais ils s’en méfient, rendant nécessaire le recours à d’autres termes.

b. Sensibiliser à la densification

Au-delà du développement d’un vocabulaire commun, pour densifier, il est aussi nécessaire de convaincre l’ensemble des acteurs du bien-fondé de la démarche. Un gros travail a été réalisé par les PNR et les CAUE sur la question de la densité. La densité est souvent mal ressentie (Amphoux 2003) (Fouchier 1998) : les formes urbaines perçues comme étant les plus denses (barres ou tour HLM) étant moins denses en réalité que les centres-bourgs.

Il s’agit alors de parvenir à sensibiliser les élus à ces phénomènes de perception visuelle, afin qu’ils puissent autoriser davantage de logements qui soient mieux intégrés au bourg. Les PNR, CAUE et autres agences s’y attachent, dans le cadre de leur rôle de sensibilisation, notamment en présentant des benchmarks, des cahiers de références sur la densité, afin de souligner que l’on peut faire dense sans que cette densité ne soit lisible.

Il en va de même pour l’architecture contemporaine : le rejet de l’architecture moderne traduit souvent un rejet du grand ensemble, auquel elle est assimilée (Donzelot 2009). Afin de montrer que celle-ci peut être qualitative et de sortir des représentations stéréotypées, le PNR de Chevreuse a ainsi organisé une exposition sur l’architecture contemporaine en milieu rural, soulignant que celle-ci peut être discrète et qualitative, pendant que le PNR du gâtinais organisait des visites sur site et des conférences. En y conviant les élus, les promoteurs et l’ensemble des acteurs territoriaux, parfois les habitants, ces initiatives ont pour objectif de constituer une culture commune et une compréhension mutuelle, en présentant à la fois des enjeux de la densification et ses qualités concrètes.

Pour parvenir à dialoguer sur la nature des projets de construction, il faut avant tout tacher de constituer un vocabulaire commun entre tous les acteurs, ce qui passe par de la pédagogie et de la sensibilisation, mais également par des capacités de communication. Pour cela, en dehors de leurs métiers premiers d’urbanistes et d’architectes les structures accompagnatrices se font parfois guides touristiques, organisateurs d’expositions, éditeurs d’ouvrages… Divers savoir-faire, et au-delà diverses compétences disciplinaires doivent être mobilisés à cette fin, tant dans l’analyse des situations locales problématiques que dans leur résolution : sociologie, urbanisme, économie, droit, communication, design, aménagement, architecture…

 

2. L’interdisciplinarité : garantie de la qualité urbaine et architecturale ?

Si l’interdisciplinarité est nécessaire pour constituer un vocabulaire commun et réussir à parler de densification et d’architecture, elle l’est encore davantage pour garantir la qualité des opérations de densification. 

a. L’importance des équipes interdisciplinaires pour des projets de qualité.

L’important de l’interdisciplinarité intervient dès l’amont des projets, au stade de l’élaboration des PLU. Les bureaux d’études sont composés d’équipes trop souvent mono-disciplinaires, pour des travaux qui demandent d’allier plusieurs cultures professionnelles. Par exemple, les OAP (orientations prioritaires d’aménagement) sont obligatoires et permettent de définir sur certains secteurs un règlement très précis, quasiment un projet, qui sera par la suite opposable. Mais, faute de moyens, elles sont souvent réalisées par des urbanistes dont ce n’est pas le métier et qui peinent à réaliser des OAP de bonne qualité, rendant in fine médiocre le projet qui en résulte.

A l’inverse, des équipes interdisciplinaires sont capables, par alliance des compétences, de débusquer le « génie du lieu », là où se tiendra l’âme du projet et là où il tirera par la suite ses qualités, que ce soit par la conservation d’arbres emblématiques (paysagistes, ou écologues), par une meilleure préconisation d’orientation (ingénieur), par la conservation d’éléments de décor, la réutilisation de certaines modénatures (architecte). La qualité du projet résulte essentiellement de la qualité des orientations données, et donc rend nécessaire une interdisciplinarité dès les phases études. C’est ce qui explique que les équipes interdisciplinaires des PNR interviennent régulièrement pendant l’élaboration de PLU sur leurs communes membres pour refaire des OAP. Quid des communes qui n’en font pas partie ?

b. Favoriser le compromis

L’interdisciplinarité permet de sortir de ses logiques personnelles pour comprendre les positions des autres, et les intégrer de bout en bout.

Un projet de qualité n’émerge que s’il y a eu interdisciplinarité, si, par allers-retours itératifs, chacun des acteurs a pu entendre la logique de l’autre. Ainsi, la qualité ne pourra se faire que si l’élu comprend les contraintes économiques du bailleur social et accepte la création de quelques logements supplémentaires pour équilibrer son opération. Le bailleur comprend les pressions politiques et sociales auxquelles sont confrontés les élus et reverra à la baisse le nombre de logement qu’il exigeait initialement, pour finalement trouver un compromis entre leurs deux positions. L’architecte des Bâtiments de France, devant les contraintes économiques des projets acceptera de renoncer à des volets bois, ou bien, devant l’engouement architectural pour le bardage bois fera une exception, pendant que l’architecte se concertera avec les habitants au long du projet et communiquera ses avancées.

Réaliser un projet de qualité exige donc que chacune des parties prenantes sorte de son rôle premier pour comprendre les logiques des autres acteurs et trouver des compromis. Les réunions où participent l’ensemble des parties prenantes sont fondamentales pour réussir à parvenir à ce dialogue, bien que certains acteurs puissent en dénoncer la lourdeur, du fait d’un nombre trop important de parties prenantes.

S’il est vrai que bien souvent, dans les négociations, l’un des acteurs finit par dominer les négociations et imposer ses vues, lorsque les démarches sont accompagnées par des équipes interdisciplinaires assurant le suivi de l’opération, alors la qualité peut être au rendez-vous.

En rendant possible le dialogue et les échanges, et en favorisant la qualité architecturale, paysagère et urbaine, l’interdisciplinarité est indispensable pour la réalisation d’opérations de densification en centre-bourg périurbain qualitative. Pour autant, faute de moyens financiers, de ressources humaines et d’une ingénierie suffisante, la qualité est rarement au rendez-vous. La piètre qualité des constructions de logement – collectif ou individuel – dans les petites communes suffit à le constater.

 

Conclusion

La densification est un objectif des politiques publiques imposé par l’Etat et la Région aux communes. Toutes n’y sont pas favorables, et elles réagissent différemment à ces incitations ou obligations.

Au final, les projets de l’architecture du quotidien en France mobilisent un nombre important d’acteurs, que ce soit pour assurer un portage financier ou pour assurer une certaine ingénierie. Si cette multitude d’acteurs rend plus lourde la gouvernance, générant des délais de réalisation, elle permet également d’assurer la qualité des projets, si elle est bien accompagnée par des équipes support interdisciplinaires.

Mais ces équipes, comme celles des PNR, ne sont pas présentes partout sur les territoires, beaucoup de communes ayant des moyens limités et peinant à faire du projet de qualité, faute d’une ingénierie périurbaine efficace. En résulte alors une incapacité à réaliser des projets en densification, ou bien des constructions médiocres. Ainsi, bien qu’essentiels pour la qualité urbaine et architecturale, l’interdisciplinarité et les démarches multi-acteurs ne sont pas toujours une réalité.

 


Bibliographie

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Doctoriale de Blois juin 2016

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I / THEMATIQUE, MISE EN PERSPECTIVE DU SUJET

L’intérêt des villes au regard de la préservation de la diversité biologique n’a cessé de croître ces dernières années et plusieurs d’entre elles tentent actuellement d’intégrer les objectifs nationaux relatifs à la biodiversité dans leurs politiques d’aménagement. Cette révolution en matière d’intégration de la biodiversité dans l’aménagement des territoires amène à s’interroger tout particulièrement sur la manière dont la diversité végétale a été pensée et intégrée dans les projets de paysage. Ces derniers peuvent être conçus comme l’ensemble des actions qui visent à agir sur le paysage comme milieu, et dans le souci des populations qui y vivent. Le paysagiste-concepteur, en charge de ces projets a, en autres, la capacité de créer ou de transformer un site en installant les conditions pour que le végétal (et animal) puisse se développer durablement dans l’espace[1] et être potentiellement une réponse aux enjeux de la préservation de la diversité biologique.

