POPSU Géoportail Notice

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Définir un cadrage sur Géoportail

Pour être certain que les différentes cartes importées soient cadrées de la même manière, il suffit de les centrer toutes sur le même point est de s’assurer qu’elles sont à la même échelle. Ces deux données sont paramétrables sur Géoportail.

Localisation

• La première série de cartes mises en ligne ici est centrée sur Magny-en-Vexin. Il a donc suffi de demander “Magny-en-Vexin” dans le champ de recherche pour s’assurer d’un centrage correct.

• La série sur la vallée de l’Aubette, en revanche, est centrée sur un point qui ne correspond au centre d’aucune commune. Les coordonnées de ce point étant “49.145, 1.755” (latitude, longitude), il a suffi d’entrer ces valeurs dans le champ de recherche.

Pour trouver les coordonnées d’un point sur la carte :
Pointez l’endroit désiré, enfoncez le bouton droit de la souris et demandez «Adresse/coordonnées du lieu»

Une fenêtre apparaît en haut à gauche. Elle indique (de haut en bas) les coordonnées, la commune, la référence cadastrale, l’altitude et le code w3w

 

Notez que vous pouvez aussi entrer la référence cadastrale dans le champ “Recherche” : cliquez sur le bouton + pour accéder à la recherche avancée et demandez “Parcelles cadastrales”.


Échelle

Tant qu’il s’agit de fichiers numériques affichés à l’écran, les échelles s’expriment en pixels / mètres (ou km). Une échelle purement métrique n’aurait pas de sens puisqu’elle dépendrait de la résolution de votre écran. Pour la traduction en échelle sur papier, voir plus loin.

Géoportail affiche par défaut une échelle de 1:17 055 (je ne sais pas à quoi elle correspond). En cliquant sur les boutons + ou – (en haut à gauche de la fenêtre), on divise ou multiplie par deux cette valeur. La molette de la souris permet d’obtenir des échelles intermédiaires, mais avec assez peu de précision. Pour obtenir une valeur précise, entrez la dans la zone de saisie (en bleu sur l’image).

 

Notez que lorsque le pointeur de la souris survole la zone de saisie, une info-bulle apparaît (ci-contre). Elle vous indique la résolution de l’image (ici : 4,78 m / pixel). Cette  échelle, bien qu’approximative, est correcte lorsque vous utilisez la commande “Imprimer” de Géoportail mais elle ne l’est pas lorsque vous utilisez la commande “Capture screenshot” de la vue adaptative.

 

Pour connaître l’échelle exacte de votre image, zoomez sur le coin en bas à gauche, cadrez la barre d’échelle (ici 200 m) et comptez les pixels à l’aide de la commande appropriée (ici commande “Afficher l’inspecteur” sur Aperçu, résultat : 64 px / 200 m, soit 320 px / km).

 

Définir une échelle sur un document imprimé

Une équivalence à retenir : 1 pouce = 2,54 cm

Si vous imprimez votre document à 200 dpi (dots per inche), cela signifie que chaque pixel occupera 1/200e de pouce (0,127 mm). Il est donc possible de calculer l’échelle métrique de ce document.

Exemples
Cadrage 1 imprimé en 200 dpi :
Échelle affichée : 1/17055
Échelle : 320 pixels / km
Largeur du document : 9999 pixels
Largeur en cm (à 200 dpi) : 9999/200 = 50″ = 127 cm
Largeur en km : 9999/320 = 31,25 km
Échelle : 1,27 m / 31250 m = 1/24606
Le même calcul donne 1/12300 pour le cadrage 2 et 1/6150 pour le cadrage 3.
Notez qu’un document de 9999 pixels imprimé en 200 dpi ne tient pas sur un format A0 (84,1 x 118,9 cm).

Cadrage 1 imprimé en 300 dpi :
Échelle affichée : 1/17055
Échelle : 320 pixels / km
Largeur du document : 9999 pixels
Largeur en cm (à 300 dpi) : 9999/300 = 33,33″ = 84,66 cm
Largeur en km : 9999/320 = 31,25 km
Échelle : 0,8466 m / 31250 m = 1/36912
Le même calcul donne 1/18450 pour le cadrage 2 et 1/9225 pour le cadrage 3.

Pour ajuster l’échelle à une valeur plus conventionnelle, vous pouvez jouer sur deux paramètres : la résolution de l’impression (facile à paramétrer sur Photoshop) ou l’échelle affichée sur géoportail.

• Résolution : une simple règle de 3 vous permet de calculer qu’en remplaçant “200 dpi” par “203 dpi”, vous remplacerez 1/24600 par 1/25000, échelle beaucoup plus conventionnelle.

• Échelle : même résultat en remplaçant 1/17055 par 1/17328

Note : n’ayant pas d’imprimante grand format, je n’ai pas pu vérifier ces résultats. Si vous pouvez le faire, dites-moi ce que ça donne…

POPSU Géoportail grand format

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Le territoire de Magny-en-Vexin

sur Geoportail

Les cartes sont centrées sur Magny-en-Vexin (coordonnées : 49.151749 , 1.787188)
Les échelles sont celles proposées par défaut par Géoportail

Magny ville

Cadrage “Vallée de l’Aubette”

Cadrage 1Cadrage 2Cadrage 3

Choisir d’autres cadrages


Photo aérienne Magny ville (~2015)

Télécharger le fichier jpeg (18 Mo)


Cadrage 1

À cette échelle, le cadastre n’est pas affichable

 

Les images mesurent 9999 x 7000 pixels (c’est-à-dire l’équivalent d’un A0 en 200 dpi environ)
L’échelle affichée est 1:17055. Cela correspond à 320 pixels pour 1 km.
La carte pédologique est différente (voir ci-dessous)

Carte topographique (19,4 Mo)

Carte géologique (24,4 Mo)

 

Registre parcellaire graphique 2018 (8,1 Mo)

Photographies aériennes 1950 (27,4 Mo)

Photographies aériennes actuelles (24,3 Mo)

Photographies infra-rouge (27,7 Mo)

Carte pédologique (3,5 Mo)

La carte pédologique (intitulée “carte des sols”) n’est pas affichable à l’échelle 1:17055. Celle présentée ici est à 1:34110, c’est-à-dire une échelle 2 fois moins grande. Pour respecter le même cadrage, elle a été téléchargée à un format de 5000 x 3500 pixels. Pour la superposer aux autres, il suffit de doubler sa résolution sur un logiciel comme Photoshop.


 

Cadrage 2 ^

À cette échelle, les limites des parcelles cadastrales sont affichables (voir plus bas).
Les numéros de parcelles n’apparaissent pas, mais il est possible de les trouver ponctuellement en utilisant la fonction “Adresse/coordonnées du lieu” (voir ici)

Les images mesurent toujours 9999 x 7000 pixels.
L’échelle affichée est 1:8528. Cela correspond à 640 pixels pour 1 km.

Carte topographique (9,6 Mo)

Carte géologique (15,5 Mo)

Registre parcellaire graphique 2018 (4 Mo)

Photographie aérienne de 1950 (22 Mo)

Photographie aérienne actuelle (20,7 Mo)

Carte des pentes (2,7 Mo)

Plan IGN (4,9 Mo)

Cadastre (13,4 Mo)


Cadrage 3 ^

À cette échelle, les numéros de parcelles cadastrales sont visibles

Carte topographique (5,1 Mo)

Parcelles cadastrales (12,3 Mo)

Cartes des pentes (6,8 Mo)

Registre parcellaire graphique 2016 (5,9 Mo)

Registre parcellaire graphique 2017 (6,1 Mo)

Registre parcellaire graphique 2018 (5,9 Mo)

 

Un jour, un jardin – Jour 9 Biblio

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Un jour, un jardin – Icono-bibliographie

Jardin du château de Vaux-le-Vicomte, Maincy

Jacques MOULIN, Les jardins de Vaux-le-Vicomte. Histoire, légende et métamorphoses d’un chef d’œuvre, Paris, Éditions Spiralinthe, 2014.

Aurélia ROSTAING, Frédéric SICHET, André Le Nôtre à Vaux-le-Vicomte. Un nouvel art des jardins, Paris, Somogy, 2013.

Patricia BOUCHENOT-DÉCHIN, Georges FARHAT (dir.), André Le Nôtre en perspectives, cat. exp., Paris-Versailles, Hazan-Château de Versailles, 2013.

LE NOTRE André, Projet de plan du domaine de Vaux le Vicomte, plan, BNF, XVIIe siècle, ©RMN.

PERELLE (famille des), Vue de Grotte dans les jardins du château de Vaux-Le-Vicomte, estampe, Château de Versailles, XVIIe siècle, © RMN : lien.

 

 

 

 

PERELLE (famille des), Fontaine de Neptune et de Grotte dans les jardins du château de Vaux-Le-Vicomte, estampe, Château de Versailles, XVIIe siècle, © RMN : lien.

 

 

 

 

PERELLE (famille des), Vue du château de Vaux-Le-Vicomte et de ses jardins, prise depuis le côté de l’entrée, Château de Versailles, estampe, XVIIe siècle, © RMN : lien.

 

 

 

 

PERELLE (famille des), Vue des jardins du château de Vaux Le Vicomte, estampe, Château de Versailles, XVIIe siècle, © RMN, : lien.

 

 

 

 

 

Israël SILVESTRE, Château de Vaux-le-Vicomte, vue des Petites Cascades, dessin, Musée du Louvre, XVIIe siècle, © RMN : lien

 

 

 

 

Israël SILVESTRE, Château de Vaux-le-Vicomte, vue et perspective générale des jardins, dessin, Musée du Louvre, XVIIe siècle, © RMN : lien.

 

 

 

Le château de Vaux-le-Vicomte en survol, vidéo du Château de Vaux-le-Vicomte : voir la vidéo.

 

 

 

 

Création des Rubans Éphémères au château de Vaux-le-Vicomte, vidéo du Château de Vaux-le-Vicomte, juillet 2019 : voir la vidéo.


 

Un jour, un jardin – Jour 7 Biblio

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Un jour, un jardin – Icono-bibliographie

Villa Lante, Bagnaia, Italie

Bruno ADORNI, « Histoire et interprétations de la Villa Lante à Bagnaia », in Monique Mosser, Georges Teyssot (dir.), Histoire des jardins de la Renaissance à nos jours, Paris, Flammarion, 2002 (première éd. 1991), p. 87-91.

Margherita AZZI-VISENTINI, Histoire de la Villa en Italie. XVe-XVIe siècles, Gallimard-Electa, Paris-Milan, 1996.

Michel de MONTAIGNE, Journal de voyage en Italie par la Suisse et l’Allemagne en 1580 et 1581, première édition 1774 (plusieurs éditions disponibles sur Gallica.

Charles PERCIER, Pierre François Léonard FONTAINE, Choix des plus célèbres maisons de plaisance de Rome et de ses environs, Imp. P. Didot l’Aîné, Paris, 1809. (lien Gallica).

Henry Inigo TRIGG, The Art of Garden Design in Italy, Longmans, Green and Co., Londres, 1906 (lien).

L’Italia da scoprire. Villa Lante a Bagnaia. Vidéo du Ministère de la Culture italien

Voir la vidéo

 

 

 

Raffaello Motta, Villa Gambara, (puis nommée Villa Lante), frêsque, Villa Lante, Bagnaia (VT), Italie, XVIe siècle (autour de 1570), © Agence photographique de la Réunion des musées nationaux (lien).

POPSU – Les “vues adaptatives”

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Fonction “vue adaptative”

Importer des images grand format depuis Géoportail

La fonction « vue adaptative » utilisée ici est destinée aux développeurs de sites web auxquels elle permet de visualiser leurs pages sur des écrans plus petits que celui de leur ordinateur. On visualise alors un écran virtuel.
En la détournant un peu, on peut inverser la démarche et simuler un écran plus grand dont on peut, ensuite, prendre une copie.

Exemples (Vallée de l’Aubette de Magny)

Avec le navigateur Google-Chrome

Télécharger le PDF

Dans le menu représenté par trois petits points alignés verticalement (à droite de la boîte d’outil), demandez « Plus d’outils / Outils de développement » :

 

 

Une zone de texte (html) apparaît à droite de l’écran. Au dessus de cette zone, cliquez sur l’icone représentant des écrans de smartphone et de tablette (infobulle : « Toggle device toolbar »).

 

 

Un nouveau menu local (« Responsive ») apparaît sous la barre d’adresse, accompagné de deux zones de saisie de valeurs numériques :

Vous pouvez saisir les valeurs que vous souhaitez (jusqu’à 9999) dans ces zones, ou modifier le menu local en le déroulant et en cliquant sur « Edit… », ce qui vous permet d’enregistrer les formats qui vous intéressent.

 

 

 

 

 

 

Dans la fenêtre de droite, cliquez sur « Add custom devices… »

Nommez votre format d’écran, entrez ses dimensions dans les zones de saisie puis cliquez sur « Add ». Votre format d’écran personnalisé apparaît maintenant dans le menu local « Responsive » : choisissez-le.

Chrome affiche maintenant la carte Géoportail selon votre nouveau format d’écran, en l’adaptant à la fenêtre grâce à un zoom (qui n’existe pas sur Firefox).

En modifiant la valeur de ce zoom, vous pouvez visualiser votre carte de près (jusqu’à 150 %) et la vérifier avant de l’exporter.

Si votre réseau n’est pas très performant, et si le format demandé est grand, la carte peut mettre un certain temps à s’afficher. Attendez que l’affichage soit terminé avant d’exporter.

L’exportation se fait par copie de votre écran virtuel en utilisant le menu local situé au milieu de la barre d’outil et en demandant « Capture screenshot » :

La copie d’écran est enregistrée dans votre dossier « Téléchargement » (ou dans le dossier que vous aurez défini dans les préférences de Chrome). Le fichier est intitulé : www.geoportail.gouv.fr_carte [suivi du nom de votre format d’écran], il est au format .png (sur Mac).


Avec le navigateur Firefox

Télécharger le PDF

Dans le menu « Outil » de Firefox, déroulez le sous-menu « Développement web » puis sélectionnez « Vue adaptative » (ou utilisez le code clavier…) :

La fenêtre se recadre et une nouvelle barre d’outil apparaît, en dessous de la barre d’adresse :

Le menu déroulant, à gauche, propose différents formats correspondant aux écrans de smartphones et tablettes, mais les champs peuvent aussi être remplis au clavier (ici, on a entré 6000 x 4000) :

On visualise alors un écran virtuel dans lequel on se déplace à l’aide de barres de défilement.

En cliquant sur le petit icone en forme d’appareil photo, à droite, on obtient une copie d’écran de 6000 par 4000 pixels.

Un jour, un jardin

 

UN JOUR, UN JARDIN

Par l’historienne Chiara Santini et le paysagiste Michel Audouy

Entre le 24 mars et le 5 juin, l’École nationale supérieure de paysage a proposé chaque jour une promenade virtuelle dans les principales créations hortésiennes de France et d’ailleurs, à la découverte d’un jardin ou d’un concepteur qui ont marqué l’art des jardins et de la composition paysagère.


Épilogue : Le Grand canal, parc du château de Versailles – La mise en scène des quatre éléments Index

Pour saluer l’été nous vous proposons de redécouvrir le Grand canal du château de Versailles… Michel Audouy et Chiara Santini

« En sortant du chasteau par le vestibule de la cour de marbre, on ira sur la terrasse ; il faut s’arrester sur le haut des degrez pour considérer la situation des parterres des pièces d’eau et les fontaines des cabinets. Il faut ensuite aller droit sur le haut de Latonne et faire une pause pour considérer Latonne, les lésars, les rampes, (…) L’allée royalle, l’Apollon, le canal… ». Par ces indications données dans sa « Manière de montrer les jardins de Versailles », Louis XIV conviait ses contemporains au spectacle de ses jardins ; particulièrement celui de la grande perspective Est-Ouest où le soleil couchant se reflète depuis plus de trois siècles sur l’eau du Grand canal et les miroirs de la Galerie des glaces. L’histoire de cet axe est indissociable de la destinée royale du site. Dès le début du XVIIe siècle, le château de Louis XIII comporte déjà une allée est-ouest qui s’arrête à l’actuel bassin d’Apollon. Ce tracé est amplifié à partir de 1668 par André Le Nôtre (1613-1700) avec la création du Grand canal sur une zone d’ancien marais traversée par un ruisseau. La construction de cet ouvrage (1650 mètres de long, 62 de large), comme dans tous les grands jardins d’alors, bénéficie d’avancées techniques majeures en hydraulique et en mesure de l’espace (cartographie, nivellement). Le creusement est d’ailleurs décidé avec l’arbitrage de l’Académie des Sciences qui s’appuie pour le relevé de terrain sur un instrument récemment inventé, doté d’une lunette d’approche et d’une mire réglable. Plusieurs sommités participent à l’aventure, dont l’ingénieur du canal des Deux Mers (canal du Midi), Pierre-Paul Riquet de Bonrepos (1609-1680). Ce dernier travaille sur le projet de liaison du Grand canal à la Loire par la construction d’un nouveau canal dont l’entreprise, calculs de l’Abbé Picard à l’appui (vers 1674), s’avère irréalisable. La construction du Grand canal s’inscrit dans le chantier titanesque de Versailles pour approvisionner les jardins en eau, et assainir les terres marécageuses. Le Grand canal est l’une des pièces majeures du dispositif, à la fois réserve d’eau (qu’elle est toujours), et exutoire des eaux de ruissellement du terrain. Plus largement, ce long bassin s’inscrit dans une continuité millénaire de l’art des jardins et de l’aménagement du territoire, depuis l’Egypte ou la Rome antiques (canal de Canope, Villa d’Hadrien), et réactivée dans les jardins dès la Renaissance (Fontainebleau, Courances…). A la même époque qu’à Versailles, d’autres canaux sont aménagés dans les jardins de Vaux le Vicomte, Chantilly, Sceaux… et parallèlement sur le territoire, le canal du Midi, de Bourgogne…

Cet axe organise à la fois la structure du domaine, l’orientation du château et le tracé d’une partie de la ville. Le Nôtre réalise ici sa grande œuvre, dessinant après Vaux le Vicomte, des effets de perspective qu’il reproduit ici à l’échelle d’un grand territoire ouvert. De la terrasse du château, on perçoit deux bassins au premier plan, l’extrémité de la terrasse et directement au-dessous, au lointain, le Grand canal : nappe d’eau paisible et régulière découpée dans l’herbe, « 23 ha de ciel » pour citer Erik Orsenna. L’avancée vers le bord de la terrasse permet de découvrir une grande partie du jardin jusque-là invisible : rampes en amphithéâtre, fontaine de Latone, parterres, tapis vert, bassin d’Apollon… Au centre de l’axe, le tapis vert accompagne régulièrement la pente jusqu’au bassin d’Apollon. Celui-ci, construit en 1671 sur l’emplacement d’un premier bassin (le Rondeau – 1639), réintroduit l’eau dans la composition, et introduit le canal. Au-delà, la perspective se prolonge par une allée, ouverte sur une étoile (l’Étoile Royale) récemment reconstituée, dont les trois branches supérieures reprennent en sens inverse la patte d’oie ouverte devant le château. Au deux cinquièmes de sa course, le canal est coupé par un bras latéral, le tout formant une croix. Ce second canal, creusé à partir de 1671, (long de 1070 mètres), relie la Ménagerie au sud (disparue) au Grand Trianon au nord.

La flottille de bateaux et les gondoles offertes par la République de Venise du temps où le Grand canal était la vitrine des ambitions maritimes de la France ont disparu depuis longtemps, ainsi que les grandes fêtes. Mais le spectacle est toujours là, toujours recommencé, à chaque heure, à chaque saison, où l’eau reflète les variations infinies du soleil et s’enflamme au solstice d’été.

Crédits photos : Isabelle Schaeffer – 2007

Bibliographie
– Thierry Mariage « L’univers de Le Nostre », éd. Pierre Mardaga, éd. de 2003
– Louis XIV, Manière de montrer les jardins de Versailles (réédition de 1992), éditions Réunion des Musées nationaux,
– Anne Allimant, Collectif,  ss la dir. de Georges Farhat, « De terre et d’eau. La maîtrise des ressources hydrogéologiques dans la construction des jardins », André Le Nôtre. Fragments d’un paysage culturel, éd. Musée d’Ile-de-France, Sceaux, 2006.
– Erik Orsenna, Portrait d’un homme heureux. André Le Nôtre 1613-1700, éd. Fayard, 2000

19 juin 2020


Jour 51 : Le Potager du Roi, jardin-école et patrimoine vivant Index

La chronique « Un jour, un jardin » s’interrompt aujourd’hui sur le même lieu où elle avait débuté en mars au moment de la fermeture des jardins. Cinquante-et-un jardins plus tard, les grilles sont à nouveau ouvertes, celles du Potager du Roi en particulier. C’est aussi le traditionnel week-end du « Rendez-vous aux jardins » dont l’annulation cette année prend une signification particulière… mais rendez-vous aux jardins quand-même !

Depuis la fin du XVIIIe siècle, le Potager du Roi a accueilli plusieurs établissements pédagogiques consacrés aux sciences agricoles, horticoles et au projet du paysage et des jardins. Une première école – l’École Centrale – s’installe au Potager du Roi pendant la Révolution française et une deuxième – l’Institut National Agronomique sous la IIe République. En 1874, le Potager du Roi devient le jardin d’expérimentation et d’étude de l’École nationale d’horticulture (ENH), devenue École nationale supérieure (ENSH) en 1961, pour être ensuite confié à l’École nationale supérieure de paysage (ENSP) créée en 1976 à partir de la section du Paysage et de l’art des jardins de l’ENH. En 1995, en effet, l’ENSH part à Angers, dans un nouveau pôle scientifique autour duquel se développe désormais la recherche et la production horticole, et l’ENSP assume la complète gestion du site. Le jardin est alors ouvert au public et aux évènements culturels pour la première fois dans son histoire. 

Même si le site est classé Monument historique depuis 1926, la prise de conscience patrimoniale s’élabore lentement et s’affirme résolument seulement à partir des années 1980 (Charte des Jardins Historiques, ICOMOS-IFLA, 1981), en lien avec le classement du Domaine de Versailles au Patrimoine de l’humanité par l’UNESCO (1979) et un intérêt croissant pour le tourisme de jardin. Plusieurs événements, dont certains sont devenus des rendez-vous réguliers, comme Les Saveurs du Potager du Roi, le Mois Molière (organisé par la Ville de Versailles), le Festival de danse contemporaine « Plastique Danse Flore »… rythment désormais la vie d’un jardin qui s’acquitte d’une triple mission patrimoniale,  socio-culturelle et pédagogique : produire, expérimenter et transmettre.

Depuis le début des années 2000, le Potager a engagé sa conversion à l’agroécologie et vend une partie de ses produits (frais et transformés) dans une boutique-librairie ouverte sur la ville. Cette conversion se poursuit actuellement par une grande campagne de replantation des arbres, la modification de pratiques culturales, ou encore l’expérimentation de nouvelles associations végétales.

Ceci se réalise dans un profond respect des structures architecturées historiques qui font elles-aussi, par tranches successives, l’objet d’une restauration complète, inédite depuis plus de 100 ans, conduite en lien avec le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et le ministère de la Culture. Dans ce cadre, la restauration des murs est une priorité, notamment pour le renouvellement des formes palissées.

Chemin faisant, le Potager du Roi s’inscrit pleinement dans la vie de Versailles, que ce soit à travers les partenariats avec la ville ou avec des associations, comme à travers les formations au jardinage et la participation de bénévoles aux travaux des jardiniers.

Plus d’informations sur le site du Potager du roi

5 juin 2020


Jour 50 : Jardin du Luxembourg – Paris Index

Le jardin du Luxembourg appelé familièrement « Le Luco » par les Parisiens, est l’archétype du jardin public dans ce qu’il a de beau et d’accueillant.

