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I / THEMATIQUE, MISE EN PERSPECTIVE DU SUJET
L’intérêt des villes au regard de la préservation de la diversité biologique n’a cessé de croître ces dernières années et plusieurs d’entre elles tentent actuellement d’intégrer les objectifs nationaux relatifs à la biodiversité dans leurs politiques d’aménagement. Cette révolution en matière d’intégration de la biodiversité dans l’aménagement des territoires amène à s’interroger tout particulièrement sur la manière dont la diversité végétale a été pensée et intégrée dans les projets de paysage. Ces derniers peuvent être conçus comme l’ensemble des actions qui visent à agir sur le paysage comme milieu, et dans le souci des populations qui y vivent. Le paysagiste-concepteur, en charge de ces projets a, en autres, la capacité de créer ou de transformer un site en installant les conditions pour que le végétal (et animal) puisse se développer durablement dans l’espace[1] et être potentiellement une réponse aux enjeux de la préservation de la diversité biologique.
Aujourd’hui les apports récents de l’écologie urbaine (Clergeau et Machon, 2014) et les recherches thématiques ou disciplinaires relevant du champ « ville et environnement » (Coutard et Levy, 2010) tendent à montrer la place de plus en plus grande accordée à la nature dans les villes. Si certains (Dubost, 2010) pensent que les professionnels de la conception s’inscrivent dans le courant de pensée de l’écologie urbaine, d’autres (Clergeau et Machon, 2014) pensent qu’il reste du chemin à parcourir afin de «concilier des projets esthétiques et originaux avec des exigences écologiques» (Ibid, p.149). Des recherches ont pourtant montré que l’espace urbain a la capacité d’accueillir voir de créer des habitats pour la faune et la flore (Clergeau, 2010) notamment lorsqu’il est question d’agir sur l’esthétique urbaine au sein des parcs et des jardins publics (Blanc, 2010). Selon leur taille et leur gestion, il est possible de considérer certains de ces espaces urbains à caractère de nature (parc, friche) comme des noyaux secondaires de biodiversité (animale et végétale) (Clergeau, 2014). Force est de reconnaitre que face à ce constat, il est nécessaire de s’interroger sur la manière dont les paysagistes se sont appropriés les enjeux de préservation du vivant ces dernières décennies et plus particulièrement l’appropriation et la transcription du concept de biodiversité dans les projets d’aménagements. Cela permettra en outre d’identifier le degré de prise en compte des préoccupations environnementales et d’une éventuelle écologisation des projets (Franchehomme et al., 2013) de paysage portés par cette profession.
Pour mener à bien cette réflexion, un travail de recherche est actuellement en cours sur la pratique des paysagistes au regard du projet de paysage et du processus que ces professionnels développent pour atteindre les valeurs (loisir, nature, etc.) que les sociétés souhaitent conférer à l’espace. Cette recherche se focalise tout particulièrement sur des réalisations paysagères très prégnantes dans les villes à savoir les parcs publics. Lieux urbains sans équivoque, ils « naissent de la conjonction d’êtres qui prennent plaisir à se rencontrer ou à s’émerveiller des mêmes choses » (Sansot, 1993). Aujourd’hui leur insertion au cœur des corridors écologiques (existant, à restaurer, ou à prolonger) permet de les appréhender comme de véritables relais de biodiversité (Clergeau, 2007). Les parcs constituent à ce titre des tâches d’habitats dans lesquelles la diversité végétale à tous les niveaux d’appréhension (génétique, spécifique et écosystémique) représente un des reflets de la dynamique spatio-temporelle de l’environnement (Blondel, 2005b).
L’entrée choisie sur la diversité du vivant est celle des arbres, éléments végétaux majeurs de la constitution et de la structuration des parcs urbains. De par leur forte valeur esthétique et leur silhouette majestueuse, les arbres sont les organismes vivants qui participent à la qualité du paysage dans la ville en valorisant les quartiers qui en bénéficient. Actuellement, ils font l’objet d’anciens et de nouveaux enjeux environnementaux, notamment au regard des services écosystémiques qu’ils assurent dans le fonctionnement des villes : lutte contre l’îlot de chaleur urbain, captage du CO2, filtration de l’air à travers la fixation des polluants atmosphériques, etc.. Ils suscitent aussi curiosité et dialogue, d’autant plus lorsque ceux-ci sont qualifiés de remarquables. Les arbres de ville, devenus symboles de développement durable, tiennent donc un rôle important dans le maintien de la biodiversité et le fonctionnement environnemental et social de la cité.
La démarche de recherche qui a été adoptée pour ce travail vise à s’adosser sur le processus du projet de paysage dans sa dimension opérationnelle (Fig.1). A travers les différentes étapes du processus de projet, nous interrogeons, avec les connaissances actuelles en écologie, la pratique des paysagistes contemporains (cinquante dernières années) et la relation qu’il est possible de voir entre la diversité arborée et la reconstitution des milieux écologiques. Nous interrogeons également les gestionnaires de parcs et jardins qui ont pour mission de permettre à la diversité végétale de traverser le temps, de résister à la fréquentation du public ainsi qu’aux fluctuations d’entretiens et du climat, etc. Ils sont les garants ou non d’un prolongement du parti pris arboré des concepteurs.
Fig.1 Processus de projet de paysage et la dimension opérationnelle qui y est rattachée. Réalisation Brice Dacheux-Auzière
En adoptant une telle démarche, centrée sur le processus de projet de paysage, ce travail de recherche se situe fondamentalement à la croisée des sciences de la conception, des sciences du vivant et des sciences de l’homme et de la société (Donadieu 2012). Il vise à produire une première base de connaissances concernant la manière dont la diversité du vivant a été prise en compte dans des projets de parcs urbains qui ont été conduits ces dernières années et d’articuler deux disciplines incontournables dans l’aménagement des villes de demain que sont l’écologie et le paysagisme.
