6 – Les débuts de l’enseignement à l’ENSP

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Chapitre 6

Les débuts de l’enseignement à l’École nationale supérieure du paysage de Versailles

La continuité

(1975-1980)

Après avoir évoqué la fin de la Section du paysage et de l’art des jardins de l’ENSH, Pierre Donadieu évoque la mise en place de l’enseignement à l’ENSP.

La fin de la Section (voir chapitre 4)

Les derniers étudiants paysagistes sont sortis de la Section à l’automne 1974. Les annuaires des anciens élèves de l’ENSH et de l’ENSP signalent un phénomène significatif. Les faibles effectifs d’étudiants paysagistes inscrits à la Section se sont mis à augmenter de 1962 à 1972, date de la dernière rentrée. Ils sont passés de 5 en 1962 et 8 en 1963 à 28 en 19721.

Pendant cette période, l’ENSH et le ministère de l’Agriculture commencent à penser la réforme des deux formations versaillaises d’ingénieur horticole et de paysagiste DPLG. La demande de paysagistes augmente. Ce qui s’est traduit pour l’École par le projet d’Institut du paysage lequel, malgré les efforts de la commission présidée par Paul Harvois, n’aboutira pas en 1971 (Chapitre 3).

On connait également les derniers enseignants paysagistes de la Section : A. Audias (depuis 1946), J. Sgard (depuis 1962), B. Lassus (depuis 1963), M. Viollet (depuis 1968), P. Dauvergne (depuis 1969), G. Samel et J.-C. Saint-Maurice (depuis 1960) ainsi que P. Roulet, mais également M. Corajoud et J. Simon qui furent invités à enseigner à partir de 1972. Deux d’entre eux étaient ingénieurs horticoles et paysagistes DPLG (Saint-Maurice, A. Audias). Ils symbolisaient la fin d’une longue période (depuis le début du siècle) où les besoins paysagistes de l’urbanisme avaient été satisfaits surtout par les compétences de l’art des jardins, de l’horticulture ornementale et du jardinage dans les services techniques de parcs et jardins publics.

Parallèlement avait été peu à peu développée, au contact de la culture des Beaux-Arts, des arts décoratifs et de l’architecture, la compétence de concepteur de projet, d’architecte de jardins, distincte de la culture technique de l’ingénieur horticole. Elle était revendiquée par les jeunes professionnels en même temps qu’apparaissait une demande politique de formation de paysagistes comme agents de la requalification des paysages urbains et ruraux avec l’épisode du CNERP (1972-79).

Dans cette période charnière de 1974 à 1980, la nouvelle école du paysage de Versailles, créée par un décret de 1976, se mit en place avec un nouveau directeur, Raymond Chaux2, ingénieur agronome et inspecteur général du ministère de l’Agriculture. Celui-ci était également directeur de l’ENSH – établissement principal devenu nouvelle école d’application des écoles d’ingénieurs agronomes la même année – à laquelle était rattachée l’ENSP.

Le premier programme

Nommé en 1974, R. Chaux succède à E. Le Guélinel qui avait présidé le dernier conseil des professeurs de la Section le 27 juin 1974. Il prépare le concours d’entrée de la première promotion de la jeune ENSP à l’automne 1975.

Un premier programme est rédigé au printemps 19753. Il prévoit en première année des enseignements de base qui supposent l’intervention des enseignants de l’école d’horticulture ou de l’INRA de Versailles4 : climatologie, sols, topographie, floristique, mathématiques, mais également d’autres compétences, enseignées dans la Section, en histoire de l’art, ainsi qu’en dessin. En seconde année, un enseignement plutôt technique et d’atelier est inspiré de celui de la Section (techniques forestières, botanique, hydraulique, aménagement des terrains, gazons…) ainsi qu’une formation à la « composition paysagère », au dessin et, en groupes, à une « orientation urbanisme et aménagement ». La troisième année est surtout consacrée à des ateliers de « composition paysagère », comme dans la Section, avec des compléments en urbanisme, en aménagement du territoire, et en « économie de l’espace ».

R. Chaux l’avait conçu avec les anciens enseignants de la Section, mais surtout avec ceux de l’ENSH déjà impliqués. Car il devait s’appuyer sur les compétences de ces derniers en l’absence de postes budgétaires propres à l’ENSP. Ce programme était donc hybride. Il ne choisissait pas entre un profil technique d’ingénieur paysagiste et un profil de concepteur de projet.

Dans les « Considérations générales », il insiste sur l’expression graphique et la connaissance des matériaux vivants et inertes, ainsi que « du milieu où sera appliqué le travail du paysagiste ». Il souligne « l’apprentissage de l’art de la composition des volumes et des couleurs ». Le paysagiste est pour R. Chaux « un producteur autonome d’espaces verts et un expert s’associant dès la conception à l’élaboration de projets plus complexes ».

Les études doivent durer trois ans suivis d’un stage de neuf mois au minimum, et l’effectif restera inférieur à 15-20 étudiants par année. Aucune option n’est prévue, mais les étudiants pourront choisir les thèmes de leurs projets.

Le programme prévoit que la moitié du temps d’enseignement est consacrée « à la formation au tracé et à la composition graphique dans des ateliers » selon deux groupes de disciplines : 1/ Le dessin, l’expression plastique et la perspective, 2 / La composition paysagère, réunissant des cours d’histoire de l’art, de l’art des jardins et de l’architecture, et l’étude et la composition du paysage.

Ce programme, qui annonce des débats vifs à venir, insiste sur la compétence spatiale du paysagiste qui « conçoit et construit des espaces » et qui, d’un point de vue écologique, « respecte le milieu naturel indispensable au bien-fondé de l’action paysagère ». Compétence qui s’inscrit dans le temps « d’autant plus long que les espaces traités sont de plus grande étendue et constitués d’éléments composites dont il faudra prévoir et diriger l’évolution en vue d’atteindre les objectifs fixés ». Phrase qui suppose la prise en compte, dans la formation, de l’idée de « grand paysage » ou de « paysage d’aménagement » qui est expérimentée au même moment au CNERP de Trappes, à quelques kilomètres de Versailles.

La formation prévue réunit en fait la capacité à la maîtrise d’œuvre et à la planification de la production des paysages. Elle reprend une partie des compétences que le CNERP transmettait au même moment à de jeunes diplômés d’architecture, d’agronomie et de paysage. Mais elle ne fait pas appel explicitement à la notion de paysagisme d’aménagement ou de « grand paysage » qui s’imposera plus tard.

Elle explicite l’idée que le paysagiste « partage plus que tout autre ce qui constitue les préoccupations des urbanistes », notamment d’un point de vue géographique, économique et juridique.

L’ambition de ce programme, rédigé après de nombreuses consultations, est importante, mais beaucoup moins que le projet d’Institut national du paysage et de l’environnement de 1971. Elle s’inspire du premier projet d’ « École du paysage et de l’art des jardins » élaboré en 1966 avant le projet d’Institut (Chapitre 1). Elle reprend la pédagogie de la Section (qui est comparable à celle des ateliers des Unités Pédagogiques d’architecture) en y associant celle des écoles d’ingénieurs (les cours et les applications). R. Chaux ignore cependant que ces deux domaines s’articulent très difficilement, ce que ne tarderont pas à lui faire savoir les étudiants et les enseignants d’ateliers. Il ne semble pas s’appuyer sur les dernières expérimentations pédagogiques menées de 1972 à 1974 par P. Dauvergne, J. Simon et M. Corajoud (voir chapitre 4).

La première équipe enseignante et les départements

En 1966, le premier projet d’école du paysage et de l’art des jardins en trois ans prévoyait une structure pédagogique simple. Quatre domaines devaient organiser l’enseignement : « la connaissance de l’homme (le cadre juridique et social des activités de plein air), la connaissance de la nature (l’utilisation des végétaux et la phytogéographie), les techniques de réalisation (de jardinage, de génies civil et rural) et les travaux d’atelier de projet (esquisse, avant-projet, projet technique, rendu, devis estimatif, rapport de présentation) ».

Etaient ainsi préfigurés les regroupements d’enseignements qui virent le jour en 19775 : « La connaissance du milieu humain ; la connaissance du milieu (écologique) ; les techniques de l’ingénieur, les études sur les processus d’élaboration d’un aménagement ». Le mot atelier n’apparaissait pas comme dans la Section des années 1972-74.

Autant de futurs départements auxquels il fallut ajouter : « les techniques de communication, les arts plastiques, la phase d’accueil de début de première année, la phase de sensibilisation à l’expression6, l’histoire de l’art, les voyages d’étude …».

Ces regroupements ne prirent progressivement le nom de département qu’en 1979 avec cinq pôles : Connaissance du milieu social, Connaissance du milieu (physique), Techniques de projets, Ateliers de théories et de projets, Arts plastiques, Techniques de représentation et de communication. Usuelle dans les écoles d’ingénieurs ou à l’université (avec les chaires7), cette structure en départements n’existait pas dans les écoles d’architecture.

Pour structurer l’enseignement, il fallait constituer un gouvernement stable de l’école. Ce qui fut fait avec l’arrêté du 15 septembre 1977 créant les conseils des enseignants et le conseil de l’enseignement et de la pédagogie de l’ENSP de Versailles.