Aujourd’hui les apports récents de l’écologie urbaine (Clergeau et Machon, 2014) et les recherches thématiques ou disciplinaires relevant du champ « ville et environnement » (Coutard et Levy, 2010) tendent à montrer la place de plus en plus grande accordée à la nature dans les villes. Si certains (Dubost, 2010) pensent que les professionnels de la conception s’inscrivent dans le courant de pensée de l’écologie urbaine, d’autres (Clergeau et Machon, 2014) pensent qu’il reste du chemin à parcourir afin de «concilier des projets esthétiques et originaux avec des exigences écologiques» (Ibid, p.149). Des recherches ont pourtant montré que l’espace urbain a la capacité d’accueillir voir de créer des habitats pour la faune et la flore (Clergeau, 2010) notamment lorsqu’il est question d’agir sur l’esthétique urbaine au sein des parcs et des jardins publics (Blanc, 2010). Selon leur taille et leur gestion, il est possible de considérer certains de ces espaces urbains à caractère de nature (parc, friche) comme des noyaux secondaires de biodiversité (animale et végétale) (Clergeau, 2014). Force est de reconnaitre que face à ce constat, il est nécessaire de s’interroger sur la manière dont les paysagistes se sont appropriés les enjeux de préservation du vivant ces dernières décennies et plus particulièrement l’appropriation et la transcription du concept de biodiversité dans les projets d’aménagements. Cela permettra en outre d’identifier le degré de prise en compte des préoccupations environnementales et d’une éventuelle écologisation des projets (Franchehomme et al., 2013) de paysage portés par cette profession.

Pour mener à bien cette réflexion, un travail de recherche est actuellement en cours sur la pratique des paysagistes au regard du projet de paysage et du processus que ces professionnels développent pour atteindre les valeurs (loisir, nature, etc.) que les sociétés souhaitent conférer à l’espace. Cette recherche se focalise tout particulièrement sur des réalisations paysagères très prégnantes dans les villes à savoir les parcs publics. Lieux urbains sans équivoque, ils « naissent de la conjonction d’êtres qui prennent plaisir à se rencontrer ou à s’émerveiller des mêmes choses » (Sansot, 1993). Aujourd’hui leur insertion au cœur des corridors écologiques (existant, à restaurer, ou à prolonger) permet de les appréhender comme de véritables relais de biodiversité (Clergeau, 2007). Les parcs constituent à ce titre des tâches d’habitats dans lesquelles la diversité végétale à tous les niveaux d’appréhension (génétique, spécifique et écosystémique) représente un des reflets de la dynamique spatio-temporelle de l’environnement (Blondel, 2005b).

L’entrée choisie sur la diversité du vivant est celle des arbres, éléments végétaux majeurs de la constitution et de la structuration des parcs urbains. De par leur forte valeur esthétique et leur silhouette majestueuse, les arbres sont les organismes vivants qui  participent à la qualité du paysage dans  la ville en valorisant  les quartiers qui en  bénéficient. Actuellement, ils font l’objet d’anciens et de nouveaux enjeux environnementaux, notamment au regard des services écosystémiques qu’ils assurent dans le fonctionnement des villes : lutte contre l’îlot de chaleur urbain, captage du CO2, filtration de l’air à travers la fixation des polluants  atmosphériques, etc.. Ils suscitent aussi curiosité et dialogue, d’autant plus lorsque ceux-ci sont qualifiés  de remarquables. Les arbres de ville, devenus symboles de développement durable, tiennent donc un rôle important dans le maintien de la biodiversité et le fonctionnement environnemental et social de la cité.

La démarche de recherche qui a été adoptée pour ce travail vise à s’adosser sur le processus du projet de paysage dans sa dimension opérationnelle (Fig.1). A travers les différentes étapes du processus de projet, nous interrogeons, avec les connaissances actuelles en écologie, la pratique des paysagistes contemporains (cinquante dernières années) et la relation qu’il est possible de voir entre la diversité arborée et la reconstitution des milieux écologiques. Nous interrogeons également les gestionnaires de parcs et jardins qui ont pour mission de permettre à la diversité végétale de traverser le temps, de résister à la fréquentation du public ainsi qu’aux fluctuations d’entretiens et du climat, etc. Ils sont les garants ou non d’un prolongement du parti pris arboré des concepteurs.

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Fig.1 Processus de projet de paysage et la dimension opérationnelle qui y est rattachée. Réalisation Brice Dacheux-Auzière

En adoptant une telle démarche, centrée sur le processus de projet de paysage, ce travail de recherche se situe fondamentalement à la croisée des sciences de la conception, des sciences du vivant et des sciences de l’homme et de la société (Donadieu 2012). Il  vise à produire une première base de connaissances concernant la manière dont la diversité du vivant a été prise en compte dans des projets de parcs urbains qui ont été conduits ces dernières années et d’articuler deux disciplines incontournables dans l’aménagement des villes de demain que sont l’écologie et le paysagisme.

II / ELEMENTS D’ETAT DE L’ART

Depuis 1980, date à laquelle le concept de diversité biologique[2] apparaît, couronné douze ans plus tard du sommet de Rio, les préoccupations contemporaines de l’urbanisme durable puis celles de l’urbanisme écologique (Mollie, 2009) n’ont jamais cessé d’intégrer la problématique de la biodiversité. Cette dernière a donc progressivement quitté le strict point de vue des sciences naturalistes pour être appropriée par les sciences humaines (Blondel, 2005a, Micoud, 2005, Simon, 2006)  et ainsi intégrer l’apport des sciences sociales, le rôle de l’histoire, des acteurs mais aussi leurs pratiques, leurs usages et leurs perceptions. Cependant, rien ne permet aujourd’hui de montrer que le paysagiste s’est approprié le concept de biodiversité tel qu’il est défini par les sciences du vivant (Ramade, 2008). Malgré que ce concept soit à la fois scientifique[3] et popularisé (Le Guyader, 2008), sa réévaluation par le MEA[4] (2001)  n’a pas non plus permis de cerner la manière dont ces praticiens incarnent cette notion dans leurs projets d’aménagement. Nous ne pouvons encore moins nous prononcer sur ce sujet lorsque les concepteurs sont intervenus avant l’apparition et/ou la diffusion de ce concept (Sommet de Rio 1992 ; Grenelle 1 et 2, 2009) dans la société.

Les travaux récents sur les trames vertes[5] urbaines, sujet au croisement des questions portant sur la nature en ville (Clergeau et Blanc, 2013, Arrif et al., 2011, Callenge, 1997, Arnould et al., 2011, Medhi et al., 2012,) trouvent cependant un héritage entre le paysagisme et l’écologie (Toublanc, Bonin, 2012 ; Blanc et al., 2013) bien avant que le concept de biodiversité ne se cristallise.

L’apport des résultats de l’écologie du paysage (Baudry et Burel, 1982, 1999, Forman et Godron, 1986) ont su en effet nourrir les aménageurs du territoire sur l’intérêt et le rôle des connectivités (communautés animales et végétales) au sein d’une matrice (Clergeau, 2007).

Il revient alors au paysagiste de déterminer par le projet de paysage, à différente échelles spatiales, la structure végétale qu’il doit déployer par rapport aux ambitions biologiques de la trame verte.

A une échelle territoriale (ville et banlieue) ou plus locale (espace public, parc, etc.) l’écologie urbaine semble être un cadre théorique (Coutard et Levy, 2010) intéressant pour les paysagistes. En effet, d’un point de vue de la démarche, l’écologie se situe sur des schèmes relativement proches. Elle s’intéresse effectivement, comme la profession des paysagistes, à la complexité des interactions des différentes échelles spatiales (locale, régionale et planétaire) et de la temporalité (immédiateté, moyen terme, temps long) à mobiliser pour comprendre les processus évolutifs.