II / ELEMENTS D’ETAT DE L’ART
Depuis 1980, date à laquelle le concept de diversité biologique[2] apparaît, couronné douze ans plus tard du sommet de Rio, les préoccupations contemporaines de l’urbanisme durable puis celles de l’urbanisme écologique (Mollie, 2009) n’ont jamais cessé d’intégrer la problématique de la biodiversité. Cette dernière a donc progressivement quitté le strict point de vue des sciences naturalistes pour être appropriée par les sciences humaines (Blondel, 2005a, Micoud, 2005, Simon, 2006) et ainsi intégrer l’apport des sciences sociales, le rôle de l’histoire, des acteurs mais aussi leurs pratiques, leurs usages et leurs perceptions. Cependant, rien ne permet aujourd’hui de montrer que le paysagiste s’est approprié le concept de biodiversité tel qu’il est défini par les sciences du vivant (Ramade, 2008). Malgré que ce concept soit à la fois scientifique[3] et popularisé (Le Guyader, 2008), sa réévaluation par le MEA[4] (2001) n’a pas non plus permis de cerner la manière dont ces praticiens incarnent cette notion dans leurs projets d’aménagement. Nous ne pouvons encore moins nous prononcer sur ce sujet lorsque les concepteurs sont intervenus avant l’apparition et/ou la diffusion de ce concept (Sommet de Rio 1992 ; Grenelle 1 et 2, 2009) dans la société.
Les travaux récents sur les trames vertes[5] urbaines, sujet au croisement des questions portant sur la nature en ville (Clergeau et Blanc, 2013, Arrif et al., 2011, Callenge, 1997, Arnould et al., 2011, Medhi et al., 2012,) trouvent cependant un héritage entre le paysagisme et l’écologie (Toublanc, Bonin, 2012 ; Blanc et al., 2013) bien avant que le concept de biodiversité ne se cristallise.
L’apport des résultats de l’écologie du paysage (Baudry et Burel, 1982, 1999, Forman et Godron, 1986) ont su en effet nourrir les aménageurs du territoire sur l’intérêt et le rôle des connectivités (communautés animales et végétales) au sein d’une matrice (Clergeau, 2007).
Il revient alors au paysagiste de déterminer par le projet de paysage, à différente échelles spatiales, la structure végétale qu’il doit déployer par rapport aux ambitions biologiques de la trame verte.
A une échelle territoriale (ville et banlieue) ou plus locale (espace public, parc, etc.) l’écologie urbaine semble être un cadre théorique (Coutard et Levy, 2010) intéressant pour les paysagistes. En effet, d’un point de vue de la démarche, l’écologie se situe sur des schèmes relativement proches. Elle s’intéresse effectivement, comme la profession des paysagistes, à la complexité des interactions des différentes échelles spatiales (locale, régionale et planétaire) et de la temporalité (immédiateté, moyen terme, temps long) à mobiliser pour comprendre les processus évolutifs.
A l’échelle d’un parc public, le végétal et notamment les arbres (Mullaney et al., 2015) peuvent être appréhendés selon le concept des services écosystémiques (Medhi et al., 2012, Clergeau, 2012). Aujourd’hui si les services de support (fonctionnement de l’écosytème) permettent effectivement de réévaluer le concept de biodiversité, ce sont surtout les services de régulation (thermique, confort climatique, etc.) et les services culturels (cadre de vie, lien social, etc.) qui sont mobilisés pour évoquer des bénéfices que rendent ces espaces à caractère de nature pour la société (colloque tours[6]). Parfois regardés sous l’angle du concept des îles biogéographiques (MacArthur, 1969 ; Saint Laurent, 2000) ou bien alors connectés au sein d’une matrice par des corridors verts (Clergeau, 2007), les parcs sont aussi des espaces destinés à faire exister des pratiques sociales de loisir et de nature (Arrif, 2007). Conçus par des paysagistes qui y voient une surface à aménager ou à restructurer pour le public, ils ne sont jamais abordés comme des socio-écosystèmes. Ils peuvent être définis en ce sens comme des écosystèmes urbains[7] artificialisés. Face à ce constat les parcs publics se composent parfois d’une diversité de milieux (aquatiques, forestiers, ouverts, etc.) permettant d’accueillir une diversité de formations végétales (prairie, pelouse, garrigue, boisement forestier, maquis, etc.) mises en scène pour le public par une artialisation[8] in situ et in visu. Ces espaces à caractère de nature portent alors une représentation particulière de la nature qui est liée aux référentiels (jardin, espace naturel, etc.) que mobilisent le concepteur.