Dès le début de la première année d’enseignement 1975-1976, un conseil d’enseignants provisoire avait été créé. En juin 1977, il réunissait, répartis en plusieurs groupes de réflexion :

dans le groupe Arts plastiques et Histoire de l’art des jardins : F. Blin, R. Péchère ; dans « Milieu humain » : l’économiste et juriste J. Carrel et le paysagiste (et ingénieur horticole) Elie Mauret ; dans « Techniques de représentation », le paysagiste P. Aubry, P. Bordes (topographie) et F. Manach (techniques de représentation) ; dans « Milieu écologique » : P. Pasquier (Sciences du sol) ; le paysagiste et ingénieur horticole G. Clément (Utilisation des végétaux) ; N. Dorion (Physiologie végétale), P. Lemattre (horticulture ornementale) et M. Rumelhart, assistant représentant J. Montégut, professeur d’écologie végétale. S’y ajoutaient, surtout dans des activités de type ateliers, les paysagistes, anciens comme D. Collin, L. Tailhade-Collin, J.-B. Perrin et P. Roulet, et plus jeunes comme M. Corajoud, B. Lassus, L. Saccardy, A. Provost, P. Dauvergne, A. Spaak ; des historiens : J. Pasquier (ingénieur horticole et directeur adjoint de l’ENSH), S. Hoog, conservatrice au château de Versailles et d’autres professeurs de l’École d’horticulture : J.-M. Lemoyne de Forges (en génie horticole) et T. De Parcevaux en bioclimatologie (un chercheur de l’INRA qui sera remplacé l’année suivante par P. Donadieu) 8

R. Chaux avait pu ainsi rassembler une trentaine de personnes de différents horizons. Une douzaine d’entre eux étaient des paysagistes ayant suivi la Section, ingénieurs horticoles ou non, et/ou ayant participé à l’histoire de la Section depuis 1961 comme B. Lassus, P. Dauvergne ou P. Roulet. La majorité des autres était issue du personnel enseignant titulaire (assistant, chef de travaux et professeur) de l’ENSH, soit une dizaine de personnes.

Structurés en conseil de l’enseignement et de la pédagogie et en conseil des enseignants (notamment sous une forme restreinte aux représentants des cinq départements), ils vont faire évoluer le programme pédagogique de 1975.

1978 : le second programme pédagogique

Dès 1975, R. Chaux avait distribué les grands volumes horaires d’enseignement. Sur les 2700 à 3000 heures prévues pendant trois ans, la moitié devait revenir à des pédagogies collectives et pratiques de « composition paysagère » et d’ «études d’urbanisme et aménagement de l’espace». Il affirmait ainsi l’orientation professionnelle de la formation mais ne définissait pas les objectifs et les modes pédagogiques.

À la rentrée 19779, les enseignants n’étaient pas une population stable. De nouveaux arrivaient (P. Donadieu en Ecologie, P. Lemonnier en ethnologie ; D. Mohen en dessin, C. Preneux en horticulture ornementale, T. Pauly en techniques forestières, M. Vidal en psychosociologie). Et d’autres repartaient ou allaient repartir (D. Collin, J.-B. Perrin, P. Roulet, R. Péchère, M. Guitton, A. Spaak, M. Grocholsky …).10

Néanmoins, des orientations pédagogiques commençaient à être débattues, chaque groupe affirmant ses convictions interdisciplinaires en fonction des expériences acquises.

Par exemple le groupe Milieu écologique (M. Rumelhart, J. Montégut) faisait valoir la nécessité pour le paysagiste de « connaitre les groupes végétaux d’utilisation en fonction des caractères du milieu, d’y associer les caractères plastiques et techniques et de savoir analyser un paysage en fonction des plantes indicatrices identifiées, ceci afin de savoir recréer et compléter un milieu à aménager ». D’autres (P. Dauvergne) insistaient en première année sur l’étendue de la palette végétale du paysagiste (semblable à celle du peintre) ; sur la conscience des ambiances paysagères (L. Tailhade Collin) ; sur, en deuxième année, les « fonctions et moments du processus d’élaboration d’un aménagement (A. Provost avec une base de loisirs ; J.-B. Perrin avec un parc urbain, B. Lassus avec la réhabilitation d’une cité ouvrière). E. Mauret en 3e année voulait développer le savoir participer à « la création d’un schéma directeur d’aménagement et de sauvegarde d’un paysage territorial », et M. Corajoud défendait la pratique de conception d’un parc semi urbain. La question de la progression pédagogique était mieux posée (et provisoirement résolue) que celles de la pertinence et de l’articulation des prestations des uns et des autres. Ces dernières questions apparaitront dans le conseil des enseignants progressivement.

Premières tensions

En mars 197911, G. Clément, ingénieur horticole (IH 65) et paysagiste DPLG regrette que « l’on forme plus des plasticiens que des spécialistes d’utilisation des végétaux » et P. Pasquier que les étudiants ne lisent pas les polycopiés de sciences du sol. P. Aubry, paysagiste DPLG et assistant de B. Lassus, plaide pour développer « l’outil de la reconnaissance paysagère » et le peintre J. Sire pour « axer l’enseignement sur l’univers perceptif ». M. Corajoud déplore « des enseignements trop cloisonnés et l’absence de concepts généraux », J. Coulon, élève du précédent, recommande « d’agrafer analyse et création », P. Dauvergne « de présenter les travaux de groupe devant les élus », et D. Mohen et E. Mauret de changer de locaux trop provisoires et inconfortables (des modules préfabriqués dans la cour de l’École ).

Deux mois plus tard, en mai 1979, le procès-verbal12 n’ignore pas les tensions qui émergent. « Comment intégrer les techniques de travaux et les techniques de représentations » (A. Provost), « Faut-il des enseignements (d’ateliers) optionnels ou monolithiques ? « (P. Aubry) « Les départements sont-ils nécessaires ? (…) N’y a-t-il pas surenchère des disciplines au détriment du concept général de paysage ? (…) Quelle importance du végétal par rapport à l’architecture ? (M. Corajoud), « Les enseignants doivent être des consultants dans les ateliers dans le cadre d’un parcours » (F. Manach), « le paysagiste relève d’une option culturelle et non scientifique » (B. Lassus).

Le principe de deux ateliers de projet de paysage commence à émerger : Corajoud-Provost, et Lassus-Aubry, ce dernier sur des principes plasticiens.

Comme il devient difficile de débattre et de décider avec plus de 20 personnes, une commission restreinte, chargée de préparer les conseils des enseignants, est désignée par R. Chaux le 22 octobre 1979. Elle réunit régulièrement les responsables des cinq départements (Dauvergne, Donadieu, Manach, Sire, Provost) avec ceux des ateliers (Lassus et Aubry, Corajoud et Provost).

Les conseils restreints

Dans le compte-rendu du 25 10 1979, R. Chaux demande que l’on explicite les principes pédagogiques de l’ENSP, mais que, d’abord, l’on confirme que la structure actuelle est conforme aux objectifs de l’école définis par lui en 1975, puis dans ses articles plus récents. M. Corajoud n’approuve pas tant que « la structure actuelle (reste) trop monolithique ; elle n’offre aucune option, aucune passerelle ». Dans le conseil suivant, en formation complète, est développée une critique des stages de quatrième année, mal rémunérés et peu efficaces d’un point de vue pédagogique (mauvaise qualité du travail personnel associé). Il est alors envisagé de « réintroduire la quatrième année comme année de formation » et d’inventer une pratique de recherche dans l’établissement par les enseignants pour y associer les étudiants. Le dispositif universitaire et des écoles d’ingénieurs doit être distingué de celui des écoles de concepteurs « au même niveau des notions de projet (dans les écoles d’architecture) assemblant un mémoire à un projet ».

La notion de projet « spécifiquement paysager » n’est donc pas encore claire ou suffisamment partagée pour le Conseil restreint qui demande un nouveau débat.

Le Conseil précédent l’avait montré. M. Corajoud rejetait « la compilation qui n’est jamais dépassée ». Il craignait le « détournement de projet » s’opposant ainsi à P. Donadieu qui soutenait qu’une recherche « hors du projet » est parfois attendue par les étudiants. Tous semblaient s’être mis d’accord cependant sur la phrase proposée par P. Dauvergne : « Le travail personnel serait constitué par un mémoire devant aboutir sauf exception à un projet d’aménagement de l’espace aux échelles et dans les milieux les plus divers … »13.

Cependant P. Aubry demanda de préciser le texte en introduisant « la proposition d’aménagement de l’espace et du temps, ne pouvant être faite que par un paysagiste, et montrant ce que pourrait être le projet de paysage ». Le danger d’une interprétation trop corporatiste est signalé par P. Dauvergne et la proposition écartée avec l’appui de M. Corajoud.

Cette négociation point par point entre enseignants demeura longtemps la règle de R. Chaux. Par exemple pour la création des postes d’enseignants-praticiens obligeant à transformer des postes de vacations en postes budgétaires ; pour modifier les conditions du concours mal adaptées aux objectifs de l’école ; pour créer un premier cycle spécifique de préparation au concours d’entrée ; ou pour réformer l’enseignement du département du milieu trop isolé des pratiques d’ateliers14.

R. Bellec et R. Chaux parvinrent ainsi à écrire le texte de la première « plaquette », une notice de présentation de l’ENSP.

La première plaquette

L’introduction de cette notice provisoire pour les candidats au concours d’entrée, qui est soumise au Conseil restreint le 2 novembre 1980, affirmait le socle sur lequel sera bâtie la formation dans les années suivantes.

Elle n’éludait pas la difficulté : « pour tenir ce qui est avancé, (il faudra) un certain nombre de réformes pédagogiques …parfois déchirantes ».

L’environnement, écrivait R. Bellec, doit nous stimuler et nous soutenir. « Comment les besoins des hommes peuvent-ils être satisfaits d’une manière compatible avec cet environnement ?». Le paysagiste « à sa place et parmi d’autres » (une formule de R. Chaux) apporte des solutions à ce problème. En intervenant sur l’esthétique du changement « grâce à sa formation artistique et une approche subjective mais méthodique », c’est-à-dire en mettant en forme l’espace. En comprenant, avec les scientifiques, les faits relationnels (inscrits dans le paysage) pour aboutir « à une complicité avec le milieu physique et culturel ». Ce qui n’exclut pas l’intervention forte, et n’implique en rien l’esprit de conservation. « En créant des aménagements qui devront être agréables, confortables …et dont on se souviendra ».

Le texte conclut :« Les paysagistes travaillent en collaboration avec les urbanistes, les architectes et les ingénieurs (…). Ils peuvent intervenir comme maître d’œuvre (…) et comme conseil ou expert au sein d’équipes interdisciplinaires. ».