En 1612 Marie de Médicis (1575-1642) achète au duc de Pinay-Luxembourg un terrain hors de Paris, agrémenté d’un hôtel particulier (Petit Luxembourg, actuelle résidence du président du Sénat) et d’un jardin de 8 hectares. Les travaux de transformation du site commencent cette même année, avec les premières plantations d’ormes et de marronniers. Plusieurs jardiniers interviennent et le fontainier Thomas Francini (1571-1651) est chargé des jeux d’eau. Le jardin s’agrandit au fil des acquisitions jusqu’à atteindre 24 ha en 1630 ; à partir de cette date Jacques Boyceau de la Barauderie (v.1562-v.1634) , intendant des jardins du roi, intervient sur un plan général. Il dessine les grandes lignes de la composition que nous pouvons encore observer aujourd’hui : carrés d’arbres alignés sur l’axe est-ouest, clairière au centre occupée par des parterres et un bassin. 

La grande extension du Luxembourg, partiellement ouvert au public depuis sa création, a lieu sous la Révolution et le Directoire quand l’État récupère les terrains du couvent des Chartreux. Le jardin, qui atteint alors 48 ha, peut enfin ouvrir un axe sur l’Observatoire, et s’étendre vers le sud en intégrant l’ancienne pépinière du couvent. Les architectes Chalgrin, puis Baraguey, sont chargés de ces travaux, qui comprennent également la transformation des parterres, la replantation du secteur oriental et la restauration de la fontaine Médicis.

Devenu l’un des premiers parcs publics de Paris, le jardin acquiert sa forme actuelle avec les grands travaux haussmanniens qui l’amputent de plusieurs hectares pour tracer le Bd Saint-Michel et les rues de Médicis, Auguste Comte et Guynemer. Au centre, il garde sa structure « classique », et en périphérie, accueille un jardin tout en courbes dessiné par le paysagiste Barillet-Deschamps (1824-1873), sur le modèle des jardins publics parisiens de la même époque. Il préserve toutefois quelques vestiges des Chartreux comme un verger, et une petite pépinière.

Propriété du Sénat, le Luxembourg a sa propre équipe de jardiniers et son conservateur, chargés d’accompagner dans le temps et d’adapter à de nouveaux usages ce lieu témoin d’une longue histoire horticole et paysagère.

Bibliographie :
– “Jardin du Luxembourg” in L’art des jardins parisiens, Dominique Jarrassé, éditions Parigramme 2002, pages 65 à 70
– Croquis parisiens et croquis d’ailleurs, Joris-Karl Huysmans, Editions de Paris-Max Chaleil
– Le jardin du Luxembourg. Promenade artistique et littéraire, Dominique Jardillier, éditions Réunions des Musées nationaux, 2018

Légende :  Jardin du Luxembourg, Rond central – crédits Michel Audouy

4 juin 2020


JOUR 49 : High line park – New-York Index

Le High Line Park déroule son ruban vert sur 2,3 km entre les immeubles de Manhattan depuis la fin des années 2000. Conçu en 2004 par le paysagiste James Corner avec Piet Oudolf, ce jardin tout en ligne occupe un ancien viaduc ferroviaire dont l’esprit industriel a été partiellement préservé.

A l’inverse de la Promenade Plantée parisienne ouverte 20 ans auparavant (et 1ère source d’inspiration de la High Line), les créateurs de ce projet cherchent à reconstituer une friche jardinée rappelant les années d’abandon où l’ouvrage était envahi par la végétation. Après avoir restauré et étanchéifié la structure, les concepteurs s’attachent dans le détail à retrouver l’image d’une végétation spontanée venue par hasard coloniser un sol minéral.

En effet, les dalles en pierre de la promenade sont posées en réservant des joints plus ou moins larges pour planter graminées, plantes vivaces, arbustes… qui semblent s’échapper de la pierre et des anciens rails en partie recyclés. Les zones plantées sont irrégulièrement disposées sur tout le parcours, parfois au centre, parfois sur les bords, rompant ainsi la monotonie d’une longue promenade linéaire.

Des bancs, des chaises longues animent des « placettes », dans ce lieu étonnamment protégé de la ville mais en relation permanente avec elle, grâce aux vues ininterrompues sur les silhouettes architecturales de Manhattan.

Légende et crédit : High Line Park – Echappées du sol © M. Audouy

2 juin 2020


Jour 48 : Jardin botanique de Padoue, Italie Index

L’« Horto medicinale » de Padoue, en Vénétie, est le plus ancien jardin botanique du monde et depuis presque cinq siècles l’un des lieux les plus prestigieux pour l’étude des plantes et des sciences qui en découlent (médecine, chimie, pharmacie, écologie).  

Créé en 1545 sous la direction du médecin et botaniste François Bonafede (1474-1558), à qui le sénat de Venise avait confié la chaire de « Lecture Semplicium » (lecture des « simples ») à l’Université de Padoue, le jardin est destiné à aider les apprentis médecins à reconnaitre les plantes médicinales (c’est-à-dire les « simples ») par leur pratique directe. En effet, les textes de botanique grecs ou latins, ou les échantillons séchés disponibles auprès des pharmacies – supports sur lesquels s’étaient fondés jusqu’alors les cours – s’étaient avérés fort insuffisants à développer auprès des étudiants une connaissance satisfaisante.

Tirant profit de l’important réseau commercial de la République de Venise, le jardin commence bientôt à accueillir un grand nombre d’exemplaires provenant des pays de la Méditerranée orientale. Au fil du temps, les collections s’enrichissent progressivement, jusqu’à attendre 16 000 plantes – entre herbacées, arbustes et arbres – au XIXe siècle. Parmi celles-ci des plantes qui se répandront ensuite avec succès dans le reste de l’Europe, comme le café, décrit pour la première fois à Padoue à la fin du XVIe siècle, la pomme de terre, l’agave et le lilas.

Le dessin d’origine est encore celui que nous pouvons observer aujourd’hui : quatre parterres de forme carrée, disposés autour de deux allées perpendiculaires et fermées par un mur circulaire percé par 4 portes, en correspondance des les 4 points cardinaux. Conçue par l’homme de lettres Daniel Barbaro (1514-1570), le professeur de médecine Pierre da Noale et l’architecte Andrea Moroni, cette composition correspond à la double finalité du jardin, la culture des plantes (compartiments de forme géométrique) et leur exposition à des fins scientifiques (le cercle est la forme du théâtre).

Très réputé, fréquenté par les scientifiques de toute l’Europe, au fil des siècles le jardin botanique de Padoue s’agrandit considérablement, jusqu’à s’étendre bien au-delà de sa clôture circulaire. Des serres, une salle pour les cours (le Théâtre de botanique), une bibliothèque, des archives, un herbarium viennent compléter l’établissement entre les XIXe et le XXe siècles. Classé au titre du Patrimoine mondial de l’Humanité en 1997, depuis 2014 le jardin s’est enrichi d’un nouvel établissement, le Jardin de la Biodiversité. Grâce à des techniques innovantes, cette grande serre aux formes contemporaines accueille 1300 plantes des climats tropical, subhumide, aride et tempéré.

Légende : A. Tosini, Veduta panoramica dell’Orto Botanico di Padova, 1854, ©wikipedia

29 mai 2020


Jour 47 : Les jardins de l’imaginaire – Terrasson-Lavilledieu Index

Les jardins de l’Imaginaire invitent sur 6 ha à une promenade dans des « fragments », archétypiques de l’histoire des jardins. Cet ensemble de 13 jardins a été conçus entre 1992 et 1999 par la paysagiste Katryn Gustafson, lauréate d’un concours international visant à créer à Terrasson un haut lieu touristique. Le projet se déploie sur un coteau boisé dominant le vieux village. On entre discrètement par un tunnel de verdure dont les arceaux débordent de plantes grimpantes pour arriver dans un jardin d’inspiration médiévale. Plus loin, une roseraie s’épanouit sur une structure tubulaire métallique calée au plus près du terrain. Dans le même esprit, le jardin d’eau joue de la déclivité sur une très longue cascade traversant un plateau minéral d’où jaillissent de multiples jets. Ce plateau croise le parcours d’une rigole maçonnée (sorte de petit canal) filant dans le reste du jardin en un trait régulier perpendiculaire à la pente. Tout ici revisite les grandes compositions d’un art des jardins universel, en intelligence avec le site. On pense d’ailleurs aux fontaines des jardins la Renaissance, des jardins classiques ou orientaux… mais les matériaux et leur mise en œuvre sont contemporains à l’image du petit amphithéâtre en belvédère dont les assises en acier rouillé épousent élégamment l’arrondi du talus. Le seul bémol à ce bel enchaînement est le parcours de visite, exclusivement orienté sur la symbolique.

Légende : L’amphithéâtre et belvédère  – crédits photo Michel Audouy

28 mai 2020


Jour 46 : Jardins du palais royal de Caserta, Naples, Italie Index

La construction du palais de Caserta, au nord-ouest de Naples, constitue l’un des exemples les plus remarquables de l’influence du modèle versaillais sur la construction des résidences princières en Europe, au cours du XVIIIe siècle.

Au début des années 1750, le roi de Naples, Charles de Bourbon, confie à l’architecte Louis Vanvitelli (1700-1773), la construction d’un nouveau palais royal à partir d’une villa réalisée à la Renaissance par les princes d’Acquaviva. S’inspirant des principes de composition d’André Le Nôtre et de son école, Vanvitelli articule le projet autour d’un axe de perspective organisé en trois séquences : la place d’armes sur laquelle converge le trident viaire ; le palais traversé au rez-de-chaussée par un portique qui crée un lien visuel entre la place et le parc royal ; le jardin, où aux parterres en broderies succèdent des couverts encadrés par des palissades et une chaîne de bassins et fontaines remontant la colline jusqu’à une cascade spectaculaire. Afin d’alimenter les nombreuses installations hydrauliques du jardin, en outre, l’architecte conçoit un aqueduc monumental (aqueduc Carolin), véritable prouesse d’ingénierie hydraulique, qui suscite l’admiration de voyageurs et scientifiques.

Encore en cours à la mort de Louis Vanvitelli (1773), le chantier des jardins est terminé par son fils Charles (1740-1821), qui simplifie le dessin tout en respectant les principes généraux de la composition. La longue durée de cette entreprise rend toutefois anachronique l’œuvre avant même son achèvement. En effet, pendant qu’il complète les tracés réguliers de son père, l’architecte est appelé à concevoir le « royal jardin anglais », avec le jardinier et botaniste John Andrew Graefer (1746-1802), arrivé d’Angleterre sur la demande de lord William Hamilton. Voulue par la reine Marie-Caroline, cette composition originale articule la mode des jardins pittoresques, agrémentés de fabriques, avec la tradition des jardins botaniques, où les plantes autochtones côtoient des spécimens provenant de latitudes lointaines.

Légende : Vue à vol d’oiseau du palais royal de Caserta, in Louis Vanvitelli, “Dichiarazione dei disegni del reale palazzo di Caserta”, Reale stamperia, Naples, 1756.

27 mai 2020


JOUR 45 : Le jardin de Claude Monet – Giverny et Musée de l’Orangerie à Paris Index


Claude Monet (1840-1926) découvre Giverny en 1883 et en fait l’acquisition en 1890. C’est une longue maison basse alignée sur la rue du village avec, à l’arrière, un jardin transformé et agrandi pendant plus de vingt ans. Monet est passionné d’horticulture et son jardin témoigne d’une passion devenue envahissante. On qualifie le lieu d’œuvre ou de laboratoire (qualification plus juste) où l’artiste explore les vibrations des couleurs, les contrastes, le mouvement de la lumière en toutes saisons.

Le plan du jardin est simple, comparable à celui d’un « jardin de curé » où fleurs et arbres sont cultivés en plates-bandes régulières de part et d’autre d’une large allée ponctuée d’arceaux couverts de rosiers. L’originalité vient d’une profusion de fleurs renouvelée constamment et enrichie sans cesse, selon les effets recherchés. Les couleurs, les parfums changent tout le temps ; « les ravenelles achèvent d’exhaler leurs derniers arômes ; les divines pivoines sont fanées (…) déjà les capucines et les escholtzias montrent leur jeune verdure… », écrit Octave Mirbeau.

Le bassin des nymphéas est aménagé à partir de 1895, dans une parcelle séparée du jardin par la route. Là, dans une scène japonisante plantée de saules pleureurs, de glycines, d’herbes folles et de nymphéas, Monet a créé son « champ d’eau chargé de fleurs et de feuillages dans tous les brassements de la flambée solaire… » (Georges Clemenceau), inoubliable champ qu’on retrouve depuis 1927, au musée de l’Orangerie dans le Cycle des nymphéas. Ultime chef d’œuvre du peintre, éclairé par la lumière du jour, peut-être son vrai jardin. 

Légende et crédit : Extrait du cycle des nymphéas, musée de l’Orangerie, Paris © Michel Audouy

26 mai 2020


JOUR 44 : Emscher park – Duisbourg – Allemagne Index

Créé sur une décennie (1991-2001) par le paysagiste Peter Latz et son équipe, Emscher park s’inscrit dans un vaste projet de réhabilitation de la vallée de l’Emscher (Ruhr), après l’arrêt des industries du charbon et de l’acier. Sur un site de 230 ha, le paysagiste a transformé de manière inattendue des vestiges industriels et des installations minières en éléments structurants d’un vaste parc. Partout, des structures d’acier ou de béton (portiques, cheminées, socles…) ont été détournées comme autant de « fabriques » et d’éléments d’organisation des nouveaux usages d’un lieu destiné à la promenade. Le cœur de l’ancienne usine Thyssen est devenu une vaste cour plantée de cerisiers du Japon dont les branches délicates contrastent sur fond de hauts-fourneaux hiératiques entièrement préservés dans leur rouille. Les anciens rails sont devenus les allées du parc et des anciennes fosses de décantation aux murs rugueux constituent les enclos d’une série de jardins très horticoles. Le tout constitue un grand jardin au milieu des ruines.

Paradoxalement, ce site très pollué est géré selon des principes écologiques. L’écoulement des eaux de pluie a été repensé entièrement pour restituer une eau propre à la rivière.

En célébrant les traces de la grande industrie du XIXe siècle, Emscher park a contribué à changer fortement l’image négative de toute une région, sans faire table rase d’une mémoire de plus d’un siècle.

Légende et crédit photo : Vue d’en haut de la plantation des cerisiers dans les hauts-fourneaux © Latz and Partners

25 mai 2020


Jour 43 : Jardins botaniques royaux de Kew, Grande-Bretagne Index

Les jardins de Kew, aux portes de Londres, représentent depuis le XVIIIe siècle une référence incontournable pour les sciences botaniques.

En 1757 la princesse Auguste de Galles commande à l’architecte William Chambers (1723-1796) la création d’un jardin dans le domaine royal de Kew, où quelques années auparavant était intervenu l’architecte William Kent (1658-1748). Fils de commerçants anglais transférés en Suède, Chambers a une culture cosmopolite. Féru de voyages et d’architecture, il a fréquenté l’École des arts de Jacques-François Blondel (1705-1774), a traversé une partie de l’Europe et séjourné plusieurs mois en Chine, à Canton, entre 1743 et 1748. Ces voyages ont eu un rôle fondamental pour sa formation ainsi que pour la définition de sa démarche de conception.

Suivant les préceptes des jardins chinois, Chambers articule le site – composé d’un lac aux contours irréguliers encadré par de grandes prairies – autour d’une variété de scènes soigneusement aménagées pour créer un effet de surprise. Puisant dans ses nombreuses références architecturales, il conçoit une vingtaine de fabriques, dont plusieurs temples, une volière, une ménagerie, une mosquée, un bâtiment d’inspiration mauresque (appelé l’Alhambra), et surtout une grande pagode octogonale de presque 50 mètres de haut. Avec ses 80 dragons qui rythment les 10 étages et son toit doré, elle s’affiche encore aujourd’hui comme l’un des exemples les plus remarquables de l’influence croissante, dans l’art des jardins, de la mode des « chinoiseries ». 

Si toutes ces réalisations marquent les esprits et font l’objet de descriptions et représentations – à partir du volume que le même Chambers publie en 1763 – toutefois la vocation principale des jardins de Kew est l’étude des plantes. Dès la création, en effet, le domaine est doté d’un jardin botanique où, sous la direction de William Aiton (1731-1793), est exposée une importante collection. Au fil des années cette activité se développe aux dépens du jardin d’agrément et transforme Kew en une sorte de synthèse de la richesse botanique de l’Empire. Les fabriques de Chambers sont progressivement démantelées pour faire place à des structures techniques de plus en plus performantes à la fois du point de vue des matériaux, que des systèmes de chauffage. C’est le cas, par exemple, de la Palm House ou de la Temperate House, monumentales serres réalisées à l’époque victorienne par l’architecte Decimus Burton (1800-1881) et l’ingénieur Richard Turner (Palm House).

Légende : H. Schutz, A view in Kew Gardens of the Alhambra & Pagoda, 1798 environ, ©The British Library

22 mai 2020


Jour 42 : Jardin des Méditerranées – Rayol-Canadel (Var) Index

Le jardin des Méditerranées s’étend sur un terrain accidenté de 25 ha qui descend progressivement vers la mer. Cette enclave est acquise en 1989 par le Conservatoire du littoral dans le cadre de ses missions de protection des espaces littoraux.

Dès 1989, Gilles Clément est sollicité pour un projet de valorisation du site – un ancien domaine créé en 1909, transformé autour de 1940 – où dans les belles traces d’un ancien parc se mêlent des plantes locales (térébinthes, pins d’Alep) et des plantes exotiques (agaves, eucalyptus).

Le paysagiste ne propose pas de transformations majeures mais plutôt des interventions ponctuelles (un nouvel escalier, des murets…), accompagnées d’un plan de jardinage progressif et permanent.

L’originalité du projet réside dans l’introduction de nouvelles espèces botaniques provenant des différentes parties du monde où l’on retrouve les conditions du climat méditerranéen. Ainsi, plusieurs jardins évoquant des paysages naturels d’Australie, de Nouvelle-Zélande, de Californie, des Canaries… se succèdent et se fondent au « maquis » existant tout en présentant au public une collection de plantes parfois étranges comme les blacks-boys du bush australien. Le Rayol est un terrain d’expérimentation du comportement des plantes et de l’évolution des milieux, où pour citer G. Clément : « Chaque jardinier peut être vu comme un entremetteur de rencontres entre espèces qui n’étaient pas destinées, a priori, à se rencontrer… ».

Le domaine du Rayol préserve un bout de Méditerranée en même temps qu’il présente toute sa richesse botanique.

Légende : Vue sur le Grand escalier – Crédits : Michel Audouy

Biblio : « Le domaine du Rayol. Oser les Méditerranées » Jean-Philippe Grillet, Gilles Clément éd. Actes Sud, 2019

21 mai 2020


Jour 41 : Parc Guell – Barcelone Index

Etagé sur un terrain en pente des hauteurs de Barcelone, le parc Guëll est inclassable même s’il rappelle des jardins maniéristes comme Bomarzo ou Isola Bella, et plus récemment Le jardin des Tarots de Niki de Saint-Phalle.

Antonio Gaudi (1852-1926), illustre architecte catalan concepteur de la Sagrada familia (Barcelone) conçoit le parc pour le compte d’Eusebio Guëll, industriel et mécène local. Le projet initial est une cité-jardin prévue sur 20 ha mais seul le parc aboutira. Le chantier dure de 1900 à 1914.  

Dès l’entrée, un escalier monumental sculpté de figures animales conduit vers la salle des colonnades, sorte de grotte au plafond ondulé tapissé de céramiques blanches. Son toit est une terrasse-belvédère sur la ville, où se déploie un banc/garde-corps généreux et tout en courbe, couvert de céramiques multicolores. Plus loin, une galerie repose à la fois sur la pente et sur une enfilade de colonnes obliques défiant les lois de l’ingénierie, comme cette autre pergola en pierres brutes à la fois solide et de guingois. Chaque pièce du parc est unique, conçue dans les moindres détails par le créateur et réalisée sur mesure par des artisans. Gaudi utilise la pierre brute autant que la pierre taillée, recouvre de céramiques, ajoute des pièces de métal forgé ou découpé… Le tout se réfère autant à l’architecture gothique (comme dans plusieurs de ses bâtiments) qu’à des formes naturelles. On associe souvent Gaudi à l’Art Nouveau même si sa fantaisie sans limite exprimée pleinement dans ce parc est très personnelle. C’est aussi la force et la magie du lieu.

Légende : Galerie en pierres brutes et taillées – Crédits Michel Audouy

20 mai 2020


Jour 40 : Jardin du palais ducal d’Urbino, Italie Index

Le jardin suspendu du palais ducal d’Urbino est l’un des témoignages les plus éclairants de la transition entre le jardin de simples de tradition médiévale et le jardin d’agrément – lieu des délices à finalité politique – qui se développe dans l’Italie de la première Renaissance (XVe siècle).

Réalisé autour de 1476, probablement à partir d’un projet du peintre et ingénieur Francesco di Giorgio Martini (1439-1502), ce petit espace est en effet clos par des murs et organisé en parterres quadrangulaires – comme les cloîtres – et ouvert sur la campagne par de grandes fenêtres, percées sur le seul côté non occupé par des bâtiments.

Les plantations des parterres étaient légèrement surélevées par rapport au plan des allées, alors que les murs de clôture disparaissaient derrière le lierre et le jasmin. Cette configuration – reprise quelques années plus tard par l’architecte Bernardo Rossellino pour le palais papal de Pienza (1459-1463) – donnait ainsi au jardin un statut incertain. Il apparaissait à la fois comme une pièce intérieure du château et un belvédère ouvert sur les terres du duché de Frédéric III de Montefeltro (1422-1482), dominées par des collines verdoyantes s’étendant jusqu’à la mer. De plus, un corridor réalisé sur le mur et unissant les appartements du duc et de la duchesse (aujourd’hui disparu), permettait de sublimer cette expérience par une immersion totale dans le paysage. 

Cette structure particulière, qui fait du projet de Francesco di Giorgio le premier jardin suspendu de la Renaissance italienne, n’est pas, toutefois, son seul élément d’intérêt. Planté sur dalle, dirait-on aujourd’hui, le jardin jouait non seulement un rôle esthétique, mais également technique. Sous son assiette, en effet, courait un système de canaux de décharge destiné à capter l’eau de pluie qui assurait l’alimentation en eau du palais. Le jardin du Palais ducal d’Urbino fait ainsi état de l’évolution des techniques de gestion de l’eau, l’une des avancées scientifiques majeures de la Renaissance, non seulement en ce qui concerne la décoration des jardins, mais également l’aménagement du territoire.

Légende : Jardin du palais ducal d’Urbino (2018), © Chiara Santini

19 mai 2020


Jour 39 : Jardin de la Ménara et de l’Agdâl – Marrakech (Maroc) Index

Entre les murs de Marrakech, au sud de la Médina deux immenses jardins clos (plus de 400 ha) accompagnent la ville depuis le XIIe siècle. Dans la riche typologie des jardins orientaux, les jardins de l’Agdâl et de la Ménara sont des jardins royaux – buhayra ou agdâl – à la fois vergers productifs et lieux d’agrément en lisière de la ville dense. Ils datent de l’époque de la dynastie Almohade (1130-1269) dont le style se répandra jusqu’au sud de l’Espagne (Séville, Grenade…). La distribution de l’eau dessine le plan : de grands bassins carrés surélevés (3 ha pour la Ménara) occupent le centre d’un damier de vergers plantés d’oliviers, d’orangers, de grenadiers et de dattiers… A l’époque de leur splendeur, on y trouve aussi des céréales, des cultures maraîchères, des herbes médicinales et des fleurs. L’eau, indissociable de tout jardin oriental, est acheminée par des khettaras (ensemble de galeries souterraines drainant les nappes phréatiques des environs de la ville et des oueds). Les bassins sont des réserves pour la ville et l’irrigation.