A l’échelle de la structure végétale, les arbres et toutes leurs strates d’accompagnement sont naturellement des objets d’études vivants. Leurs usages varient en fonctions qu’ils soient définis par les forestiers (Bastien et Wilhelm, 2000, Tacon et al., 2001, Chauvin et Piroche, 2004, Rondeux, 1993), les naturalistes (Oldemann et Halle, 1970, Halle, 2006, Millet, 2012) ou les philosophes (Bachelard, 1943, Dumas, 2002, Eliade, 1949, Corbin, 2013). Les paysagistes, eux, les mobilisent pour le projet de paysage. Les plantes constituent en effet un matériau de base pour la composition générale de leur aménagement. Tout comme à l’échelle du parc, elles jouent, à l’échelle de la structure, un rôle dans le maintien de la biodiversité (verticalité végétale, diversité spécifique, etc.) et le fonctionnement environnemental et social du parc. L’évolution de représentation du végétal pendant la période classique, romantique puis contemporaine (aspect symbolique et sacré, représentation nature au cours du temps) a très certainement renforcé, chez les paysagistes, plusieurs façons de l’insérer et de l’agencer dans l’espace (diversité structurelle = forme arborée régulière, irrégulière, etc.). Nous ne pouvons aujourd’hui pas identifier quels sont les référentiels que ce praticien mobilise lorsqu’il conçoit un espace à caractère de nature. Nous ne sommes pas non plus en mesure de dire si l’agencement du végétal dans l’espace est pensé en faveur de la biodiversité (3 niveaux) et d’une stratégie inscrite dans le temps long du processus naturel.
Une méthode scientifique[9] a en revanche été menée à Porto en 2015 dans 29 des 95 parcs publics, jardins ou square-jardins accessibles aux riverains. Ce travail de recherche a eu pour objectif d’étudier et d’observer les diversités d’habitats, d’animaux et de plantes dans ces 29 espaces publics à caractère de nature. Pour caractériser ces habitats, une méthodologie particulière a été mise en place afin d’enquêter et de cartographier les environnements sélectionnés (vivants : animaux et végétaux ; non vivants : surfaces inertes) Pour relever et cartographier les surfaces vivantes, les chercheurs ont utilisé la classification de Raunkiær[10] en l’ajustant. Elle a été subdivisée en sous-groupes pour augmenter la précision du relevé de terrain. Ainsi, selon leur hauteur et leur assemblage, les arbres ont été classés dans différentes sous-catégories (Fig.4) appartenant aux phanérophytes (mega forest phanérophytes, forest phanérophytes ou tall phanérophytes). L’analyse des résultats a notamment permis de mieux intégrer la relation entre la biodiversité (niveau spécifique et écosystémique) et les motifs végétaux. Cela s’est également traduit par une meilleure intégration des enjeux de la préservation du vivant chez les gestionnaires de parcs et jardins et une meilleure diffusion auprès des concepteurs.
Par ailleurs, les résultats des travaux[11] menés par Bazin (1996) puis ceux d’Engelking, Riffard et Messiez (1999) à destination des gestionnaires de Service Espaces Verts ont permis d’identifier des objectifs de gestion du patrimoine arboré des parcs historiques français. Les conclusions invitent alors à prendre autant en considération le travail du paysagiste inscrit dans le temps du projet (conception) que celui du gestionnaire inscrit dans le temps de l’après projet (gestion). En effet, les deux professions mobilisent le vivant végétal et notamment des arbres à des moments différents. Aujourd’hui, aucun travail n’a cherché à mettre en relation ces deux pratiques qui permettent pourtant à la diversité végétale des parcs urbains d’être une réponse aux enjeux de conservation du vivant.
III / QUESTIONS DE RECHERCHE / HYPOTHESES
L’objectif central de ce travail de recherche est de comprendre comment les paysagistes-concepteurs ont intégré les enjeux relatifs à la préservation du vivant dans les projets de parcs urbains depuis la phase de conception jusqu’à à la conduite du vivant au cours de ces cinquante dernières années. Pour répondre à cet objectif, un ensemble de trois grandes questions de recherche ont été formulées, en s’adossant spécifiquement sur les différentes étapes du processus de projet de parc public et de son opérationnalité (Figure 2):
Fig.2 Processus de projet de parc public et dimension opérationnelle rattachée à la commande publique. Réalisation Brice Dacheux-Auzière
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– 1ère étape : la commande d’un parc (programmation / construction d’une commande) et sa conception (élaboration du projet de paysagiste) soumises au cadre des marchés publics (loi MOP). La conception représente alors le passage de la commande (formulée par une maîtrise d’ouvrage) à un parti pris de conception fondé sur une lecture attentive du site (géographie sociale et physique, compréhension d’un milieu, usages, etc.), sur une compréhension des objectifs (commande) et sur l’intuition du concepteur ;
– 2ème étape : la réalisation (concrétisation sur le terrain) qui est caractérisée par l’aboutissement sur le terrain du dessin/dessein du concepteur. Elle laisse entrevoir ce qui a été réalisé;
– 3ème étape : la gestion (conduite dans le temps) qui est représentée par les opérations de maintenance (Service Espaces Verts) destinées à pérenniser le lieu.
L’originalité de cette démarche réside ici dans l’analyse des processus de projet par lesquels s’est construite progressivement, dans certains parcs (et pas ou peu dans d’autres), une approche paysagiste innovante conférant à la diversité arborée une valeur ajoutée paysagère et permettant à la diversité du vivant (et aux bénéfices qu’elle génère) d’être une solution opérationnelle face aux nouveaux défis de la conception urbaine.
L’hypothèse générale est que l’écologisation des pratiques paysagistes au regard du vivant dans ces parcs dépend d’abord de la demande des services municipaux (+ ou – préoccupée politiquement par la biodiversité selon les quartiers et les époques), puis de l’interprétation de la biodiversité arborée par les concepteurs, et de la manière dont les gestionnaires des parcs reconduisent ou non le parti pris « arboré » du concepteur. Plus précisément, nous pensons que l’écologisation des pratiques paysagistes n’est pas récente car cette profession a montré dans le passé des signes d’une prise en compte de l’écologie sans en théoriser son approche. Nous supposons également que la complexité de l’exercice du projet de paysage ne permet pas toujours d’intégrer les enjeux relatifs à la diversité du vivant (diversité végétale) comme un paramètre structurant de la conservation de la biodiversité. Cela nous semble dépendre, de prime à bord, de l’intitulé de la commande (programme), des enjeux de fréquentation et des usages à installer (récréatifs, de loisir, de nature, etc.). Les référentiels de nature que le concepteur mobilise auront une influence non négligeable sur la diversité végétale construite et installée (horticole, locale, etc.). Enfin, nous estimons que les gestionnaires des Services Espaces Verts (SEV) ont probablement un rôle déterminant dans la reconduite ou non du parti pris arboré du paysagiste.