Ce texte, en forme de manifeste (ici reformulé), réaffirme l’identité des paysagistes concepteurs et les distinguent des compétences voisines. Le paysagiste DPLG n’est ni un architecte, ni un urbaniste ou un ingénieur, et encore moins, sauf cas particulier, un artiste. Sa singularité est de contribuer à la satisfaction des besoins humains, là où les autres aménageurs de l’espace ne le font pas ou mal. Sans préjuger des moyens techniques ou des démarches d’inspiration artistique. Sans s’inféoder aux démarches dites du paysage d’aménagement, ni à celles des ingénieries horticoles et écologiques qui ne sont pas évoquées, ni à celles des sciences qui nourrissent ou non ces dernières pratiques.

Ce texte dit, implicitement, que les compétences des paysagistes doivent être réinventées par une formation originale articulée avec la recherche de solutions de projets, nouvelles et singulières. Il s’inscrit dans une conception libérale du métier. Les réformes pédagogiques à faire se lisent entre les lignes : abandonner les enseignements scientifiques inutiles, inventer la recherche par le projet, et faire converger les apports des disciplines vers la pratique des ateliers, voire dans les ateliers.

Parallèlement le ministère de l’Environnement et du Cadre de vie venait d’arrêter la formation au CNERP en 1979 en raison des problèmes posés par son financement interministériel. Il savait que la formation au « Paysagisme d’aménagement » était en principe repris par la nouvelle ENSP. Mais aucune garantie ne lui était donnée, qu’il puisse trouver parmi les jeunes paysagistes des agents compétents pour sa politique en matière de paysage15. Une « Mission du paysage » dirigée par A. Riquois, ingénieur du Génie rural et des eaux et forêts, fut donc créée en 1979 afin de mettre en œuvre cette politique16, notamment sous la forme de contrats de recherche avec l’ENSP et ses étudiants (voir chapitres futurs : La fondation de la recherche et des ateliers pédagogiques régionaux.).

À suivre.

P. Donadieu

Version du 25 novembre 2018

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1 L’annuaire de l’association des ingénieurs de l’horticulture et du paysage de 2011 distingue deux grandes catégories d’étudiants paysagistes : 1/les ingénieurs horticoles qui ont suivi un ou deux ans d’études de la Section et obtenu le titre de paysagiste DPLG (ou non) 2/ Les étudiants de la Section qui ont obtenu ou non le titre de paysagiste DPLG. Selon les années, l’effectif de paysagiste DPLG a varié de 5/12 inscrits dans la Section en 1964 à 19/28 en 1972.

2 R. Chaux (1925-2017) avait été successivement directeur de la Chambre d’agriculture de Marrakech en 1951, directeur de la modernisation agricole au Cameroun, puis sous-directeur de l’enseignement technique agricole au ministère de l’Agriculture de 1967 à 1974. Il est nommé, par J. Chirac, premier ministre sous la présidence de V. Giscard d’Estaing, directeur de l’ENSH et de l’ENSP de Versailles où il restera jusqu’en 1990. Il succédait à Etienne Le Guélinel, ancien directeur des services agricoles de Seine-et-Oise, qui avait pris ses fonctions en 1959.
3 Programme d’enseignement de l’ENSP, 6.05/1975, 12 p., sans auteur.

4 Les enseignants de l’ENSH sont intervenus dans la formation préparatoire et celle de la Section à partir de l’année scolaire 1967-68. Ils étaient cinq au début (Montégut, De Forges, Bordes, Gallien, Anstett).

5 Programme d’enseignement par année, 11/08/1977, doc. ronéo, 6p.

6 Une partie de ces ajouts est liée à l’arrivée de Roger Bellec à la rentrée 1977. Il était animateur socioculturel de lycée agricole, chargé du secrétariat général et de la coordination pédagogique de l’ENSP. Il était assisté par une secrétaire Lydie Hureaux et un paysagiste P. Aubry. Il assura ce poste difficile de 1977 à 1985 avant de regagner sa Bretagne. Il est décédé en 2017.

7 Le terme chaire, après la remise en cause « antimandarinale » de mai 1968 à l’Université, disparut pendant plusieurs décennies. Il réapparut après 2000 avec les chaires d’entreprises surtout dans les Grandes Écoles. Une chaire Paysage et Energie a été créée en 2016 à l’ENSP.

8 Ingénieur horticole, diplômé d’études approfondies d’écologie, ingénieur d’agronomie, P. Donadieu était depuis 1972 chargé d’enseignement et de recherche à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat (Maroc). Françoise Blin était professeur certifié de dessin, P. Bordes maître-assistant en Génie rural et topographie à l’ENSH, J. Carrel professeur d’économie et de droit à l’ENSH.

9 Le concours d’entrée recruta en 1977, sur une centaine de candidats, 13 nationaux, quatre à titre étranger, deux réintégrant l’école après une admission l’année d’avant, et deux architectes en troisième année.

10 PV du CE du 21 juin 1977 auquel assistaient 21 personnes. P. Lemonnier était assistant au CNRS, P. Mainié maitre de recherches en économie rurale à l’INRA dans le cadre ENSH, E. Mauret, urbaniste- paysagiste DPLG, T. Pauly, ingénieur forestier, J. Sire, peintre et conseiller technique et pédagogique, D. Mohen professeur certifié de dessin, F. Manach, enseignant à UP n° 5, C. Preneux, assistante à l’ENSH.

11 PV du Conseil des enseignants du 15 mars 1979 (19 personnes)
12 PV du conseil des enseignants du 9 mai 1979 auquel assistaient 24 personnes.

13 PV du conseil restreint du 20 11 1979, p. 3, rédigé par F. Manach. Ce point était conforme à la tradition de la Section depuis sa création.

14 PV du CR du 18/03/1980. Cette proposition fut discutée par A. Provost (clivages trop artificiels, utopie de raisonner du grand aménagement au petit), par M. Corajoud (la forme est prioritaire sur le « gonflage de tête » et par R. Bellec (nécessité d’une concertation entre départements pour une même action (pédagogique) »

15 M. D’Ornano souhaitait, au-delà de la politique de protection des paysages, « retrouver une capacité de création paysagère et mettre en œuvre une politique active de reconquête et de maîtrise de l’évolution des paysages », M. Champenois. Communication au conseil des ministres du 5 novembre 1980. Le Monde du 10 novembre 1980.

16 La Mission recruta notamment Yves Luginbühl et Anne Kriegel qui venaient du CNERP de Trappes.

L'archivage en 10 questions

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L’archivage à l’ENSP en dix questions
Quelques conseils aux services de l’ENSP pour archiver
Comment trier un fonds d’enseignant / de paysagiste
Conseils aux utilisateurs des archives de l’ENSP



L’archivage à l’ENSP en dix questions

Version du 12 octobre

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Ce document s’adresse à tous ceux qui veulent ou doivent déposer des archives à l’ENSP. Il résume d’abord les réponses à dix questions posées par l’archivage, puis précise des conseils à trois catégories de personnes :

– le personnel de l’ENSP
– les paysagistes et les enseignants de l’ENSP.
– les utilisateurs des archives

  1. Que sont les archives  ?

C’est l’ « Ensemble de documents, numériques ou non, produits ou reçus par une personne physique ou morale, publique ou privée dans l’exercice de son activité »1 et qui a vocation à être conservé pour des raisons d’intérêt public (besoins de la gestion et de la justification des droits, recherche historique, …). Cela comprend les documents papier (manuscrit, plans, cartes, dessins,…), les données électroniques (documents bureautiques, applications informatiques,…), documents photographiques (diapo, tirage, plaque de verre,…), les maquettes et panneaux.

  1. Que sont les archives publiques ?

Tout document produit ou reçu par un établissement public (l’ENSP) doit, légalement, être conservé. Un établissement public national relève des Archives nationales. Les archives de l’ENSP sont conservées aux Archives départementales des Yvelines (ADY) par dérogation au régime général.

Au terme de son utilité (administrative, pédagogique …), le document doit être soit versé dans un dépôt d’archives public (défini par le code du patrimoine), soit éliminé selon les textes législatifs et réglementaires en vigueur (au bout de 5, 10, 50, 100 ans).

A contrario, les archives privées sont l’ensemble des documents qui n’entrent pas dans la définition d’archives publiques. Un fonds d’agence de paysagiste par exemple n’est pas soumis aux règles publiques. En revanche, les archives privées peuvent entrer dans un service d’archives public (comme les ADY) par don, legs, achat ou préemption en vente publique. Cas des archives de J. Sgard, préalablement inventoriées.

  1. Qu’est-ce qu’un fonds d’archives ?

C’est l’ensemble des documents de toute nature qu’une personne physique ou morale a produit ou reçu durant son activité. Tout document appartient à un fonds et doit rester classé dans ce fonds. À la différence d’une bibliothèque ou d’un service de documentation. Exemple : le fonds André déposé aux ADY ou le fonds de P. Dauvergne déposé aux archives de l’ENSP (salle 5).

  1. Dépôt, versement : quelles différences ?

Un versement d’archives est un transfert de dossiers publics à un service d’archives par un même service administratif en une seule fois à une date donnée (La Mémoire en poche, ADY, p. 23). On parle aussi de versements lorsqu’il existe un service d’archives constitué au sein d’un établissement et les services administratifs de ce dernier.

Un dépôt d’archives est réservé aux documents entrants dans un service public d’archives et reste la propriété du déposant.

  1. Qui peut (ou doit) déposer des documents au service d’archives de l’ENSP ?

– Obligatoire : Tout membre du personnel de l’ENSP qui produit et reçoit des documents d’intérêt général dans l’exercice de son activité, quand leur utilité cesse.

– Facultatif : Tout ancien élève de l’ENSP ou de la section du paysage et de l’art des jardins de l’ENSH, au titre de son activité de paysagiste

  1. Quelles règles le versement doit-il respecter ?

Il ne comporte que des documents, papier ou numériques, produits ou reçus en relation avec les activités d’administration, d’enseignement et de recherche propres aux différents services de l‘ENSP. Les documents, conditionnés dans des cartons, sont décrits dans un bordereau de versement (fichier Excel).