A l’échelle d’un parc public, le végétal et notamment les arbres (Mullaney et al., 2015) peuvent être appréhendés selon le concept des services écosystémiques (Medhi et al., 2012, Clergeau, 2012). Aujourd’hui si les services de support (fonctionnement de l’écosytème) permettent effectivement de réévaluer le concept de biodiversité, ce sont surtout les services de régulation (thermique, confort climatique, etc.) et les services culturels (cadre de vie, lien social, etc.) qui sont mobilisés pour évoquer des bénéfices que rendent ces espaces à caractère de nature pour la société (colloque tours[6]). Parfois regardés sous l’angle du concept des îles biogéographiques (MacArthur, 1969 ; Saint Laurent, 2000) ou bien alors connectés au sein d’une matrice par des corridors verts (Clergeau, 2007), les parcs sont aussi des espaces destinés à faire exister des pratiques sociales de loisir et de nature (Arrif, 2007). Conçus par des paysagistes qui y voient une surface à aménager ou à restructurer pour le public, ils ne sont jamais abordés comme des socio-écosystèmes. Ils peuvent être définis en ce sens comme des écosystèmes urbains[7] artificialisés. Face à ce constat les parcs publics se composent parfois d’une diversité de milieux (aquatiques, forestiers, ouverts, etc.) permettant d’accueillir une diversité de formations végétales (prairie, pelouse, garrigue, boisement forestier, maquis, etc.) mises en scène pour le public par une artialisation[8] in situ et in visu. Ces espaces à caractère de nature portent alors une représentation particulière de la nature qui est liée aux référentiels (jardin, espace naturel, etc.) que mobilisent le concepteur.

A l’échelle de la structure végétale, les arbres et toutes leurs strates d’accompagnement sont naturellement des objets d’études vivants. Leurs usages varient en fonctions qu’ils soient définis par les forestiers (Bastien et Wilhelm, 2000, Tacon et al., 2001, Chauvin et Piroche, 2004,  Rondeux, 1993), les naturalistes (Oldemann et Halle, 1970, Halle, 2006, Millet, 2012) ou les philosophes (Bachelard, 1943, Dumas, 2002, Eliade, 1949, Corbin, 2013). Les paysagistes, eux, les mobilisent pour le projet de paysage. Les plantes  constituent en effet un matériau de base  pour la composition générale de leur aménagement. Tout comme à l’échelle du parc, elles jouent, à l’échelle de la structure, un rôle dans le maintien de la biodiversité (verticalité végétale, diversité spécifique, etc.) et le fonctionnement environnemental et social du parc. L’évolution de représentation du végétal pendant la période classique, romantique puis contemporaine (aspect symbolique et sacré, représentation nature au cours du temps) a très certainement renforcé, chez les paysagistes, plusieurs façons de l’insérer et de l’agencer dans l’espace (diversité structurelle = forme arborée régulière, irrégulière, etc.). Nous ne pouvons aujourd’hui pas identifier quels sont les référentiels que ce praticien mobilise lorsqu’il conçoit un espace à caractère de nature. Nous ne sommes pas non plus en mesure de dire si l’agencement du végétal dans l’espace est pensé en faveur de la biodiversité (3 niveaux) et d’une stratégie inscrite dans le temps long du processus naturel.

Une méthode scientifique[9] a en revanche été menée à Porto en 2015 dans 29 des 95 parcs publics, jardins ou square-jardins accessibles aux riverains. Ce travail de recherche a eu pour objectif d’étudier et d’observer les diversités d’habitats, d’animaux et de plantes dans ces 29 espaces publics à caractère de nature. Pour caractériser ces habitats, une méthodologie particulière a été mise en place afin d’enquêter et de cartographier les environnements sélectionnés (vivants : animaux et végétaux ; non vivants : surfaces inertes) Pour relever et cartographier les surfaces vivantes, les chercheurs ont utilisé la classification de Raunkiær[10] en l’ajustant. Elle a été subdivisée en sous-groupes pour augmenter la précision du relevé de terrain. Ainsi, selon leur hauteur et leur assemblage, les arbres ont été classés dans différentes sous-catégories (Fig.4) appartenant aux phanérophytes (mega forest phanérophytes, forest phanérophytes ou tall phanérophytes). L’analyse des résultats a notamment permis de mieux intégrer la relation entre la biodiversité (niveau spécifique et écosystémique) et les motifs végétaux. Cela s’est également traduit par une meilleure intégration des enjeux de la préservation du vivant chez les gestionnaires de parcs et jardins et une meilleure diffusion auprès des concepteurs.

Par ailleurs, les résultats des travaux[11] menés par Bazin (1996) puis ceux d’Engelking, Riffard et Messiez (1999) à destination des gestionnaires de Service Espaces Verts ont permis d’identifier des objectifs de gestion du patrimoine arboré des parcs historiques français. Les conclusions invitent alors à prendre autant en considération le travail du paysagiste inscrit dans le temps du projet (conception) que celui du gestionnaire inscrit dans le temps de l’après projet (gestion). En effet, les deux professions mobilisent le vivant végétal et notamment des arbres à des moments différents. Aujourd’hui, aucun travail n’a cherché à mettre en relation ces deux pratiques qui permettent pourtant à la diversité végétale des parcs urbains d’être une réponse aux enjeux de conservation du vivant.

III / QUESTIONS DE RECHERCHE / HYPOTHESES

L’objectif central de ce travail de recherche est de comprendre comment les paysagistes-concepteurs ont intégré les enjeux relatifs à la préservation du vivant dans les projets de parcs urbains depuis la phase de conception jusqu’à à la conduite du vivant au cours de ces cinquante dernières années. Pour répondre à cet objectif, un ensemble de trois grandes questions de recherche ont été formulées, en s’adossant spécifiquement sur les différentes étapes du processus de projet de parc public et de son opérationnalité (Figure 2):

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Fig.2 Processus de projet de parc public et dimension opérationnelle rattachée à la commande publique. Réalisation Brice Dacheux-Auzière

– 1ère étape : la commande d’un parc (programmation / construction d’une commande) et sa conception (élaboration du projet de paysagiste) soumises au cadre des marchés publics (loi MOP). La conception représente alors le passage de la commande (formulée par une maîtrise d’ouvrage) à un parti pris de conception fondé sur une lecture attentive du site (géographie sociale et physique, compréhension d’un milieu, usages, etc.), sur une compréhension des objectifs (commande) et sur l’intuition du concepteur ;

– 2ème étape : la réalisation (concrétisation sur le terrain) qui est caractérisée par l’aboutissement sur le terrain du dessin/dessein du concepteur. Elle laisse entrevoir ce qui a été réalisé;

– 3ème étape : la gestion (conduite dans le temps) qui est représentée par les opérations de maintenance (Service Espaces Verts) destinées à pérenniser le lieu.

L’originalité de cette démarche réside ici dans l’analyse des processus de projet par lesquels s’est construite progressivement, dans certains parcs (et pas ou peu dans d’autres), une approche paysagiste innovante conférant à la diversité arborée une valeur ajoutée paysagère et  permettant  à  la  diversité  du  vivant  (et  aux  bénéfices  qu’elle  génère)  d’être  une  solution  opérationnelle  face  aux nouveaux défis de la conception urbaine.

