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Le Potager du Roi à Versailles :
patrimoine vivant et pépinière de jeunes paysagistes
Face aux polémiques récentes autour du Potager du Roi, un groupe d’enseignants de l’École nationale supérieure de paysage a pris l’initiative de rédiger une tribune et de solliciter le soutien de professionnels, de chercheurs et de personnalités du monde du paysage et du jardin liés à l’ENSP et au Potager du Roi.
Ce texte vise à défendre à la fois le projet pédagogique et patrimonial porté par l’École nationale supérieure de paysage, ainsi qu’une vision dynamique de la conservation et de la valorisation d’un jardin historique.
Cette tribune est parue dans le journal Le Monde daté du 19/20 janvier 2020.
Un grand jardin historique est un organisme vivant. Il ne peut être conservé qu’en inscrivant son devenir dans le monde contemporain. À quel projet l’avenir du Potager du Roi à Versailles — jardin construit à la demande de Louis XIV, classé monument historique en 1926 et depuis 1995 sous la responsabilité de l’École nationale supérieure de paysage (ENSP) — doit-il répondre ?
Rappelons les faits. Le 4 octobre dernier, un article exclusivement à charge : « La lente agonie du Potager du Roi », publié dans le Figaro, dénonce l’état général du jardin, qui « n’en finit pas de se dégrader. » Le 16 octobre, l’ENSP répond sous la forme d’un dossier de presse. Y sont réfutées point par point des accusations injustes et des affirmations erronées, dont la plupart ont pour origine le « Livre blanc pour l’avenir du Potager du Roi », rédigé par l’Association des Amis du Potager du Roi, association de bénévoles constituée en 2016. Peine perdue, le journaliste persiste et signe le 30 octobre : « Le Potager du Roi est bel et bien à l’agonie. »
Une critique publique peut remettre en cause les compétences de l’établissement qui a la charge du Potager. Le site est en effet vieillissant et fragile, car sa structure générale, autant au niveau du bâti que des plantations, a fait l’objet de trop peu d’interventions depuis la fin du XIXe siècle. Pourtant, c’est bien l’École de paysage qui pour la première fois a ouvert le Potager au public et a initié avec le ministère de la Culture la conduite des nombreux chantiers nécessaires à la conservation et à la valorisation du site (études de diagnostic, replantations, travail en concertation avec des professionnels, développement du mécénat, programmation et réalisation de la restauration d’infrastructures et des bâtiments classés, politique des publics…).
Que veulent les Amis du Potager du Roi ? La restauration de ce qu’ils nomment un modèle de « potager aristocratique français du XVIIe siècle », le retour « à l’âge d’or de l’arboriculture française au XIXe siècle », avec l’ouverture du site jusqu’à 300 000 visiteurs par an et le « changement de gouvernance », voire sa mise en concession, avec ou sans l’établissement qui en a la responsabilité.
Cette proposition est clairement inspirée par une vision du patrimoine figée, commerciale, et sans rapport avec les enjeux de société et environnementaux actuels. Elle oublie que le Potager est depuis 1873 un jardin-école, placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et destiné à la formation supérieure des métiers de l’horticulture et du paysage. L’ancien jardin royal a été alors organisé pour l’enseignement et l’expérimentation, en y implantant des centaines d’espèces et de formes fruitières nouvelles.
Au XXe siècle, sous la houlette de l’École nationale supérieure d’Horticulture, qui a géré le site jusqu’en 1995, la plupart des variétés cultivées ont été perdues. Le Potager est devenu un conservatoire. Aujourd’hui, l’École de paysage poursuit cette tradition, mais elle la démultiplie avec de nouvelles expérimentations horticoles et la mise en œuvre de pratiques agroécologiques. Les paysagistes concepteurs contribuent à ces développements et leur formation ne saurait se passer de l’expérience pratique du jardinage et des jardiniers du Potager.
Les Amis du Potager du Roi ne peuvent ignorer cette démarche, inscrite pleinement dans l’histoire du Potager. Le modèle économique qu’ils proposent, à vocation touristique, n’offre aucune garantie, ni de succès ni de meilleure conservation du site. En revanche, résumer la réussite du site à la seule augmentation de sa fréquentation revient à couper le Potager de sa vocation pédagogique et à mettre en danger sa vocation expérimentale. Le projet de développement porté par l’ENSP vise à respecter le sens historique du lieu tout en l’articulant avec un enseignement technique destiné aux meilleurs spécialistes et au public.