Dans un souci de clarté et de concision, nous avons fait le choix pour le colloque des Doctoriales de développer dans les deux sous-parties qui suivent notre questionnement de recherche uniquement sur les deux premières étapes du processus du projet de paysage. Nous souhaitons montrer comment ce questionnement appel différents domaines disciplinaires relevant à la fois des sciences humaines et sociales ainsi que sciences du vivant, et ce dans les méthodologies de recherche mobilisées. La recherche étant initiée depuis septembre 2015, les résultats de ces deux premières parties ne sont pas encore produits. Il s’agit d’un état d’avancement de la réflexion.
3.1 1ère Question de recherche et méthodologie associée
3.1.1 Questionnement et hypothèse – Diversité végétale et conception paysagère : vers la conception d’un socio-écosystème
La première étape du processus de projet de parc public amène à se demander de quelle(s) manière(s) le paysagiste contemporain intègre-t-il la dimension de la diversité végétale et quelle mise en œuvre cela induit-il lorsqu’il est question de distribuer et d’organiser les arbres dans un projet de parc urbain (motifs : continuité, fragmentation ; structure végétale : verticalité, etc.) au cours de la phase de conception du projet.
L’hypothèse sous-jacente à ce questionnement est intimement liée à la formulation de la commande publique et au positionnement du concepteur. Ainsi, eu égard aux enjeux urbanistiques et aux fonctions écologiques que les arbres et leurs espèces accompagnatrices, jouent pour la ville, nous supposons que la diversité végétale n’est pas toujours intégrée dans la commande publique comme un paramètre structurant. La décision de faire un parc au cœur d’une ville revient à positionner politiquement la municipalité dans une opération de valorisation ou de restructuration du quartier portée par une ambition d’urbanisme. Le programme alors proposé aux maîtres d’œuvre (chargés de répondre à la commande publique) est généralement décliné selon une diversité de paramètres. Ces paramètres portent sur la fonctionnalité des espaces (ludique, récréatif, service, repos, etc), sur leur hiérarchisation et sur leur accroche à l’environnement périphérique (mise en lien vers les polarités existantes, connexion quartier adjacent, etc.). Ils portent aussi sur les ambiances poly-sensorielles à mettre en place (ombrage, fraicheur, lumineux, végétale, etc.), sur les usages à favoriser (jeux, circulation, consommation, etc) et parfois sur les palettes végétales. Ce cahier des charges, accompagné d’un certain nombre d’autres documents, est surtout cadré par une enveloppe budgétaire. Revient donc au paysagiste-concepteur de se saisir de cette commande, de l’interpréter dans la limite de son requestionnement, et de proposer un parti pris de conception prenant en compte le maximum de critères en mettant l’accent sur ce qui lui semble le plus pertinent. La question de la diversité du vivant représente donc un critère parmi tant d’autres. Nous supposons également que le concepteur mobilise des référentiels variables (espaces naturels, jardin, colline, montagne, plaine, etc.) selon le type de « nature » (imitation d’une garrigue, d’un sous bois, etc.) qu’il veut produire. Il les choisit alors surement en accord avec un paysage environnant, une population locale, les prescriptions de la maîtrise d’ouvrage et ses propres intuitions.
Nous pensons par ailleurs que le paysagiste mobilise la diversité végétale par des règles de composition (tracé, ambiance, etc.) par la mise en place d’une structure arborée (massif forestier, boisement, bosquet, etc.) et par la compréhension d’un site et son milieu. Plusieurs déclinaisons de structures végétales nous semblent envisageables en fonction des situations et des ambiances que le concepteur développe. Selon le parti pris retenu, l’arbre peut être accompagné par des strates arbustives et/ou herbacées voire même par un dispositif minéral (circulation piétonne majeure, place centrale, etc.). Nous supposons alors que le choix des motifs végétaux et leur assemblage se fondent sur la compréhension des facteurs du milieu (édaphique, climatique), des dynamiques de végétation (succession végétale, régression, etc.) et de l’usage qu’ils doivent produire envers le public (mise à l’abri, mise à distance, îlot de fraicheur, etc.). Ces mêmes paramètres nous paraissent être ceux par lesquels s’élabore une possible stratégie végétale (association de plantes, gradient végétal, etc.).
Il nous semble par ailleurs que le paysagiste est avant tout un concepteur qui a pour objectifs d’anticiper les aspirations sociales et spatiales voire aujourd’hui écologiques. Lorsqu’il créé un parc public, il le conçoit comme son nom l’indique pour le public. Nous pensons qu’il doit à la fois concilier les enjeux sociaux (cadre de vie, rapport humain, etc.), environnementaux (réchauffement climatique, îlot de chaleur urbain, biodiversité urbaine), spatiaux (forme, continuité, etc.), politiques (mandats électoraux) et temporels (l’histoire du parc à travers les siècles). Ces enjeux font état de la complexité à laquelle les paysagistes sont concernés lorsqu’ils interviennent sur la création d’un parc urbain. Trouver la bonne mesure entre tous ces paramètres revient à avoir une conception et une composition savante de l’espace pour que tous les partis (faune, flore, humain) puissent trouver la place qui leur revienne. Le paysagiste nous semble être à ce titre un véritable créateur de socio-écosystèmes paysagers. Il nous paraît en effet avoir la capacité de créer un milieu artificialisé dans lequel « une nature » voulue par l’homme (en cohérence par rapport à l’environnement) s’installe pour atteindre les valeurs (culturelles, esthétiques, etc.) « de nature » d’une société (habitants, naturalistes, etc.).