Agdâl et Ménara sont entièrement réhabilités et replantés au XIXe siècle par les sultans Moulay Adderrahmane (1822-1859), et Sidi Muhammad V (1859-1873). Le pavillon actuel de la Ménara date de cette époque. Aujourd’hui les deux jardins, toujours exploités pour leurs fruits, restent des lieux de promenade prisés des marrakchis, et un témoignage exceptionnel d’un art des jardins associant admirablement intelligence technique et beauté ; un fragile Eden aux portes du désert.

Légende : Vue du bassin de La Ménara – crédits Michel Audouy
Référence biblio : Jardins de Marrakech, Mohammed El Faïz, éditions Actes Sud, juin 2000

18 mai 2020


Jour 38 : Jardins de Pompéi, jardins urbains de la Rome antique Index

Les jardins de Pompéi ou d’Herculanum, vivent encore à travers des fresques préservées du temps, ou reconstitués sur des bases archéologiques dans plusieurs maisons emblématiques comme celles des Amours dorésdu Faune, des Vetii, de Loreius Tibertinus, du verger

Ces jardins sont indissociables de la composition architecturale des maisons urbaines. Au fil des siècles, les romains affinent un modèle en partie hérité des grecs et des civilisations du Croissant fertile, pour unir toujours plus intimement la maison et le jardin. La maison à péristyle – qui englobe un jardin intérieur – est la forme la plus citée mais l’histori en Pierre Grimal dans ses « Jardins romains » (1944) en établit toute une déclinaison selon la taille, l’époque et la fortune des propriétaires. Les jardins traduisent aussi l’affirmation d’un statut social. Outre les colonnades (peristilon) ou pergolas (peripteros) qui dessinent la limite entre intérieur et extérieur, les jardins présentent un registre décoratif minéral – balustrades, fontaines, bancs, statues (représentation de dieux ou portraits des propriétaires) – et végétal : plantes taillées (myrte, laurier, buis, lierre en guirlandes), vigne, fruitiers, fleurs… et des oiseaux exotiques dans des volières.

A l’intérieur, dans des pièces assez peu ouvertes le jardin se prolonge avec des fresques (Opera topiaria) : représentations de jardins ou de paysages symboliques (Villa de Livie à Prima Porta), empruntant parfois au théâtre, pour élargir l’horizon au-delà des murs.

Légende : Détail d’une fresque de la maison du Verger, Pompéi – Crédits ; Ansa / Cesare Abbate

15 mai 2020


Jour 37 : Le bosquet du Théâtre d’eau contemporain – jardins du château de Versailles Index

L’ancien bosquet du Théâtre d’eau n’a cessé de péricliter depuis sa transformation sous le règne de Louis XVI. Le Bosquet du Rond vert, simple clairière plantée d’arbres – qui le remplace depuis le XVIIIe siècle – parvient difficilement au XXe siècle et disparaît définitivement dans la tempête de 1999.

A l’aube des années 2010, la création d’un nouveau bosquet du Théâtre d’eau est un double évènement car un bosquet disparu renaît, et dans une forme contemporaine.

Peu de traces subsistent de la magnificence passée sinon la figure générale en carré, les entrées et les allées, une topographie en pente et la Fontaine des Enfants dorés placée en lisière de la salle de verdure en 1704 par Hardouin-Mansart. C’est pourtant à partir de ces traces, et imprégnés de l’histoire des lieux, que le paysagiste Louis Benech et l’artiste Jean-Michel Othoniel, lauréats du concours en 2012, conçoivent leur œuvre. L’eau, mise en scène dans trois bassins ronds en acier reliés par un bras, redevient l’élément central dans un dispositif théâtral évoquant la composition originale. On accède sur la scène après avoir emprunté des allées courbes et fait des détours dans un sous-bois de chênes verts en devenir. Là, à partir d’une clairière sablée, on peut découvrir le spectacle de l’eau s’échappant de grandes boucles serpentines en perles de verre tapissées d’or, sur fond de graminées mouvantes. L’artiste, inspiré par l’écriture des pas de danse baroque, renoue là avec le caractère précieux et enchanteur des bosquets de Versailles.

Légende : Le nouveau Bosquet du Théâtre d’eau, crédits Michel Audouy

14 mai 2020


Jour 36 : Bosquet du Théâtre d’eau, jardins du château de Versailles Index

Le Théâtre d’eau constituait l’une des salles de verdure les plus richement décorées des jardins de Versailles à l’époque de Louis XIV. Conçu par André Le Nôtre (1613-1700) probablement à partir d’une scénographie éphémère de l’architecte Carlo Vigarani (1637-1713), le bosquet est réalisé entre 1671 et 1674, époque à laquelle la cour résidait encore au château de Saint-Germain-en-Laye. Principal décorateur des Menus Plaisirs, le service chargé de l’organisation des divertissements royaux, au mois de septembre 1670 Vigarani avait en effet aménagé dans les jardins une salle destinée à la représentation de la comédie Le Gentilhomme de Beauce de Montfleury.

Comme l’a montré l’historien Jérôme de la Gorce, la composition de Le Nôtre reprend dans ses lignes essentielles ce projet : une salle circulaire dont une partie est occupée par un orchestre bordé de gradins, en guise d’amphithéâtre, et l’autre par une scène surélevée. La profondeur de celle-ci est amplifiée par trois perspectives divergentes, animées de goulettes et jets d’eau, qui rappellent un dispositif utilisé à l’époque dans le théâtre et les jardins italiens. C’est le cas, par exemple, du Théâtre Olympique de Vicence (1580-1585), conçu par Andrea Palladio, ou des nombreux « teatri d’acqua » qui agrémentaient les villas de la campagne romaine. Une décoration éblouissante de rocailles, meulières, pâtes de verre et coquillages orne les fontaines et les cascades pour lesquelles les ingénieurs-fontainiers Claude Denis (vers 1627-1696) et François (1617-1688) et Pierre Francine (1621-1686) conçoivent cinq différentes combinaisons de jets d’eau. Des topiaires, sur lesquels Louis XIV se serait amusé à apprendre les fondements de la taille, ainsi que des groupes de statues en plomb doré et de vases de faïence ou de tôle encadrent la scène, vraisemblablement plutôt destinée à offrir ce spectacle hydraulique qu’à accueillir des acteurs.

Progressivement délaissé et simplifié sous Louis XV, à cause aussi des importants coûts d’entretien, le bosquet du Théâtre d’eau est démantelé par Louis XVI dans le cadre des travaux de replantation du jardin (1775). Partiellement redessinée, la salle de verdure est alors rebaptisée Rond vert.

Légende: Perelle (Famille des), Vue du bosquet du Théâtre d’eau dans les jardins de Versailles, gravure, XVIIe siècle, ©ENSP Versailles-Marseille.

Icono-bibliographie

13 mai 2020


Jour 35 : Le parc départemental du Sausset – Villepinte Seine Saint-Denis Index

Conçu par Michel et Claire Corajoud, avec Jacques Coulon en 1980, le parc du Sausset constitue, avec celui de la Courneuve, l’une des grandes réalisations paysagères du XXe siècle de la métropole parisienne. En effet, 200 ha de terres à blé entre Roissy et Aulnay-sous-Bois, sont sanctuarisés pour créer une forêt (130 ha) et un parc. Outre la forêt, trois scènes paysagères évoquent une campagne agri-horticole (jardins maraîchers, vigne), un bocage, et un parc urbain incluant un bassin d’orage en partie « naturel ». Pour Michel Corajoud, les tracés des champs et des bois précèdent ou prolongent ceux de la ville. Ainsi, les chemins existants sont réutilisés et le territoire du parc réglé par des axes (allées cavalières), des vues, et des clairières en enfilade comme dans une forêt classique.

Dès le début du chantier, la majorité des arbres est plantée en plants forestiers par économie mais aussi pour fixer rapidement la structure générale. La plupart des essences sont locales (tilleuls, chênes, hêtres…), par choix écologique. Chaque carré boisé est accompagné de lisières champêtres, une réinterprétation souple et naturelle des charmilles qui fait écho au vocabulaire de composition des bosquets de Versailles.

Fait rarissime, Claire et Michel Corajoud ont accompagné la réalisation du parc sur près de vingt ans. L’histoire continue aujourd’hui avec une équipe de jardiniers et de forestiers, dans un cadre arboré désormais âgé de 40 ans.

Légende : Vue aérienne du parc du Sausset – Crédits Atelier Corajoud – ENSP / JB Leroux

12 mai 2020


Jour 34 : Palais Farnèse, Caprarola, Italie Index

Pour l’originalité de sa composition, le palais Farnèse à Caprarola constitue un cas unique dans l’histoire des jardins italiens de la fin de la Renaissance.

En 1556, le cardinal Alexandre Farnèse « le jeune » demande à l’architecte Jacopo Barozzi da Vignola (1507-1573) de transformer en luxueuse villa une forteresse inachevée, réalisée autour de 1530 par son grand-père, le pape Paul III Farnèse. Conçue par l’architecte Antonio da San Gallo « le jeune » (1484-1546), celle-ci avait été bâtie à mi-pente d’une colline boisée surplombant le bourg médiéval de Caprarola, centre politique du grand fief de famille s’étendant au nord-ouest de Rome.

Tout en conservant sa forme pentagonale, Vignole repense les relations de la forteresse avec le paysage environnant. Du côté de la ville, il conçoit un axe perspectif qui, partant de la façade sud-est descend la ligne de crête et coupe en deux le bourg jusqu’à une terrasse naturelle s’ouvrant sur le panorama des monts Cimins. Du côté de la colline, en revanche, il aménage deux jardins carrés, décorés de parterres et disposés en éventail afin d’entretenir un lien direct avec les façades nord et ouest. Les murs de soutènement et d’enceinte, qui encadrent les jardins, accueillent des nymphées et des grottes animées d’effets hydrauliques de toutes sortes.

À partir de 1578, le cardinal décide de faire réaménager un petit pavillon placé au milieu d’un bois de châtaigniers et de sapins, à l’ouest du palais, en contre-haut de la colline. Confiée à l’architecte Giacomo del Duca (1520-1604), élève de Michel-Ange, la petite retraite est entourée d’un jardin articulé en quatre terrasses, dont deux reliées par une chaîne d’eau monumentale ornée de dauphins sculptés dans du pépérin. Interrompus à la mort d’Alexandre Farnèse, les travaux sont complétés dans les années 1620 par son arrière-petit-fils, le cardinal Édouard Farnèse (1573-1626). L’architecte Girolamo Rainaldi (1570-1655), épaulé par le sculpteur Pietro Bernin (1562-1629), père du Bernin, conçoit alors le dessin des deux dernières terrasses – agrémentées de fontaines, chaînes d’eau et d’un « jardin des fleurs » – qui font le lien entre le pavillon et la réserve de chasse.

Considérée comme l’une des plus belles villas autour de Rome déjà au XVIe siècle, la résidence farnésienne de Caprarola est devenue rapidement, pour artistes et voyageurs, l’une des destinations incontournables de la campagne romaine. Montaigne, Hubert Robert, Charles Percier et Pierre Fontaine, parmi tant d’autres, en ont laissé des descriptions et des représentations.

Légende : Chaîne d’eau du palais Farnèse à Caprarola © Chiara Santini

Icono-bibliographie

11 mai 2020


Jour 33 : Le jardin en mouvement – Paris 15e Index

« Les friches ont toujours existé. L’histoire les dénonce comme une perte du pouvoir de l’homme sur la nature. Et si on jetait sur elles un regard différent ? Ne seraient-elles pas les pages neuves dont nous avons besoin ? ». Au moment où il publie « Le jardin en mouvement » en 1991, Gilles Clément finalise un jardin en mouvement de 5000 m2 dans le parc André Citroën. Auparavant, il expérimente le concept de jardiner avec les variations de la nature dans son propre jardin, un petit vallon en friche de la Creuse.

Mais à Paris le terrain, d’origine industrielle, est nu et artificiel. La première étape consiste donc à créer une dynamique végétale avec des plantes ayant une capacité à se multiplier facilement : plantes rustiques, bambous, arbrisseaux…  Cette base installée, les jardiniers, formés par le concepteur, entrent en scène : tondre d’un côté pour dégager un sentier, faucher de l’autre, garder un jeune arbre arrivé par hasard… Autant de gestes et de choix pour faire évoluer le jardin dans le temps, sans schémas préétabli et en reconnaissant la part de la nature.

Le jardin, hors des allées délimitées du parc, alterne petites clairières fleuries et sous-bois épais où se mêlent plantes horticoles et spontanées, un paysage inédit en plein Paris. A l’époque de sa création, le Jardin en mouvement est regardé comme une parcelle mal entretenue, au mieux une curiosité mais avec le temps, et le changement de paradigme, beaucoup de parcs contemporains lui ressemblent.

Légende et crédits : Une clairière du jardin en mouvement – crédits Michel Audouy

8 mai 2020



Jour 32 : Ermenonville, Département de l’Oise, France
 Index

Avec Méréville et le Désert de Retz, Ermenonville constitue d’un des témoignages les plus remarquables des jardins pittoresques français de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Conçu par le marquis René-Louis de Girardin (1735-1808), avec le concours partiel du paysagiste Jean-Marie Morel (1728-1810), le jardin a été réalisé entre 1763 et 1776 au sein d’un domaine de 800 hectares, qui a fait l’objet d’un important chantier de drainage et bonification.

Esprit cultivé, proche des Lumières, inspiré par les idées des physiocrates et grand admirateur de Rousseau, Girardin crée un jardin dont la valeur est à la fois esthétique et philosophique. Entrant en résonance avec le paysage environnant, la composition construit un ensemble harmonieux qui touche le sens et l’âme et pousse au renouveau moral. Comme il l’explique dans « De la composition des paysages », petit traité publié en 1777, afin de mettre en scène « les plus beaux effets de la nature », le concepteur ne doit pas agir en architecte ou en jardinier, mais plutôt en peintre et en poète. C’est-à-dire qu’il doit apprendre à transcrire, dans la réalité, « l’effet pittoresque », une démarche de composition basée sur l’articulation équilibrée des contrastes d’ombre et de lumière, des couleurs et des formes, tout en respectant le contexte.

Ainsi, du général au particulier, le jardin s’organise autour de plusieurs « scènes », décorées de fabriques, de grottes et de pièces d’eau, qui magnifient la nature des lieux. Un subtil jeu de renvois, l’aménagement savant des circulations et des points de vue assurent la variété dans l’unité et les liens avec le paysage au-delà les limites du domaine, selon des procédés qui seront abondamment repris et développés par les paysagistes au XIXe siècle.

Parmi les « tableaux paysagers » les plus connus du jardin, il y a certainement l’Île des Peupliers, qui accueillait les dépouilles de Rousseau, décédé en 1778 pendant un séjour de quelques semaines auprès du marquis de Girardin. Le tombeau, dessiné par Hubert Robert (1733-1808), fait immédiatement l’objet d’un pèlerinage romantique. David, Schiller, George Sand, Mme de Staël, le prince de Ligne – parmi tant d’autres – consacrent Ermenonville comme l’un des jardins les plus visités de l’époque.

Légende : « L’Isle des Peupliers », in Stanislas Girardin, « Promenade ou Itinéraire des jardins d’Ermenonville », Paris, Mérigot père, 1788, ©BNF.

Icono-bibliographie

7 mai 2020


Jour 31 : Jardins de la Villa Ephrussi, Saint-Jean Cap Ferrat, France Index

Éclectisme Belle Époque, juxtaposition de styles, espaces contrastés… ces termes pourraient bien qualifier la Villa Ephrussi. Cet ensemble composé d’une villa néo vénitienne et de sept jardins, installé sur l’isthme du Cap Ferrat, domine la Méditerranée depuis 1910. Le site est idyllique dès le départ mais sa créatrice, Béatrice Éphrussi de Rothschild (1864-1934), va s’attacher à le modeler radicalement pour y accueillir ses collections d’art. Les jardins de différents styles – italien, français, anglais, oriental, asiatique… – sont eux-mêmes une collection.

Face à la villa, le paysagiste Achille Duchêne (1866-1947) a conçu le parterre d’eau d’un jardin « à la française » très vite rattrapé sur ses marges par une végétation exotique. L’axe central marqué par la pièce d’eau remonte vers une pinède où trône un temple circulaire antiquisant. Plus bas, une grotte architecturée précède un jardin d’inspiration mauresque, suivi d’une allée de cyprès florentins. Juste au-dessus, un jardin lapidaire déborde d’éléments architecturaux anciens. C’est la partie la plus secrète, où comme souvent sur la Côte d’Azur, végétation méditerranéenne et végétation exotique se mêlent ou cohabitent dans l’exubérance.

Le jardin Ephrussi incarne, à la manière des jardins d’Albert Kahn ou, plus près à Menton, des Serres de la Madone, un vif intérêt pour l’histoire des jardins dans sa grande universalité.

Photo : Jardin lapidaire de la Villa Ephrussi, ©Michel Audouy

6 mai 2020


Jour 30 : Villa d’Hadrien, Tivoli, Italie Index

La Villa d’Hadrien est à l’origine un assemblage de différents monuments et paysages évoquant le vaste empire d’Hadrien (76-138) et ses voyages de l’Italie à l’Égypte.

Édifiée en plusieurs étapes (118 -138), sur 120 ha, dans la campagne de Tivoli, la villa, sorte de cité idéale, s’organise autour d’une trame complexe de palais, monuments, avenues, bassins et jardins. S’y mêlent les équipements classiques d’une grande villa romaine – temples et autels, naumachie, bibliothèque, thermes… – dans une mise en scène symbolique et intime de la vie de l’empereur, illustrée par de multiples emprunts culturels à la Méditerranée. Ainsi, le Canope, long bassin bordé d’une colonnade et de statues, rappelle le canal de Canope près d’Alexandrie où se serait noyé son ami Antinoüs. Cet espace, à l’origine décoré d’une pergola fleurie et agrémenté de jeux d’eau, était probablement utilisé pour des banquets. Le Pœcile, un quadriportique délimitant un jardin avec une grande piscine centrale, rappelle la Stoà Poikilè d’Athènes, un portique décoré de peintures et destiné à la promenade.

Plus loin, le Théâtre maritime, îlot au centre d’un bassin circulaire, est conçu comme une « domus » en miniature, où l’empereur pouvait s’isoler, grâce à des ponts relevés.  

Depuis leur redécouverte, au XVe siècle, ces belles ruines transportent les visiteurs dans des temps anciens restitués par Marguerite Yourcenar (« Mémoires d’Hadrien »), ou l’historien Pierre Grimal (« Jardins romains »). Et sont une référence incontournable pour l’étude de l’architecture et une source d’inspiration inépuisable pour les créateurs de jardins et de paysages.

Photo : Colonnade du Canope – crédits Michel Audouy

5 mai 2020


JOUR 29 : Parc de Sceaux, département des Hauts-de-Seine Index

Comme beaucoup de jardins anciens, le parc de Sceaux superpose plusieurs strates d’histoire. Entre le XVIIe siècle et aujourd’hui, le site a en effet connu des périodes de grand faste et d’abandon, deux guerres, un lotissement partiel et la transformation en parc public. 

L’histoire du jardin commence en 1670, quand Jean-Baptiste Colbert achète des héritiers du baron de Gesvres, les terres et la seigneurie de Sceaux, à quelques kilomètres au sud de Paris, sur le flanc ouest du vallon de la Bièvre. En l’espace d’une vingtaine d’années, grâce au concours de plusieurs artistes travaillant pour le roi, le surintendant des finances, puis son fils, le marquis de Seignelay, agrandissent le domaine, font bâtir un château et exécuter des travaux d’adduction d’eau afin d’alimenter le nouveau jardin, confié à André Le Nôtre (1613-1700).

Fidèle à ses principes de composition, Le Nôtre s’appuie sur la topographie pour magnifier le site et construire des effets de perspective organisés autour de trois axes : le premier descend, par des terrasses en pente douce, de la façade occidentale du château jusqu’aux limites du parc, les deux autres, orientés nord-sud, se développent perpendiculairement et présentent, l’un, une monumentale cascade, l’autre, un Grand Canal de plus d’un kilomètre.

Après avoir échappé de peu à la transformation en parc paysager, le domaine de Sceaux est racheté en 1798 par le spéculateur Hyppolite Lecomte, qui fait démolir le château et la cascade. Un nouveau château, de style Louis XIII, est alors bâti au Second Empire par le duc de Trévise, qui s’attache aussi à la restauration des jardins. Toutefois, cette période de faste n’est que de courte durée. En 1925, un reportage d’Eugène Atget fait état de l’abandon et de la décrépitude du site. 

À l’instigation de Jean-Claude Nicolas Forestier, un programme de sauvetage est alors mis en œuvre par le département de la Seine, qui achète Sceaux pour en faire un grand parc public. Le projet est confié à l’architecte Léon Azéma (1888-1978) qui prend le parti de respecter le dispositif d’ensemble tout en articulant les tracés classiques avec un vocabulaire formel contemporain. En lien avec cette démarche, Azéma reconstruit la grande cascade avec un style épuré et la décore avec des mascarons réalisés par Auguste Rodin. 

Photo : Grande Cascade du parc de Sceaux, Chiara Santini

4 mai 2020


JOUR 28 : L’Etang des nuages, jardin de paysages Serres d’Abrias, Cévennes Index

Certains jardins traduisent toute la personnalité et le talent de leur créateur. C’est le cas de celui de Gilles Clément dans la Creuse ou de Pascal Cribier en Normandie. Il y a près de 30 ans, Michel Péna s’est trouvé un terrain d’expérimentation dans les Cévennes comprenant un grand mas, ses terrasses, et un morceau de colline sauvage. Situé en plein ciel, dans la partie sauvage, l’Etang des nuages reflète chaque jour les variations des heures et des saisons, renouvelant le paysage indéfiniment. La création de ce jardin dans la nature est née d’une nécessité technique – aménager une réserve d’eau contre les incendies, vite transformée ou détournée en projet de paysage. Dès lors, le concepteur – un peu démiurge – s’est emparé de la matière du site : un rocher couvert de quelques pins (détaché de la colline à coup d’explosifs), un large point de vue, un petit ruisseau… – pour créer une île-promontoire émergeant d’une eau calme. Adossé à la pente et retenu par une discrète levée de sol (qui fait aussi chemin), l’étang semble être là depuis toujours même si les visiteurs sont saisis du contraste avec le milieu sec environnant et le côté « chinoisant ». Mission accomplie : il fallait « mieux voir le réel », transformer le lieu et lui garder toutes ses qualités, créer pour contempler. « Jouer / Jouir du paysage » pour citer à nouveau Michel Péna qui s’est bâti là, un peu plus haut, une cabane pour habiter son oeuvre.

Légende et crédits : L’étang des nuages, matin d’automne – Michel et Christine Péna

1er mai 2020


JOUR 27 : Palais des Marquis de Fronteira – Benfica, Lisbonne Index

Les mosaïques bleu céruléen ou bleu outremer de la Galerie des rois imprègnent le souvenir laissé par le jardin des Marquis de Fronteira, longtemps après la visite. Un peu à l’étroit aujourd’hui à Benfica – banlieue résidentielle et populaire de Lisbonne – le palais Fronteira est à l’origine un pavillon de chasse à la campagne. Il est conçu autour de 1710 par Dom Fernando Mascarenhas 2ème marquis de Fronteira (1679-1729), dans la pure tradition architecturale portugaise, mêlant influences européennes (Italie, France) et orientales (Proche Orient, sud de l’Espagne). 

Du palais ocre rouge, on peut accéder directement au parterre central ou préférer emprunter une terrasse latérale qui rejoint la Galerie des Rois (du Portugal). Cette galerie, première pièce maîtresse des lieux, est conçue sur deux niveaux : balcon en haut et grottes en bas. Adossée au terrain en pente, elle rappelle certains dispositifs architecturaux des jardins maniéristes italiens mais son décor d’azulejos bleus et blancs aux scènes champêtres et mythologiques, est spécifique des jardins portugais, héritiers des savoir-faire de l’Islam et du style Mudejar.