L’hypothèse générale est que l’écologisation des pratiques paysagistes au regard du vivant dans ces parcs dépend d’abord de la demande des services municipaux (+ ou – préoccupée politiquement par la biodiversité selon les quartiers et les époques), puis de l’interprétation de la biodiversité arborée par les concepteurs, et de la manière dont les gestionnaires des parcs reconduisent ou non le parti pris  « arboré » du concepteur. Plus précisément, nous pensons que l’écologisation des pratiques paysagistes n’est pas récente car cette profession a montré dans le passé des signes d’une prise en compte de l’écologie sans en théoriser son approche. Nous supposons également que la complexité de l’exercice du projet de paysage ne permet pas toujours d’intégrer les enjeux relatifs à la diversité du vivant (diversité végétale) comme un paramètre structurant de la conservation de la biodiversité. Cela nous semble dépendre, de prime à bord, de l’intitulé de la commande (programme), des enjeux de fréquentation et des usages à installer (récréatifs, de loisir, de nature, etc.). Les référentiels de nature que le concepteur mobilise auront une influence non négligeable sur la diversité végétale construite et installée (horticole, locale, etc.). Enfin, nous estimons que les gestionnaires des Services Espaces Verts (SEV) ont probablement un rôle déterminant dans la reconduite ou non du parti pris arboré du paysagiste.

Dans un souci de clarté et de concision, nous avons fait le choix pour le colloque des Doctoriales de développer dans les deux sous-parties qui suivent notre questionnement de recherche uniquement sur les deux premières étapes du processus du projet de paysage. Nous souhaitons montrer comment ce questionnement appel différents domaines disciplinaires relevant à la fois des sciences humaines et sociales ainsi que sciences du vivant, et ce dans les méthodologies de recherche mobilisées. La recherche étant initiée depuis septembre 2015, les résultats de ces deux premières parties ne sont pas encore produits. Il s’agit d’un état d’avancement de la réflexion.

 

3.1 1ère Question de recherche et méthodologie associée

3.1.1 Questionnement et hypothèse – Diversité végétale et conception paysagère : vers la conception d’un socio-écosystème

La première étape du processus de projet de parc public amène à se demander de quelle(s) manière(s) le paysagiste contemporain intègre-t-il la dimension de la diversité végétale et quelle mise en œuvre cela induit-il lorsqu’il est question de distribuer et d’organiser les arbres dans un projet de parc urbain (motifs : continuité, fragmentation ; structure végétale : verticalité, etc.) au cours de la phase de conception du projet.

L’hypothèse sous-jacente à ce questionnement est intimement liée à la formulation de la commande publique et au positionnement du concepteur. Ainsi, eu égard aux enjeux urbanistiques et aux fonctions écologiques que les arbres et leurs espèces accompagnatrices, jouent pour la ville, nous supposons que la diversité végétale n’est pas toujours intégrée dans la commande publique comme un paramètre structurant. La décision de faire un parc au cœur d’une ville revient à positionner politiquement la municipalité dans une opération de valorisation ou de restructuration du quartier portée par une ambition d’urbanisme. Le programme alors proposé aux maîtres d’œuvre (chargés de répondre à la commande publique) est généralement décliné selon une diversité de paramètres. Ces paramètres portent sur la fonctionnalité des espaces (ludique, récréatif, service, repos, etc), sur leur hiérarchisation et sur leur accroche à l’environnement périphérique (mise en lien vers les polarités existantes, connexion quartier adjacent, etc.). Ils portent aussi sur les ambiances poly-sensorielles à mettre en place (ombrage, fraicheur, lumineux, végétale, etc.), sur les usages à favoriser (jeux, circulation, consommation, etc) et parfois sur les palettes végétales. Ce cahier des charges, accompagné d’un certain nombre d’autres documents, est surtout cadré par une enveloppe budgétaire. Revient donc au paysagiste-concepteur de se saisir de cette commande, de l’interpréter dans la limite de son requestionnement, et de proposer un parti pris de conception prenant en compte le maximum de critères en mettant l’accent sur ce qui lui semble le plus pertinent. La question de la diversité du vivant représente donc un critère parmi tant d’autres. Nous supposons également que le concepteur mobilise des référentiels variables (espaces naturels, jardin, colline, montagne, plaine, etc.) selon le type de « nature » (imitation d’une garrigue, d’un sous bois, etc.) qu’il veut produire. Il les choisit alors surement en accord avec un paysage environnant, une population locale, les prescriptions de la maîtrise d’ouvrage et ses propres intuitions.

Nous pensons par ailleurs que le paysagiste mobilise la diversité végétale par des règles de composition (tracé, ambiance, etc.) par la mise en place d’une structure arborée (massif forestier, boisement, bosquet, etc.) et par la compréhension d’un site et son milieu. Plusieurs déclinaisons de structures végétales nous semblent envisageables en fonction des situations et des ambiances que le concepteur développe. Selon le parti pris retenu, l’arbre peut être accompagné par des strates arbustives et/ou herbacées voire même par un dispositif minéral (circulation piétonne majeure, place centrale, etc.). Nous supposons alors que le choix des motifs végétaux et leur assemblage se fondent sur la compréhension des facteurs du milieu (édaphique, climatique), des dynamiques de végétation (succession végétale, régression, etc.) et de l’usage qu’ils doivent produire envers le public (mise à l’abri, mise à distance, îlot de fraicheur, etc.). Ces mêmes paramètres nous paraissent être ceux par lesquels s’élabore une possible stratégie végétale (association de plantes, gradient végétal, etc.).

Il nous semble par ailleurs que le paysagiste est avant tout un concepteur qui a pour objectifs d’anticiper les aspirations sociales et spatiales voire aujourd’hui écologiques. Lorsqu’il créé un parc public, il le conçoit comme son nom l’indique pour le public. Nous pensons qu’il doit à la fois concilier les enjeux sociaux (cadre de vie, rapport humain, etc.), environnementaux (réchauffement climatique, îlot de chaleur urbain, biodiversité urbaine), spatiaux (forme, continuité, etc.), politiques (mandats électoraux) et temporels (l’histoire du parc à travers les siècles). Ces enjeux font état de la complexité à laquelle les paysagistes sont concernés lorsqu’ils interviennent sur la création d’un parc urbain. Trouver la bonne mesure entre tous ces paramètres revient à avoir une conception et une composition savante de l’espace pour que tous les partis (faune, flore, humain) puissent trouver la place qui leur revienne. Le paysagiste nous semble être à ce titre un véritable créateur de socio-écosystèmes paysagers. Il nous paraît en effet avoir la capacité de créer un milieu artificialisé  dans lequel « une nature » voulue par l’homme (en cohérence par rapport à l’environnement) s’installe pour atteindre les valeurs (culturelles, esthétiques, etc.) « de nature » d’une société (habitants, naturalistes, etc.).

Pour affirmer ou infirmer cette hypothèse, une enquête auprès de paysagistes-concepteurs a été engagée.

3.1.2 Méthode développée

Site d’étude : la ville de Marseille

Le territoire d’étude qui a été choisi pour cette recherche est la ville de Marseille. Actuellement en situation de premier plan face aux enjeux du réchauffement climatique et de durabilité urbaine, cette ville comme beaucoup d’autres en méditerranée se trouve confronter à une gestion et une conservation de plus en plus importante de son patrimoine vert dont l’originalité réside dans les spécificités biogéographiques, climatiques et culturelles de son territoire. Ainsi, Marseille, ville littorale et deuxième ville de France au regard de sa population, se positionne ici comme une « ville laboratoire » pour l’aménagement des villes de la méditerranée de demain. Par sa situation biogéographique, cette agglomération s’insère déjà dans un contexte naturel à forte diversité naturelle puisque le bassin méditerranéen figure parmi les 34 régions de forte biodiversité à l’échelle mondiale.

Avec 54 parcs d’une superficie supérieure à 1 hectare, dont 14 de plus de 5 hectares, elle s’est également dotée d’un patrimoine végétal domestique riche et varié. Il provient en grande partie des vestiges plus ou moins importants des domaines bastidaires[12] qui ont participé à la construction de la périphérie immédiate de la ville à partir du XVIème siècle. La ville a été ensuite marquée de quelques grandes réalisations au cours du XIXème siècle et début du XXème mais c’est sous la municipalité de Gaston Defferre, en 1970, que la ville déploie un vaste programme de création et d’entretien des espaces verts. Certains parcs bastidaires font à cette époque l’objet de restructuration.