Pour affirmer ou infirmer cette hypothèse, une enquête auprès de paysagistes-concepteurs a été engagée.
3.1.2 Méthode développée
Site d’étude : la ville de Marseille
Le territoire d’étude qui a été choisi pour cette recherche est la ville de Marseille. Actuellement en situation de premier plan face aux enjeux du réchauffement climatique et de durabilité urbaine, cette ville comme beaucoup d’autres en méditerranée se trouve confronter à une gestion et une conservation de plus en plus importante de son patrimoine vert dont l’originalité réside dans les spécificités biogéographiques, climatiques et culturelles de son territoire. Ainsi, Marseille, ville littorale et deuxième ville de France au regard de sa population, se positionne ici comme une « ville laboratoire » pour l’aménagement des villes de la méditerranée de demain. Par sa situation biogéographique, cette agglomération s’insère déjà dans un contexte naturel à forte diversité naturelle puisque le bassin méditerranéen figure parmi les 34 régions de forte biodiversité à l’échelle mondiale.
Avec 54 parcs d’une superficie supérieure à 1 hectare, dont 14 de plus de 5 hectares, elle s’est également dotée d’un patrimoine végétal domestique riche et varié. Il provient en grande partie des vestiges plus ou moins importants des domaines bastidaires[12] qui ont participé à la construction de la périphérie immédiate de la ville à partir du XVIème siècle. La ville a été ensuite marquée de quelques grandes réalisations au cours du XIXème siècle et début du XXème mais c’est sous la municipalité de Gaston Defferre, en 1970, que la ville déploie un vaste programme de création et d’entretien des espaces verts. Certains parcs bastidaires font à cette époque l’objet de restructuration.
Face aux nouveaux enjeux de la biodiversité urbaine ces dernières années, Marseille a pris conscience de l’importance de son patrimoine arboré et s’applique désormais à conduire une politique de développement durable pour la création et l’entretien des espaces verts dont elle a la charge. Elle doit particulièrement appréhender ce double héritage temporel du vivant à travers les parcs contemporains et les parcs plus anciens, ce qui représente un véritable défi pour les services d’espaces verts. En 2002, la ville a réédité le code de l’Arbre Urbain. Elle lance également grâce à la Direction des Parcs et Jardins en 2009 un recensement des arbres remarquables dans les espaces publics urbains de la ville. En 2014, elle participe également à la rédaction de la « Chartre pour la Biodiversité urbaine » du territoire marseillais en collaboration avec l’Agence de l’Urbanisme de l’agglomération marseillaise. Plusieurs parcs de la ville bénéficient actuellement du label « Jardin remarquable » et « Ecojardin ».
Les paysagistes et parcs retenus
Afin de déterminer le pool de paysagistes contemporains à interviewer, une première identification des concepteurs associés aux parcs marseillais a été réalisée à l’aide des archives du Service Espaces Verts de la ville de Marseille, et d’un entretien exploratoire, auprès d’un ingénieur du Service Espaces Verts qui a complété puis confirmé les premières pistes de recherches. A l’issue de cette identification, une sélection de couple « concepteur-parc » a été effectuée suivant plusieurs critères : existence du/des concepteur(s), présence d’un projet de conception, présence d’un couvert arboré, histoire connue de la transformation du parc. Au regard de ces éléments, 10 parcs (Tableau 1) ont été sélectionnés car ils présentent les paramètres requis (projet de conception, diversité d’arbres, concepteurs en activité, etc.) et deux autres, conçus, ne sont pas encore réalisés dans leur intégralité sur le terrain. Les neuf parcs existants ont été conçus entre 1970 et 2009 et se situent dans 6 arrondissements différents de la ville de Marseille. L’un des deux parcs conçus est en cours de réalisation. La première tranche des travaux se terminera à la fin de l’année civile. L’autre se situe dans une zone de renouvellement urbaine au cœur de l’hyper centre, la réalisation n’est pas encore en cours.
Concepteur(s)
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Nom du parc
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Arrondissement
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Année création ou restructuration
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Alfred Peter
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Parc de la Porte d’Aix
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13001
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2014 conçu mais non réalisé
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Jérôme Mazas
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Parc de la couverture de la L2
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13012
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2014 conçu, 1ère phase en cours de réalisation
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(Pierre Pelletier (décédé) et Alain Guerittot (en cours de recherche)
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Parc central de Bonneveine
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13008
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1978
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Christian Baudot et Huet (architecte décédé)
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Parc du 26ème centenaire
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13010
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2001
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Michel Delpierre
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Parc du Vieux moulin
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13010
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1982
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Guerric Péré
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Parc de la Moline
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13012
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2006
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Marc Marcesse
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Parc de Font obscur
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13014
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1970
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Alain Guerittot
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Parc de L’espérance
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13014
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1985-1989
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Claire Guien / Saltet
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Parc Varella
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13015
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1982
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Dominique LeFur
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Parc de l’Oasis
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13015
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1985
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Dominique LeFur
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Parc de la Minerve
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13016
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1986
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Vincent Guillermin
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Parc Mistral
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13016
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2009
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Tab.1 Identification des paysagistes et des parcs associés à leur réalisation.