En partie basse, une large pièce d’eau rectangulaire reflète des décors de céramiques aux chevaliers ; elle est séparée du parterre central par une balustrade en pierre. Des escaliers monumentaux l’encadrent et relient les deux niveaux du jardin : la partie haute proche d’un bosquet et la partie basse, constituée par la seconde pièce maîtresse : un grand tapis de buis taillés où se déclinent, presque à l’infini, les multiples combinaisons du carré.

Légende : Jardin du palais Fronteira – Entrée de grotte. Photo : Michel Audouy

30 avril 2020


JOUR 26 : Sanssouci, Potsdam, Allemagne Index

Frédéric II de Prusse (1712-1786) a été l’une des personnalités qui ont le plus marqué la vie politique et culturelle de l’Europe du XVIIIe siècle. Proche de la philosophie des Lumières et grand admirateur de la culture française, il a été à la fois fin politique, redoutable stratège, amateur d’art, collectionneur et mécène. 

En 1744, quelques années après son avènement au trône, il commande à son surintendant des bâtiments et des jardins, l’architecte Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff (1699-1753), la construction d’un palais de campagne, à Potsdam, dans le Land du Brandebourg, au sud-ouest de Berlin.

Conçu comme un lieu de retraite loin de la cour, où le souverain aurait pu librement s’adonner à ses passions artistiques au milieu d’un cercle restreint d’intellectuels et d’amis, le nouveau château est appelé Sanssouci (Sans-Souci). Le bâtiment principal, à un seul étage et de taille relativement modeste, est placé au sommet d’une colline et domine un jardin organisé en six terrasses concaves, encadrées par des alignements de noyers et marronniers. Conjuguant de façon originale jardin d’agrément et de production, les terrasses présentent des parterres engazonnés décorés d’ifs et d’arbres fruitiers de différentes espèces. Habillés de contrespaliers de cerisiers, d’abricotiers et des pêchers, les murs de soutènement sont percés par 168 niches où, protégés par des portes vitrées, poussent des figuiers et de la vigne.

Au pied du coteau, un parterre gazonné décoré par une collection de statues à thème mythologique, assure la transition entre le jardin et le parc, en en même temps entre deux écritures paysagères. Dans un sous-bois aux allées sinueuses, de différentes fabriques, dont l’extraordinaire Maison chinoise (Chinesisches Haus), richement sculptée, témoignent du goût du roi pour les chinoiseries et de l’influence naissante du style anglo-chinois. 

Légende : Johann David Schleuen, Vue perspective du Château de Sanssouci, 1750, ©Zeno.org

29 avril 2020


JOUR 25 : Jardin du Mémorial international Notre-Dame-de-Lorette, Anneau de la mémoire, Pas-de-Calais Index

Ce site mémoriel emblématique de la Première Guerre Mondiale domine, du haut de son plateau, la plaine d’Artois et sa chaîne de terrils. Conçu en 2013 par l’architecte Philippe Prost, l’Anneau de la mémoire est une vaste ellipse où s’inscrivent, sans aucune distinction, les noms des 580 000 soldats disparus dans la région. L’architecture déploie sa vaste courbe en porte à faux sur le rebord du plateau formant une proue volontaire sur le paysage.

Le jardin, conçu par le paysagiste David Besson-Girard, s’inscrit pleinement dans cette forme et en renforce la dynamique. Du gazon aux allures de “green” de la première partie, fidèle écho au vocabulaire des mémoriaux militaires, le jardin accompagne subrepticement le glissement du terrain vers des horizons champêtres. A l’endroit du basculement, la pelouse tondue se mue en prairie dans une large plate-bande « diffractée » qui sème dans l’espace un mélange de graminées, de marguerites, de centaurées, de coquelicots… avant de rejoindre un chemin creux, à la limite de l’anneau et du bord du plateau. Là, les plantes et les arbustes champêtres du jardin se mêlent à ceux du paysage, tout naturellement.

Légende et crédits : Jardin de l’Anneau de la mémoire – ND de Lorette – crédits photos : Aitor-Ortiz – Agence Besson-Girard

28 avril 2020


JOUR 24 : Villa d’Este, Tivoli, Italie Index

Conçue par l’architecte et antiquaire Pirro Ligorio (1513-1583) pour le cardinal Hippolyte II d’Este (1509-1572), la Villa d’Este constitue un modèle de référence incontournable pour l’histoire des jardins. Cela tient, d’un côté, à la personnalité de son créateur, et de l’autre, à l’originalité de la composition qui conjugue les références à l’Antiquité avec un vocabulaire formel et des techniques innovantes. 

Issu de l’une des plus anciennes dynasties italiennes, conseiller de François I, puis de Henri II, protecteur des arts et grand collectionneur, le richissime Hippolyte II est l’un des ecclésiastiques les plus influents de l’Europe de l’époque. Ayant échoué par cinq fois à l’élection à la chaire de Saint-Pierre, il décide de créer à Tivoli, petite ville à une trentaine de kilomètres de Rome dont il a été nommé gouverneur en 1550, une villa somptueuse, pouvant rivaliser avec les palais papaux et les villas de l’Antiquité, comme celle de l’empereur Hadrien dont les restes sont visibles de la terrasse de sa nouvelle résidence. 

Commence ainsi un monumental chantier s’étalant sur une vingtaine d’années et qui s’arrête, inachevé, à la mort du cardinal. Le jardin, qui s’ouvre en belvédère sur la campagne tiburtine, est réalisé sur un terrain en pente d’environ 200 mètres de large et 200 de long, métamorphosé par d’importants travaux de terrassement. Un imposant réseau hydraulique, alimenté par le fleuve Aniene – détourné via un canal souterrain – amène l’eau à une profusion d’installations produisant toute sorte d’effets : fontaines, nymphées, orgues hydrauliques, bassins, jets, cascades, chaines d’eaux et canaux.

Parmi celles-ci, l’une des plus spectaculaires est la « Grande Allée » (Vialone) – appelée aujourd’hui Cent Fontaines – une composition réalisée en contrebas d’une terrasse sur le modèle de fontaines publiques de la Rome antique, décorée par presque 300 bouches d’eau disposées sur trois étages. Longeant l’axe transversal qui lie deux des principales fontaines du jardin, l’Ovato et la Rometta, les Cent Fontaines jouent un rôle central à la fois dans le programme iconographique du jardin et dans la structure technique de l’ensemble. 

Légende : Giovanni Francesco Venturini, « Vue d’une partie des petites fontaines du Vialone », in Le Fontane del giardino estense di Tivoli, autour de 1691, ©BNF.

27 avril 2020


JOUR 23 : Parc Monceau (ancienne Folie de Chartres), Paris 8e Index

La transformation de la Folie de Chartres en Parc Monceau, après plusieurs années d’abandon, est liée à l’aménagement d’un nouveau quartier sous Haussmann. La Ville de Paris acquiert le terrain en 1861 : un peu plus de la moitié est revendue aux financiers Pereire pour une opération immobilière et le reste (8,25 ha) est transformé en parc public. L’ingénieur Adolphe Alphand (1817-1891) et le paysagiste Jean-Pierre Barillet-Deschamps (1824 – 1873) conduisent les travaux. Le jardin est inauguré par l’empereur en août 1861, avec le boulevard Malesherbes. 

Le parc Monceau est au cœur du nouveau quartier élégant de la capitale et lié à son organisation. En effet, deux très larges allées traversent le parc d’Est en Ouest et du Sud au Nord, desservant quatre entrées monumentales signalées dans la ville par des grilles spectaculaires de style rocaille. Le jardin est bordé sur trois côtés d’hôtels particuliers (Camondo, Cernuschi, Rothschild…), bénéficiant d’un accès direct et privatif depuis leurs jardins. Les concepteurs ont remis en scène certains éléments hérités du XVIIIe siècle – rivière, colonnade, pyramide, rotonde remaniée par Gabriel Davioud (1824-1881) – intégrés à un parc aux allées courbes, carrossables et équipées de bancs et autres mobiliers caractéristiques des espaces « verdoyants » du Second Empire. Le parc Monceau est alors riche d’une collection de plantes exotiques, dont un fameux bananier rouge d’Abyssinie, objet de curiosité.

Légende et crédits : Parc de Monceaux, XIXe siècle (Second Empire). ©Bibliothèque historique de la Ville de Paris

24 avril 2020


JOUR 22 : La Folie de Chartres (actuel Parc Monceau), Paris Index

La Folie de Chartres, aménagée en bordure de Courcelles, a été l’un des jardins les plus réputés et à la mode du Paris prérévolutionnaire. Commandée en 1773 par Louis-Philippe d’Orléans, duc de Chartres (1747-1793), à Louis Carrogis dit Carmontelle (1717-1806), elle est réalisée à partir d’un jardin au tracé régulier d’environ un hectare, dessiné par l’architecte Louis-Marie Collignon autour de 1769. 

Suivant les désirs du duc, qui souhaite agrandir le domaine et le transformer en un « jardin nouveau », c’est-à-dire conçu selon la mode venue d’Angleterre, Carmontelle dessine une composition d’environ 10 hectares qui s’inspire, sans pour autant se borner à l’« imitation servile », de celles d’outre-Manche. Comme il l’explique dans un ouvrage qu’il publie l’année de l’achèvement du chantier, en 1779, sa démarche vise à reprendre l’un des éléments les plus critiqués des jardins anglais — la multiplication des scènes et ambiances — pour en faire un point fort du projet. Sorte de « pays d’illusions » aux portes de Paris, la Folie de Chartres réunit « tous les temps et tous les lieux » à l’intérieur du même enclos. Empruntant des sentiers sinueux, les visiteurs peuvent admirer un moulin à vent hollandais, une tente tartare, une vigne italienne, des tombeaux égyptiens, un jeu de bagues chinois, un château en ruines, etc. 

Dans les années 1780, le domaine est à nouveau agrandi : sa surface est presque doublée et le mur des Fermiers Généraux vient fermer son côté nord. Confié aux soins du jardinier écossais Thomas Blaikie (1751-1838), qui a déjà travaillé à Bagatelle avec l’architecte Bélanger, le jardin est en partie remodelé et devient un lieu réputé pour ses collections de plantes rares cultivées dans de grandes serres chaudes.

Devenue bien national sous la Révolution, la Folie de Chartres est initialement entretenue aux frais de la République, qui en vote la conservation au même titre que d’autres jardins ayant appartenu à la famille royale. Mais, à partir de 1796, après en avoir décidé l’aliénation, le Directoire la loue à des entrepreneurs de fêtes, dont les activités dégradent de façon importante les fabriques et les plantations. 

Légende : Louis Carrogis, dit Carmontelle (attribué à), Vue des jardins de Monceau, autour de 1778, © Paris Musées.

23 avril 2020


JOUR 21 : Jardins de Isola Bella – Piémont (Italie) Index

L’île-jardin de Isola Bella fait partie des îles Borromées, petit archipel de cinq îles, dans la partie occidentale du Lac Majeur, en Piémont, dans le nord de l’Italie. L’île prend le nom de la comtesse Isabelle d’Adda, femme de Charles III Borromeo (1586-1652), famille à laquelle le site appartient depuis le XVe siècle. 

Bien que les projets pour aménager un palais entouré de jardins commencent au XVIe siècle, c’est seulement à partir de 1630 qu’un grand chantier est mis en œuvre. Confié initialement à l’architecte Giovanni Angelo Crivelli, les travaux se développement sur quarante ans par des campagnes successives, avec l’intervention d’autres concepteurs, comme l’architecte Carlo Fontana (1638-1714), collaborateur du Bernin. Un jardin articulé en dix terrasses abritant des grottes et des nymphées vient alors remplacer le promontoire rocheux qui occupait la partie méridionale de l’île. Arrivées par bateaux, d’importantes collections d’agrumes et de plantes précieuses décorent les parterres, faisant du domaine une sorte de jardin des Hespérides au milieu de l’eau.

Appréciée depuis le XVIIe siècle grâce à la diffusion de gravures et vues commissionnées par les Borromeo, à partir du milieu du XVIIIe siècle Isola Bella devient une destination incontournable du Grand Tour. En lien avec l’essor d’une nouvelle culture paysagère, artistes et voyageurs tombent sous le charme de ces jardins qui, encadrés par le paysage pittoresque des Alpes, semblent surgir comme par enchantement des eaux du lac.

Légende: Louis François Cassat, Vue générale de L’Isola Bella dans le Lac Majeur : Telle qu’on la découvre dans toute sa Magnifficence en y arrivant du Tessin, estampe, 1801, © Bibliothèque Nationale de France.

22 avril 2020


JOUR 20 : Le Bois des Moutiers – Varengeville (France) Index

Conçu par l’architecte Edwin Lutyens (1869-1944) pour Guillaume Mallet, à partir de 1898, le Bois des Moutiers est l’unique exemple en France de jardin « Arts & Crafts », style fondé en Angleterre par William Morris (1834-1896) dans la seconde moitié du XIXème siècle.

Le jardin autour de la maison est pensé comme une architecture : une succession de salles de verdure au tracé régulier, comprenant des éléments construits avec les mêmes matériaux : pergolas, murs, allées, emmarchements, terrasses dallées. En s’éloignant de la maison, les compositions s’assouplissent pour finir par faire corps avec le paysage : une ancienne valleuse boisée de chênes qui descend vers la mer. Là, dans un sous-bois naturel, des massifs d’azalées et de rhododendrons géants de l’Himalaya, bénéficient d’un microclimat exceptionnel, et de l’un des rares lieux en Normandie où la terre est acide. Alors jeune architecte, Lutyens, prend les conseils de Gertrude Jekyll (1843-1932), grande conceptrice et théoricienne des jardins champêtres et des mixed-borders. Sur 12 ha, elle l’aide à composer une succession de tableaux avec des plantes vivaces, des arbustes et des arbres rares dont l’intérêt évolue à chaque saison. La famille Mallet s’investit toujours pour la préservation de ce site exceptionnel.

Photo : Jardin sud devant la maison – © Michel Audouy

21 avril 2020


JOUR 19 : Bois sacré – Bomarzo (Italie) Index

Réalisé par le condottière Pierfrancesco II Orsini (1523-1585) en hommage à sa femme Giulia Farnese, disparue très jeune, ce bois-jardin a probablement été conçu autour de 1550 par Pirro Ligorio (l’attribution n’est pas certaine), architecte et antiquaire réputé, à l’époque engagé aussi dans les fouilles de la Villa d’Hadrien et de la construction de la Villa d’Este.

La composition s’articule autour des sentiers sinueux parfois escarpés qui s’enchevêtrent sous les ombrages d’un bois de chênes de 3 ha. Des architectures bizarres (une maison perchée, un théâtre en ruine, un temple, une tour …) et des grotesques souvent démesurés (des géants, des sphinx, des dauphins, une sirène, un dragon, un éléphant, etc…) ponctuent le parcours. Parfois, elles sont décorées par de mystérieuses inscriptions, comme l’invitation gravée sur une banquette étrusque au milieu du bois : « Vous qui allez errants par le monde. Pour contempler de hautes et stupéfiantes merveilles. Venez ici ! Vous y trouverez des faces terribles. Éléphants, lions, ours, ogres et dragons. » C’est toute l’ambiance du Sacro Bosco (« sacré » dans le sens de fabuleux), au sujet duquel les historiens et les philologues rivalisent d’interprétations. En effet, si l’iconographie s’inscrit bien dans celle de la fin de la Renaissance, avec son imaginaire issu des Métamorphoses d’Ovide, la composition du jardin, sans perspectives ni orthogonalité, et sans aucun rapport d’échelle entre les sculptures, reste inédite.

La disposition actuelle n’est pas tout à fait celle d’origine, elle remonte au XXe siècle, quand le lieu est progressivement réaménagé et intéresse nombre d’artistes, tels Brassaï, Dalí, Antonioni. Niki de Saint Phalle s’en inspire pour son Jardin des Tarots, à Capalbio, en Toscane.

Photo : L’ogre du Bois Sacré © Chiara Santini

20 avril 2020


JOUR 18 : Jardin des Bambous, Parc de la Villette – Paris Index

Le parc de La Villette est aménagé de 1987 à 1991, sur le site des anciens abattoirs de Paris. L’architecte Bernard Tshumi est lauréat à l’issue d’un concours international où le débat est vif.

Le parc, 55 ha ouverts le jour comme la nuit, répond parfaitement à un grand programme d’équipements et d’usages. Négligeant tout rapport au Génius Loci, deux trames – l’une orthogonale ponctuée de « Folies », l’autre courbe – organisent le parc croisant le canal de l’Ourcq et des bâtiments conservés comme la Grande Halle.

À la trame courbe, sont accrochés plusieurs jardins thématiques dont le Jardin des bambous et celui de La Treille (G. Vexlard). Dans une fosse toute en longueur, à 6 mètres au-dessous du niveau du parc, Alexandre Chemetoff conçoit un jardin manifeste, presque un « contre La Villette » où il revendique de montrer les entrailles d’un sol urbain. En effet, dans la forêt de bambous qu’il installe, rien n’est caché, de gros tuyaux traversent au-dessus des têtes et l’écoulement de l’eau est mis en scène dans un nymphée de béton brut. Le béton est également utilisé dès l’entrée pour un escalier d’eau suivi d’un Cylindre sonore, fabrique née d’une collaboration avec le plasticien Bernard Leitner. Près du nymphée, Daniel Buren a signé le dessin de calades en galets.

Photo : Jardin des Bambous, vue sur le nymphée © Michel Audouy

17 avril 2020


JOUR 17 : Central Park – New York (USA) Index

Premier parc public conçu aux États-Unis, Central Park est né de l’association de Fréderick Law Olmsted (1833-1902, intellectuel engagé, paysagiste) avec Calvert Vaux (1824-1895, jardiniste, formé par A. Jackson Downing). Ils sont choisis sur appel d’offre en 1857, le chantier va durer plus de dix ans. Ce grand parc (345 ha) doit être un lieu de promenade, gérer des flux de circulation urbaine et accueillir le premier réservoir d’eau de la ville. Les grands principes de composition s’inspirent des parcs publics de Londres ou de Paris dans un style moins pittoresque. En effet, Olmsted revendique la conception de scènes de nature sans artifices, mettant l’accent sur des essences locales plutôt qu’exotiques.

Des zones boisées alternent avec de larges clairières allongées (meadows) qui donnent l’illusion d’espaces de campagne infinis. Au centre, un grand lac accompagné de masses rocheuses émergeant du sol et des allées courbes, contrastent avec la trame orthogonale de la ville, dont le parc a précédé en grande partie la construction.

Central Park, une grande prairie par beau temps © Ruth Orkin – Coll. M. Audouy

16 avril 2020


JOUR 16 : Little Sparta, Dunsyre (Ecosse) Index

Little Sparta est une œuvre d’art, probablement l’œuvre la plus aboutie de l’artiste, poète et jardinier proche du Land-Art : Ian Hamilton Finlay, et de son épouse Sue Finlay.

Conçu pendant vingt ans autour d’une ancienne ferme de la campagne écossaise, Little Sparta est un jardin d’esprit anglais aux associations végétales inspirées de la nature, où se succèdent plusieurs scènes de paysages jalonnées de pierres et de stèles gravées. Sur ces pierres, figurent des bribes de poèmes, et des noms de l’Antiquité, du XVIIIème siècle français ou anglais, de la Renaissance italienne : Le Lorrain, Poussin, Virgile, Rousseau… Fidèle aux principes de composition des jardins du siècle des Lumières – Marquis de Girardin, Alexander Pope… – Finlay compose son jardin en poète et en peintre. Mais son « Arcadie » s’ouvre aussi à des objets inattendus comme un porte-avion sculpté posé sur un socle en marbre qui sert de mangeoire aux oiseaux, et quelques autres références guerrières égarées au paradis.

Là encore, l’artiste renoue avec le XVIIIème siècle, en composant au XXème siècle (à partir de 1966), un jardin « idéologique » ou « philosophique », qui interpelle sur le sens de la vie.

Little Sparta, échappée sur la campagne écossaise © P. Davenport – Cité de l’Architecture Paris

15 avril 2020


JOUR 15 : Jardins de Bagatelle, Bois de Boulogne – Paris Index

Née en 1777 d’un pari entre le Comte d’Artois et Marie-Antoinette, la Folie de Bagatelle est construite en moins de trois mois dans le Bois de Boulogne par l’architecte et paysagiste François-Joseph Bélanger. Le premier jardin, de taille modeste, est vite étendu à la chênaie voisine accueillant des scènes paysagères avec fabriques et éléments pittoresques – ruines gothiques, cascade en rocaille, grotte, rivière… – dans le goût anglo-chinois de l’époque.

A partir de 1778, le jardinier écossais Thomas Blaikie y intervient régulièrement. Il raconte une partie du chantier dans son Journal de voyage en France (1775-1792).

Au XIXème siècle, le paysagiste Louis-Sulpice Varé restaure le jardin, agrandit la rivière, la grande cascade et enrichit la palette végétale dans le goût des jardins « à l’anglaise ». Après plusieurs années d’abandon, l’acquisition en 1905 par la Ville de Paris, sauve le lieu d’un lotissement. Artisan de cette sauvegarde, Jean-Claude-Nicolas Forestier entame une nouvelle réhabilitation, enrichissant le parc historique de nouvelles ambiances et de plusieurs jardins thématiques inspirés du mouvement anglais Art and Kraft (plates-bandes et prairies fleuries), des jardins hispano-mauresques (Jardin d’iris) et des jardins de style renaissance (la Roseraie, inaugurée en 1907 avec le 1er concours de roses).

Plan général de Bagatelle établi par M. Bélanger © BNF

14 avril 2020


JOUR 14 : Le bosquet de l’Arbre aux voyelles dans le jardin des Tuileries, Paris Index

Créé par André Le Nôtre sur les traces du jardin de Catherine de Médicis, le jardin des Tuileries illustre parfaitement le style classique alternant espaces couverts (les bosquets) et découverts (allées, terrasses et parterres). La forêt y est représentée symboliquement par des arbres alignés, organisés en carrés percés de clairières.

La restauration des années 1990 respecte les structures dessinées au XVIIème siècle tout en réinventant parterres et bosquets. C’est dans ce cadre, en 2000, que le paysagiste Pascal Cribier est amené à concevoir, avec l’artiste Giuseppe Penone, le bosquet de l’Arbre aux voyelles. Le propos est simple, un chêne séculaire – traité en bronze – gît au sol, créant dans sa chute une clairière. Dans ce grand rectangle lumineux, la nature semble se régénérer avec force, dans un étonnant contraste entre les marronniers taillés au cordeau du jardin classique et une végétation – hellébores, fougères, ronces à bois blanc… et arbres laissés en port libre – empruntée aux lisières et sous-bois.

Cette minuscule « friche », très jardinée, est une œuvre d’art vivante qui s’inscrit en douceur dans la longue histoire des transformations du jardin des Tuileries.

Photo : L’Arbre aux voyelles – Michel Audouy

10 avril 2020


JOUR 13 : Le labyrinthe – Jardin des Cinq Sens, Yvoire – Haute-Savoie Index

Situé à deux pas du lac Léman, le jardin des Cinq Sens est un jardin d’inspiration médiévale conçu par Alain Richert (1947-2014), en 1986 et ouvert au public dès 1988.

Le paysagiste tire parti d’un ancien verger dont il conserve les murs et quelques vieux arbres. L’ensemble est cloisonné par de hautes haies de charmilles d’où jaillissent tous les anciens fruitiers du verger. Les charmilles délimitent les allées du labyrinthe ainsi que cinq salles de verdure, chacune accueillant un jardin thématique autour des cinq sens.

La palette végétale, très élaborée dès le départ, s’est enrichie au fil des années pour illustrer chaque thème en toute saison et accroître la dimension botanique. Tout cela à l’abri des regards, dans un écrin de charmes âgés d’une trentaine d’années aux branches noueuses.

Depuis sa création, le jardin est confié aux bons soins d’une petite équipe de jardiniers passionnés qui le font vivre et évoluer dans le respect et l’esprit du dessin originel, attentifs à la patine du temps.