Face aux nouveaux enjeux de la biodiversité urbaine ces dernières années, Marseille a pris conscience de l’importance de son patrimoine arboré et s’applique désormais à conduire une politique de développement durable pour la création et l’entretien des espaces verts dont elle a la charge. Elle doit particulièrement appréhender ce double héritage temporel du vivant à travers les parcs contemporains et les parcs plus anciens, ce qui représente un véritable défi pour les services d’espaces verts. En 2002, la ville a réédité le code de l’Arbre Urbain. Elle lance également grâce à la Direction des Parcs et Jardins en 2009 un recensement des arbres remarquables dans les espaces publics urbains de la ville. En 2014, elle participe également à la rédaction de la « Chartre pour la Biodiversité urbaine » du territoire marseillais en collaboration avec l’Agence de l’Urbanisme de l’agglomération marseillaise. Plusieurs parcs de la ville bénéficient actuellement du label « Jardin remarquable » et « Ecojardin ».

Les paysagistes et parcs retenus

Afin de déterminer le pool de paysagistes contemporains à interviewer, une première identification des concepteurs associés aux parcs marseillais a été réalisée à l’aide des archives du Service Espaces Verts de la ville de Marseille, et d’un entretien exploratoire, auprès d’un ingénieur du Service Espaces Verts qui a complété puis confirmé les premières pistes de recherches. A l’issue de cette identification, une sélection de couple « concepteur-parc » a été effectuée suivant plusieurs critères : existence du/des concepteur(s), présence d’un projet de conception, présence d’un couvert arboré, histoire connue de la transformation du parc. Au regard de ces éléments, 10 parcs (Tableau 1) ont été sélectionnés car ils présentent les paramètres requis (projet de conception, diversité d’arbres, concepteurs en activité, etc.) et deux autres, conçus, ne sont pas encore réalisés dans leur intégralité sur le terrain. Les neuf parcs existants ont été conçus entre 1970 et 2009 et se situent dans 6 arrondissements différents de la ville de Marseille. L’un des deux parcs conçus est en cours de réalisation. La première tranche des travaux se terminera à la fin de l’année civile. L’autre se situe dans une zone de renouvellement urbaine au cœur de l’hyper centre, la réalisation n’est pas encore en cours.

Concepteur(s)

Nom du parc

Arrondissement

Année création ou restructuration

Alfred Peter

Parc de la Porte d’Aix

13001

2014 conçu mais non réalisé

Jérôme Mazas

Parc de la couverture de la L2

13012

2014 conçu, 1ère phase en cours de réalisation

(Pierre Pelletier (décédé) et Alain Guerittot (en cours de recherche)

Parc central de Bonneveine

13008

1978

Christian Baudot et Huet (architecte décédé)

Parc du 26ème centenaire

13010

2001

Michel Delpierre

Parc du Vieux moulin

13010

1982

Guerric Péré

Parc de la Moline

13012

2006

Marc Marcesse

Parc de Font obscur

13014

1970

Alain Guerittot

Parc de L’espérance

13014

1985-1989

Claire Guien / Saltet

Parc Varella

13015

1982

Dominique LeFur

Parc de l’Oasis

13015

1985

Dominique LeFur

Parc de la Minerve

13016

1986

Vincent Guillermin

Parc Mistral

13016

2009

Tab.1 Identification des paysagistes et des parcs associés à leur réalisation.

Pour objectiver un certain nombre d’aspects sur la manière dont le concept de biodiversité s’incarne chez les concepteurs, le pool de paysagistes marseillais était insuffisant. Pour gagner en diversité de discours, le pool de concepteurs a été élargi à l’échelle de la métropole Aix-Marseille, de la région PACA et/ou de la France. Cet élargissement a permis de retenir des paysagistes (Tableau 2) étant considérés comme des figures tutélaires du paysagisme de ces cinquante dernières années (présents au pavillon de l’Arsenal à Expérience de paysage de la Fédération Française du Paysage). L’addition de ces deux pools de paysagistes permet d’atteindre le nombre de 21 concepteurs enquêtés.

Concepteur(s)

Nom du parc

Ville

Année création ou restructuration

Jacques Sgard

Parc André Malraux

Nanterre

1971-1979

Gilles Clément (interviewé) et Allain Provost (non interviewé)

Parc André Citroën

Paris

1986-1992

Georges Demouchy (décédé) et Jean Pierre Clarac

Parc du Griffon

Vitrolles

1974

Alain Marguerit

La Duchère

Lyon

1999-2003 puis 2003-2016

Philippe Cadoret

Parc de la Tuilière

Vitrolles

1993

Gilles Vexlard

Parc de la plage bleue

Miramas

1993

Michel Pena

Parc du Paillon

Nice

2014

Michel Desvignes

Parc des Angéliques

Bordeaux

2010-2017

Pascal Aubry (interviewé) + Bernard Lassus (non interviewé)

Jardin des retours

Rochefort

1987-1991

Jacqueline Osty

Parc Martin Luther King

Paris

2007

Tab.2 Identification des paysagistes-concepteurs et des parcs en dehors de la ville de Marseille

 

L’enquête auprès des paysagistes

 

L’enquête a pour objectif de comprendre comment les paysagistes se sont appropriés puis ont transcrit le concept de biodiversité, et notamment la diversité arborée, dans les projets de parcs publics. Elle a permis de saisir à la fois les représentations et les pratiques de ces acteurs. L’enquête a été effectuée par entretien semi-directif. Ce type d’entretien constitue l’une des formes de rhétorique sociale (Hughes, 1996) et se caractérise principalement par ce qu’il produit : un fait de parole (Blanchet et Gotman, 2007). Nous ne nous situons pas dans des enquêtes par entretien à usage exploratoire ou à usage complémentaire mais bien à usage principal car le discours que l’entretien produit a pour objectif de faire apparaître les processus et les « comment ».

Dans ce cas, l’entretien a été conduit auprès de chaque concepteur grâce à un plan d’entretien qui a porté sur plusieurs axes de discussion. Les paysagistes concepteurs ont été au départ questionnés sur la genèse du projet de parc afin d’aborder progressivement le végétal qu’ils ont mobilisé dans la conception. Plusieurs points ont fait l’objet d’échange comme la variété des essences dans le projet, le lien avec la faune, mais également le lien avec le végétal présent en dehors du parc (aborder les changements d’échelles, le paysage environnant). Les paramètres de l’évolution du végétal dans le temps (gestion, succession, régression, etc.) par rapport à son cycle de vie et aux conditions à mettre en œuvre pour qu’il puisse être pérennisé dans l’espace (stratégie végétale) ont été également abordés. Des échanges ont eu lieu sur les enjeux rattachés à la l’intitulé de commande et l’interprétation que le concepteur en a fait. D’autres thématiques ont permis d’aborder le site à travers des notions de géographie physique (géomorphologie, pédologie, biogéographie), de géologie mais aussi en lien avec les facteurs écologiques (abiotiques : édaphiques, climatiques ; biotiques) du milieu. Des relances sur le parcours et l’histoire de vie du concepteur ont permis d’aborder l’origine de leurs inspirations, les savoirs, les savoir-faire mobilisés, leurs référentiels de nature et les affiliations qu’ils nouent avec d’autres paysagistes. Nous les avons également interviewés sur la manière dont ils se saisissent des questions de société et sur ce qui nourrit leur pratique de projet. Enfin, des questions sur les relations qu’ils tissent auprès de l’interprofession du paysage (gestionnaire, entreprises Espaces Verts, pépiniéristes) ont été développées.

Les entretiens se sont majoritairement déroulés dans les agences des paysagistes, parfois chez eux ou dans des espaces publics (café, etc.) car certains d’entre eux sont retraités. La durée des interviews varie de 1h15 à 2h00 en fonction de l’aptitude du professionnel à développer chaque point et au temps qu’il nous a accordé.