Pour objectiver un certain nombre d’aspects sur la manière dont le concept de biodiversité s’incarne chez les concepteurs, le pool de paysagistes marseillais était insuffisant. Pour gagner en diversité de discours, le pool de concepteurs a été élargi à l’échelle de la métropole Aix-Marseille, de la région PACA et/ou de la France. Cet élargissement a permis de retenir des paysagistes (Tableau 2) étant considérés comme des figures tutélaires du paysagisme de ces cinquante dernières années (présents au pavillon de l’Arsenal à Expérience de paysage de la Fédération Française du Paysage). L’addition de ces deux pools de paysagistes permet d’atteindre le nombre de 21 concepteurs enquêtés.
Concepteur(s)
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Nom du parc
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Ville
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Année création ou restructuration
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Jacques Sgard
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Parc André Malraux
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Nanterre
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1971-1979
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Gilles Clément (interviewé) et Allain Provost (non interviewé)
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Parc André Citroën
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Paris
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1986-1992
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Georges Demouchy (décédé) et Jean Pierre Clarac
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Parc du Griffon
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Vitrolles
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1974
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Alain Marguerit
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La Duchère
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Lyon
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1999-2003 puis 2003-2016
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Philippe Cadoret
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Parc de la Tuilière
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Vitrolles
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1993
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Gilles Vexlard
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Parc de la plage bleue
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Miramas
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1993
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Michel Pena
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Parc du Paillon
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Nice
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2014
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Michel Desvignes
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Parc des Angéliques
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Bordeaux
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2010-2017
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Pascal Aubry (interviewé) + Bernard Lassus (non interviewé)
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Jardin des retours
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Rochefort
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1987-1991
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Jacqueline Osty
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Parc Martin Luther King
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Paris
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2007
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Tab.2 Identification des paysagistes-concepteurs et des parcs en dehors de la ville de Marseille
L’enquête auprès des paysagistes
L’enquête a pour objectif de comprendre comment les paysagistes se sont appropriés puis ont transcrit le concept de biodiversité, et notamment la diversité arborée, dans les projets de parcs publics. Elle a permis de saisir à la fois les représentations et les pratiques de ces acteurs. L’enquête a été effectuée par entretien semi-directif. Ce type d’entretien constitue l’une des formes de rhétorique sociale (Hughes, 1996) et se caractérise principalement par ce qu’il produit : un fait de parole (Blanchet et Gotman, 2007). Nous ne nous situons pas dans des enquêtes par entretien à usage exploratoire ou à usage complémentaire mais bien à usage principal car le discours que l’entretien produit a pour objectif de faire apparaître les processus et les « comment ».
Dans ce cas, l’entretien a été conduit auprès de chaque concepteur grâce à un plan d’entretien qui a porté sur plusieurs axes de discussion. Les paysagistes concepteurs ont été au départ questionnés sur la genèse du projet de parc afin d’aborder progressivement le végétal qu’ils ont mobilisé dans la conception. Plusieurs points ont fait l’objet d’échange comme la variété des essences dans le projet, le lien avec la faune, mais également le lien avec le végétal présent en dehors du parc (aborder les changements d’échelles, le paysage environnant). Les paramètres de l’évolution du végétal dans le temps (gestion, succession, régression, etc.) par rapport à son cycle de vie et aux conditions à mettre en œuvre pour qu’il puisse être pérennisé dans l’espace (stratégie végétale) ont été également abordés. Des échanges ont eu lieu sur les enjeux rattachés à la l’intitulé de commande et l’interprétation que le concepteur en a fait. D’autres thématiques ont permis d’aborder le site à travers des notions de géographie physique (géomorphologie, pédologie, biogéographie), de géologie mais aussi en lien avec les facteurs écologiques (abiotiques : édaphiques, climatiques ; biotiques) du milieu. Des relances sur le parcours et l’histoire de vie du concepteur ont permis d’aborder l’origine de leurs inspirations, les savoirs, les savoir-faire mobilisés, leurs référentiels de nature et les affiliations qu’ils nouent avec d’autres paysagistes. Nous les avons également interviewés sur la manière dont ils se saisissent des questions de société et sur ce qui nourrit leur pratique de projet. Enfin, des questions sur les relations qu’ils tissent auprès de l’interprofession du paysage (gestionnaire, entreprises Espaces Verts, pépiniéristes) ont été développées.
Les entretiens se sont majoritairement déroulés dans les agences des paysagistes, parfois chez eux ou dans des espaces publics (café, etc.) car certains d’entre eux sont retraités. La durée des interviews varie de 1h15 à 2h00 en fonction de l’aptitude du professionnel à développer chaque point et au temps qu’il nous a accordé.
Analyse des enquêtes auprès des paysagistes
Destinés à identifier ce qui sous-tend, chez le paysagiste, l’interprétation de la diversité arborée et plus largement du végétal dans les parcs urbains, les entretiens retranscrits à l’aide du logiciel Sonal constitueront le matériau de base de l’analyse. Afin de traiter nos données d’enquête, nous avons développé une grille d’analyse que nous déclinons en 4 thèmes principaux tels que :
– une démarche d’analyse ancrée sur la lecture d’un site (parc et son environnement proche) et d’un milieu. Cette thématique a permis de croiser entre les différents entretiens des paramètres liés à la végétation existante, à la géographie physique du lieu (micro topographie, vallon, etc.) ainsi qu’à des facteurs écologiques (climat, sol…).