– Tout autre document produit hors de l’ENSP (ouvrages, revues, articles de revues, études, recherches …) aura vocation à être dirigé vers la documentation de l’ENSP, à y être intégré ou à être éliminé s’il existe déjà. Sauf s’il fait partie intégrante de la documentation pédagogique qui a été nécessaire à l’enseignant.

  1. Où est localisé le service d’archives de l’ENSP ?

Dans sept salles du sous-sol du bâtiment Le Normand :

– 1 Le fonds d’ouvrages anciens (ENSH/ENSP)
– 2 Les fonds anciens et la réserve des revues, mémoires de DPLG et d’ateliers pédagogiques régionaux dépendant du centre de documentation
– 3 et 4 : Les archives administratives et financières (en cours)
– 5 La réserve des ouvrages et études du centre de documentation
– 6-7 Les archives pédagogiques et de la recherche

D’autres lieux (la Figuerie, les bureaux des enseignants, les secrétariats …) contiennent également des archives en attente de dépôt.

  1. Comment consulter les archives ?

– L’ensemble des archives de la Section du paysage et de l’art des jardins de l’ENH, celles de l’ENSH et quelques fonds de paysagistes sont localisées aux ADY, et consultables par tous (contacter Anthony Rigault). Notamment les Fonds Edouard et René-Edouard André, le fonds Jean Challet, le fonds Jean Camand, les fonds d’anciens élèves.

– Les archives administratives, pédagogiques et de recherche de l’ENSP et du CNERP sont localisées principalement aux services d’archives et de documentation de l’ENSP (cf. 7). Leur inventaire est en cours par V. Fernandes. Mais la consultation publique n’est pas encore possible, sauf cas particulier. Elle devrait le devenir.

  1. Que deviennent les archives conservées par l’ENSP ?

– Les archives administratives, comptables, pédagogiques et de recherche sont régulièrement recollées (inventoriées) sur un tableau Excel et conservées dans les salles d’archives appropriées (3, 4, 6, 7). Cas des fonds Rumelhart et Bouillon (en cours) ou des archives des secrétariats d’enseignements ou des services généraux.

– Les fonds d’enseignants sont triés (s’ils ne l’ont pas été) et les documents répartis entre les archives pédagogiques et de recherche d’une part (pour inventaire et classement), et le service de documentation pour intégration ou élimination. Si le fonds présente une cohérence pédagogique originale, il restera complet dans les archives pédagogiques. Ex : le fonds Fleury partiellement localisé à la documentation (1er cas) ou (2ème cas) le fonds Rumelhart (localisé en totalité aux archives pédagogiques).

– Les fonds de paysagiste sont recollés et conservés à l’ENSP en vue de leur transfert à terme aux ADY. Cas du fonds Provost en cours ou du fonds Corajoud

  1. Quelles perspectives de développement pour le service des archives de l’ENSP ?

– La réunion de la plupart des archives de l’école dans les sept salles du bâtiment Le Normand et l’étiquetage des portes. L’aménagement des salles devra respecter des conditions de conservation satisfaisantes (T° et H° notamment).
– Le nettoyage complet et la sécurisation des sept salles après évacuation des pilons.
– La fin du récolement des archives pédagogiques et de recherche.
– Le don, l’intégration aux fonds anciens ou la destruction du reliquat d’archives de l’ENSH (revues anciennes).
– Le tri, récolement et classement des archives d’enseignants (Dauvergne, Bouillon, Rumelhart, Donadieu).
– Le stockage des dépôts en attente d’inventaires.
– La valorisation des archives existantes par des expositions (avec les ADY) et des publications sur Topia. Le prochain chapitre de Histoire et Mémoire sera consacré au CNERP.

P. Donadieu, 12 octobre 2018
Texte revu par A. Rigault (ADY)



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Quelques conseils aux services de l’ENSP pour archiver

Compléments de L’archivage en 10 questions

Version du 12 octobre

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  1. Pourquoi archiver ?

Quand un document produit ou reçu dans le cadre de l’ENSP n’est plus utile au service, il doit être déposé, systématiquement, aux archives de l’école (voir L’archivage en 10 questions).

  1. Quoi archiver ?

Tout document, quelle que soit sa nature, qui n’a plus d’utilité dans la salle où il est exploité.

  1. Quelles règles de dépôt ?

Tous les dépôts de documents doivent être identifiés par une date (ex : 2001 ou bien 2001-2004), et si possible le nom d’un producteur d’archives. Ces documents doivent être classés par ordre chronologique et thématique et, lorsque cela est possible, dans des dossiers d’archives. Les documents numériques doivent suivre les mêmes règles en étant déposés dans des mémoires « CLOUD ».

  1. Quand effectuer un dépôt ?

À tout moment de l’année, de manière régulière si possible (sans attendre l’encombrement)

  1. A qui s’adresser ?

À Véronique Fernandes, bâtiment Le Nôtre, responsable du service d’archives de l’ENSP

  1. Qui décide de l’archivage ?

Toute personne qui a la responsabilité d’un service de l’ENSP

  1. Où sont les archives de l’ENSP ?

Dans les salles du sous-sol du bâtiment Le Normand

  1. Peut-on accéder aux archives déposées ?

Oui, en le demandant à V. Fernandes, notamment si on y a déposé quelque chose. Le public n’est pas encore admis. Les chercheurs peuvent l’être, car le prêt n’est pas envisagé, mais risque d’inconfort …

  1. Que deviennent les archives déposées ?

Elles sont inventoriées élément par élément (boite par boite) dans un tableau excel et localisées sur les étagères des salles d’archives d’une part (salles 1, 3, 4, 6, 7), et dans les salles partagées avec le centre de documentation (salle 2 et 5) et, pour une partie, versées au centre de documentation du bâtiment Saint-Louis, d’autre part.

Certains fonds (de paysagistes ou d’enseignants notamment) ont vocation à être versés ultérieurement aux ADY.

  1. Que faut-il éviter ?

– De déposer des archives non triées et non classées (surcroit de travail pour l’archiviste).

– D’oublier d’archiver trop longtemps (encombrement garanti).

– De ne pas consulter V. Fernandes en cas de problème de tri et de classement.

V. Fernandes et P. Donadieu, 10 octobre 2018



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Comment trier un fonds d’enseignant/de paysagiste ?

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Version du 12 octobre 2018

Le fonds peut être trié avant ou après dépôt dans le service des archives de l’ENSP. Il ne peut être démembré ensuite dans le recollement. Toutefois, la localisation géographique peut être différente entre les archives pédagogiques et de recherche (salle 6 et 7) et le centre de documentation et ses réserves.

Etape 1 : Trier

– En éliminant tout document qui n’a pas été produit dans le cadre de l’ENSP et que l’on peut trouver dans d’autres services de documentation (exemple : les revues, les livres), sauf s’ils ont un rapport direct avec les thèmes abordés dans la recherche historique et la formation des paysagistes (exemple : certains tirés à part de revues).

– En retenant tous ceux qui ont été produits ou reçus dans le cadre de l’ENSP sauf s’ils sont en de multiples exemplaires ou s’ils existent dans d’autres services documentaires (revues, TAP).

On veillera à ne pas éliminer les documents qui ont servi directement à élaborer l’enseignement ou les articles ou rapports de recherche s’y rapportant.

Etape 2 : Séparer les documents retenus en deux catégories

Ceux qui seront inventoriés et mis à la disposition du public par la documentation de l’école. Certains seront éliminés s’ils sont en plus de deux exemplaires.

Ceux qui seront inventoriés et mis à disposition des chercheurs par les services des archives dans la rubrique archives pédagogiques et de recherche.

On veillera à ne pas séparer les documents qui ont servi directement à élaborer l’enseignement ou les articles ou rapports de recherche en les conservant dans « Archives pédagogiques et de recherches »

Etape 3 : Classer les documents dans chaque catégorie par ordre chronologique (pour être consultés plus facilement)

En veillant à ce que le nom du ou des auteurs soit indiqué sur le document.

Etape 4 : Déposer le fonds trié (inventorié ou non) dans l’une des sept salles du services des archives.

Selon les indications de V. Fernandez qui se chargera du recollement.

P. Donadieu 12 octobre 2018



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Conseils aux utilisateurs des archives de l’ENSP

P. Donadieu 13 octobre 2018

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1 – Où sont les archives et que contiennent-elles ?
Aux archives départementales des Yvelines à Saint-Quentin-en-Yvelines. Elles contiennent les archives de l’ENSH depuis 1874 dont celles de la section du paysage de l’ENSH de 1946 à 1974, et des dépôts de fonds de paysagistes des deux derniers siècles (les André, Jean Camand …)

– À l’ENSP au Potager du roi à Versailles. Elles contiennent les fonds anciens transmis par l’ENSH (ouvrages, revues de 1800 à 1970), les archives administratives, financières, pédagogiques et de recherche de l’ENSP (après 1974), et quelques fonds de paysagistes (M. et C. Corajoud, A. Provost, P. Dauvergne) ou d’enseignants non paysagistes (Rumelhart, Bouillon, Donadieu).

S’y ajoute le fonds documentaire de l’ENSP (ouvrages, études et revues après 1950).


2 – Quelles sont les conditions d’accès au public ?

– Les archives départementales des Yvelines sont accessibles au public aux heures ouvrables (consultez Anthony Rigault).

– Le centre de documentation de l’ENSP est accessible au public aux heures ouvrables (consulter Isabelle Sauvé).

– Le service d’archives de l’ENSP n’est pas encore accessible au public, sauf consultation de Chiara Santini pour les fonds anciens et V. Fernandes pour les fonds contemporains.


3 – Comment sont gérées les archives ?
Par V. Fernandes avec un tableau de gestion qui précise les procédures de conservation, de tri et d’élimination.

Après tri, les archives déposées sont inventoriées (recollées) sur un tableau Excel, boite par boite, numérotées et installées sur des étagères elles-mêmes porteuses de numéros. Les contenus sont décrits succinctement (nature, années) sur chaque boite.