Analyse des enquêtes auprès des paysagistes

 

Destinés à identifier ce qui sous-tend, chez le paysagiste, l’interprétation de la diversité arborée et plus largement du végétal dans les parcs urbains, les entretiens retranscrits à l’aide du logiciel Sonal constitueront le matériau de base de l’analyse. Afin de traiter nos données d’enquête, nous avons développé une grille d’analyse que nous déclinons en 4 thèmes principaux tels que :

– une démarche d’analyse ancrée sur la lecture d’un site (parc et son environnement proche) et d’un milieu. Cette thématique a permis de croiser entre les différents entretiens des paramètres liés à la végétation existante, à la géographie physique du lieu (micro topographie, vallon, etc.) ainsi qu’à des facteurs écologiques (climat, sol…).

– un parti pris de création paysagère (concept) fondé sur la démarche d’analyse évoquée précédemment mais surtout sur l’interprétation de la commande (le sujet) et le parti pris de projet (objet) du concepteur. Ce thème regroupe les référentiels « de nature » (espaces naturels, jardin) et les référentiels techniques (ouvrages, revues, etc.) que le paysagiste mobilise pour évoquer du concept de biodiversité.

– un autre point commun aux entretiens : celui de la composition paysagère et de la stratégie végétale déployée. Il regroupe ce qui est lié aux formes (motifs) végétales que le paysagiste organise dans l’espace (structure végétale et fonction), à la déclinaison des strates (verticalité) et à une stratégie végétale. Celle-ci renvoie aux associations proposées (analogie phytosociologie), aux choix d’espèces (palette végétale) mobilisées par rapport au parti pris de conception (palette horticole pour faire écho à une naturalité ou palette locale d’espèces indigènes pour mimer la nature) ainsi qu’a la prise en compte d’une végétation existante. Cela fait aussi référence à des notions de temporalité, de gestion et de conduite dans le temps du végétal.

– un dernier thème qui fait état de tout ce qui permet d’identifier une évolution dans la pratique du paysagiste depuis ces 50 dernières années (mobilisation concept gestion différenciée, etc.)

Nous chercherons, par l’analyse du discours, à mettre en évidence les référentiels (représentation de « nature ») que le paysagiste mobilise puis la manière dont il les traduit dans son projet de parc public. La mise en perspective de cette traduction se fera au regard de la démarche par laquelle le concepteur s’imprègne de la géographie du lieu (un site et son contexte local), et des facteurs écologiques du milieu (biotiques et abiotiques) afin de créer les conditions pour que le vivant végétal (et animal) intègre une dynamique évolutive. Nous montrerons comment l’interprétation des données (site et milieu) se confronte à l’intention du concepteur pour produire un paysage artialisé (Roger, 1997).

 

3.2/ 2ème Question de recherche et méthodologie proposée

3.2.1 Questionnement et hypothèse – Le parc public espace de vie : réalité observable d’un socio-écosystème et d’une diversité végétale

Dans la seconde étape du processus de projet, ciblée sur la phase de réalisation et par conséquent sur la production d’un espace vivant, il convient de se demander qu’elle(s) forme(s) de nature et de diversité végétale le paysagiste-concepteur produit-il? Nous nous demandons plus précisément, quels sont les motifs végétaux créés (notamment arborés) et la diversité arborée produite en termes de composition, d’abondance des espèces végétales mobilisées. A quoi l’arbre est-il associé ?

Il nous semble que les formes de nature mobilisées par le concepteur sont la résultante d’une composition paysagère fondée sur un lien à un milieu et d’un parti pris de conception. Ces motifs artificialisés, probablement uniques par rapport à ceux observables dans les milieux naturels, présentent une diversité végétale fortement dépendante au couvert végétal initial du site. Ils semblent également nécessiter d’une attention jardinière au long court. En fonction du gradient d’entretien exercé par le gestionnaire et des facteurs externes, les motifs, leur assemblage, leur richesse et leur diversité spécifique peuvent évoluer ou régresser par rapport à la situation initiale. Cela revient alors à comparer le parc public non plus comme un socio-écosystème paysager mais comme un socio-écosystème jardiné.

Nous pensons à ce titre que des perturbations existent et sont en mesure de bouleverser l’ambition initiale de conception. Elles peuvent avoir lieu pendant la réalisation du parc ou pendant sa phase de vie par un certain nombre de facteurs externes. Le parc est en effet un être vivant soumis à une évolution dans le temps. Il est peut-être possible d’observer une variation de la diversité végétale entre le moment de la conception et le moment de son aboutissement sur le terrain mais cela reste à déterminer. Nous pouvons en revanche préciser que l’évolution du parc dans le temps peut être soumis à des facteurs d’origine anthropique ou naturelle (tempêtes, chute d’arbres, coupe, non remplacement sujets morts, fréquentation, détérioration, etc.), ou à des impondérables au projet de conception (stock des fournitures végétales en pépinière, mauvaise conduite des plantations, mauvaise prise en compte des paramètres géotechniques, etc.). En fonction de l’état initial du site (perturbé, minéralisé, etc.) et de sa situation géographique (abrité des vents, versant d’une colline ubac/adret, entre des bâtiments, etc.) les facteurs abiotiques auxquels les végétaux seront confrontés varieront et auront des conséquences dans les stratégies de conception (micro climat urbain, aspect géotechnique, etc.) et au long court sur le terrain. La prise en compte de ces facteurs tout au long de la vie du parc a une importance capitale car leur fluctuation (appauvrissement qualité du sol, variation climatique, etc.) modifieront l’ensemble des interactions du vivant dans ces socio-écosystèmes. Nous serons probablement en mesure d’identifier un certain nombre de ces perturbations (cf. enquête auprès des paysagistes et des gestionnaires (non présentée) – analyse de discours).

3.2.2 Méthode développée

Les parcs urbains inventoriés

Parmi les 10 parcs marseillais identifiés dans notre panel (cf. 3.1.2), nous nous concentrerons sur 9 d’entre eux. Le Parc de la porte d’Aix ne sera visiblement pas réalisé dans la temporalité de la thèse. Nous l’écartons donc de notre sélection car nous ne pourrons pas procéder aux inventaires de terrain.

Identification des motifs arborés

Afin de caractériser les différents motifs arborés produits dans les parcs publics marseillais, nous déploierons dans un premier temps une approche spatiale afin d’identifier la diversité des motifs végétaux dans les 9 parcs retenus d’un point de vue de leurs assemblages (verticalité et horizontalité, ouvert ou fermé, sur matériaux inertes ou vivants) et de la forme qu’elles occupent dans l’espace (régulière, irrégulière, etc). Pour ce faire nous cartographierons chaque masses arborées à l’aide d’un logiciel de SIG en intégrant les données des services espaces verts de la ville de Marseille. Le traitement des données pourra s’inspirer de la recherche menée à Porto, donnant lieu à une production de documents graphiques sous forme de cartes : une première carte représentant l’intégralité des habitats écologiques présents dans le parc, la seconde montrant les structures végétales (forêt ouverte, forêt fermée, groupes d’arbres, etc.) et les structures non végétalisées (serre, terrasse, etc.), enfin la dernière précisant les différentes strates végétales  et leurs associations à de possibles éléments minéralisés. L’idée n’est pas nécessairement de reproduire la méthode développée à Porto mais plutôt de l’ajuster à nos questionnements. Celle-ci nous intéresse pour notre travail d’analyse spatiale d’identification des structures végétales. Il est à noter qu’un relevé de terrain sera conduit afin de préciser les motifs végétaux dans les autres dimensions de l’espace. Cette étape mobilisera des outils propres à la pratique paysagiste (croquis, coupe, plans de plantation, etc.)

 Inventaire floristique

A ce stade de la recherche, nous spécifions que la méthodologie d’inventaire proposée est à un stade d’hypothèse de travail. Les résultats de l’enquête auprès des paysagistes nous permettrons d’affiner ultérieurement ce volet méthodologique.

Les premières réflexions, nous amènent à penser que nous mobiliserons les méthodes d’inventaire de la végétation classiquement utilisés en écologie végétale pour caractériser la diversité arborée. Nous n’avons pas encore déterminé si nous effectuerons des relevés floristiques par transect (unité de relevé par ligne) ou par quadra (unité de relevé par surface carré) mais il est certain que nous collecterons les données relevant de la composition floristique ainsi que l’abondance des espèces végétales rencontrées au sein des motifs arborés. Nous pensons également que ces relevés s’effectueront par strate végétale afin de qualifier la végétation accompagnant la strate arborée. Enfin, nous n’avons à ce stade pas encore déterminé les outils d’analyse que nous mobiliserons pour exploiter ces données.