Photo : Jardin des Cinq Sens, Le cloître – Michel Audouy

9 avril 2020


JOUR 12 : Le nouveau parc zoologique de Paris – Bois de Vincennes Index

Inauguré en 1934, à la suite de l’exposition coloniale de 1931, le Zoo de Vincennes, 1er zoo de cette ampleur ouvert en France, s’était dégradé au fil des années, pour devenir exclusivement minéral.

Le Muséum national d’Histoire naturelle décide d’une restauration complète de 2008 à 2014 confiée, après concours, à l’Agence Jacqueline Osty. Il s’agit de donner plus de confort aux animaux et de les présenter dans un cadre qui rappelle les milieux naturels dont ils sont issus.

Paysagistes et techniciens du Muséum vont travailler de concert pour définir, enclos par enclos, la palette végétale adaptée et surtout le type de clôture. Les concepteurs rivalisent d’ingéniosité pour décliner, sous des formes très variées, le principe du saut de loup – fossés et noues plantés ou avec de l’eau, zones rendues infranchissables par la pose de certains matériaux… – autant de stratagèmes pour protéger, sans fermer les vues.

Les vues, d’un enclos à l’autre, à l’échelle du parc, et les nouvelles échappées d’arrière-plans sur le Bois de Vincennes, permettent d’articuler les différentes séquences paysagères – sous-bois sombre, savane, « plaine sahélienne », paysage chaotique du grand rocher (conçu en 1933 par Charles Letrosne) – et de donner l’illusion que les animaux évoluent librement dans la nature.

Photo : Vue sur l’enclos des zèbres et gazelles © Martin Argyroglo – Osty & Associés

8 avril 2020


JOUR 11 : Parc des Buttes-Chaumont, Paris Index

Conçu entre 1864 et 1867 sur le site d’une ancienne carrière, le parc des Buttes-Chaumont s’inscrit dans les grands travaux de transformation de Paris administrés par le préfet Haussmann sous le Second Empire.

Le projet est le résultat d’un travail d’équipe. L’ingénieur Adolphe Alphand (1817-1891), directeur du service municipal des Promenades et Plantations, assure la maîtrise d’œuvre avec l’ingénieur Jean Darcel (1823-1906). L’architecte Gabriel Davioud (1824-1881) réalise le mobilier et les bâtiments, alors que les paysagistes Jean-Pierre Barillet-Deschamps (1824-1873) et Édouard André (1840-1911) conçoivent le dessin et composent la palette végétale.

Ce parc (25 ha), conçu comme un équipement public, dote le nord de la capitale d’un grand espace végétalisé, offrant aux piétons comme aux voitures de longs parcours de promenade, ainsi que des lieux de restauration, des belvédères et des bancs pour se poser et observer le paysage. 

S’appuyant sur le terrain chaotique et rocheux, Alphand et ses collaborateurs composent un paysage aux multiples paradoxes où performances technologiques (utilisation du béton, passage du chemin de fer, ponts et passerelles) et pittoresques (grotte, cascade, arbres rares, falaise) se confondent. Les Buttes-Chaumont deviennent ainsi une vitrine, presque grandeur nature, des grandes infrastructures territoriales qui, à cette époque, sont en train de transformer la France. 

Dessin : Vue à vol d’oiseau du Parc des Buttes-Chaumont, dans “Les Promenades de Paris” d’Adolphe Alphand 2 vol., Paris, J. Rothschild, 1867-1873 © École nationale supérieure de paysage

7 avril 2020


JOUR 10 : Jardin de la Fontaine, Nîmes Index

Créé à partir de 1740 par l’ingénieur du roi Philippe Mareschal, le Jardin de la Fontaine associe deux styles : classique et pittoresque.

La conception de ce jardin – 1er jardin public réalisé en France – est d’abord liée à des travaux d’aménagements hydrauliques visant à réguler la source originelle de Nîmes. 

Ces aménagements sont vite élargis à un plan d’urbanisme ambitieux. Les premiers travaux mettent à jour d’importants vestiges romains dont Mareschal et ses successeurs s’inspirent. L’eau est captée dans un vaste nymphée à colonnes antiques chargé de réguler son débit, avant de s’écouler dans un canal à travers la ville. Il est accompagné de promenades ombragées par des micocouliers et des platanes.

Très architecturé dans sa partie basse (côté ville), le jardin rejoint par paliers une promenade pittoresque à flanc de colline. Là, dans une sorte de maquis planté de chênes verts, lauriers, pins d’Alep, cyprès et arbres de Judée, on découvre, à la manière de fabriques, les vestiges du temple de Diane, les restes d’un théâtre et au sommet la tour Magne, visible depuis toute la ville. 

Photo : Vue de la grande terrasse et partie du nymphée – Michel Audouy

6 avril 2020


JOUR 9 : Jardin du château de Vaux-le-Vicomte, Maincy Index

Le jardin du château de Vaux-le-Vicomte, aménagé entre 1641 et 1661 à la demande du surintendant des finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet, est le premier grand chantier d’André Le Nôtre (1613-1700) et probablement l’une de ses œuvres les plus accomplies. Car, à Vaux, il ne s’agit pas de redessiner ou mettre au goût du jour une réalisation préexistante mais d’inventer un site.

Conçu en même temps que le château, le dessin du jardin s’articule avec une vision globale du projet où, du détail au général, l’architecture dialogue avec les différentes entités paysagères (le jardin, le parc, la campagne). Par un traitement sophistiqué du relief et une maîtrise subtile des plans de vision, Le Nôtre magnifie la topographie et crée un ensemble dont la symétrie n’est qu’une apparence.

Dès qu’on franchit les grandes portes-fenêtres qui donnent accès à la terrasse, le jardin semble se métamorphoser sous nos pas, dans un mouvement continu. Encadrées par les volumes verticaux des bosquets, les perspectives s’allongent, fuient ; de nouveaux bassins apparaissent, disparaissent ; l’assiette des parterres baisse d’un côté et monte de l’autre ; un canal surgit soudainement, aménagé dans le lit de l’Anqueil, en contrebas d’un miroir d’eau dont les dimensions se dilatent au fur et à mesure qu’on s’y approche.

Et quand, après avoir monté la contre-pente gazonnée qui clôt la perspective jusqu’à la statue d’Hercule, on se tourne pour admirer le site, celui-ci a de nouveau changé d’apparence. Les plans superposés des terrasses et des parterres se sont transformés en un socle minéral sur lequel semble flotter, au milieu des jets d’eau, le château, à la fois objet et sujet de ce paysage total.

Photo : Vue du jardin de Vaux-le-Vicomte depuis la perspective d’Hercule, 2016 © Chiara Santini

Icono-bibliographie

3 avril 2020


JOUR 8 : Le jardin extraordinaire, Nantes – Chatenay Index

Ce lieu, encore en chantier – une 1ère partie a été inaugurée en septembre 2019 – a pris place dans une ancienne carrière de granit ensauvagée. Le paysagiste Loïc Mareschal (Agence Phytolab), a conçu un jardin en plusieurs séquences où le site, dans sa brutalité minérale, rencontre un jardin luxuriant et raffiné.

Dès l’entrée, on chemine, comme dans un labyrinthe, à travers un maquis préservé de plantes spontanées issues de l’ancienne friche. Puis, au hasard d’une allée, changement de décor : une grande clairière abritée accueille une collection spectaculaire de plantes exotiques, les plus proches des rochers comme les fougères arborescentes, sont vaporisées par deux cascades qui jaillissent à grand fracas du haut de la falaise.

Inspiré des voyages de Jules Verne, le projet se poursuit actuellement pour accueillir, en 2023, une sculpture géante : l’Arbre aux Hérons. Encore en fabrication, le Jardin extraordinaire incarne déjà une alliance apaisée entre horticulture, écologie et art.

Photo : Vue d’artiste du jardin en pied de falaise (Agence Phytolab)

2 avril 2020


JOUR 7 : Villa Lante, Bagnaia, Italie Index

Réalisée par la volonté du cardinal Gianfrancesco Gambara dans les années 1570-1580, la Villa Lante constitue l’un des exemples les plus remarquables de l’art des jardins italiens de la fin de la Renaissance.

Dépassant le principe albertien, selon lequel dans la construction de la villa, espace bâti et espace planté doivent s’interpénétrer et s’équilibrer, l’architecte Jacopo Barozzi da Vignole (1507-1573) fait du jardin l’élément principal de la composition. Le parc, aménagé sur les pentes d’une colline surplombant le bourg de Bagnaia, près de Viterbe, se compose de deux parties à peu près égales. L’une présente un bois de platanes, l’autre un jardin en terrasses, organisé autour d’un axe médian décoré par des installations hydrauliques.

L’eau, dans toutes ses formes, joue le rôle principal non seulement dans la structure du jardin, mais également dans son programme iconographique. Le jardin met en scène la progressive maîtrise de l’homme sur les forces naturelles, des jets puissants sortants des roches de la terrasse plus haute jusqu’aux miroirs calmes et nourriciers des viviers des parterres bas, en passant par la chaîne d’eau, la « Table d’eau » et beaucoup d’autres installations encore. Les deux pavillons destinés à l’habitation, disposés de part et d’autre de l’axe principal, dans la dernière terrasse, deviennent alors des éléments secondaires du projet, sorte de coulisses encadrant le vrai sujet de la scène : le jardin.

Réputée parmi les réalisations les plus admirables d’Italie, la Villa Lante est devenue dès sa création une référence pour voyageurs et artistes. Parmi d’autres, citons Michel de Montaigne, qui visite Bagnaia en 1581, les architectes Charles Percier (1764-1838) et Pierre François Léonard Fontaine (1762-1853), ainsi que le paysagiste anglais Henry Inigo Trigg (1876-1923) qui lui consacrent des descriptions et de dessins.

Photo : Vue de la « Table d’eau » et de la fontaine des Géants de la Villa Lante, 2013 © Chiara Santini

Icono-bibliographie

1er avril 2020


JOUR 6 : Patio des cyprès de la Sultane, Jardin du Généralife, Grenade, Espagne Index

Construit entre le XIIe et le XIVe siècles, le Généralife (traduction de l’arabe : Jannat al Arif – jardin / paradis de l’architecte) est le palais d’été de l’Alhambra de Grenade.

Les jardins de l’Alhambra et du Généralife sont des jardins d’eau : la construction d’un Acequia Real (canal royal) a permis de conduire les eaux du Darro vers le domaine. Le lit inférieur de la rivière coule souterrainement pour entrer dans les jardins du Généralife par de grandes citernes à l’air libre puis s’écouler par un escalier d’eau à travers une première cour, le patio des cyprès de la Sultana, puis bifurquer vers le patio de la Acequia et se répartir dans l’ensemble du jardin.

Selon la légende, la sultane Morayma et son amant, un chevalier Abencérage (tribu Maure du sud de l’Espagne) se rencontraient sous un cyprès multiséculaire qui a donné son nom au lieu et dont subsiste encore le tronc.

>Le patio des cyprès est une pièce emblématique des jardins de l’Alhambra, une source d’inspiration pour les créateurs de jardins et les artistes. Au début du XXe siècle, le paysagiste Jean-Claude Nicolas Forestier (1861-1930) s’en inspire pour plusieurs projets et en livre une analyse dans un ouvrage sur les jardins paru en 1920.

Dessin : La cour des cyprès de la Sultane dans les jardins du Généralife, dans “Jardins – Carnet de plans et de dessins” de Jean-Claude Nicolas Forestier, 1920 © École nationale supérieure de paysage

31 mars 2020


JOUR 5 : Les jardins du palais de Blenheim, Oxfordshire, Royaume-Uni Index

Les jardins du palais de Blenheim constituent un témoignage saisissant de l’évolution des formes des jardins européens entre les XVIIIe et XXe siècles et de l’œuvre de trois paysagistes importants. Le premier jardin, réalisé par Henry Wise (1653-1738) – surintendant des jardins royaux – au début du XVIIIe siècle, s’inspirait des principes de composition des jardins français qui, à cette époque, étaient une référence incontournable.

Mais, à partir de 1761, quand le quatrième duc de Marlborough, propriétaire du domaine, fait appel au paysagiste Lancelot « Capability » Brown (1716-1783), le tracé formel est remplacé par un parc paysager. Les parterres de Wise deviennent une prairie ; le canal est transformé en grand lac aux rives sinueuses et des bouquets d’arbres, soigneusement disposés, mettent en scène et magnifient la campagne environnante.

Au tournant des années 1930, le parc de Blenheim fait l’objet de nouvelles modifications. Suivant la vogue du revival des formes classiques, Charles Spencer-Churchill, duc de Marlborough, demande au paysagiste Achille Duchêne (1866-1947) de concevoir deux grands parterres encadrant le palais. Aménagé sur deux terrasses ouvertes sur le lac, le parterre d’eau conçu à l’ouest articule finement les références à l’œuvre de Le Nôtre avec le paysage dessiné par Brown, tout en revendiquant une grande modernité dans le traitement des plans et le rapport avec le bâti.

Plan : Nouveau plan du palais, des jardins, des plantations de Blenheim, dans “L’art de créer les jardins” – Nicolas Vergnaud, 1835 © The British Library

30 mars 2020


JOUR 4 : Le jardin des Migrations du Fort Saint-Jean, Marseille Index

Conçu dans le cadre de la création du Mucem en 2013, le jardin du Fort Saint-Jean – Jardin des Migrations, s’étage sur les murailles épaisses, bastions et contreforts de l’ancien fort militaire construit au XVIIe siècle par le chevalier de Clerville, puis Vauban. Il surplombe sur trois côtés le Vieux Port de Marseille et un morceau de la rade.

C’est un jardin sec, une garrigue raffinée, élaborée dans les moindres détails (sols, ouvrages, végétation…) par les paysagistes de l’agence APS, la botaniste Véronique Mure et plusieurs pépiniéristes dont Olivier Filippi, grand spécialiste des plantes de milieux secs.

Il s’organise à partir d’un sentier qui traverse des situations paysagères, architecturales et botaniques très variées. Partout, la végétation semble s’immiscer naturellement dans la pierre pour mieux la sublimer. Les plantes évoquent les cultures méditerranéennes – juive, musulmane, chrétienne – et dans un regard croisé entre les usages et la géographie.

Quinze tableaux – la cour des orangers, le jardin des myrtes, les figuiers suspendus, les jardins de la colline, le jardin du vent, etc – forment un parcours ethnobotanique à travers les Méditerranées, un message d’ouverture et de brassage culturel voulu dans le Mucem.

Photo : Le jardin des Migrations du Fort Saint-Jean, © Val’hor – Victoires du Paysage, 2014.

27 mars 2020


JOUR 3 : Le jardin d’une villa florentine pendant l’épidémie de peste de 1348 Index

À la fin du Moyen-Âge, le Décaméron, publié par l’écrivain italien Jean Boccace (1313-1375), met en scène un groupe de jeunes gens de la noblesse italienne qui, en 1348, quitte Florence frappée par la peste pour se réfugier à la campagne et retrouver ainsi une vie paisible.

L’histoire se déroule en dix journées où chacun organise le sujet de la conversation et des divertissements. Des personnages issus de la réalité (chevaliers, commerçants…) prennent vie au cours de jeux et sont testés sur leur capacité à se confronter aux incertitudes de la vie. Cette retraite, perchée sur les hauteurs de Florence, a pour cadre une villa dont le jardin raffiné, sophistiqué, présente les principaux éléments des compositions de l’époque et évoque déjà celles de la Renaissance. « Le lieu susdit – écrit Boccace – était sur une petite montagne quelque peu éloignée de nos routes, couverte d’arbustes variés et de plantes au vert feuillage, agréables à regarder. Au sommet, il y avait une demeure avec une belle et vaste cour au centre, des galeries, des salles, des chambres (…) avec des prés alentour et de merveilleux jardins… ».

Rarissime témoignage iconographique des jardins de la fin du Moyen-Âge, les fresques qui décorent la chambre nuptiale du marchand Tommaso Davizzi et Catelana degli Alberti au palais Davanzati, à Florence, nous offrent un imaginaire éblouissant de la culture hortésienne des élites citadines du temps de Boccace.

Image : Anonyme, Jardin de la fresque de la Châtelaine de Vergi, Palais Davanzati, Florence, 1350 env. © Musei del Bargello

26 mars 2020


JOUR 2 : Le Jardin des Plantes, Paris, France Index

L’histoire du Jardin des Plantes de Paris commence au début du XVIIe siècle, quand Guy de La Brosse (1586-1641), médecin de Louis XIII, obtient du souverain l’établissement d’un jardin destiné à l’étude et à la culture des plantes médicinales, dans le faubourg Saint-Victor, non loin de la Seine.

Placé sous la houlette de scientifiques renommés, tels Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) ou Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788), le Jardin royal des plantes médicinales devient, au cours du XVIIIe siècle, l’un des hauts lieux européens des sciences botaniques et l’une des destinations privilégiées de la promenade des Parisiens. À l’intérieur de ses clôtures, les visiteurs peuvent en effet découvrir des spécimens de la majeure partie des plantes connues, ainsi que d’importantes collections d’histoire naturelle. En outre, sous la direction de Buffon, le jardin s’agrandit jusqu’à la Seine et s’enrichit d’une partie aménagée avec un dessin irrégulier.

En 1793, reconnaissant l’extraordinaire valeur scientifique de l’établissement – qui depuis sa création offre des cours publics – la Convention nationale décide de le conserver et le transforme en Muséum d’Histoire naturelle. Entre la fin du XVIIIe siècle et la première moitié du XXe, de nouveaux bâtiments et lieux d’exposition viennent alors agrémenter le site : une ménagerie, des galeries de minéralogie, géologie, paléontologie et botanique, ainsi que cinq serres monumentales qui au début des années 2000 ont fait l’objet d’une restauration complète.

Dessin : Jean-Baptiste Hilair – “Jardin du Roy. Le jardin de Botanique.” – 1794 © Bibliothèque nationale de France
Ce beau dessin, qui fait partie d’un recueil accessible sur Gallica.fr (ici), montre l’intérieur du jardin botanique au lendemain de la création du Muséum d’Histoire naturelle, sous la Révolution.

25 mars 2020


JOUR 1 : Le Potager du Roi, Versailles, France Index

Le potager du château de Versailles, réalisé à la demande de Louis XIV par l’architecte Jules Hardouin-Mansart (1646-1708) entre 1679 et 1683, a réuni depuis sa création la triple mission de lieu de production, d’expérimentation et d’enseignement.

Comme l’explique dans son “Instruction pour les jardins fruitiers et potagers” (1690), Jean-Baptiste La Quintinie (1626-1688), premier directeur du Potager, le jardin était en effet consacré à la production pour la table royale, ainsi qu’à l’expérimentation de dizaines de variétés fruitières et légumières et à la formation de jardiniers spécialisés.

En lien avec cette tradition, dès la Révolution, le site a fait l’objet de plusieurs projets pédagogiques autour de l’enseignement agricole, jusqu’à l’ouverture, en 1874, de l’École nationale d’horticulture de Versailles, premier établissement français pour la formation d’horticulteurs et de paysagistes.

Classé au titre des Monuments historiques en 1926, le Potager du Roi est placé sous la responsabilité de l’École nationale supérieure de paysage depuis 1995. Patrimoine historique, organisme vivant et jardin-école, le site de l’ancien jardin royal fait aujourd’hui l’objet d’un important projet de réhabilitation et valorisation conduit par l’école, en lien avec les ministères de l’Agriculture et de la Culture.

Photo : Vue aérienne du Potager du Roi, 1939 env.
Ce cliché, issu des collections historiques de l’École nationale supérieure de paysage, montre le jardin, les bâtiments et les serres de l’École nationale d’horticulture au début de la Seconde Guerre mondiale.

24 mars 2020


Index

1 : Le Potager du Roi, Versailles, France
2 : Le Jardin des Plantes, Paris, France
3 : Le jardin d’une villa florentine pendant l’épidémie de peste de 1348
4 : Le jardin des Migrations du Fort Saint-Jean, Marseille
5 : Les jardins du palais de Blenheim, Oxfordshire, Royaume-Uni
6 : Patio des cyprès de la Sultane, Jardin du Généralife, Grenade, Espagne
7 : Villa Lante, Bagnaia, Italie
8 : Le jardin extraordinaire, Nantes – Chatenay
9 : Jardin du château de Vaux-le-Vicomte, Maincy
10 : Jardin de la Fontaine, Nîmes
11 : Parc des Buttes-Chaumont, Paris
12 : Le nouveau parc zoologique de Paris – Bois de Vincennes
13 : Le labyrinthe – Jardin des Cinq Sens, Yvoire – Haute-Savoie
14 : Le bosquet de l’Arbre aux voyelles dans le jardin des Tuileries, Paris
15 : Jardins de Bagatelle, Bois de Boulogne – Paris
16 : Little Sparta, Dunsyre (Ecosse)
17 : Central Park – New York (USA)
18 : Jardin des Bambous, Parc de la Villette – Paris
19 : Bois sacré – Bomarzo (Italie)
20 : Le Bois des Moutiers – Varengeville (France)
21 : Jardins de Isola Bella – Piémont (Italie)
22 : La Folie de Chartres (actuel Parc Monceau), Paris
23 : Parc Monceau (ancienne Folie de Chartres), Paris 8e
24 : Villa d’Este, Tivoli, Italie
25 : Jardin du Mémorial international Notre-Dame-de-Lorette
26 : Sanssouci, Potsdam, Allemagne
27 : Palais des Marquis de Fronteira – Benfica, Lisbonne
28 : L’Etang des nuages, jardin de paysages Serres d’Abrias, Cévennes
29 : Parc de Sceaux, département des Hauts-de-Seine
30 : Villa d’Hadrien, Tivoli, Italie
31 : Jardins de la Villa Ephrussi, Saint-Jean Cap Ferrat, France
32 : Ermenonville, Département de l’Oise, France
33 : Le jardin en mouvement – Paris 15e
34 : Palais Farnèse, Caprarola, Italie
35 : Le parc départemental du Sausset – Villepinte Seine Saint-Denis
36 : Bosquet du Théâtre d’eau, jardins du château de Versailles
37 : Le bosquet du Théâtre d’eau contemporain – jardins du château de Versailles
38 : Jardins de Pompéi, jardins urbains de la Rome antique
39 : Jardin de la Ménara et de l’Agdâl – Marrakech (Maroc)
40 : Jardin du palais ducal d’Urbino, Italie
41 : Parc Guell – Barcelone
42 : Jardin des Méditerranées – Rayol-Canadel (Var) 
43 : Jardins botaniques royaux de Kew, Grande-Bretagne
44 : Emscher park – Duisbourg – Allemagne
45 : Le jardin de Claude Monet – Giverny et Musée de l’Orangerie à Paris
46 : Jardins du palais royal de Caserta, Naples, Italie
47 : Les jardins de l’imaginaire – Terrasson-Lavilledieu
48 : Jardin botanique de Padoue, Italie
49 : High line park – New-York
50 : Jardin du Luxembourg – Paris
51 : Le Potager du Roi, jardin-école et patrimoine vivant

52 : Le Grand canal, parc du château de Versailles

Pierre Donadieu

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Pierre Donadieu

Botaniste, géographe, historien : enseignant et chercheur

Son parcoursses publicationsses distinctionsses idées

Pierre Donadieu est né le 3 février 1945 à Louzy (Deux-Sévres). Il passe son enfance dans la campagne des Marches picto-angevines.

Son parcours

Le lycée (1956-1965)

De 1956 à 1965, il fait ses études au lycée Henri IV à Poitiers et s’oriente vers le métier d’agronome :

« Dans les premières années du lycée, je pensais au métier d’agronome mais sans savoir ce que signifiait exactement ce mot. Peut-être une sorte de super agriculteur sans les travaux des champs que je n’appréciais pas du tout dans la ferme familiale ? »1.