4 – Comment consulter les archives de l’ENSP ?

Il est nécessaire de savoir avec le plus de précision possible ce que l’on cherche (au moins un nom et des années).

Il est alors possible de retrouver une boite ou un document en interrogeant les bases de données avec des mots clés.

Consulter V. Fernandes qui pourra faire la recherche car la base de données des fonds contemporains n’est pas accessible en ligne, ou C. Santini pour les fonds anciens.

Cette recherche ne sera possible que si le recollement des dépôts a été fait. Au 10 octobre 2018, il est fait en partie pour les fonds anciens, en totalité pour les archives administratives et financières et en partie pour les archives pédagogiques et de recherche. Il commence pour les fonds des enseignants et des paysagistes.

 
 
 

D’après La mémoire en poche, ADY, Somogy, Paris, 2003-2009, p. 10 et le code du patrimoine.

Pourquoi et comment gouverner les paysages ?

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Pourquoi et comment gouverner les paysages ?

Yves Luginbühl, Directeur de recherche émérite au CNRS

 

La gouvernance paysagère est une forme de gouvernance territoriale. Elle concerne la prise en charge et la régulation collective de la production des biens publics et privés « tels qu’ils sont perçus par les populations », si l’on a recours à la définition de la Convention européenne du paysage de Florence (2000). Quelle est l’origine historique de cette pratique ? Comment est-elle mise en œuvre en Europe aujourd’hui ?

 

Les premières formes de gouvernance paysagère

La gouvernance des paysages n’est pas nouvelle et l’on pourrait dire que les civilisations antiques gouvernaient les paysages lorsqu’elles engageaient le drainage des marais Pontins ou du Guadalquivir, lorsqu’elles construisaient l’aqueduc du Gard ou qu’elles établissaient les cadastres romains dans le Languedoc ou la plaine du Rhône1, ou encore quand elles édifiaient des cités avec leur forum, leurs temples et leurs palais, comme à Nîmes ou bien sûr à Pompéi. Et même avant les Romains et les Grecs, les sociétés néolithiques contribuaient à la construction de paysages lorsqu’elles construisaient des villages lacustres, cultivaient en défrichant ou délimitaient les pâturages par des enclos. Mais le terme paysage n’existant pas encore, en avaient-ils conscience ? Certains spécialistes du paysage, comme le géographe Augustin Berque2, ont affirmé que le sentiment paysager n’existait pas tant que le mot n’avait pas été pensé et prononcé. Ce principe de l’énonciation a été critiqué, notamment par l’historien Michel Baridon3, parce que le sentiment peut exister même en l’absence du terme paysage : si ce mot signifie une sensibilité à l’égard de la nature et du spectacle qu’elle offre aux yeux, que penser de la vue depuis le théâtre gréco-romain de Taormina en Sicile donnant un spectacle impressionnant sur la mer et le cône volcanique fumant de l’Etna ?

Quoiqu’il en soit, les paysages ont toujours été organisés pour la survie des communautés humaines, que ce soit à l’époque néolithique, dans l’Antiquité, au Moyen-Âge et dans les périodes postérieures. C’est d’ailleurs sans doute à la Renaissance que la conscience paysagère s’est développée avec l’apparition des mots équivalents à « paysage » dans les langues européennes et en particulier aux Pays-Bas4, en Italie, en France ou en Angleterre. L’exemple des enclosures anglaises qui apparaissent dès le XIIIème siècle est symptomatique de cette gouvernance paysagère même en l’absence du terme Landscape qui apparaît en 1598, importé du Danemark (Landskap). Elle traduit une volonté de changer un paysage, celui des commons qui était dédié principalement à la culture céréalière avec des terres collectives réservées aux paysans pauvres, en vue du développement de l’élevage bovin et ovin, destiné à améliorer l’alimentation humaine par l’apport de protéines. Mais l’extension des enclosures se produit surtout plus tard, aux XVIIIème et XIXème siècles, avec l’intervention du Parlement Britannique ; elles s’étendent alors à tout le territoire du Royaume Uni, dans une gouvernance politique libérale prônant la suppression des commons et l’établissement de grands domaines dévolus à l’élevage.

En Italie, le même processus se produit avec l’intervention des grandes familles comme celles des Médicis et des Sforza, qui investissent dans l’agriculture : les premiers en Toscane, en organisant l’élevage ovin transhumant des Pouilles vers les Abruzzes et produisant de la laine et des fromages, le Pecorino, ce qui permit à cette famille illustre de Florence de devenir l’une des plus riches d’Europe. Quant aux Sforza, ils développèrent l’élevage bovin dans la plaine du Pô, en favorisant un système d’irrigation ingénieux, les Marcite, consistant en des parcelles pentues irriguées par ruissellement à partir de canaux alimentés par la nappe phréatique tiède de la plaine.

Dans ce cas également, ce fut un grand changement de paysage et l’occasion pour cette famille de s’enrichir grâce à cet élevage, en contribuant à la production du fromage Parmigiano et du cuir issu des bovins. Cependant, ce qui est le plus intéressant dans cette entreprise italienne, c’est le développement de la peinture de paysage avec les grands maîtres de la Renaissance comme Pietro della Francesca, Fra Angelico, Bellini, etc., qui contribuèrent à la diffusion d’images des paysages italiens. On peut d’ailleurs affirmer qu’ils ont permis une forme de gouvernance paysagère en offrant aux yeux du monde des tableaux de paysages que les familles de l’aristocratie italienne ont construits en établissant des villas somptueuses sur les collines de Toscane avec des jardins qui ont constitué un modèle pour le style français importé par François Ier lors des guerres d’Italie.

 

Les premiers rudiments d’une gouvernance paysagère organisée.

Les premiers signes d’une gouvernance paysagère apparaissent vraiment en France au moment où la monarchie s’engage dans de vastes programmes d’aménagement du territoire, comme les forêts et l’assainissement des marais et des zones incultes. Colbert s’intéresse aux forêts, peu étendues, où la paysannerie prélève du bois ; le domaine forestier royal est instauré par les lois de 1666 et des années suivantes ; Colbert crée des bergeries à Sceaux, et tente d’importer la race Mérinos d’Espagne, mais c’est au XVIIIème siècle seulement que cette race fut importée en France et que Napoléon créa plus de 500 lieux d’élevage sur le territoire national. Affirmer qu’il s’agit d’une gouvernance paysagère est sans doute un peu exagéré, mais il faut reconnaître que le développement de l’élevage ovin contribua à créer de nouveaux paysages, plus verdoyants. L’opération d’aménagement la plus représentative d’une gouvernance paysagère est cependant celle qu’engagea François 1er avec les plantations routières ; elle fut poursuivie par Henri II puis Henri IV et tout le long de l’histoire jusqu’à Napoléon 1er5 et Napoléon III. L’objectif consistait à procurer du bois pour les affuts des canons. C’est surtout Sully, ministre d’Henri IV qui fit planter des arbres le long des routes royales, des ormes tout d’abord, puis d’autres essences destinées par exemple à la production de soie avec les muriers. L’intention paysagère était affirmée, les textes de l’époque en attestent, comme les Lettres missives d’Henri II6.

C’est cependant le banquier anglais John Law (1671-1729), bien connu pour l’opération financière qu’il engagea au début du XVIIIème siècle, qui poursuivit la voie de ces plantations routières. En 1720, peu avant de quitter les responsabilités qui lui avaient été confiées par Louis XV, il crée les pépinières royales dont l’objectif consistait à fournir les plants destinés aux plantations routières. Théoriquement créés pour chaque province, ces établissements devaient remplir également la fonction de formation de spécialistes forestiers et de jardiniers7. Les pépinières royales procuraient aux Intendants du Roi des plants pour garnir les bords des routes du royaume. C’est pourquoi la France a possédé un patrimoine considérable de plantations routières qui fit que l’image paysagère de la France8 est marquée par ces doubles alignements de platanes taillés structurant les campagnes et rappelant la présence de l’État dans le territoire national. Pourtant, ces plantations n’étaient pas du goût de tout le monde : les paysans s’y opposèrent radicalement en arrachant les jeunes plants la nuit parce que les arbres faisaient de l’ombre aux cultures. Pour leur faire accepter, le Conseil Général des Ponts & Chaussées, dans les années 1830 à 1833, fit planter des arbres fruitiers en Lorraine pour en distribuer les fruits à chaque famille qui avait donc le droit, sur une portion de route qui lui était attribuée, de cueillir les fruits et en particulier les mirabelles, mais aussi les poires ou les pommes.

Cette culture singulière des plantations routières a permis d’élaborer un véritable code paysager des routes, avec des platanes le plus souvent dans les campagnes, des tilleuls taillés en marquises pour rappeler les formes urbaines dans les bourgs et villages ou villes, des peupliers élancés au passage d’un pont ou un cercle de tilleuls à un croisement de routes. C’est ce type de paysage que l’on retrouve encore, bien que de nombreuses plantations aient disparu en raison de l’élargissement des routes à cause des voitures et des accidents que les platanes, en particulier, étaient censés provoquer.

À l’étranger, il existe un exemple significatif de projet de paysage en Vénétie, lorsqu’à la demande du Doge, l’ingénieur Cristoforo Sabbadino, au XVIème siècle, engagea un vaste programme d’aménagement du territoire qui avait une dimension paysagère indéniable : ce projet consistait à maîtriser les divagations du Pô qui inondait régulièrement la plaine, à régulariser les débits de ses affluents comme la Brenta par des barrages, à planter de très nombreux arbres dans les terres collectives (beni inculti) afin de fournir du bois aux navires commerciaux et aux galères militaires à la République de Venise ; à étendre la ville sur la lagune9 et renforcer les places-fortes (Corfou) dans la Méditerranée et protéger ainsi les convois de bateaux contre les pirates et les Ottomans avec lesquels la Sérénissime était en guerre. Il s’agissait également de développer l’agriculture dans la plaine du Pô. Ce projet avait aussi pour but d’embellir le pays : « Le seigneur a tout droit d’embellir de vilains pays, d’améliorer ce qui est triste et de rendre cultivable ce qui ne l’est pas »10. On retrouve d’ailleurs ici les mêmes objectifs qu’en Toscane à la Renaissance.