Conclusion

A travers les questionnements, hypothèses de recherche et méthodologies de travail exposés dans ce texte, nous voyons clairement que ceux-ci font appel à différents domaines disciplinaires. Nous espérons que les échanges avec la salle à l’issue de la communication orale nous permettrons de formaliser davantage cette démarche de recherche résolument située à la croisée des sciences de la conception, des sciences du vivant et des sciences de l’homme et de la société.

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[1] Exemple de réalisations permettant encore d’observer des végétaux témoignant du temps passé : parc Second Empire (parc des buttes Chaumont à Paris, parc de la tête d’or à Lyon, parc Longchamp à Marseille, etc.), parc contemporain (parc de la Courneuve en région parisienne, parc André Citroën à Paris, parc central de Bonneveine à Marseille, etc.).

[2] Lovejoy introduit le terme de « biological diversity » dans une communication scientifique en 1980, rapidement anglicisé par celui de « biodiversity » en 1985 par le biologiste américain W.-G. Rosen au  National Forum on Biological Diversity.

[3] Convention de Rio en 1992, convention de la diversité biologique en 1994.

[4] Millenium Ecosystem Assessment lancé par l’ONU en 2001. Il a impliqué plus de 1 300 experts et a évalué les interactions entre le fonctionnement des écosystèmes et le bien-être social et économique.

[5] Parmi les 13 domaines d’application de la première loi grenelle de l’environnement (3 aout 2009), les trames vertes et bleue étaient au coeur de la réflexion sur la biodiversité.

[6] Colloque Services écosystémiques apport et pertinence dans les milieux urbains. Tours, les 24-25-26 mai 2016.

[7] L’écosystème urbain correspond effectivement à des zones où la surface des constructions urbaines est supérieure à celle des zones naturelles présentes dans le périmètre d’étude.

[8] L’artialisation est un concept philosophique désignant l’intervention de l’art dans la transformation de la nature. Il a notamment été développé par Alain Roger (1997)

[9] Elle est issue d’un programme de recherche intitulé “Urban Green Structure: Study of the relation between public space morphology and flora and fauna diversity in the city of Porto”. Il a été piloté par le CIBIO (Centre de Investigaçao em Biodiversidade e Recursos Geneticos) et financé par la FCT (Fundaçao para a Ciencia e Tecnologia). L’équipe de recherche (Marques et al., 2015) était composée d’architectes paysagistes et d’écologues spécialisés dans l’étude des plantes ou des animaux (oiseaux, vertébrés ou invertébrés).

[10] Cette classification a permis d’organiser les végétaux selon des types biologiques. Elle est fondée en grande partie sur le positionnement et la protection des organes de survie des plantes (leurs méristèmes de croissance) durant la période défavorable. Cette typologie se décline en cinq grands groupes majeurs de plantes (phanérophytes, chamaephytes, hémicryptophytes, cryptophytes et thérophyte, etc.).

[11] Travaux conduits par l’Institut du Développement Forestier.

[12] La bastide est décrite comme étant la maison des champs vouée au séjour estival de l’aristocratie et de la bourgeoisie marseillaise. C’est en d’autres termes la villégiature inspirée des villas palladiennes de la Rome antique qui s’organisait autour de riches jardins d’agréments (Mihière, 2004).

Page personnelle de Brice Dacheux

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Brice Dacheux-Auzière

Sous la direction d’Yves Petit-Berghem

Quelles modalités d’écologisation de la pratique des
paysagistes-concepteurs français ?
L’exemple des projets de parcs publics de ces 4 dernières décennies.
Le cas de 5 parcs marseillais

Thèse de doctorat

Soutenance le 16 novembre à l’ENSP Marseille-Versailles

 
Introduction et contexte permettant de cadrer le sujet

L’intérêt des villes au regard de la préservation de la diversité biologique n’a cessé de croître ces dernières années et plusieurs d’entre elles tentent actuellement d’intégrer les objectifs nationaux relatifs à la biodiversité dans leurs politiques d’aménagement. Cette révolution en matière d’intégration de la biodiversité dans l’aménagement des territoires amène à s’interroger sur la manière dont la diversité arborée a été pensée et intégrée dans les projets d’aménagement. L’évolution des pratiques professionnelles aux regards des enjeux relatifs à la biodiversité mérite donc une attention toute particulière, notamment celles des paysagistes dont la spécialité est de concevoir des espaces qui tiennent compte du vivant.

Le sujet de la thèse est nouveau. Il a été ouvert par le doctorat d’Anaïs Léger-Smith (Agrocampus ouest 2014), thèse qui n’aborde pas cependant spécifiquement le thème de la biodiversité dans les projets des paysagistes. Il vise à produire une première base de connaissances concernant la manière dont la diversité du vivant a été prise en compte dans des projets de parcs urbains qui ont été conduits ces dernières années et d’articuler deux disciplines incontournables dans l’aménagement des villes de demain que sont l’écologie et le paysagisme. L’entrée choisie sur la diversité du vivant est celle des arbres, éléments végétaux majeurs de la constitution et de la structuration des parcs urbains. De par leur forte valeur esthétique et leur silhouette majestueuse, les arbres sont les formes végétales qui participent à l’introduction du paysage dans la ville et valorisent les quartiers qui en bénéficient.

Actuellement, ils font l’objet d’anciens et de nouveaux enjeux environnementaux, notamment au regard des services écosystémiques qu’ils assurent dans le fonctionnement des villes : lutte contre l’îlot de chaleur urbain, captage du CO2, filtration de l’air à travers la fixation des polluants atmosphériques… Ils suscitent aussi curiosité et dialogue, d’autant plus lorsque ceux-ci sont qualifiés de remarquables. Les arbres de ville, devenus symboles de développement durable, tiennent donc un rôle important dans le maintien de la biodiversité et le fonctionnement environnemental et social de la cité.

Le territoire d’étude est la ville de Marseille. Avec 54 parcs d’une superficie supérieure à 1 hectare, dont 14 de plus de 5 hectares, elle s’est dotée d’un patrimoine végétal riche et varié. Il provient en grande partie des vestiges plus ou moins importants des domaines bastidaires qui ont participé à la construction de la périphérie immédiate de la ville à partir du XVIème siècle. La ville a été ensuite marquée de quelques grandes réalisations au cours du XIXème siècle et début du XXème mais c’est sous la municipalité de Gaston Defferre, en 1970, que la ville déploie un vaste programme de création et d’entretien des espaces verts. Face aux nouveaux enjeux de la biodiversité urbaine et spécifiquement de la diversité arborée de ces dernières années, Marseille a pris conscience de l’importance de son patrimoine arboré et s’applique désormais à conduire une politique de développement durable pour la création et l’entretien des espaces verts dont elle a la charge. En

2002, la ville a réédité le code de l’Arbre Urbain. Elle lance également grâce à la Direction des Parcs etJardins en 2009 un recensement des arbres remarquables dans les espaces publics urbains de la ville. En 2014, elle participe également à la rédaction de la « Chartre pour la Biodiversité urbaine » du territoire marseillais en collaboration avec l’Agence de l’Urbanisme de l’agglomération marseillaise. Plusieurs parcs de la ville bénéficient actuellement du label « Jardin remarquable » et « Ecojardin ». Ce sujet de thèse s’inscrit dans l’histoire des travaux de recherche du LAREP conduits par une équipe pluridisciplinaire renouvelée en sciences de la nature et en sciences humaines et sociales et portant sur la dimension du vivant dans le projet de paysage. Le LAREP a accompagné récemment la thèse de Myriam Bennour Azooz sur les processus de patrimonialisation de l’arbre à Tunis en cotutelle avec l’Institut Supérieur Agronomique de Chott-Mariem et l’Université de Sousse. Les thèses de Besma Loukil sur les parcs urbains de Tunis (2013) et de Samuel Périchon sur les arbres des bocages d’Ille et- Vilaine (2004) ont marqué cette direction de recherche. Ce projet de thèse introduit la question de l’interprétation de la biodiversité dans le projet de paysage et donc dans la conception paysagère. En outre, la démarche de recherche articule explicitement les méthodes scientifiques de l’écologie et les pratiques de paysagisme. Elle s’appuie sur les résultats de la thèse d’Anaïs Léger (2014) concernant la prise en compte des préoccupations écologiques dans les pratiques paysagistes en France et en Grande Bretagne.