Ayant été admis dans les classes préparatoires aux grandes écoles (en section Agro), l’idée de devenir paysagiste apparait mystérieusement :

« Une idée me trottait derrière la tête depuis le début des classes prépas : devenir paysagiste, sans renoncer à être agronome. Non pour seulement dessiner et réaliser des jardins mais pour m’occuper également des paysages. Comment et pourquoi ? Je n’en savais rien mais cette curieuse intuition se révéla juste. La seule école qui semblait apporter cette compétence était l’École d’horticulture de Versailles qui offrait une spécialité Paysage et Art des jardins. Cette motivation reste pour moi obscure car je ne connaissais aucun paysagiste, mais en revanche je réussissais très bien en géographie. En outre j’adorais la botanique et commençais à savoir mettre des noms sur les arbres, les fleurs et les herbes. En réalisant mon premier herbier avec des récoltes botaniques à Louzy, je préparais sans le savoir ma carrière de botaniste et de phytogéographe. »

L’École nationale supérieure d’horticulture de Versailles (1965-1968)

Après avoir démissionné de l’École d’agronomie de Grignon où il était admis, il entre à l’ENSH pour obtenir son diplôme d’ingénieur horticole et suivre les enseignements de la Section du paysage, comme son voisin de table Gilles Clément :

« Mon premier voisin de table, à ma gauche sur la paillasse, dans la salle de travaux pratiques du bâtiment des Suisses, s’appelle Gilles Clément. Lui aussi a démissionné d’une école d’agronomie, celle de Rennes où il était reçu. Il veut devenir paysagiste et y parviendra avec succès. »

P. Donadieu renonce à suivre la Section et se prépare à l’INRA à une carrière dans les services de Protection des végétaux :

« Le printemps 1968 arriva. C’était ma troisième année d’école. La révolte grondait dans les milieux étudiants. J’étais en stage à l’Institut national de la recherche agronomique de Versailles dans un laboratoire de virologie, car j’avais décidé de ne pas m’inscrire dans la section de paysagiste. J’avais trouvé deux bonnes raisons : l’état de l’enseignement du paysage était, de mon point de vue, assez lamentable (pas ou peu d’enseignants permanents, des enseignants et des étudiants en grève, des ateliers souvent vides…), et surtout il fallait que je trouve un emploi rémunéré dès la sortie. »

La période dijonnaise (1968-1971)

Par concours, il entre à l’École nationale des sciences agronomiques appliquées de Dijon une jeune école de fonctionnaires qui formait les cadres des services agricoles ainsi que les enseignants des établissements d’enseignement secondaire agricole. Il y reste un an en suivant une formation à la faculté de droit, puis s’inscrit l’année suivante à l’université de Montpellier pour obtenir un diplôme d’études approfondies en écologie. Il y fait l’apprentissage de la recherche scientifique auprès des chercheurs du Centre d’études phytosociologiques et écologiques du CNRS.

« L’enseignement, placé sous la direction des botanistes et phytosociologues Louis Emberger et Charles Sauvage, transmet les méthodes informatiques nouvelles mises au point par les chercheurs Michel Godron et Gilbert Long. J’entre dans une grande famille scientifique qui m’ouvre les portes d’un nouveau domaine auquel Jacques Montégut m’avait initié. Elle partage l’idée que la plante spontanée informait sur les propriétés et la dynamique des milieux. Cartographier les formations végétales de pays connus ou inconnus revenait à informer sur les potentialités d’usage des terres : forestières, pastorales, agricoles ».

En 1970, il est admis à un poste de chef de travaux en écologie prairiale qui s’ouvre à l’École des ingénieurs des travaux agricoles de Dijon-Quetigny. Il ne rencontre pas J. Sgard et B. Lassus qui travaillent dans la ville nouvelle… Puis il part en coopération militaire en Algérie.

Les moment algériens (1971-73) et marocains (1973-1977)

Il est affecté à l’Institut agronomique d’El Harrach à Alger pour enseigner la botanique et l’écologie végétale. Avec D. Chessel de l’Université de Lyon, il commence et publie ses premières recherches sur la structure des végétations steppiques des hauts plateaux algériens en même temps qu’il se consacre avec une équipe de la FAO à la cartographie de la végétation dans la région des Aurès.

« Quelles que soient les saisons, nous parcourons les steppes glaciales ou torrides, en land rover en général, les montagnes hérissées de genévriers ou de chênes verts, les lacs salés, les pâturages d’armoise, les nappes alfatières, les maigres cultures d’orge parsemées de mechtas… Je m’associe à eux pour réaliser une superbe carte de la végétation de la région des monts du Hodna, entre Biskra, Bou Saada et Batna dans les Aurès, ainsi que le rapport descriptif qui l’accompagne. On évaluait la valeur fourragère des parcours sur des bases très empiriques. Les expériences tunisiennes et soviétiques nous servaient de référence. ».

Puis il est recruté comme pastoraliste, écologue et bioclimatologue à l’Institut national agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat en tant que coopérant civil.

« J’entreprends des travaux de bioclimatologie et de phytogéographie qui précisent la répartition de la flore et de la végétation au Maroc, puis sur l’ensemble du Maghreb. J’en tirerai une belle carte synthétique de la végétation marocaine, trop empirique pour être validée par les scientifiques, mais qui sera publiée en 1978 par les services de cartographie de Rabat. Après la conquête pacifique du Sahara espagnol par la monarchie marocaine, la Marche verte de 1977, il me sera demandé de l’étendre jusqu’à la Mauritanie, régions que je ne connaissais pas. Je le fis, sans trop de scrupules, à partir des travaux du botaniste Pierre Quézel. »

Avec l’agronome A. Bourbouze et l’éthnologue A. Hammoudi, il participe à un nouveau type de recherche-action sur le développement de la vallée de l’Azzaden dans le Haut-Atlas au sud de Marrakech2.

« Nous avions la conviction de participer à des pratiques innovantes. L’étude de la vallée de l’Azzaden était pour moi semblable à une étude d’écologie systémique dont j’avais lu un exemple en Tunisie aride. Je traduisis cette interprétation par une étude des valeurs des parcours et un grand tableau écosystémique qui tenait davantage du schéma de câblage électrique ! J’en étais très fier puisqu’il fut publié et que je le montrerai quelques années plus tard au géographe Olivier Dollfus qui allait devenir mon directeur de thèse de doctorat à Paris. »

L’enseignement d’écologie à l’École nationale supérieure du paysage de Versailles (1977-1986)

De la même façon que M. Rumelhart un an auparavant en Algérie, P. Donadieu est recruté à l’ENSP par J. Montégut qu’il avait invité à des excursions botaniques au Maroc. Ils sont chargés de la mise en place du département d’écologie et du laboratoire du même nom. Dans ce cadre, ils enseignent la botanique en première année, la phytoécologie et l’écologie urbaine en 2ème et 3ème année.

Participant avec les paysagistes aux grands concours de parcs publics de cette période (Le Sausset, Les Tuileries, La Villette …), ils partagent leurs services entre l’agence de M. et C. Corajoud (pour M. Rumelhart), et celle de Bernard Lassus (pour Pierre Donadieu).

Parallèlement, P. Donadieu poursuit ses activités de pastoraliste pour la FAO et des sociétés d’étude, et enseigne au Maroc jusqu’en 1990.

En 1986, il cède la direction du département d’écologie à M. Rumelhart devenu maitre de conférences en « écologie appliquée au projet de paysage ». Il passe alors un an au Centre International des Hautes études méditerranéennes de Montpellier, puis revient en 1988 à l’ENSP où l’École lui confie l’organisation des Ateliers régionaux de quatrième année qu’il assure avec B. Follea jusqu’en 1996.

«  R. Chaux me confie la mise en place de deux nouvelles structures de l’école : les ateliers pédagogiques régionaux de quatrième année, et le département de sciences humaines et sociales. J’ai quarante-deux ans et vais me tourner vers une nouvelle activité pédagogique et de recherche à laquelle je me prépare depuis quelques années. À cela s’ajoute ma contribution à la revue de l’école, Paysage et Aménagement, en tant que membre du comité de rédaction. Je vais quitter progressivement le monde scientifique de l’écologie et du pastoralisme pour entrer dans le champ des Landscape studies comme disent les chercheurs américains et anglais que je lis beaucoup. ».

La « Mouvance » (1989- 2008)

De retour à l’ENSP, P. Donadieu est associé en 1989 à la création du DEA « Jardins, Paysages, Territoires » à l’École nationale d’architecture de Paris-la-Villette avec B. Lassus et A. Berque. Il y crée des enseignements différents de ceux du département d’écologie de l’ENSP, fondés sur les nombreuses publications universitaires de cette période. Elles concernent à la fois les idées de paysage chez les géographes (R. et P. Brunet, Y. Lacoste … ), et chez les agronomes (J.-P. Deffontaines et l’INRA-SAD), autant que les travaux de recherche en cours (le paysagisme montagnard de B. Fischesser et H. Lambert au CTGREF de Grenoble par exemple).

« Après son départ de l’ENSP, B. Lassus, qui est professeur titulaire à l’École d’architecture de Paris-la-Villette, rassemble un cercle international d’universitaires et de praticiens qui ont déjà acquis une notoriété dans le domaine du paysage et des jardins : l’historien des jardins John Dixon Hunt (USA), le critique d’art anglais Stephen Bann, l’esthéticien du paysage Alain Roger, le géographe, spécialiste du Japon, Augustin Berque, le haut fonctionnaire du ministère de l’Environnement Alain Chabason, le polytechnicien, sociologue et historien des jardins, Michel Conan, … et moi. ».

Avec Hypothèses pour une troisième nature en 1987 (B. Lassus édit.), Cinq hypothèses pour une théorie du paysage en 1995 (A. Berque édit.), La Théorie du paysage (A. Roger édit.) en 1998, Mouvance II, soixante-dix mots pour le paysage (A. Berque édit.) en 2006, il découvre l’intérêt des manifestes : des proclamations d’idées nouvelles qui engagent un collectif ou une personne. Il se retrouve engagé dans une aventure intellectuelle que A. Berque appellera plus tard La Mouvance. Autrement dit un domaine d’idées et de pratiques changeant ou non au gré des influences subies, une auberge espagnole où chacun apporte son savoir et ses intérêts. Et les défend avec ou sans concession.

Grâce à cette formation doctorale, qui sera dirigée à partir du départ de B. Lassus en retraite en 1999 par Y. Luginbühl, agrogéographe, directeur de recherche au CNRS, il s’oriente vers l’encadrement de thèses de doctorat en « sciences et architecture du paysage » avec l’école doctorale ABIES d’AgroParisTech.

« Le DEA cesse son activité en 2008. Nous avons formé environ 600 étudiants aux concepts et méthodes de la recherche en paysage. Une centaine, français et étrangers, ont pu ensuite préparer une thèse de doctorat et accéder aux métiers de l’enseignement et de la recherche. À cette formation pionnière succèdent plusieurs cursus identiques dans les écoles d’architectes et de concepteurs paysagistes en France et à l’étranger. »

La recherche et la formation doctorale à Versailles (1993-2018)

En 1993 et 1997, il soutient une thèse de doctorat en géographie sous la direction de Olivier Dollfus, puis une habilitation à diriger des recherches à l’université Paris VII. Il devient professeur titulaire affecté à l’ENSP en 1995.

Après la délocalisation de l’ENSH à Angers en 1993, l’ENSP a besoin d’enseignants titulaires et d’un laboratoire de recherches. Celui-ci est créé la même année par P. Donadieu et l’agronome A. Fleury (professeur titulaire issu de l’ENSH), qui deviendra enseignant d’agriculture urbaine à l’ENSP.

« La création du laboratoire de recherches se fit difficilement. Une partie des enseignants paysagistes de l’école, qui avaient leurs propres agences et bureaux d’études n’était pas favorable à la mise en place d’un laboratoire de recherche et d’une formation doctorale. La tutelle l’exigeait dans toutes ses écoles. Mes collègues craignaient d’être évincés de leur enseignement par de jeunes docteurs. Ils n’avaient pas envisagé que certains de leurs élèves paysagistes deviendraient plus tard enseignants avec un doctorat … »

En 2006, il crée le master Théories et démarches du projet de paysage avec l’Université Paris 1, Panthéon Sorbonne et AgroParisTech. L’essentiel de ses doctorants seront inscrits dans l’école doctorale ABIES.

Il enseigne également en Tunisie (Institut national agronomique de Chott Mariem), au Liban et donne de nombreuses conférences dans les écoles d’architecture en Europe (Italie, Suisse, Portugal), en Russie, en Amérique du sud (Argentine, Brésil) et en Asie (Chine, Viet-Nam).

En 2008, avec Catherine Chomarat, philosophe et historienne des jardins, qui lui a succédé à la direction du LAREP, il créé la revue électronique Projets de paysage destiné aux jeunes chercheurs.

En 2011, il fait valoir ses droits à la retraite, et poursuit son activité comme professeur émérite et chercheur associé au sein du LAREP.

Distinctions

Prix de l’Académie des sciences morales et politiques pour l’ouvrage collectif Paysages de Marais (1996), éd. J.-P. de Monza.

Professeur invité à l’Université de Sousse (Tunisie) (2005-2008)

Officier des Palmes académiques (2008)

Membre titulaire de l’Académie d’Agriculture de France, section environnement et territoire, (2015).

Professeur émérite à l’ENSP de Versailles-Marseille (2011-2017)

Ses principales publications

1970-1980

Le Houerou, J. Claudin, Donadieu P., Etude phytoécologique et pastoraliste du Bassin du Hodna (Algérie), FAO, Rome, 1971-72

Jacquard P., Poissonet P., P. Donadieu, A. Trouvat, A. Gallais, “Relations between diversity and stability in experimental plants system”, Communication Proc. 1st Congress of ecology, 1974.

Donadieu P., D. Chessel et al.,1. « Introduction à l’étude de la structure végétale en milieu steppique, Echantillonnage systématique », Oecologia Plantarum, 1975-77

Donadieu P. et al. La vallée de l’Azzaden (étude de la végétation des parcours), Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, Rabat, 1975,

Donadieu P., D. Chessel et al, 2. « Introduction à l’étude de la structure végétale en milieu steppique, Traitement systématique », Oecologia Plantarum, 1975-77,

Donadieu P., Chessel D. et al 3., « Introduction à l’étude de la structure végétale en milieu steppique, dispersion locale », Oecologia Plantarum, 1975-77

Donadieu P., L’écosystème montagnard de la Vallée de l’Azzaden (Haut Atlas de Marrakech), plan de l’écosystème, IAV Hassan II, Rabat, 1977.

Donadieu P., Bioclimatologie et phytogéographie de la région méditerranéenne française, 1979, ENSP, Versailles.

1980-1990

Donadieu P, « L’itinéraire paysager de B. Lassus », P& A, n°3, 1985,

Donadieu P. « Gérer le paysage littoral », P&A, n°5, 1985,

Donadieu P. 1/Géographie et écologie des végétations pastorales 2/Méthode d’étude des végétations pastorales, 3/ La production fourragère des parcours méditerranéens, 3 tomes, ENSP/IAV Hassan II, Rabat, 1985,

Donadieu P. « Repérage géographique de la rusticité thermique », Revue horticole, n° 272 1986,

Donadieu P. « Paysage et aménagement de l’espace », in Lectures du paysage, INRAP, 1986,

Donadieu P. Dossier B. Fischesser, « Quinze ans de paysagisme au service de la montagne et de la forêt, A travers les mots, le pouvoir des mots », P&A, n°11, 1987,

Donadieu P. et A. Bourbouze, « L’élevage sur parcours en régions méditerranéennes », Options Méditerranéennes, novembre 1987, 104 p.

Donadieu P. Dossier : « Des paysages sans paysans », P& A n° 107 (dans Paysages-Actualités), 1989,

Donadieu P., Bourbouze A. et Herzenni A., « La gestion de l’espace rural dans le Haut atlas marocain », in P&A , n° 128, 1990,

1991-2000

Donadieu P. et Bertin J., « Les sanctuaires de nature (le spectacle de la nature dans le golfe du Morbihan), P&A n ° 19, 1991,

Donadieu P., « Le projet de paysage , un outil de négociation », Cahier de l’IAURIF n° 106, 1996,

Donadieu P., « Paysages européens protégés, zones naturelles et sites historiques », P&A n° 23, 1993,

Donadieu P. Du désir de patrimoine aux territoires de projets, paysage et gestion conservatoire des milieux humides protégés : le cas des réserves naturelles du plateau de Versailles-Rambouillet et de quelques marais de l’Ouest, thèse de doctorat en géographie, Université Paris 7, 1993,

Donadieu P., « La paludiculture au pays des grenouilles bleues », in Bull. de l’association des géographes français, 3, 1994.

Donadieu P., « Experts et expertise sociale, le cas des autoroutes », in Autoroutes et paysages, C. Leyrit et B. Lassus (édit.), Paris, Demi-Cercle, 1994,

Donadieu, « Pour une conservation inventive des paysages », in La théorie du paysage, A.Roger dir., 1995, et Cinq propositions pour une théorie du paysage A. Berque dir., 1994,

 

 

 

 

 

Donadieu P., « L’espace agricole et les limites de la ville », in CR de l’Académie d’Agriculture de France, V. 82, n°4, 1996,

 

Donadieu P., (dir.), Paysages de marais, Paris, De Monza, 1996

 

 

 

 

Donadieu P. et Fraval A., «Des agronomes devant le paysage », P&A n° 33, 1996

Donadieu P., et G. Dalla Santa, Campagnes urbaines, Actes sud/ENSP, 1998

 

 

 

 

Donadieu P., « Du désir de campagne à l’art du paysagiste », in L’Espace géographique, 3, 1998.

Donadieu P., «Beyrouth ou la mémoire des pins », Les Carnets du paysage, n° 4, 1999.

2000-2010

Donadieu P., « Nature jardinée, nature sauvage », in Nature vive, Muséum national d’histoire naturelle, Paris, 2000,

Donadieu P., La société paysagiste, Actes sud/ENSP, 2000,

 

 

 

 

 

 

Donadieu P. avec J. Mahaud, « les paysages du Morbihan vus par les artistes », Revue forestière française,n°3, 2000,

Donadieu P., « Les campagnes européennes, tendance début de siècle, de l’agraire au paysage », in Danger d’Europe, Europe en danger (G. Bossuat édit.,), 2001

Donadieu P. et E. de Boissieu, Des mots de paysage et de jardin, Educagri, Dijon, 2002

 

 

 

 

Donadieu P. « Les références en écologie de la restauration », Rev. Ecologie, supp. 9, 2002,

Donadieu P. et Bouraoui M., La formation des cadres paysagistes en France par le ministère de l’Agriculture (1874-2000), Rapport de recherche ENSP/LAREP, 2003,

Donadieu P. et Fleury A., « Les jardiniers restaurent notre monde », Les Carnets du paysage n°9-10, 2003,

Donadieu P. et M. Périgord, Clés pour le paysage, Ophrys, 2005

 

 

 

 

 

Donadieu P., Campagne urbane, Donzelli, introduction de M. V. Minini, 2006.

Donadieu P, In Mouvance, soixante-dix mots pour le paysage, A. Berque et al. édit, Ed. La Villette, 2006

 

 

 

 

 

 

Donadieu P., « Les Bois parisiens », in Paris, Atlas de la nature, APUR, 2006

Donadieu P., « Le paysage, les paysagistes et le développement durable, quelles perspectives ?, » in Economie rurale, n° 297-298, 2007,

Donadieu P. et M. Périgord, Le paysage, entre nature et culture, Armand Colin, 2007,

 

 

 

 

 

Donadieu P, Küster B., Milani R. (dir), La cultura del paesaggio in Europa, tra storia, arte et natura ; Manuele di teoria e pratica, Olschki, 2008,

Donadieu P., Abrégé de géomédiation paysagiste, Tunis, Imprimerie nationale, 2009,

Donadieu, Les paysagistes ou les métamorphoses du jardinier, Actes sud, 2009.

 

 

 

 

 

 

 

2011 …

Donadieu P., avec Sonia Fradi et Hichem Rejeb, L’avenir du vieux village de Takrouna (Tunisie) : ruines ou emblème de la nouvelle villégiature du Sahel ?
publié dans Projets de paysage le 18/07/2010

Donadieu, P. et J. Chroniques paysagistes de deux rives de la Méditerranée, 2011, Tunis, (anglais/français)

Donadieu P., Sciences du paysage, Paris, Lavoisier, 2012

 

 

 

 

 

 

Donadieu P., Le village inventé, fable réaliste, éditions Persée, 2013,

Donadieu P. avec D. Labat, « Le paysage levier d’action dans la planification territoriale » L’espace géographique, n° 1, tome 42, 2013,

Donadieu P., Paysages en commun, Presses universitaires de Valenciennes, 2014,

 

 

 

 

 

Donadieu P., « Contribution à une science de la conception des projets de paysage », in Paysage en projets, (Chomarat-Ruiz C. dir.), Presses Universitaires de Valenciennes, 2016,

Donadieu P., « Les biosols, une condition de la résilience urbaine », in Ressources urbaines latentes, (D. Arienzo et al. dir.), 2016,

Donadieu, P., Girard, Rémy, E., « Les sols peuvent-ils devenir des biens communs ? ». Natures Sciences Sociétés, 2016, 24, p. 261-279.

Donadieu P., « Le paysage à l’Académie d’agriculture de France, de l’esthétique à la biodiversité », in Questions d’environnement et d’agriculture, L’Harmattan, 2017,

Donadieu P., « Les sols en tant que communs territoriaux, un point de vue paysagiste », (chap 7) in Les sols au cœur de la zone critique, enjeux de société (Dhérissard dir), V. 6, Académie d’agriculture de France, 2018 ,

Donadieu P., « Un point de vue mésologique », Les sols au cœur de la zone critique (Berthelin et al, dir), Vol 2, Académie d’agriculture de France, 2018,

P. Donadieu et al, Le paysage en douze questions, et Qu’est-ce que le paysage ? Académie d’Agriculture de France, www.topia.fr, 2018,

Donadieu P., « Les paysages du Genevois français », CAUE Haute Savoie, in Prises de vue Métis Press, 2019.

Donadieu P. Histoire de l’enseignement à l’ENSP de Versailles, depuis 2018. https://topia.fr/2018/03/27/histoire-de-lensp-2/

Ses idées

La carrière de P. Donadieu n’est pas celle d’un formateur de paysagistes concepteurs à la manière de M. Rumelhart avec lequel il a enseigné pendant une dizaine d’années. Elle est plutôt celle d’un chercheur enseignant qui a transmis à ses étudiants de DEA, de master et de doctorat, un métier (des méthodes de chercheur) appris précocement. Il a exploré des domaines apparemment très différents, mais avec un dénominateur commun, l’intérêt porté à la connaissance de l’espace, tant du point de vue de ses potentialités écologiques et de ses usages sociaux que de son aptitude à être modifiée par des projets de paysage ou de jardin.

Deux questions ont été pour lui constantes, sans réponses définitives : quelles connaissances doit-on transmettre aux étudiants (agronomes, paysagistes, architectes) et pour quels usages ? Comment les créer ?

Deux polarités épistémiques se sont succédées et superposées sans vraiment interférer. L’une de 1970 à 1990, est dominée par la connaissance botanique et écologique des végétations naturelles, cultivées et jardinées, notamment méditerranéennes, savoirs scientifiques qu’il enseigne pour former des ingénieurs agricoles à Dijon, et des ingénieurs agronomes à Alger et à Rabat. Cette pratique d’enseignant est doublée par une compétence d’agrostologue pastoraliste et de phytogéographe qui cherche à établir sous forme cartographique des synthèses bioclimatiques et phytoécologiques pour l’Afrique du nord.