– un parti pris de création paysagère (concept) fondé sur la démarche d’analyse évoquée précédemment mais surtout sur l’interprétation de la commande (le sujet) et le parti pris de projet (objet) du concepteur. Ce thème regroupe les référentiels « de nature » (espaces naturels, jardin) et les référentiels techniques (ouvrages, revues, etc.) que le paysagiste mobilise pour évoquer du concept de biodiversité.
– un autre point commun aux entretiens : celui de la composition paysagère et de la stratégie végétale déployée. Il regroupe ce qui est lié aux formes (motifs) végétales que le paysagiste organise dans l’espace (structure végétale et fonction), à la déclinaison des strates (verticalité) et à une stratégie végétale. Celle-ci renvoie aux associations proposées (analogie phytosociologie), aux choix d’espèces (palette végétale) mobilisées par rapport au parti pris de conception (palette horticole pour faire écho à une naturalité ou palette locale d’espèces indigènes pour mimer la nature) ainsi qu’a la prise en compte d’une végétation existante. Cela fait aussi référence à des notions de temporalité, de gestion et de conduite dans le temps du végétal.
– un dernier thème qui fait état de tout ce qui permet d’identifier une évolution dans la pratique du paysagiste depuis ces 50 dernières années (mobilisation concept gestion différenciée, etc.)
Nous chercherons, par l’analyse du discours, à mettre en évidence les référentiels (représentation de « nature ») que le paysagiste mobilise puis la manière dont il les traduit dans son projet de parc public. La mise en perspective de cette traduction se fera au regard de la démarche par laquelle le concepteur s’imprègne de la géographie du lieu (un site et son contexte local), et des facteurs écologiques du milieu (biotiques et abiotiques) afin de créer les conditions pour que le vivant végétal (et animal) intègre une dynamique évolutive. Nous montrerons comment l’interprétation des données (site et milieu) se confronte à l’intention du concepteur pour produire un paysage artialisé (Roger, 1997).
3.2/ 2ème Question de recherche et méthodologie proposée
3.2.1 Questionnement et hypothèse – Le parc public espace de vie : réalité observable d’un socio-écosystème et d’une diversité végétale
Dans la seconde étape du processus de projet, ciblée sur la phase de réalisation et par conséquent sur la production d’un espace vivant, il convient de se demander qu’elle(s) forme(s) de nature et de diversité végétale le paysagiste-concepteur produit-il? Nous nous demandons plus précisément, quels sont les motifs végétaux créés (notamment arborés) et la diversité arborée produite en termes de composition, d’abondance des espèces végétales mobilisées. A quoi l’arbre est-il associé ?
Il nous semble que les formes de nature mobilisées par le concepteur sont la résultante d’une composition paysagère fondée sur un lien à un milieu et d’un parti pris de conception. Ces motifs artificialisés, probablement uniques par rapport à ceux observables dans les milieux naturels, présentent une diversité végétale fortement dépendante au couvert végétal initial du site. Ils semblent également nécessiter d’une attention jardinière au long court. En fonction du gradient d’entretien exercé par le gestionnaire et des facteurs externes, les motifs, leur assemblage, leur richesse et leur diversité spécifique peuvent évoluer ou régresser par rapport à la situation initiale. Cela revient alors à comparer le parc public non plus comme un socio-écosystème paysager mais comme un socio-écosystème jardiné.
Nous pensons à ce titre que des perturbations existent et sont en mesure de bouleverser l’ambition initiale de conception. Elles peuvent avoir lieu pendant la réalisation du parc ou pendant sa phase de vie par un certain nombre de facteurs externes. Le parc est en effet un être vivant soumis à une évolution dans le temps. Il est peut-être possible d’observer une variation de la diversité végétale entre le moment de la conception et le moment de son aboutissement sur le terrain mais cela reste à déterminer. Nous pouvons en revanche préciser que l’évolution du parc dans le temps peut être soumis à des facteurs d’origine anthropique ou naturelle (tempêtes, chute d’arbres, coupe, non remplacement sujets morts, fréquentation, détérioration, etc.), ou à des impondérables au projet de conception (stock des fournitures végétales en pépinière, mauvaise conduite des plantations, mauvaise prise en compte des paramètres géotechniques, etc.). En fonction de l’état initial du site (perturbé, minéralisé, etc.) et de sa situation géographique (abrité des vents, versant d’une colline ubac/adret, entre des bâtiments, etc.) les facteurs abiotiques auxquels les végétaux seront confrontés varieront et auront des conséquences dans les stratégies de conception (micro climat urbain, aspect géotechnique, etc.) et au long court sur le terrain. La prise en compte de ces facteurs tout au long de la vie du parc a une importance capitale car leur fluctuation (appauvrissement qualité du sol, variation climatique, etc.) modifieront l’ensemble des interactions du vivant dans ces socio-écosystèmes. Nous serons probablement en mesure d’identifier un certain nombre de ces perturbations (cf. enquête auprès des paysagistes et des gestionnaires (non présentée) – analyse de discours).
3.2.2 Méthode développée
Les parcs urbains inventoriés
Parmi les 10 parcs marseillais identifiés dans notre panel (cf. 3.1.2), nous nous concentrerons sur 9 d’entre eux. Le Parc de la porte d’Aix ne sera visiblement pas réalisé dans la temporalité de la thèse. Nous l’écartons donc de notre sélection car nous ne pourrons pas procéder aux inventaires de terrain.