 

H. Mainardo, Carte de la basse plaine du Pô, 1568, Archivio di Stato, Venise

 

Cristoforo Sabbadino, projet d’ensemble pour Venise, 1557, Biblioteca Nazionale, Venise

 

Pour une gouvernance paysagère délibérée

C’est à partir des années 1970 que le paysage émergea comme un nouveau concept de l’aménagement du territoire avec la création du Centre National d’Etude et de Recherche du Paysage (CNERP) par Robert Poujade, ministre chargé de l’Environnement. Cet organisme avait pour mission de former des « paysagistes d’aménagement » et d’innover dans les méthodes du paysagisme en passant de l’échelle du jardin à celle du « grand » territoire. Le recrutement de quinze stagiaires issus de disciplines différentes devait permettre d’assurer la pluridisciplinarité des études de paysage. Fondées le plus souvent sur un même programme, sur un diagnostic paysager, des enjeux et des propositions de mesures destinées à améliorer le paysage (appelées projet de paysage), elles furent à l’origine de la plupart des études postérieures, de plus en plus nombreuses. Après la disparition du CNERP en 1978, l’École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles reprit les mêmes méthodes, mais sans avoir recours à une pluridisciplinarité stricte. L’orientation des méthodes utilisées donna plus de place à ce que les paysagistes concepteurs ont appelé le « sensible », c’est-à-dire une approche esthétique fondée sur la qualité des ambiances.

Si les études de paysage se sont multipliées, elles ont évolué et donné lieu à de nouvelles formes d’aménagement paysager comme les plans de paysage en 1993, les atlas de paysage en 1994 et les observatoires photographiques des paysages. Les plans de paysage représentent une forme de gouvernance paysagère basée sur le débat entre le maître d’œuvre, un paysagiste, et la maîtrise d’ouvrage et l’aboutissement à un compromis sous forme de projet de paysage. L’un des premiers plans de paysage dû à Alain Marguerit à Saint-Flour Garabit sur le tracé de l’autoroute A 75 a permis de modifier des aménagements prévus grâce au débat local engagé à cette occasion, et notamment le détournement d’une route d’accès à la ville, le déplacement des zones constructibles et d’une zone artisanale11. Depuis cette date, les plans de paysage se sont multipliés en France, mais on en trouve aussi dans de nombreux pays européens, notamment en Italie (Piani territoriale paesistici) ; aujourd’hui, les plans de paysage sont engagés par les collectivités territoriales avec l’aide financière de l’Etat, en l’occurrence le ministère de la Transition écologique et solidaire dirigé par Nicolas Hulot.

 

Faire participer le public

La grande nouveauté dans la gouvernance paysagère vient des projets participatifs. La participation est venue des Etats-Unis et du philosophe pragmatiste John Dewey qui inaugura les dispositifs participatifs dans l’éducation. Importés en Europe, ces dispositifs ont donné lieu à la Convention d’Aarhus, adoptée en 1998 par le Conseil de l’Europe, mais auparavant, le Principe 10 de l’article 2 de la Convention sur la diversité biologique signée à Rio de Janeiro lors du Sommet de la Terre de 1992 stipule que « La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, en mettant les informations à la disposition de celui‐ci ». La Convention d’Aarhus a pour objectif notamment de favoriser la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement (par exemple, sous la forme d’enquêtes publiques). Elle est mentionnée dans le préambule de la Convention Européenne du Paysage qui, elle-même, précise que les Etats Parties sont appelés à : c) à mettre en place des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage ; (Article 5 – Mesures générales) ; par ailleurs, elle met en place les Objectifs de qualité paysagère : Chaque Partie s’engage à formuler des objectifs de qualité paysagère pour les paysages identifiés et qualifiés, après consultation du public conformément à l’article 5.c. La participation s’est ainsi fortement développée en Europe autour du paysage et de son aménagement12. La participation recouvre en réalité de multiples formes, depuis la consultation, l’information, la négociation, etc. Yves Michelin, géographe, a rédigé une fiche sur la participation dans le cadre du programme de recherche Paysage et développement durable13 où il énumère les formes de participation : 1) Communication à flux unique. Elle vise à obtenir l’adhésion d’un groupe cible ; 2) Information à flux unique. Elle donne du pouvoir dans la mesure où elle renforce la capacité d’agir ; 3) Consultation : pas de partage du pouvoir de décision, aucune garantie sur la prise en compte des avis exprimés ; 4) Dialogue et échange, qui visent à mieux se connaître. Acteurs mis sur un pied d’égalité ; 5) Concertation qui vise la construction collective de visions, d’objectifs, … Il n’y a pas obligatoirement partage du pouvoir de décision ; 6) Négociation qui vise l’obtention d’un accord. Rapports de force.

 

Quels résultats ?

Comme on peut le constater, la participation citoyenne en matière de paysage peut revêtir de nombreuses formes et en particulier ne pas aboutir à un projet concret. Certaines associations ont souvent engagé des dispositifs de participation sans vraiment parvenir à un programme d’aménagement ; l’objectif est de réunir des habitants, dans un quartier, une commune, d’organiser une fête conviviale et sympathique, mais sans les élus et une fois la réunion terminée, tout le monde rentre chez soi et l’opération est sans suite.

Un exemple de dispositif de participation a été organisé en Bretagne autour de la question des haies et du remembrement : des agriculteurs ont rassemblé des habitants pour une manifestation festive sur la question de la qualité de l’eau, qui, on le sait, est un problème important dans cette région. Habitants et agriculteurs, élus, agents de la Chambre d’Agriculture se sont réunis sur les bords d’un petit cours d’eau et, après avoir festoyé, ont longé le cours d’eau en observant, photos aériennes et cartes topographique à l’appui, l’emplacement des haies et ont tenté de retrouver les haies disparues. C’est cette manifestation qui a donné lieu à un programme de replantations de haies pour éviter le ruissellement des eaux superficielles et surtout celui des lisiers répandus dans les champs comme engrais. L’opération a été une réussite qui a marqué les esprits dans la région.

Si quelques opérations réussissent, certains dispositifs échouent parce qu’ils ne sont pas assez pensés à l’avance, les animateurs prennent parti, ou les habitants contestent trop les projets proposés. De nombreuses questions se posent sur ces dispositifs de participation, et notamment leur origine : si ce sont les élus, il y a de grandes chances pour que les habitants se méfient, dans un contexte de défiance à l’égard du monde politique, où les taux d’abstention aux élections n’ont jamais été aussi élevés. L’initiative peut venir d’une association d’habitants, comme cela se fait souvent : il sera alors essentiel que d’autres habitants participent, ainsi que des élus et une équipe de maîtres d’œuvre et de scientifiques. L’animateur doit être neutre et ne pas prendre parti pour une partie des participants ; il peut être le paysagiste de l’équipe ou venir d’un organisme extérieur.

La question des connaissances mobilisées est cruciale : les collectivités locales doivent mettre à la disposition des participants toutes les données sur l’urbanisme, l’agriculture, le tourisme, etc. ; une équipe de scientifiques doit rassembler les connaissances actualisées sur le territoire concerné et notamment les résultats d’éventuels entretiens avec les habitants. Ceux-ci sont vivement conseillés, parce qu’ils informent le groupe sur les représentations sociales des paysages des résidents et des visiteurs, indispensables à connaître pour élaborer le projet. Le moment où les connaissances sont insérées dans le dispositif est également important. Les diverses expériences n’utilisent pas toutes les connaissances au même moment, certaines les mobilisent au tout début, d’autres au milieu du déroulement de l’opération. La solution des parcours de lecture collective du paysage et les ateliers sont aussi des moments d’échange et de discussion importants. Enfin, il existe un rapport sur le paysage et la démocratie réalisé pour le Conseil de l’Europe et qui fait mention de nombreuses expériences de participation dans plusieurs pays européens14.

Il paraît essentiel de rappeler que la gouvernance paysagère n’est pas une politique uniquement dédiée à cet objet, mais que toutes les politiques sectorielles, du logement, de l’urbanisme, de l’agriculture, de l’industrie, de l’éducation ou du tourisme, etc., ont un rôle déterminant dans l’évolution des paysages et qu’il est évidemment indispensable de les prendre en compte. La gouvernance implique la responsabilité de tous les acteurs concernés et une éthique qui les oblige à des droits et des devoirs à l’égard du cadre de vie et de son avenir pour les générations futures.

La gouvernance des paysages est une méthode de construction collective de l’organisation spatiale d’un territoire. Elle fait appel, en France notamment, à des outils juridiques comme les plans de paysage, les chartes de paysage, les atlas de paysage et les observatoires photographiques du paysage. Elle part du principe que les paysages sont des biens collectifs territoriaux à transmettre aux générations futures.

 

Bibliographie :

Conseil de l’Europe, Dimensions paysagères, Strasbourg, 2017.

Luginbühl Y. La mise en scène du monde, Construction européenne du paysage, Paris, CNRS, 2014.

Luginbühl Y., Toublanc M., 2007, « Des talus arborés aux haies bocagères : des dynamiques de pensée du paysage inspiratrices de politiques publiques », in Luginbühl Yves, Berlan-Darque (m.), Terrasson (D.), Paysages, de la connaissance à l’action, ouvrage collectif publié aux Editions QUAE, pages 163-177.

1 Voir à cet égard : Chouquer Gérard, 1996, Les formes des paysages, Tomes 1 à 3, Editions Errance, Paris. Cet archéologue démontre que 60% du cadastre romain de la plaine du Rhône est encore opérationnel aujourd’hui.