« En tant que botaniste, j’ai mis mes connaissances biologiques au service de la formation des ingénieurs agronomes. Qu’il s’agisse de la flore des pâturages, des forêts, des mauvaises herbes des cultures ou des jardins. J’étais à l’aise partout. Je savais mettre un nom latin sur n’importe quel végétal ou presque. Et si je ne savais pas, les flores m’aidaient car j’avais appris à les manipuler très tôt. C’était une compétence peu répandue mais aussi une passion très envahissante que m’avait transmise Jacques Montégut à l’ENSH de Versailles. J’en ai gardé des milliers de diapositives »

L’autre polarité, de 1977 jusqu’à aujourd’hui, a été construite en fonction des différentes missions qui lui ont été confiées dans la mise en place des services de l’École de paysage de Versailles ; cette formation étant proche de la culture de projet des architectes et de celle des Beaux-Arts. Il a pris en charge la création et la gestion des départements d’écologie, de sciences humaines et sociales, et de la quatrième année, puis la responsabilité scientifique d’un laboratoire de recherches et d’une formation doctorale reliée à celle dispensée à l’École d’architecture de Paris la Villette.

Pour cela il a modifié ses centres d’intérêt :

« Je voulais conclure ma période nord africaine par une belle thèse de doctorat qui aurait prolongé les travaux phytoécologiques de Charles Sauvage et de Louis Emberger, autant que ceux de mes mentors en pastoralisme H.-N. Le Houerou et Jacques Claudin. Mais cette idée était devenue anachronique au début des années 1980. Alors j’ai soutenu dix ans plus tard une thèse en géographie de l’environnement consacré aux zones humides, un sujet qui allait devenir quelque temps très politique, puis tomba dans l’oubli ».

Le botaniste

Pierre Donadieu a acquis la compétence de botaniste d’abord à l’ENSH de Versailles, puis sur les steppes algériennes. Ce savoir encyclopédique n’était pas dissociable de la capacité à lire et à comprendre les paysages comme il le raconte au moment de son passage de l’Algérie au Maroc en 1972 :

« En juillet, mes nouveaux employeurs me proposent un exercice inattendu : accompagner un voyage d’études des élèves ingénieurs marocains sur les plateaux de l’Oriental, de Missour à Midelt. Je prends le train d’Alger jusqu’à Oujda et Taza pour rejoindre le bus qui m’attend. Je n’ai jamais parcouru la vallée de la Moulouya, mais les paysages que je découvre me sont immédiatement familiers, des steppes à alfa et à armoise blanche à perte de vue comme sur les hauts plateaux algériens. Sur les contreforts du Moyen-Atlas, des boisements clairsemés de genévriers montent à l’assaut des cimes encore enneigées. Je commente le parcours comme si j’en étais le guide attitré. Examen réussi ! On se donne rendez-vous en septembre à Rabat pour la rentrée. »

Il ne faisait pas de doute pour lui qu’un nom de plante, spontanée ou pas, était associable à de multiples propriétés du milieu où on la trouvait. Les végétaux parlaient de l’histoire climatique, édaphique et humaine des paysages ruraux, de leurs usages (forestiers, pastoraux, agricoles, alimentaires…). Encore fallait-il les faire parler !

La Plante indicatrice

Fondée sur des méthodes phytoécologiques et phytosociologiques, cette doctrine était étrangère aux points de vue sociologique et agronomique de l’époque, lesquels remettaient en cause des ambitions un peu hégémoniques. Pourtant, elle savait intégrer les causes économiques ou culturelles des évolutions constatées.

« Les économistes, les agronomes et les sociologues nous ignoraient. Et on ne se privait pas d’en faire autant. Si nous recommandions les mises en défens des parcours abimés par le surpâturage, c’est après avoir observé les cimetières préservés des troupeaux. Si nous affirmions la dégradation généralisée des anciennes forêts semi-arides, c’est en étant capable de reconnaitre les vestiges du cortège floristique forestier. Dans ce grand livre ouvert de la nature, nous lisions le destin des territoires …Nos alliés c’était les forestiers. ».

De retour à Versailles, P. Donadieu ne travaille plus avec des agronomes ou des forestiers (des scientifiques), mais avec des paysagistes (qui ne le sont pas). Ces derniers attendent des écologues enseignants une connaissance experte du « milieu » (au sens des paysagistes) pour inspirer leur parti de projet et pour planter les bonnes plantes au bon endroit. Pas beaucoup plus.

«M. Rumelhart enseignait déjà quand je suis arrivé. Je n’ai pas posé la question : que devons nous enseigner, et pourquoi ? J’aurais dû la poser. Il était évident que nous nous sentions les héritiers de J. Montégut et que notre chemin pédagogique était tracé. Personne ne semblait souhaiter autre chose. Personne n’évoquait l’émergence de la conscience écologique et des alternatives à la croissance économique que la France venait de connaitre. Les idées étaient conservatrices en dépit de l’apparition d’une commande publique nouvelle de parcs urbains, et de réponses de projets qui allaient fonder un “paysagisme urbain“. C’était frustrant. »

Réguler les paysages agricoles : une utopie

Constatant que la connaissance phytoécologique des paysages n’intéresse en général les étudiants qu’en tant qu’éléments vite oubliés de culture générale, et que la botanique reste un savoir scientifique d’expertise qui n’est pas revendiqué par les paysagistes, Pierre Donadieu revient à son expérience précédente : les paysages ruraux.

En tant qu’agronome, et fils d’agriculteur, il commente dans de nombreux articles publiés dans Paysage et Aménagement, l’évolution des paysages agricoles. En s’appuyant sur son expérience marocaine et sur les travaux de J.-P. Deffontaine à l’INRA, il réaffirme l’idée que les paysages agricoles sont d’abord des productions des propriétaires fonciers et des exploitants agricoles. Et qu’il n’est possible d’agir sur eux qu’avec les agriculteurs.

«Je voyais bien, et je le comprenais par atavisme, que les mondes paysagiste et agricole en France n’avaient rien de commun. Il était illusoire de vouloir édicter « top down » des règles paysagères applicables par les entreprises agricoles, sauf dans des situations patrimoniales partagées par tous localement. Cette ambition défendue par les paysagistes me paraissait exorbitante, et politiquement utopique. Seules les démarches patrimoniales enseignées par H. Ollagnon à l’AGRO ont été vraiment efficaces, avant celles de la médiation paysagère»  

Le géographe

Quand il s’associe à l’agronome A. Fleury, il trouve un partenaire qui partage sa culture agronomique issue de l’AGRO de Paris et des enseignements de M. Sébillotte que lui ont transmis ses collègues agronomes au Maroc. Dans ce partenariat, il est ainsi amené à avoir recours aux travaux de recherche du géographe orientaliste A. Berque (le paysage comme médiance) et du philosophe A. Roger (le paysage comme artialisation du pays) avec lesquels il travaille. Il modélise le processus de projet de paysage en s’inspirant des travaux du sociologue M. Conan et de l’écrivain Umberto Eco (le projet comme logique abductive). Il tente de les appliquer à trois domaines émergeants de l’action publique gouvernementale : l’agriculture urbaines, les zones humides et les pratiques paysagistes.

L’agriculture urbaine

André Fleury, qui est nommé professeur d’agriculture urbaine à l’ENSP, est le principal promoteur, avec Roland Vidal, et jusqu’à sa retraite, de l’idée de l’agriurbanisme. Pierre Donadieu l’accompagne dans cette démarche qui analyse en termes agronomiques les mécanismes d’adaptation des exploitations agricoles à la demande alimentaire urbaine.

« J’avais vite compris que dans ce milieu (paysagiste, architecte, artiste, écrivain …), on ne pouvait convaincre que par des manifestes, et non par des publications scientifiques. C’est pourquoi, après quelques années d’enquêtes avec André et ses étudiants, j’ai écrit Campagnes urbaines, ouvrage publié avec l’aide de J. Cabanel de la Mission du paysage. C’était une application un peu simpliste du concept de conservation inventive que j’avais développé dans Cinq propositions … Je plaidais pour la conservation d’une agriculture réinterprétée dans la région urbaine, par la ville et pour la ville.  Les paysagistes enseignants auraient pu s’en emparer, mais il n’en a rien été.»

Les zones humides

Deux années avant la parution de Campagnes urbaines, Pierre Donadieu dirige l’édition de l’ouvrage Paysages de Marais toujours avec l’aide de la Mission du paysage. Le thème des Zones humides est à l’agenda du gouvernement. L’idée semble la même que dans Campagnes urbaines, sous une forme polyphonique et plus savante : comment et pourquoi les marais, les marécages, les zones inondables, en voie de disparition, pourraient-ils « faire paysage » tout en conservant leurs espaces propres et les services écosystémiques qui y sont associés ?

« Je venais de soutenir ma thèse sur les zones humides, et souhaitaient la publier. J. Cabanel me convainc facilement d’en faire un « beau livre » tout public. Je propose une première version réunissant les textes des chercheurs français sur ce sujet. Puis une seconde, beaucoup plus simple avec les images d’Arnaud Legrain (Agence VU), auxquelles s’ajouteront les images de l’éditeur J.-P. de Monza. Le livre a obtenu un prix de l’Académie des sciences morales et politiques. J’en étais très fier ».

Les paysagistes

Au début des années 2000, le corpus théorique de la Mouvance devint de plus en plus évident et convaincant. Il dessinait un périmètre original de pensée et de pratiques propre au paradigme paysager/paysagiste de « milieu » au sens de la mésologie développée par A. Berque. Il était devenu possible de penser le projet de paysage avec une épistémologie propre qui l’ancrait assez loin du naturalisme des scientifiques, mais sans l’exclure. Les approches néo-heideggérienne de A. Berque, plasticienne de B. Lassus et esthétique de A. Roger inspiraient cependant des critiques vives chez les géographes, les agronomes et les anthropologues. Débats qui furent clos par l’ouvrage de l’anthropologue P. Descola Au-delà de nature et culture en 2005. L’idée de paysage relevait de la catégorie des cultures dites naturalistes et ne pouvait se soustraire à ce déterminisme sociohistorique.

P. Donadieu pris acte de ce débat d’abord en publiant La Société paysagiste, qui rassemblait et développait ses cours au DEA de l’École d’architecture de la Villette, puis les Paysagistes, figures produites par cette société amateure de paysages, de jardins et de lieux aimables, qui décrivait l’état de la profession de paysagiste en pleine croissance à cette époque.

« J’ai pensé à cette époque (2009) qu’un cycle se terminait. J’avais vu disparaitre l’idée, pourtant convaincante, de la « Plante indicatrice des milieux », il me semblait que la Mouvance, non moins séduisante, allait connaitre le même sort. C’est pour cette raison que j’avais créé, pour lui succéder, avec l’aide du directeur R. Mondy et de la direction d’AgroParisTech, le master « Théories et démarches du projet de paysage » et sa formation doctorale, seule possibilité pour les chercheurs du LAREP de susciter des vocations de jeunes chercheurs et de développer des programmes de recherches, sur le projet de paysage. »

Dans tout cela j’ai été un géographe peu orthodoxe, intéressé en dernier ressort par ce que les pratiques paysagistes, médiatrices, apportaient à la vieille idée du commun. Et pour cela je me suis beaucoup inspiré de la philosophie pragmatiste du philosophe américain John Dewey. ».

L’historien

Pierre Donadieu n’est pas historien, mais il a été convaincu par sa collègue, Chiara Santini, historienne professionnelle, de l’intérêt de la consultation des archives. Il est devenu historien amateur.

« J’ai fait une première tentative d’exploration du passé avec la recherche sur la formation des cadres paysagistes en France en 2003. Dans les archives poussiéreuses de l’ENSP, j’avais découvert des petites merveilles évoquant la mémoire oubliée de l’École d’horticulture. J’ai entrevu, de loin, les zizanies avec l’école d’Angers pendant presque 20 ans : qui était légitime pour accueillir les archives des écoles et des paysagistes : Angers ou Versailles ? ».

Il se rend compte que cette histoire est méconnue par les élèves et les enseignants, et surtout qu’elle est tronquée et comporte beaucoup de trous.

« Je me suis lancé dans une entreprise un peu folle : raconter l’histoire de l’enseignement des écoles du Potager du roi. Pour cela j’ai fait appel aux travaux existants et en cours. J’ai repéré avec l’aide de Chiara où étaient les archives, j’ai interrogé les plus vieux enseignants. J’écris au fil des semaines un récit qui, pour partie (l’histoire la plus récente) est aussi le mien ».

Pour conclure

Pendant une cinquantaine d’années, la carrière d’enseignant chercheur de P. Donadieu dessine un « destin paysager » qui ne prend pas les mêmes chemins que celui de B. Lassus décrit par S. Bann3.

Formé très tôt à la recherche scientifique au CNRS, il fait un vaste détour par l’enseignement et la recherche agronomique et forestière en Algérie et au Maroc, avant de revenir au Potager du roi où il a appris son métier de botaniste.

Dans ce site prestigieux, il devient, parmi d’autres, l’artisan de la construction lente et riche de péripéties de l’enseignement de l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille. Elle a été faite sur le modèle des projets versaillais d’Institut du paysage qui avaient échoué.

Parallèlement, associé aux manifestes culturalistes des acteurs de La Mouvance, il poursuit une analyse des processus de « mise en paysage » des territoires ruraux. Cette connaissance avait commencé avec les pâturages collectifs des éleveurs marocains. Elle se termine dans la quête d’un bien commun paysager apporté par la gouvernance démocratique des territoires en France.

La boucle est ainsi refermée sur une vocation qui trouve peut-être ainsi son origine restée énigmatique : une conscience précoce d’un destin humain solidaire. Idée que résume le philosophe J. Rancière :« L’apparence (du monde) n’est pas le contraire ou le masque de la réalité. N’est-elle pas ce qui ouvre ou ferme l’accès à la réalité d’un monde commun ? »4 ?

Pierre Donadieu

Mars 2020


Notes

1 La plupart des citations sont extraites de l’autobiographie de Pierre Donadieu, Ici et ailleurs, mémoire des deux rives, non publié, 2017.

2 Un film de A. Bourbouze et de A. El Aich, « La vallée est tombée dans les pommes » a montré 40 ans après l’efficacité de la démarche. Désenclavée par une piste carrossable, la vallée s’est ouverte à une économie arboricole spectaculaire qui a transformé le mode de vie de ses habitants.

3 S. Bann, Le destin paysager de B. Lassus, Orléans, HYX, 2014.

4 Jacques Rancière, Jardins subversifs, le Temps du paysage. Aux origines de la révolution esthétique. La Fabrique éditions, 2020.

Marc Rumelhart

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Marc Rumelhart

Botaniste, écologue paysagiste et pédagogue

Son parcours Ses idées de pédagoguesUne épistémologie du vivant1

Marc Rumelhart est né à Lyon en 1951 et a passé son enfance dans le Bugey jusqu’à l’âge de 20 ans.

Son parcours

Après les classes préparatoires dans un lycée lyonnais, il se présente au concours d’entrée à l’Ecole nationale supérieure dhorticulture de Versailles où il est reçu en 1971. La même année sont inscrits en première année de la Section du paysage et de lart des jardins : Alexandre Chemetoff, Alain Marguerit et Gilles Vexlard. Cette même année, M. Corajoud et Jacques Simon commencent à enseigner dans les ateliers à la rentrée de l’année scolaire 1971-72.

Puis, il choisit une spécialité de malherbologie avec le professeur de botanique et d’écologie végétale, Jacques Montégut, qui deviendra son mentor et un modèle admiré.

« La perspective d’une année avec Montégut suffisait à mes ambitions. Je n’ai jamais regretté ce choix car je lui dois ma vocation de botaniste écologue, et bien des partis pris pédagogiques. Hormis une laborieuse initiation à la recherche, et quelques cours suivis à l’Agro, je passais beaucoup de temps à accompagner les pérégrinations du maître ».

« Comme nous n’étions, hélas, pas toujours dehors, j’ai beaucoup appris en mettant de l’ordre dans l’herbier, en manipulant les échantillons rapportés des sorties, et en indexant la littérature botanique et malherbologique. Mais aussi en préparant avec les techniciens du matériel didactique vivant, car Montégut faisait beaucoup manipuler. Semis, rempotage, repiquage, arrosage, étiquetage : de ces précieux gestes jardiniers, j’ai plus appris là qu’en deux ans d’horticulture. Des équipées délocalisées en région, je rapportai grand butin : l’exploration partagée de territoires et de leurs usages donnait une clé pour entrer dans la conversation généreuse et cultivée du patron, ce grand savant. »

Son diplôme dingénieur horticole en poche en 1974, il part en coopération militaire à Djelfa sur les hauts plateaux algériens, où il fait venir J. Montégut. Celui-ci le recrute pour lui succéder dans les enseignements de la nouvelle ENSP qui vient douvrir ses portes.

En 1976, il est affecté, comme maitre auxiliaire, à l’ENSH et mis à disposition de lENSP. Pour parfaire sa formation, J. Montégut loriente vers un DEA d’écologie végétale à l’Université d’Orsay quil suit en 1977 :

« Je trouvais à Orsay (université de Paris-Sud) un bel enseignement d’écologie végétale, adapté à mes besoins. Autour de Marcel Guinochet se concentrait un renouveau de la phytosociologie. En appui à un cours de phytoécologie générale de haut niveau, Georges Lemée nous faisait bénéficier de ses résultats sur les écosystèmes des réserves biologiques de Fontainebleau. L’encadrement serré de leurs collaborateurs (Solange Blaise, Jean-Paul Briane, Jean Guittet, Jean Lacourt, Aimé Schmitt) avait installé parmi les étudiants un esprit d’équipe stimulant. M. Guinochet par sa hauteur de vues et sa posture de systématicien, Lemée par la tonicité et la transversalité de ses apports, y compris in situ, ont élargi mon approche de l’écologie scientifique. J’ai acquis rapidement une gamme étendue de références méthodologiques et de terrain. En outre, je pris pied cette année-là dans l’Amicale de phytosociologie, que j’allais accompagner une quinzaine d’années ».

À l’ENSP, il rencontre à la rentrée suivante Pierre Donadieu, lui aussi ingénieur horticole (entré à l’ENSH en 1965) et titulaire dun DEA d’écologie en 1970 (à l’Université de Montpellier). J. Montégut lavait recruté au Maroc à l’occasion là aussi d’inépuisables excursions botaniques dans le Moyen Atlas et le Haouz de Marrakech. Il dirigeait le département d’écologie végétale, de bioclimatologie et de pastoralisme à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat.

De 1977 à 1986, ils créent et gèrent ensemble le département d’écologie et le laboratoire d’écologie. Dans le cadre du département ils prennent en charge avec Roland Vidal les enseignements de botanique et d’écologie végétale des trois premières années de lENSP. Ils reconduisent, au moins au début, une grande partie de lenseignement de J. Montégut dont ils avaient été les élèves, et tout particulièrement les excursions, les travaux pratiques, les polycopiés et les herbiers. Dans le cadre du laboratoire, ils répondentà des demandes d’études écologiques issues le plus souvent de paysagistes et de bureaux d’études.

Ils participent au concours du parc départemental du Sausset (93) et M. Rumelhart assiste M. et C. Corajoud pendant les vingt ans de réalisation du parc.

Le parc du Sausset, stratégies bocagères, 1980

Après une période de crise, labandon du projet d’Institut français du paysage en 1985, les départs, momentanés ou définitifs, de nombreux enseignants dont Pierre Donadieu, Gilles Clément, B. Lassus et A. Provost, et après la nomination de Michel Corajoud comme maitre de conférences titulaire en « théories et pratiques du projet de paysage », en 1987, M. Rumelhart est nommé maitre de conférences titulaire en« écologie appliquée au projet de paysage ».

Dans son département, il met en place une nouvelle équipe denseignants. Dabord en sassociant avec le paysagiste Gabriel Chauvel (qui s’était inscrit à la Section en 1970) afin de reprendre lenseignement dutilisation des végétaux que ne dispensait plus Gilles Clément.

G. Chauvel

M. Rumelhart revient sur cette période de mutation de lENSP :

« Michel Corajoud (avait reçu) une lettre d’un ancien étudiant de la section du paysage, qui exprimait le désir de renouer avec l’univers d’échanges d’expériences et de débat que représentait pour lui l’école, après une douzaine d’années de pratique professionnelle trop isolée. Connaissant mon inquiétude (relative à l’enseignement d’utilisation des végétaux), Michel Corajoud organisa une rencontre avec Gabriel Chauvel dans son village introuvable des bords de Vilaine, près de Redon. Mais il laissa ce soir-là si peu de place à la parole de son élève que je n’eus d’autre choix que de faire confiance à l’intuition du maître bavard, longuement argumentée pendant le voyage de retour. Bien m’en prit. Gabriel Chauvel est un expérimentateur de première catégorie, un inventif détonnant et un bricoleur génial. En outre, quoiqu’il s’en défende, il aime et sait écrire, et possède l’art de résumer une pensée ou une découverte par une formule concise d’une efficacité didactique redoutable. Nous avons presque immédiatement accordé nos violons. »

Ils mettent en place de nouveaux exercices pédagogiques pour inventer un enseignement du jardinage au Potager du roi :

« Je ne sais même plus qui a proposé le premier d’offrir aux élèves une pratique jardinière, mais le fait est que, dès le printemps 1986, celle-ci se mettait en place dans un coin déshérité du Potager du roi, sur un épandage de vases de curage ».

Puis il recrute un ancien élève, Alain Freytet, diplômé en 1984.

A. Freytet

«Il mettait au service de notre enseignement ses talents variés : dessinateur, cartographe, naturaliste et… pédagogue. Ils ont superbement dynamisé et diversifié nos activités de lecture de l’espace et de diagnostic paysager. J’ai déjà évoqué ailleurs quelques-unes de ses qualités professionnelles. Promoteur convaincant de la spécificité des paysagistes, mais familier du travail interdisciplinaire, il en tire un enthousiasme, une aptitude à l’encouragement qui font accepter par les élèves l’exigence forte de ses attentes de production. Avec lui, je n’ai pas peur de prétendre que nous avons érigé au rang d’un art savant la conception des excursions et des voyages pédagogiques, et l’apprivoisement de la géologie et du relief par les futurs paysagistes ».

Avec la création par P. Donadieu et A. Fleury du laboratoire de recherches de l’ENSP en 1993, il s’oriente un temps vers la recherche scientifique et dirige un programme pluridisciplinaire de recherches du Ministère de l’Environnement Recréer la nature (1999-2000)2. Puis il se consacre totalement à l’enseignement et infléchit l’activité pédagogique et de recherche de son département vers les ethnosciences. En 2007, il recrute la jeune ethnoécologue Pauline Frileux3 comme maitresse de conférences appelée à lui succéder. Il prend sa retraite d’enseignant en 2013, sans cesser son activité jardinière au Potager du roi avec ses collègues et anciens élèves, mais en froid avec la direction de l’école du fait d’un litige sur sa succession.

S’étant totalement dévoué à l’enseignement, sans faire une place suffisante à la recherche académique comme le souhaitait la tutelle ministérielle, il a entretenu avec la Direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’Agriculture, et surtout avec la CNECA (commission nationale des enseignants chercheurs) qui avait bloqué son avancement de carrière, un dialogue de sourds4.

« Mais la vexation, je dirais même l’injustice, la plus forte c’était, à mes yeux, la déconsidération des enseignants non ou peu chercheurs dont je comprenais bien que je « jouirais » à vie.

S’est alors ancrée dans mon crâne une conviction qu’on a le droit de juger libertaire et soixante-huitarde, mais que j’ai emmenée jusqu’à ma retraite. « Vous ne voulez pas reconnaître mes qualités d’enseignant ou plus exactement les traduire dans ma progression de carrière ? Surtout, vous ne voulez pas considérer le cas particulier de cet enseignement-là, qu’il a fallu monter de toutes pièces, à partir de presque rien (sinon un glorieux passé riche d’enseignements, mais pas directement resservable ? Alors, vous n’aurez plus d’autre rapport d’activité venant de moi. Même pas l’obligatoire quadri-annuel. Surtout demandé à la période de l’année où un vrai enseignant de « matières du dehors » est le moins disponible. »5.