Rappelons également que le renouvellement des espaliers et contre-espaliers est un processus long et coûteux, qui s’accompagne de la juxtaposition d’arbres centenaires fatigués, mais toujours productifs, et de jeunes sujets. Ce mélange de générations est normal dans les jardins fruitiers et contribue à leur valeur historique. Il est surprenant de constater, par ailleurs, que le travail de renouvellement engagé depuis plusieurs années est ostensiblement ignoré, autant par les critiques que par les photos qui les illustrent.
S’il est nécessaire de trouver les moyens financiers et humains pour restaurer le site, cela ne doit pas être fait au détriment de ses valeurs historiques et pédagogiques, indissociables. Il s’agit bien, comme le prévoit la direction de l’École de paysage, de réunir toutes les missions du Potager dans un lieu unique de formation, de conservation patrimoniale, d’accueil des publics et d’expérimentation.
Il serait donc très risqué de figer le Potager du Roi dans la seule image fantasmée d’un supposé Âge d’or de l’Horticulture, alors que la priorité pour ce patrimoine vivant est de s’inscrire dans les multiples enjeux environnementaux et sociétaux du XXIe siècle.
François ABELANET, architecte, scénariste, anamorphiste
Michel AUDOUY, paysagiste concepteur, enseignant, ENSP Versailles-Marseille
Henri BAVA, paysagiste concepteur (Agence TER), président de la Fédération française du paysage, Grand prix national d’urbanisme 2018
Jean-Marc BESSE, directeur de recherche CNRS, directeur d’études EHESS, UMR Géographie-cités
Bernadette BLANCHON, architecte DPLG, maitre de conférences, ENSP Versailles-Marseille
Romain BOCQUET, paysagiste concepteur, enseignant, ENSP Versailles-Marseille
Sophie BONIN, ingénieur agronome et civile, géographe, maître de conférences, ENSP Versailles-Marseille
Emmanuelle BOUFFÉE, paysagiste, jardinière
Gianni BURATTONI, artiste, dessinateur, peintre, landscape designer
Jean-François CABESTAN, historien de l’architecture, maître de conférences, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
Alberta CAMPITELLI, historienne des jardins, ancienne directrice des villas et jardins historiques de Rome
Elisabetta CEREGHINI, architecte, paysagiste, historienne, experte conservation patrimoine parcs et jardins
Laurent CHATELAIN, pépiniériste, groupement des pépiniéristes d’Ile-de-France
Marc CLARAMUNT, paysagiste concepteur, enseignant, ENSNP/INSA Centre Val de Loire
Gilles CLÉMENT, ingénieur horticole, paysagiste, écrivain, jardinier
Françoise CRÉMEL, paysagiste concepteur PHD, enseignante, ENSP Versailles-Marseille
Charles DARD, paysagiste concepteur, enseignant ENSA Rennes
Pierre DAVID, architecte, auteur, professeur, ENSA Paris-Malaquais
Stéphanie DE COURTOIS, historienne des jardins, maître de conférences, ENSA Versailles
Rosa DE MARCO, architecte PHD, maîtresse de conférences, ENSA Paris La Villette, AMP
Ariane DELILEZ, déléguée générale de la Fédération française du paysage (FFP)
Frédérique DESBUISSONS, historienne de l’art, maître de conférences, Université de Reims
Pierre DONADIEU, ingénieur horticole, membre de l’académie d’Agriculture, ancien enseignant ENSP Versailles-Marseille
Michel DUCHÊNE, président Association Henri & Achille Duchêne
Rémi DUTHOIT, paysagiste concepteur, enseignant, ENSP Versailles-Marseille
Massimo VENTURI FERRIOLO, philosophe, ancien professeur d’esthétique au Politecnico de Milan
Gilles EBERSOLT, architecte, co-concepteur du Radeau des Cimes
François FELIX, paysagiste concepteur, rosiériste obtenteur
Federico FERRARI, historien de l’architecture, maître de conférences, ENSA Nantes — UMR AUSser
Marco FERRARI, architecte paysagiste, doctorant, Politecnico de Milan
Anne FORTIER-KRIEGEL, paysagiste concepteur PHD, inspecteur des sites, Paris
Adrien FOURÈS, paysagiste concepteur, agence Base, Paris
Pauline FRILEUX, ethnoécologue, maître de conférences, ENSP Versailles-Marseille
Alessandro GABBIANELLI, architecte paysagiste PHD, maître de conférences, Politecnico de Turin
Maria Adriana GIUSTI, historienne des jardins, professeure de restauration des jardins, Politecnico de Turin
Olivier GONIN, jardinier, documentaliste, ENSP Versailles-Marseille
Mathieu GONTHIER, paysagiste concepteur, enseignant, ENSP Versailles-Marseille
Cosette GRIFFIN KREMER, ancienne secrétaire générale et actuelle éditrice de l’Association internationale des musées d’Agriculture (AIMA), chercheur
Antoine GRUMBACH, architecte urbaniste, ancien professeur à l’ENSA Paris-Belleville
Jean-Pierre GUENEAU, président d’Hortis
Véronique FAUCHEUR, paysagiste concepteur, atelier Le Balto (Berlin)
Karin HELMS, paysagiste concepteur PHD, enseignante, ENSP Versailles-Marseille, présidente de la Fédération internationale des Architectes paysagistes — Europe (IFLA).