Méthodologie de recherche

Le sujet de thèse proposé a pour objectif premier de comprendre comment les paysagistes ont interprété et intégré les enjeux relatifs à la préservation du vivant dans les projets de parcs urbains depuis la phase de conception des projets jusqu’à la conduite du vivant végétal (et parfois animal).

La démarche de recherche s’appuiera d’un point de vue méthodologique sur des enquêtes qualitatives auprès des praticiens concepteurs et gestionnaires sur la manière dont ils ont aménagé et géré l’espace en intégrant les enjeux relatifs à la biodiversité dans des projets de parcs urbains. On insistera sur la place, la nature et le rôle des ligneux, et notamment des arbres dans ces espaces. On s’attachera particulièrement aux relations entre les concepteurs et les futurs gestionnaires au moment de la conception. Cette enquête doit aboutir à la production d’une analyse de discours des paysagistes et des partenaires des projets permettant de saisir les idées majeures qui sous-tendent leur choix au regard de la diversité arborée constatée dans les projets d’aménagement.

Deuxièmement, à partir d’un corpus de réalisations paysagères dont le choix aura été préalablement argumenté (quelques parcs urbains choisis selon les quartiers, leur âge et leur taille), cette recherche tentera de mettre en avant les différentes formes de diversité spécifique arborée des parcs urbains étudiés mais aussi les motifs de composition utilisés et plus largement les formes de milieux écologiques qui ont été produites à travers les différentes réalisations paysagères étudiées. Ce travail s’appuiera sur l’analyse des productions graphiques, par exemple l’étude des esquisses, des plans masses et des plans de plantation, voire de gestion des parcs étudiés, mais aussi sur des relevés de terrain permettant de qualifier les espèces et les formes végétales produites. Cette étape mobilisera des outils propres à la pratique paysagiste (plans, croquis, coupe, plans de plantation, etc.) mais aussi ceux faisant appel à la spatialisation, notamment les systèmes d’information géographique.

Enfin, cette thèse visera à comprendre les évolutions en matière de prise en compte de la diversité arborée dans la conception paysagiste à partir d’une approche historique. Ainsi, à travers un choix de parcs urbains d’époques différentes, la recherche interrogera l’évolution de la prise en compte de la diversité arboré par les paysagistes dans la pratique de projet de paysage. Une analyse des commandes des projets de parcs urbains marseillais sera conduite ainsi qu’une enquête auprès de la maîtrise d’ouvrage et des concepteurs des parcs étudiés afin de saisir les contextes historiques et les attentes sociétales en matière de qualités des parcs et de préservation du vivant végétal.

Résultats attendus et perspectives

Le sujet proposé pose la question contemporaine de la conservation et de la patrimonialisation des arbres urbains, ceci dans le cadre d’une prise en compte des dynamiques du vivant dans une société atteignant un stade post-industriel. La littérature produite montre que la biodiversité est devenue un enjeu majeur dans les agendas politiques. Cet enjeu concerne la relation entre les paysages de nature, et le fonctionnement écosystémique même de ces paysages, urbains notamment. Si l’évolution des pratiques paysagistes et horticoles s’est manifestée par un glissement des formes ornementales vers des formes de nature spontanée (indigène ou naturalisée), elle montre aussi l’écologisation des pratiques qui sous-tend la construction de nouveaux rapports à l’espace et à la nature. L’évolution des pratiques des concepteurs paysagistes, partiellement éclairée par la thèse d’Anaïs Léger, reste insuffisamment connue du point de vue des concepteurs et des maîtres d’ouvrage. Il est nécessaire d’approfondir si l’on veut savoir comment comprendre aujourd’hui l’état et la dynamique des populations arborées dans les parcs.

L’originalité de la démarche réside ici dans l’analyse des processus de projet par lesquels s’est construite progressivement, dans certains parcs (et pas ou peu dans d’autres), une approche paysagiste innovante conférant à la diversité arborée une valeur ajoutée paysagère et permettant à la diversité du vivant (et aux bénéfices qu’elle génère) d’être une solution opérationnelle face aux nouveaux défis de la conception urbaine. L’hypothèse générale est que l’écologisation des pratiques paysagistes dans ces parcs dépend d’abord de la demande des services municipaux (+ ou – préoccupée politiquement par la biodiversité selon les quartiers et les époques), puis de l’interprétation de la biodiversité arborée par les concepteurs, et de la manière dont les gestionnaires des parcs reconduisent ou non le parti pris « arboré » du concepteur.

Les résultats produits concerneront notamment :

Une typologie et une cartographie des milieux arborés dans  les parcs étudiés selon les espèces et leur nature

– Une analyse historique de l’évolution de la commande des parcs publics à Marseille

– Une analyse des conditions politiques et sociales du choix des projets et de leurs programmes

– Les discours des concepteurs sur le choix des arbres de leur projet et leur devenir (analyse)

– Les discours des gestionnaires des arbres depuis la seconde guerre (analyse historique et contemporaine)

– Une synthèse sur les degrés d’écologisation des pratiques contemporaines chez les concepteurs et les gestionnaires à partir d’indicateurs à tester

Deux articles au moins feront connaître ces résultats et seront discutés avec les professionnels concernés.

Calendrier prévu

L’échéancier présenté ci-dessous donne un cadre de travail permettant au doctorant d’apporter dans des délais raisonnables des résultats issus d’une démarche démonstrative et rigoureusement argumentée.

1ère année : Ce premier temps sera consacré à la contextualisation de la question traitée par rapport à la littérature existant sur le sujet. Il permettra la mise en place d’un corpus documentaire (synthèse bibliographique, collectes des données brutes : documents d’archives, données statistiques, plans masse, etc.) et d’élaborer un questionnement scientifique et une hypothèse. Parallèlement seront sélectionnés les sites d’étude qui apporteront l’essentiel des données sur lesquelles la recherche sera menée. Le choix des terrains devra être motivé par des critères relevant à la fois de l’écologie (caractéristiques physiques des sites, types d’écosystèmes et de structures arborées) et du paysagisme (ensemble de valeurs et de pratiques propres à la culture professionnelle des paysagistes).

Les sites choisis permettront de sélectionner les paysagistes maîtres d’oeuvre qui seront enquêtés. Un premier article sera rédigé.

2ème année : Cette étape verra la mise en oeuvre des outils d’analyse (grilles d’entretiens, CAO, traitements des données statistiques et cartographiques : logiciels Sphinx, Arcgis). L’élaboration d’un protocole permettra de saisir au mieux les discours des paysagistes et des maîtres d’ouvrages choisis. Parallèlement sera étudiée la diversité spécifique arborée sur les réalisations paysagères sélectionnées (relevés de terrain couplés à l’analyse des productions graphiques). Enfin, une analyse historique permettra de mieux comprendre l’évolution des enjeux liés à la prise en compte de la biodiversité arborée dans la commande publique. Un second article sera produit.

3ème année : Cette dernière année sera consacrée à la présentation des résultats et à leur discussion dans le contexte national et international de la recherche. La participation à l’actualité de la recherche (séminaires, colloques) sera pour le doctorant l’occasion de confronter ses premiers résultats avec ceux des autres chercheurs. Il s’investira en parallèle dans la rédaction de son travail de thèse qui le mobilisera la majorité de son temps.

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Biblio Claire Fonticelli

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