Ses distinctions6

Membre de la commission supérieure des monuments historiques,

Membre de la commission nationale des enseignants chercheurs du Ministère de lAgriculture, section 2, Milieux, organismes, populations.

Ses idées de pédagogue 

Il y a eu deux périodes principales dans la carrière de Marc Rumelhart : avant et après 1986.

Avant 1986

Jusqu’à la crise étudiante et enseignante qui fut marquée par l’abandon du projet d’institut français du paysage en 1985, son enseignement reste fidèle à l’héritage scientifique de Jacques Montégut. Les sciences écologiques, phytogéographique et phytosociologiques sont pour lui comme pour Pierre Donadieu des fondamentaux incontournables. Même s’ils savent qu’il leur faut adapter cette connaissance académique et abstraite à l’exigence d’action du métier de paysagiste concepteur.

« Notre préoccupation commune était d’adapter notre offre à ce que nous comprenions des compétences attendues des paysagistes DPLG. Problème : nous étions en même temps, à notre place, en train de les profiler ! ».

Colloque de phytosociologie, 1988

Avec R. Vidal, ils vont beaucoup s’intéresser à la botanique ornementale. À la phénologie des végétaux, notamment, convaincus à l’époque que le choix d’une palette végétale pour un projet dépendait, entre autres critères (taille, port, feuillage persistant ou caduque …) d’une bonne connaissance des dates et des périodes de floraison ou de fructification. Domaine qu’enseignait également Gilles Clément, mais du point de vue du praticien. En fait ils parlaient de la même chose mais à la manière des botanistes. La coordination pédagogique n’était pas encore au point.

Les arbres feuillus, M. Rumelhart et R. Vidal, 1991.

« Une demi-douzaine de séances saisissait les optimas phénologiques successifs de l’année scolaire pour introduire des points de systématique ou de biologie en rebond dune excursion appropriée :
– morphologie foliaire, feuillus au stade feuillé ;

– végétaux inférieurs et Éricacées ;
– reconnaissance hivernale des feuillus, larbre et larborescence ;
– Gymnospermes ;
– flore vernale, formes biologiques et indicateurs écologiques ;
– TD de floristique, Graminées.
Avec Roland Vidal, nous arpentions le terrain pour préparer les expositions d’échantillons suivies de tests de reconnaissance qui prolongeaient les sorties. Nous avons constitué rapidement un herbier de rérence, enrichi les polycopiés existants (notices géologiques, listes floristiques) et amendé certaines des clés didentification trop concises quavait rédigé Montégut »

Marc Rumelhart avait compris comme J. Montégut quil fallait introduire lespace géographique concret dans les cours, alors que le modèle de l’écosystème fonctionnel des frères Odum7 sur lequel était fondé l’écologie générale restait très abstrait :

« Estimant devoir offrir aux élèves de deuxième année un savoir écologique plus construit, je puisai dans mes acquis en gestation pour bâtir un cours d’écologie générale et écosystémique. Aux classiques facteurs et agents climatiques, édaphiques, biotiques et anthropiques, j’ajoutai, à l’instar de Montégut, le tiroir commode du topographique qui permet d’évoquer les groupements pionniers : dunes, éboulis, tourbières, adventices des cultures ».

Il faut apprendre, disaient les paysagistes, à lire un paysage. Mais, en dehors de l’analyse phytoécologique (ce qu’apprenaient les plantes indicatrices) qu’ils connaissent bien, ils s’aperçoivent qu’il existe d’autres savoirs à transmettre, tout aussi pertinents. Ils vont chercher ailleurs, à l’Agro, des compétences qu’ils n’ont pas en géomorphologie et en sciences des sols :

« L’enseignement actuel de “lecture de l’espace”, par exemple, doit une fière chandelle au coup de main que nous ont donné Yves Peyre et Bernard Fournier, de l’INA-PG, pendant deux ou trois ans, pour monter un enseignement actif de lecture des caractères physiques d’un territoire. C’est avec eux que j’ai compris quels bénéfices on peut espérer du commentaire de travaux menés par des élèves aux niveaux d’information disparates ».

Peut être influencé par la théorie de la forme (la Gestalt Theorie) : le tout est différent de la somme des parties, P. Donadieu se demande comment renouveler l’analyse des paysages, non par les listes de plantes de l’Ecole phytosociologique zuricho-montpellieraine qui restait leur méthode de recherche préférée, mais par la description des structures végétales d’un site :

« C’est sur une sienne idée que nous avons initié l’exercice de “Levés de structures végétales”, aujourd’hui valeur sûre de notre enseignement d’utilisation des plantes. Initialement, chaque élève devait étudier, sur vingt motifs d’assemblages végétaux, en situation urbaine ou para-urbaine, les relations entre leur organisation spatiale et leurs ambiances, usages et fonctions ».

Quand un nouveau programme pédagogique est voté en 1986, est affirmé en même temps le principe d’une relation plus complémentaire qu’avant entre les ateliers et les autres départements : arts plastiques et techniques de représentation, techniques de projet, sciences humaines et sociales. Changement qui fut concrétisé par l’évolution du nom du département : « Écologie appliquée au projet de paysage ». En pratique l’enseignement s’éloigna du paradigme des fonctionnalités écosystémiques et des équilibres écologiques, pour retrouver, en tâtonnant, un référent un peu oublié : la réalité matérielle des paysages et des lieux telle qu’elle se présentait à la sensibilité des étudiants paysagistes. L’équipe enseignante fut modifiée avec l’arrivée de deux paysagistes G. Chauvel et A. Freytet.

Au même moment la direction des départements commençait également à changer au profit de jeunes paysagistes : O. Marty en arts plastiques succédait à Daniel Mohen et quelques années plus tard M. Audouy prenait en main le département des techniques.

Après 1986

Jusqu’à la fin des années 1990. M. Rumelhart ajouta aux exercices pédagogiques issus de l’héritage de J. Montégut, ceux qu’avec G. Chauvel ils menaient dans le Potager du roi dans des placettes de jardinage confiées pendant trois ans aux étudiants. En 1999, ils en tirèrent une philosophie originale qui faisait un large écho à la pensée « pratique » des projets des paysagistes8.

Ils adoptent un point de vue qui privilégie la subjectivité de l’observateur, aux dépens des concepts de connaissance, et le savoir propre du paysagiste projeteur qui écoute ses propres intuitions et expériences.

« Une écologie du projet devrait tendre à privilégier l’intérêt pour le el aux dépens du virtuel, le raisonnement inductif plutôt que la démonstration déductive, la phénoménologie plutôt que la modélisation, le fait local avant la règle gérale. Mieux que le long cours et le vol direct, le cabotage et la pégrination sont complices des tendances didactiques qui irriguent majoritairement les pensées et les pratiques paysagères. Mais, comme la démarche de projet, cette attitude impose une contrainte spécifique : elle doit être expérimentée.

En incitant à une pratique, nous divergeons dautres institutions qui, plus disposées à diffuser des méthodes et des règles, donnent bien vite au quidam le sentiment d’être promu spécialiste… au risque dengendrer la réponse toute faite, la recette ou la géralisation – mères de bien des vices paysagers.

Constatant que le concours d’entrée à l’école sattachait à l’hétérogénéité des profils d’étudiants recrutés, et non à leur nivellement par des savoirs abstraits, ils donnent la priorité à l’appropriation personnalisée de savoirs utilisables dans les projets :

« Certains arrivent avec des réponses (à leurs questions) : d’abord surpris qu’il en existe d’autres, ils peuvent découvrir le plaisir et l’efficacité de la reformulation des questions. Nous les invitons à observer et à décrire fidèlement le réel, sur une palette restreinte de cas concrets bien choisis. Moins confortable qu’un catalogue d’énoncés magistraux, ce pari vise à fonder plus durablement savoirs et savoir-faire. Sitôt quitté le mode univoque qui, à une question, souffle une réponse, s’ouvre la soif inextinguible de reconstruire son propre bagage, garante d’une adaptabilité salutaire (si l’on place le niveau d’ambition professionnelle au-delà du copier-coller) (…)

Alors ils découvrent avec quelles petites satisfactions peut samorcer progressivement leur bagage, et donner place périodiquement aux engrangements nouveaux. Nous voici envers eux le devoir de lethnologue : respecter chaque taxonomie vernaculaire ».

Ils sengagent fermement dans la construction collective des savoirs individuels (le compagnonnage) :

« Cette somme de regards différents sur un même objet devient un bien commun, à partir duquel nous pouvons alors, en salle, du côté de la pratique, offrir une approche plus confortable, à d’autres échelles de perception, et de plus amples possibilités de recherches documentaires ; ou encore susciter, après un bref travail de mise en forme, le partage entre les étudiants par la restitution collective des observations de terrain ; du côté de la théorie, exposer un point de vue élargi, un éclairage différent, ou présenter des résolutions différentes de questions analogues. ».

Réfutant l’idée commune que des bases scientifiques de connaissance biologique sont indispensables à ce niveau d’études paysagistes, M. Rumelhart plaide pour un savoir et un savoir-faire finalisés par lexpérience de la conception du projet de paysage.

« Sortir dans la rue ou dans la campagne livre mille exemples d’installations végétales, parfois riches en espèces, conçues par des créateurs “connaissant” bien les plantes, et qui se révèlent médiocres quant à l’espace ou aux effets produits, ou peu adaptés au contexte écologique ou gestionnaire. Symétriquement, nous avons parfois été très heureusement surpris, visitant les réalisations de nos anciens élèves, d’y trouver la manifestation de réflexions très fines sur l’usage des plantes ou sur la création d’écosystèmes artificiels aimables et durables. Ce n’est sans doute pas à l’école qu’ils en avaient acquis tous les mécanismes, mais nous voulons croire que nous avons contribué à leur en donner le désir ; ce n’est pas si simple qu’il paraît et, en tout cas, ce n’est pas mineur.

Depuis que nous avons abandonné l’enseignement spécifique de la biologie végétale, au profit d’un développement de la formation à l’utilisation des plantes, on nous reproche chroniquement son “absence” – formulation excessive de sa réduction-dispersion. Au point que les permanents corvéables exorcisent parfois cette culpabilisation en dispensant des cours facultatifs, acrobatiques et matutinaux, de biologie et de botanique au succès variable, mais émouvant. Quand les collègues insistent, je leur demande de donner du “temps-élève” pour étancher plus officiellement cette soif de culture biologique. Cela relativise immédiatement les reproches. »

 

« Le Transformateur ne perd rien et créé en transformant tout »

Le site du Transformateur à Saint-Nicolas de Redon (44), un projet de recherche action initié par M. Rumelhart avec G. Chauvel et leurs étudiants9, en 2004.

Les innovations pédagogiques et de recherches de M. Rumelhart et de ses collaborateurs nont pas été reconnues par ses pairs de la section 2 (Milieux, organismes, populations) de la CNECA. Pourtant, elles étaient et restent fondées sur une critique empirique de la production des savoirs du vivant parfaitement recevable.

Une épistémologie du vivant

Contrairement à ses pairs scientifiques en écologie du paysage et autres sciences de l’environnement, M. Rumelhart et ses associés paysagistes sont les héritiers de l’art des jardins et du paysage. Leur mission est de former des professionnels du paysage, des paysagistes concepteurs, et non des écologues. Il leur faut donc trouver un équilibre entre sciences cognitives, biotechniques et arts du projet de paysage et de jardins. Et être attentifs à « nouer des relations entre les regards cognitif et sensible, objectif et poétique ».

L’enjeu est de taille, puisque leurs expérimentations pédagogiques audacieuses visent à réunir ce que la culture des sociétés « naturalistes » (selon l’anthropologue P. Descola, 2005 ) dissocie depuis deux siècles : la nature et la culture, autant que le sujet et l’objet, la sensibilité et la raison10. Au profit de l’efficacité de l’action et du progrès économique et social, mais aux dépens des relations affectives et symboliques à l’espace et à la nature qui deviennent un souci marginal de l’aménagement de l’espace.

« Si l’on veut un instant explorer l’épistémologie de cette “discipline”, projeter avec des plantes mobilise évidemment des sciences comme la botanique, la biologie, l’écologie végétale, mais aussi des ingénieries et techniques variées comme l’horticulture, l’arboristerie, la foresterie, l’agronomie, le pastoralisme, etc. Quand on a cité tous ces emprunts, on n’a toujours pas parlé de ce qui fait paysage dans le vivant et qui doit pouvoir se ranger du côté de l’esthétique. En réalité, il est bien question de revendiquer une part de l’héritage de l’art des jardins, ce champ vaste et inclassable qui résume à lui seul tout le reste. Plus sagement, on peut admettre que l’art de créer, avec des végétaux et des animaux, des espaces, des usages, des fonctions, des ambiances, etc., s’étudie et s’enseigne efficacement, aujourd’hui, en adoptant le point de vue interdisciplinaire de l’ethnoécologie, science des relations entre les hommes et leur environnement. A condition d’y inclure implicitement la dimension créative de ces relations. ».

Ce point de vue signifie que la compétence spécifique du paysagiste concepteur est de savoir « faire paysage ou jardin ». Une habilité hybride qui ne peut se transmettre que par une pédagogie originale s’attachant à la personne apprenante autant qu’à son inventivité. Elle s’appuie sur l’héritage des peintres impressionnistes (peindre sur le motif) autant que sur l’aptitude à « changer les regards », à voir et faire voir le non vu, et à accompagner la transformation matérielle des sites. L’intention ambitieuse du projeteur y est essentielle, qui a appris comment inscrire son action à des échelles territoriales et des temporalités différentes (du juridique à la création jardinière, de l’éphémère au siècle).

« Nous avons commencé à explorer, pour chacun des trois grands dispositifs spatiaux que sont le couvert, le découvert et la lisière, comment les motifs d’assemblages spatiaux préconisés (et les conduites associées) servent des intentions : jalonner, border, garnir, guider, montrer, protéger, clore, abriter, ombrager, produire (du bois, des fruits, du foin…), etc. Le corpus est énorme, et l’on trouve à chaque plongée de nouveaux éléments d’éclairage ».

M. Rumelhart a formé des paysagistes aptes à « créer des espaces vivants » qui « font paysage », c’est-à-dire qui provoquent les affects et portent les messages correspondant en principe aux intentions du paysagiste, mais pas seulement. Celui-ci s’appuie sur une subjectivité partageable11 qu’il suppose commune aux partis-prenantes du projet.

Selon qu’il est créateur ou gestionnaire d’espace, les intentions peuvent différer. L’ENSP a choisi de former surtout des créateurs, et non en priorité des gestionnaires comme aujourd’hui à Agrocampus ouest centre d’Angers. C’est pourquoi la connaissance utile doit être créée par l’observation des créations des projets réalisés. Autant en principe que par les études scientifiques menées par l’institut professionnel Plantes & Cités d’Angers.

« Décrivant la structure horizontale et verticale d’un assemblage végétal, sans se priver d’enquêter et de se documenter, on peut comprendre les processus expliquant sa forme et son fonctionnement actuels, mais aussi l’histoire des interactions entre les végétaux constitutifs, et celle de leur conduite par l’homme. On devient alors capable de mieux faire le chemin inverse : anticiper au prix de quelles actions telle plantation pourrait produire tel motif de paysage dans dix, vingt ou cinquante ans. Nous avons abandonné, et pas encore su reconstruire, l’approche systématique par “milieux” du jardin, enseignée dans les années 1980 et 1990. Quoique nettement plus écologique, par le recours à la notion de groupement végétal adapté, elle finissait par trop ressembler aux catalogues botaniques si peu stimulants de nos parcours horticoles. ».

Pour trouver le moment pédagogique approprié à l’étude précise du milieu vivant envisagé, végétal en général, les enseignants du département d’écologie ont fini par faire admettre aux ateliers de projet (très autonomes) les dispositifs pédagogiques dinterfaces puis de postfaces. Plus récemment un atelier de première année a été consacré à ce sujet.

« Jusqu’en 2007-2008, une sorte de pratique simulée s’obtenait en isolant artificiellement, dans la pratique de projet, la part qui concerne les végétaux et, plus largement, la constitution de milieux accueillants pour le vivant. Nous appelons postfaces et interfaces ces exercices de “projet végétal” de trois jours, greffés en cours d’avancement sur des ateliers de projet propices. Depuis lors, nous animons en première année le nouveau troisième atelier, intitulé selon les contextes “conduire le vivant” ou “inviter le vivant” avec pour sous-titre “le droit à l’erreur”. Etat des lieux, visites de références, esquisses rapides, ».

La pensée de M. Rumelhart et de son équipe sest positionné entre sciences écologiques et art des jardins et du paysage, non loin de celle du paysagiste G. Clément (argumentant le « génie de la nature »). Tenir compte du « déjà là » appartient à la doxa de lart des jardins, sinscrire dans les transitions écologiques et climatiques du XXIe siècle relève de la conscience citoyenne de chacun, élève ou enseignant. De tous points de vue, la démarche mise au point est le résultat d’une recherche persévérante d’intérêt général. Elle aurait mérité une reconnaissance plus appuyée de la part de la puissance publique.

« Apprendre à agir, pour nous, veut dire d’abord tirer un parti optimal des ressources existantes. C’est dans ce sens que le partage entre analyse et projet est lui aussi artificiel.

Quand nous aidons les élèves à savoir lire l’espace, ce n’est presque jamais sans les inviter à qualifier les dynamiques en route, les enjeux, les évolutions possibles et à s’interroger sur les formes qu’elles peuvent prendre, c’est-à-dire sur les projets en gestation. Quand, à l’inverse, nous aiguisons leurs outils de création et de construction, ce n’est presque jamais sans exiger qu’ils disent en même temps précisément de quoi l’on part et comment on le fait bouger.

Malgré l’écologisme ambiant, ou peut-être à cause de ses idéaux trop exclusivement conservateurs, nos sociétés n’ont pas fini de se débarrasser du formalisme en matière d’aménagement et de gestion de l’espace. A travers les choix techniques que nous enseignons, notre mission première consiste, sans brider la créativité, à éveiller l’amour de la transformation complice, de la récupération maligne, de l’installation durable (car rajeunissable), de l’économie d’énergie. L’écologie n’est pas loin… mais le jardinage non plus ! ».

En 2019, M. Rumelhart a aidé les enseignants à installer des haies plessées, des frênes voués à un destin de « trognes » et un troupeau de moutons au Potager du roi. La lutte continue

Une dernière dégustation littéraire :

« Lors nous pourrons expérimenter, puis décrire, formuler, et finalement (pour commencer !) ranger sur l’étagère nos bocaux de perceptions pédestres en les classant bien comme il faut. 
– Auriez-vous un échantillon de crissant ? 
– Vous pensez au crissant graveleux, ou sableux ? 
– Non, je songeais plutôt au crissant agréable, voyez quand il y a des brindilles … 
– Vous voulez dire du crissant organique, peut-être ? Le dernier congrès de pédopédie a rangé cela aux côté de l’émietté, considérant les liens phylogéniques avec le craquant.
– Ah ! … [Elle réfléchi, dubitative.] Dites, j’aurais bien pris aussi un peu de pitrougne …
– [Il rit.] On ne dit plus “pitrougne” depuis belle lurette. mais je vois ce que c’est : vous aimez cette boue claire qui s’inflitre entre les orteils, hein ? 
– [Elle rougit.] Oui, on ne sait jamais bien quand ça va s’arrêter, mais ça ne craint pas grand chose – sauf à rencontrer une de ces grosses moules d’eau douce. Non, le seul truc qui me gêne, ce sont les herbes. 
– Quoi, les herbes ? 
– Oui, les herbes du bord : quand elles dépassent, ça va, on voit ce qu’on touche, mais les espèces de nénuphars sans feuilles, là, tout gluant, et les algues, beuh … 
– On fait des muddy footcakes déglués, vous savez ! 
– ?? 
– Oui, sans le toucher végétal. Garantis ‘boue minérale’. C’est un label bio.
– Ah ? Je veux bien essayer, tiens. Alors … donnez-moi une pitrougnette sans gluant, bien affiné ; et deux crissants », Les Carnets du paysage, n° 13 & 14, p. 148.

Pierre Donadieu avec le concours de M. Rumelhart

Mars 2020

Publications :

Gabriel Chauvel et Barbara Monbureau, « Eloge du flou végétal : quen pensent les vaches du Transformateur ? »Les Carnets du paysage, n°19, 2010, 135-159.

Alain Freytet, « Carte et paysage, linvention dun monde sensible de représentation des pays, des sites et des lieux », Paysage et aménagement, n° 32, 1995, 27-37

Alain Freytet et Marc Rumelhart, « Une tranche de persuasion massive : le bloc diagramme », Les Carnets du paysage n° 20, 2010-11, 31-42.

Marc Rumelhart, Préface de L’année du jardinier de Karel Čhapek (1890-1938), Berlin, Cramer, 1991,

Marc Rumelhart, « Mouvoir le jardin (gestes pour jardiner), plate-bande annonce d’une hortochorégraphie en gestation », Les Carnets du paysage n° 9-10, 2003, 69-101,

Marc Rumelhart et Alain Freytet,  «Cairns en marche» : « Mise en jambes pour sortir des sentiers battus », Les Carnets du paysage, 2004, 109-111,

Marc Rumelhart, « Oh ! les plantes avec les pieds ! » Les Carnets du paysage, n° 13-14, 2007, 131-149,

Marc Rumelhart, J. Baudry, P. Blandin, F. Burel, M. Toublanc, « Comment rapprocher l’écologie du paysage et le projet de paysage ? », Les Carnets du paysage n° 19, 2010, 29-56,

Marc Rumelhart, Une vie denseignants au service des paysagistes, Expériences de paysage, conférence FFP, Paris, http://www.paysage.tv/609_p_40448/marc-rumelhart-conference-du-28-janvier-2012.html,

Marc Rumelhart, Sueurs froides au Salève en 1775. Morceaux choisis du Journal de Voyages de T. Blaikie”, Les Carnets du paysage, n° 22, 2012,

Marc Rumelhart, Eugénie Denarnaud et Sarah Sellam, « La vie sous presse, recrudescence de lherbier paysagiste », Les Carnets du paysage n° 26, 2014, 63-68.


Notes

1 L’essentiel de ce texte est tiré de l’article biographique publié par M. Rumelhart dans les Carnets du paysage n° 20 en 2010 : http://www.ecole-paysage.fr/media/ensp_fr/UPL8273023605893900080_Article_Carnets_du_paysage.pdf

2RUMELHART (Marc) ; GIRARD (Colette) ; MOISAN (Hervé) ; GILIBERT (Jacques) ; RAICHON (Camille) ; THIEBAUT (Luc) ; GUITTET (Jean) : Quelle nature aujourd’hui pour les anciens paysages pastoraux ? Patrimoine écologique et paysage, moteurs de création de nouvelles natures rurales périurbaines. Rapport final. Versailles : ENSP, 2000.- 184 p.http://isidoredd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.xsp?id=Temis-0086334&q=%28%2Bdate_creat%3A%5B2016-04-02+TO+2017-04-02%5D%29&n=147&sort=&order=

3 P. Frileux avait préparé son doctorat avec l’ethnologue Bernadette Lizet, professeure au Muséum national d’histoire naturelle. La collaboration avec M. Rumelhart à l’ENSP était ancienne.

4 Le livre d’or et la fête « Chaulhart » organisée au Potager du roi au moment de la retraite de G. Chauvel et M. Rumelhart ont été une marque de reconnaissance très appréciée. Des centaines d’anciens étudiants sont venus lui témoigner leur dette.

5 Lettre à P. Donadieu du 14 mars 2020.

6 Hors médailles.

7 H.T. Odum, 1953, Fundamentals of Ecology, with Eugene P. Odum, (first edition).

8 Texte repris dans l’article des Carnets déjà cité.

10 Analyse qu’a faite également le géographe et philosophe Augustin Berque depuis 1987.

11 Ce concept a été développé par P. Aubry, in Mouvance, 70 mots pour le paysage, (Berque A., édit.) éditions de la Villette, 2003.