Identification des motifs arborés
Afin de caractériser les différents motifs arborés produits dans les parcs publics marseillais, nous déploierons dans un premier temps une approche spatiale afin d’identifier la diversité des motifs végétaux dans les 9 parcs retenus d’un point de vue de leurs assemblages (verticalité et horizontalité, ouvert ou fermé, sur matériaux inertes ou vivants) et de la forme qu’elles occupent dans l’espace (régulière, irrégulière, etc). Pour ce faire nous cartographierons chaque masses arborées à l’aide d’un logiciel de SIG en intégrant les données des services espaces verts de la ville de Marseille. Le traitement des données pourra s’inspirer de la recherche menée à Porto, donnant lieu à une production de documents graphiques sous forme de cartes : une première carte représentant l’intégralité des habitats écologiques présents dans le parc, la seconde montrant les structures végétales (forêt ouverte, forêt fermée, groupes d’arbres, etc.) et les structures non végétalisées (serre, terrasse, etc.), enfin la dernière précisant les différentes strates végétales et leurs associations à de possibles éléments minéralisés. L’idée n’est pas nécessairement de reproduire la méthode développée à Porto mais plutôt de l’ajuster à nos questionnements. Celle-ci nous intéresse pour notre travail d’analyse spatiale d’identification des structures végétales. Il est à noter qu’un relevé de terrain sera conduit afin de préciser les motifs végétaux dans les autres dimensions de l’espace. Cette étape mobilisera des outils propres à la pratique paysagiste (croquis, coupe, plans de plantation, etc.)
Inventaire floristique
A ce stade de la recherche, nous spécifions que la méthodologie d’inventaire proposée est à un stade d’hypothèse de travail. Les résultats de l’enquête auprès des paysagistes nous permettrons d’affiner ultérieurement ce volet méthodologique.
Les premières réflexions, nous amènent à penser que nous mobiliserons les méthodes d’inventaire de la végétation classiquement utilisés en écologie végétale pour caractériser la diversité arborée. Nous n’avons pas encore déterminé si nous effectuerons des relevés floristiques par transect (unité de relevé par ligne) ou par quadra (unité de relevé par surface carré) mais il est certain que nous collecterons les données relevant de la composition floristique ainsi que l’abondance des espèces végétales rencontrées au sein des motifs arborés. Nous pensons également que ces relevés s’effectueront par strate végétale afin de qualifier la végétation accompagnant la strate arborée. Enfin, nous n’avons à ce stade pas encore déterminé les outils d’analyse que nous mobiliserons pour exploiter ces données.
Conclusion
A travers les questionnements, hypothèses de recherche et méthodologies de travail exposés dans ce texte, nous voyons clairement que ceux-ci font appel à différents domaines disciplinaires. Nous espérons que les échanges avec la salle à l’issue de la communication orale nous permettrons de formaliser davantage cette démarche de recherche résolument située à la croisée des sciences de la conception, des sciences du vivant et des sciences de l’homme et de la société.
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[1] Exemple de réalisations permettant encore d’observer des végétaux témoignant du temps passé : parc Second Empire (parc des buttes Chaumont à Paris, parc de la tête d’or à Lyon, parc Longchamp à Marseille, etc.), parc contemporain (parc de la Courneuve en région parisienne, parc André Citroën à Paris, parc central de Bonneveine à Marseille, etc.).
[2] Lovejoy introduit le terme de « biological diversity » dans une communication scientifique en 1980, rapidement anglicisé par celui de « biodiversity » en 1985 par le biologiste américain W.-G. Rosen au National Forum on Biological Diversity.
[3] Convention de Rio en 1992, convention de la diversité biologique en 1994.
[4] Millenium Ecosystem Assessment lancé par l’ONU en 2001. Il a impliqué plus de 1 300 experts et a évalué les interactions entre le fonctionnement des écosystèmes et le bien-être social et économique.
[5] Parmi les 13 domaines d’application de la première loi grenelle de l’environnement (3 aout 2009), les trames vertes et bleue étaient au coeur de la réflexion sur la biodiversité.
[6] Colloque Services écosystémiques apport et pertinence dans les milieux urbains. Tours, les 24-25-26 mai 2016.
[7] L’écosystème urbain correspond effectivement à des zones où la surface des constructions urbaines est supérieure à celle des zones naturelles présentes dans le périmètre d’étude.
[8] L’artialisation est un concept philosophique désignant l’intervention de l’art dans la transformation de la nature. Il a notamment été développé par Alain Roger (1997)
[9] Elle est issue d’un programme de recherche intitulé “Urban Green Structure: Study of the relation between public space morphology and flora and fauna diversity in the city of Porto”. Il a été piloté par le CIBIO (Centre de Investigaçao em Biodiversidade e Recursos Geneticos) et financé par la FCT (Fundaçao para a Ciencia e Tecnologia). L’équipe de recherche (Marques et al., 2015) était composée d’architectes paysagistes et d’écologues spécialisés dans l’étude des plantes ou des animaux (oiseaux, vertébrés ou invertébrés).
[10] Cette classification a permis d’organiser les végétaux selon des types biologiques. Elle est fondée en grande partie sur le positionnement et la protection des organes de survie des plantes (leurs méristèmes de croissance) durant la période défavorable. Cette typologie se décline en cinq grands groupes majeurs de plantes (phanérophytes, chamaephytes, hémicryptophytes, cryptophytes et thérophyte, etc.).
[11] Travaux conduits par l’Institut du Développement Forestier.
[12] La bastide est décrite comme étant la maison des champs vouée au séjour estival de l’aristocratie et de la bourgeoisie marseillaise. C’est en d’autres termes la villégiature inspirée des villas palladiennes de la Rome antique qui s’organisait autour de riches jardins d’agréments (Mihière, 2004).