2 Berque Augustin, 2000, Médiance, De milieux en paysages, Belin, Paris.

3 Baridon Michel, 2006, Naissance et renaissance du paysage, Actes-Sud, 415 p., environ 50 illustrations.

4 Voir la fiche paysage et démocratie du même auteur.

5 Loi relative aux plantations des grandes routes et chemins vicinaux, loi du 9 Ventôse an XII, signée Napoléon 1er, Archives Nationales, série F.

6 Lettres missives d’Henri II, vers 1550, « sur le faict de planter ormes es voyes et chemins du royaume », Archives Nationales, série F.

7 Voir notamment le Dictionnaire raisonné et universel d’Agriculture de l’Abbé Rozier, chez Deterville, 1809.

8 Une affiche de promotion du tourisme américain en France représente une route bordée de platanes sur laquelle circule à bicyclette un homme, dont la tête est couverte d’un béret, portant sur son porte-bagages une baguette de pain.

9 Il fallait également du bois pour les pieux enfoncés dans la vase de la lagune sur lesquels étaient construits les palais vénitiens.

10 Concina Ennio, 1992, « La Renaissance : Venise, le territoire, le paysage », in Paysage méditerranéen, catalogue de l’exposition sur le paysage méditerranéen, dir. Luginbühl Yves, Electa, Milan, p. 134.

11 Direction de l’Architecture et de l’Urbanisme, 1993, Plans de Paysage, repères. Ministère de l’Equipement, du Logement et des transports, Ministère de l’Environnement, 34 pages, page 23.

12 Voir également la fiche « Paysage et démocratie » du même auteur.

13 Programme de recherche Paysage et développement durable, (PDD1), Yves Michelin, 2009, fiche technique participation, l’auteur cite Beuret et al., 2006 pour les diverses formes de participation.

14 Les rapports et publications sont consultables sur le site https://www.coe.int/fr/web/landscape

2 – Qu’est-ce que le paysage ?

IntroductionFiche 3

Fiche n° 2

Qu’est-ce que le paysage ?

Pierre Donadieu, professeur émérite en sciences du paysage

Pour le sens commun, le paysage est ce qui se voit d’un pays. Il suppose un spectateur, un point de vue (un lieu pour voir), engendre une appréciation (un jugement, une émotion, un sentiment) et permet une connaissance, scientifique ou non.

Un double sens artistique et géographique

Connue dès l’époque romaine, la notion de paysage est réapparue avec force à la fin du XVème siècle dans le langage des peintres aux Pays-Bas, puis en Italie et en France au XVIème siècle. Elle fait référence à deux significations historiquement conjointes : d’une part à un genre de peinture de scènes en général rurales (la peinture de paysage), d’autre part à un territoire sociopolitique identifié par des caractéristiques historiques et géographiques propres. Cette identité est souvent idéalisée par les images de paysage, hier comme aujourd’hui (Fig. 1).

Fig. 1 Pieter Brueghel l’Ancien, La moisson, 1565.

En Europe, le mot est formé à partir de pays (paysage en français, paesaggio en italien …), de land (landchap en flamand, landscape en anglais), ou de kraj (krajina en slovène et en tchèque).

À l’origine, la notion de paysage existe dans d’autres cultures que celles de l’Europe, notamment en Chine où elle est apparue au VIIème siècle après J.-C. Dans les sociétés traditionnelles, totémistes et animistes, la notion implicite de paysage (le mot n’existe pas) fait appel à des relations symboliques à l’espace et à la nature.

Dans les domaines des arts visuels et de la littérature, le paysage prend un sens culturel, notamment esthétique et poétique, mais aussi vernaculaire : comme le montrent les scènes valorisées par les pratiques touristiques ou artistiques (Land art par exemple). Dans celui des sciences, son sens varie avec les disciplines qui en font usage.

Le paysage des géographes et des écologues

Depuis le début du XIXème siècle jusqu’aux années 1950, la géographie physique et humaine a considéré le paysage comme un objet majeur de connaissance scientifique. Avec la notion de genre de vie, variable avec les régions, Paul Vidal de la Blache (1845-1918) a fait du paysage une production des sociétés confrontées aux ressources et contraintes locales de la nature. Tombé en disgrâce après la seconde guerre mondiale, le paysage sera réhabilité dans les années 1970 par le géographe Georges Bertrand en associant son sens esthétique et symbolique aux notions naturaliste et politique de géosystème et de territoire. On dénombre aujourd’hui environ 2 000 types de paysages en France (Fig. 2).

Fig.2 Carte synthétique des paysages en France, 2015, Jean-Benoît Bouron, http://geotheque.org/carte-des-paysages-ruraux-francais-bouron-georges/

Fig. 2 bis Carte des grands types de paysage en France, Pierre Brunet

Fig. 3 Paysage agricole de Champagne, Y. Arthus-Bertrand,

Aujourd’hui, pour les géographes, le paysage peut prendre trois sens complémentaires : le paysage comme filtre socioculturel des relations sensibles et utilitaires à l’espace et à la nature, variable avec l’histoire locale des sociétés ; le paysage comme géosystème, produit des interactions de facteurs abiotiques (le sol et le climat) et biotiques (le végétal, l’animal et l’homme) ; et le paysage comme construction sociale et politique propre à un territoire et à la société qui l’habite.

Développée aux Etats-Unis dans les années 1980, puis importée en Europe où elle était née, l’écologie du paysage (landscape ecology) a introduit l’espace et les activités humaines dans les sciences des écosystèmes et de la biodiversité. Elle s’intéresse à la structure spatiale des paysages qui détermine les capacités de circulation et de reproduction des populations animales et végétales spontanées. À cet effet, elle distingue dans la matrice agricole (les champs), forestière ou urbaine, les réservoirs de biodiversité (les taches) et les couloirs de connexion (les corridors) qui relient les premiers. Cette connaissance se déploie depuis l’échelle géographique de la biosphère jusqu’à celle de la haie, de la parcelle agricole ou du jardin public. Elle nourrit les politiques publiques qui luttent contre la fragmentation et l’homogénéisation des paysages, dommageables à la biodiversité. Pour cette discipline, le paysage a un sens dérivé de celui de géosystème (Fig. 4).

Fig. 4-Paysages de milieux humides, Affiche de la FRAPNA (fédération des associations de protection de la nature du Rhône), 1992

D’autres définitions, toutes aussi légitimes que les précédentes, ont été données par les historiens de l’art et des jardins, les archéologues, les économistes, les anthropologues, ainsi que par les spécialistes de littérature, d’esthétique et de philosophie. Celle donnée par la Convention européenne du paysage de Florence en 2000, qui est d’inspiration juridique et géographique, fournit le cadre des politiques publiques de paysage mises en œuvre par les gouvernements. Elle souligne clairement le double visage, matériel et immatériel, objectif et subjectif, naturel et culturel de la notion de paysage, et peut être prise comme référence commune.

«Paysage» désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations» (Article 1 de la Convention).

En 2009, cette définition est interprétée par le Réseau européen des autorités régionales et locales pour le développement de la Convention européenne, sous la forme suivante : « Le paysage est chaque chose qui nous environne : de notre voisinage aux routes que nous empruntons, jusqu’aux lieux les plus extraordinaires … » (We are the landscape, RECEP-ENELC, 2009). Le paysage n’est plus seulement vu mais vécu.

Le paysage des politiques publiques

Les paysages sont des productions des activités humaines pour des raisons sociales (habiter quelque part), économiques (produire et vendre des biens notamment agricoles et forestiers) et culturels en fonction des règles et des croyances admises par chaque société.

Dans tous les pays, existent des règles, juridiques ou non, implicites ou explicites, pour encadrer la production des paysages. Mais, du point de vue de l’intérêt général, le devenir des paysages est partagé entre deux enjeux majeurs, soit le souvenir et la conservation de ce qui a été, soit l’oubli pour faire place à de nouvelles activités, notamment économiques.

En France, depuis la fin du XIXème siècle, les paysages ont donc fait l’objet d’une régulation juridique intense selon trois processus historiques qui se superposent.

Au cours de la première étape dite culturelle, toujours actuelle, la notion de paysage, réduite à des valeurs d’identité nationale ou régionale, se traduit de façon institutionnelle par la production d’un patrimoine archéologique et historique, notamment architectural et artistique. Ce processus de conservation s’appuie, notamment, sur la loi de conservation des monuments historiques de 1913, et sur celle de protection des sites à caractère pittoresque, historique, artistique, légendaire et scientifique de 1930, puis sur les actions de l’UNESCO pour inscrire les sites remarquables au patrimoine mondial depuis 1972.

À partir du début du XXème siècle (second processus) une politique naturaliste de protection des patrimoines naturels commence à être appliquée en France. Avec la création du ministère de l’Environnement en 1971, la fondation du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres en 1975 et la loi sur la protection de la nature de 1976, la France traduit dans le droit les premières injonctions internationales (la convention internationale de Ramsar sur la protection des zones humides en 1971 par exemple). Suivront les directives européennes de 1992 sur la protection des habitats naturels, celles de la stratégie paneuropéenne de la diversité de 1995 et du réseau européen Natura 2000, et enfin les lois Grenelle de 2008 et 2010 créant la politique de la Trame verte et bleue et les schémas régionaux de cohérence écologique (Fig. 4).

La troisième étape s’intéresse en priorité aux paysages ordinaires. Avec la promulgation de la loi sur la protection et la mise en valeur des paysages de 1993, sont prévue en particulier l’approbation et la mise en œuvre d’une charte de paysage par les élus dans le cadre de la charte intercommunale des parcs naturels régionaux. Puis, en 1995, une circulaire du ministère de l’Équipement met en place les plans de paysage à intégrer aux documents d’urbanisme, une autre lance les atlas de paysages départementaux et régionaux aujourd’hui terminés. Parallèlement sont mis en place les observatoires photographiques de paysage. Dans cette troisième phase, la notion de paysage est traduite surtout en termes de cadre de vie ordinaire et quotidien. Elle cherche à s’ajuster aux injonctions internationales du développement durable et de la transition climatique et énergétique, et européennes relatives au débat public démocratique. Cette nouvelle interprétation qui introduit la notion de gouvernance paysagère des territoires, toujours actuelle, s’ajoute aux précédentes étapes de réglementation. Elle s’inscrit dans le cadre de l’application de la Convention européenne du paysage signée à Florence en 2000, et ratifiée par la France en 2006.