Béatrice JULIEN LABRUYERE, paysagiste concepteur, ENSP Versailles-Marseille
Sonia KERAVEL, paysagiste concepteur PHD, maîtresse de conférences, ENSP Versailles-Marseille
Bernard LANDAU, architecte voyer honoraire de la Ville de Paris, École des ingénieurs de la ville de Paris
Jean-Marc L’ANTON, paysagiste concepteur, maître de conférences associé, ENSA Val de Seine
Jean-Pierre LE DANTEC, historien des jardins, écrivain, ingénieur, architecte, ancien directeur de l’ENSA La Villette
Jean-Baptiste LESTRA, paysagiste concepteur, enseignant, ENSP Versailles-Marseille
Jacky LIBAUD, jardinier naturaliste, conférencier des jardins, Paris
Luisa LIMIDO, historienne des jardins, architecte PHD, journaliste, Association italienne des architectes paysagistes (AIAPP) — IFLA
Christian MAILLARD, administrateur et délégué régional Île-de-France, Hortis
Daniella MALNAR, historienne des jardins, service des Fontaines du Château de Versailles
Marco MARTELLA, historien des jardins, fondateur de la revue Jardins
Olivier MARTY, peintre, cinéaste, enseignant, ENSP Versailles-Marseille
Patrick MOQUAY, professeur, directeur du laboratoire de recherche de l’ENSP Versailles-Marseille
Véronique MURE, ingénieur agronome, botaniste, enseignante, ENSP Versailles-Marseille
Erik ORSENNA, écrivain, membre de l’Académie française
Claude PASQUER, paysagiste concepteur, jardinier, sculpteur
Michel PENA, paysagiste concepteur, président de la Fondation paysages
Alexis PERNET, paysagiste concepteur PHD, maîtres de conférences, ENSP Versailles-Marseille
Nicole POT JALLADEAU, inspectrice générale des affaires culturelles honoraire
Marc POUZOL, paysagiste concepteur, atelier Le Balto, Berlin
Michel RACINE, initiateur de l’ouverture au public du Potager du Roi (1991), membre d’honneur du Comité scientifique international ICOMOS-IFLA des paysages culturels
François ROUMET, paysagiste concepteur, enseignant, ENSP Versailles-Marseille
Marc RUMELHART, ingénieur horticole, écologue, ancien professeur à l’ENSP Versailles-Marseille.
Sylvie SALLES, architecte DPLG (PHD), professeur, ENSP Versailles-Marseille
Pierre SANNER, directeur de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires, UNESCO
Chiara SANTINI, historienne des jardins, enseignante, ENSP Versailles-Marseille
Lena SOFFER, architecte paysagiste, Paris
Rainer STANGE, paysagiste concepteur, enseignant à l’École d’architecture et de design d’Oslo, président des paysagistes norvégiens
Cole SWENSEN, poète, professor Literary Arts, Brown University (USA)
Catherine SZANTO, historienne des jardins, paysagiste PHD, ENSA La Villette — ENSNP/INSA Centre Val de Loire
Jean-Philippe TEYSSIER, paysagiste concepteur, émission télé Jardins d’ici et d’ailleurs (ARTE)
Emmanuelle TOUBIANA, directrice de l’agence de relation presse Tambour Major
Jean-Marc VASSE, délégué général chez Val’hor, maire de Terre de Caux
Maria VILLALOBOS, architecte paysagiste PHD, Illinois Institute of Technology, Chicago (USA)
Clément WILLEMIN, architecte et paysagiste concepteur, médaille d’Urbanisme de l’Académie d’Architecture 2019