Fig. 5 Extrait d’une plaquette de vulgarisation du ministère de l’Environnement, (à gauche, paysage fragmenté, à droite, paysage non fragmenté), 2008.

Ces trois catégories de politiques publiques paysagères, et notamment la dernière, ont amené l’État à former des professionnels du paysage pour mettre en œuvre avec les collectivités les actions de régulation prévues par les lois.

Le paysage des professionnels du paysage

Pour ces praticiens, le paysage est un outil des actions d’aménagement des espaces ruraux et urbains.

Pour les paysagistes concepteurs (les architectes paysagistes dans une soixantaine de pays), le paysage (ou paysagisme) est un métier (landscaping) et une profession organisée (landscape architecture). Pour la fédération internationale des architectes paysagistes (IFLA) créée en 1947 : « Landscape architects create places for people to live, work and play, and places for plants and animals to thrive. They also speak up for and care our landscapes ». Leur outil principal est le projet dit de paysage qui indique comment les espaces extérieurs aux édifices, autant que les territoires dans leur ensemble, peuvent être aménagés en y apportant la qualité esthétique et fonctionnelle recherchée. Ils en sont les maîtres d’œuvre et souvent deviennent des conseillers des maîtres d’ouvrage publics ou privés. Leurs compétences s’exercent à différentes échelles spatiales (du périmètre d’un département ou d’une commune aux détails d’un espace public urbain). Le plus souvent ces savoir-faire sont hérités des paysagistes architectes ou jardiniers, mais se transforment en Europe en fonction des orientations de la Convention européenne du paysage de Florence.

Fig. 6 Le vignoble de la commune de Saint-Emilion, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en décembre 1999 en tant que paysage culturel. Cl. P. Donadieu
Critère (iii) : La Juridiction de Saint-Emilion est un exemple remarquable d’un paysage viticole historique qui a survécu intact et est en activité de nos jours.
Critère (iv) : La Juridiction historique de Saint-Emilion illustre de manière exceptionnelle la culture intensive de la vigne à vin dans une région délimitée avec précision.

Pour les experts de l’UNESCO comme pour ceux du Conseil de l’Europe (CE), les professionnels du paysage sont surtout des gestionnaires de paysage qui « accompagnent un processus de formulation, d’articulation et de déploiement d’un ensemble de stratégies visant à valoriser un paysage donné, et à améliorer la qualité de vie de la population dans le cadre du développement durable … » (CE, 2016). Pour ces professionnels, qui peuvent être paysagistes concepteurs, mais également géographes, écologues, environnementalistes, agronomes, forestiers, urbanistes … la gestion du paysage est d’abord un programme d’actions au service du bien-être des populations et de la construction de l’identité visible des territoires locaux et régionaux.

Retenons que le paysage est une notion polysémique ancienne qui rend compte des relations réelles et souhaitables établies par les sociétés humaines avec leurs espaces de vie. C’est à la fois une ressource économique, sociale et environnementale, un outil d’aménageur et un horizon de l’action publique. Le paysage donne un visage aux territoires, exprime l’intention visible de construire et de transmettre des biens communs et informe sur la transformation des espaces de la vie humaine et non humaine. Il a pris le sens de milieu vivant, individuel et collectif.


Bibliographie

Conseil de l’Europe, Dimensions paysagères, Strasbourg, 2017.
Donadieu P., Sciences du paysage, entre théories et pratiques, Paris, Lavoisier, 2012.
Luginbühl Y. La mise en scène du monde, Construction européenne du paysage, Paris, CNRS, 2014.
Jean-Luc CABRIT (coordonnateur), Marie-Christine SOULIÉ et Jean-Pierre THIBAULT, Démarches paysagères en Europe, Eléments de parangonnage pour les politiques publiques françaises, CGEDD, 2017.
http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/010731-01_rapport_cle22f995.pdf

Le paysage en douze questions

Fiche 2

Fiche n° 1

Le paysage en douze questions

Pierre Donadieu, Académie d’Agriculture de France

Sommaire

La notion de paysage fait partie des thèmes principaux abordés par la section 7, environnement et territoire, de l’Académie d’Agriculture de France. Car les paysages ruraux, agricoles et forestiers, comme ceux des villes et des villages, sont l’objet de politiques publiques, nationales et européennes, depuis un siècle. Au cours du XXIe siècle et des transitions environnementales importantes qui vont l’affecter, doit-on et peut-on en modifier la production ?

Pour éclairer la situation actuelle, les textes qui suivent exposent de manière synthétique : comment définir la notion de paysage (2), la nature des actions publiques de paysage (3-4-5-10), les démarches scientifiques d’écologie du paysage (6-8), les démarches patrimoniales (5), les questions posées par les paysages agricoles (7) et urbains (9-11-12) et l’évolution des formations des professionnels du paysage (9).

Cette notion n’est pas indépendante des neuf autres thèmes abordés par ailleurs dans la section 7, notamment territoire, agriculture, biodiversité, eau, service écosystémique, climat et sol. Cette relation est approfondie dans le thème territoire (territoire et paysage, territoire et communs).

1 – Le paysage en douze questions, P. Donadieu

2 – Qu’est-ce-que le paysage ? P. Donadieu

3 – Le paysage : un outil de la démocratie ? Y. Luginbühl

4 – Comment faire avec la conflictualité paysagère ? H. Davodeau

5 – Les paysages agricoles peuvent-il devenir des patrimoines ruraux ? P. M. Tricaud

6 – Pourquoi et comment améliorer la biodiversité dans les paysages agricoles ? F. Burel

7 – Pourquoi les agriculteurs devraient-ils s’intéresser à leurs paysages ? P. Donadieu

8Quels rôles des trames vertes et bleues dans les milieux (péri)urbains ? P. Clergeau

9 – Comment ont évolué les métiers du paysage ? P. Donadieu

10 – Les politiques publiques de paysage : quels enjeux ? P. Moquay (texte à venir)

11 – Le végétal en ville : quels impacts sur le microclimat urbain et sur la qualité de l’air ? Y. Brunet (texte à venir)

12 – Le paysage, l’urbanisme et les agriculteurs en Europe. D. Vancutsem (à venir)

 

Avant-Propos

Dans ces textes, la notion de paysage relève de deux paradigmes de pensée peu éloignés. L’un relève de la pensée scientifique systémique (non analytique et non linéaire par définition) et du concept écologique universel d’écosystème. Ce dernier inspire, notamment, des analyses fonctionnelles de la biodiversité, des sols et des climats, lesquelles débouchent sur la notion utilitaire de services écosystémiques (approvisionnement, régulation environnementale, services sociaux et culturels).

L’autre paradigme, inspiré en Europe par l’histoire politique et sociale des territoires et les arts visuels, développe une approche pragmatique, souvent holistique et transversale aux actions publiques sectorielles, des relations du vivant humain et non humain avec son milieu. Il s’appuie en particulier sur la définition juridique du paysage donnée par la Convention européenne du paysage de Florence (2000). Celle-ci vise la définition et la mise en place de « politiques de paysage et d’objectifs de qualité paysagère » dans les territoires.

Dans le premier cas, le paysage exprime soit un niveau géographique d’analyse sectorielle (l’écologie des paysages ruraux et urbains, les infrastructures vertes et aquatiques, l’ingéniérie écologique), soit des aménités paysagères ou environnementales du cadre de vie. Dans le second cas, les pouvoirs et les politiques publics (notamment l’État en France), grâce à des outils spécifiques de régulation transversale des paysages (plan, atlas, charte, observatoire de paysage …) et aux professionnels du paysage, sont mis en situation de construire empiriquement des relations concertées, évolutives et singulières entre les milieux de vie et les habitants des territoires.

Ces deux paradigmes, fonctionnel/systémique (écologique ou environnemental) et relationnel/pragmatique (paysager), peuvent soit se compléter (consensus territorial), soit s’affronter (controverses sociales et scientifiques), soit encore susciter l’indifférence ou la méfiance voire le rejet, notamment de certains acteurs du monde professionnel agricole ou des sociétés habitantes.

P. Donadieu 12 décembre 2018

4 – Le grand flottement

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Chapitre 4

Le grand flottement1

(1968-1974)

 

Ce texte décrit la fin tumultueuse de la Section du paysage et de l’art des jardins de l’École nationale supérieure d’horticulture de Versailles.

L’après mai 1968 : tensions entre enseignants, élèves et direction

Début juillet 1968. Les soixante-huitards et les grévistes viennent de voir mourir leurs espoirs révolutionnaires. Le 4 juin, à Tours comme à Paris, des manifestations gaullistes ont mis fin à l’espoir de changement social et politique.

A l’École d’horticulture de Versailles, la nouvelle des émeutes parisiennes et nationales avait peu ébranlé les élèves ingénieurs qui avaient, à part quelques assemblées générales paisibles en mai, et en raison des avertissements des enseignants, poursuivi leurs études. Quelques-uns plus curieux que les autres avaient participé aux mouvements parisiens de mai, notamment des élèves de la Section du paysage et de l’art des jardins.

Le 5 juillet, le directeur Etienne le Guélinel et son adjoint Jean Pasquier réunissent le conseil des professeurs de la Section dans la grande salle de la bibliothèque de l’école. Treize étaient présents. Des paysagistes : J.-Pierre et J.-Paul Bernard, J. Sgard, P. Roullet, M. Viollet ; un architecte urbaniste R. Puget ; des ingénieurs : L. Sabourin, M. Thomas ; une historienne J. Hugueney ; deux professeurs de dessin Françoise Blin et Jacques Cordeau, un plasticien B. Lassus et un professeur d’écologie de l’ENSH J. Montégut. Tous sont vacataires. Quelques-uns comme l’urbaniste enseignent depuis plus de vingt ans, mais la plupart des autres ont été recrutés depuis moins de 10 ans. Le procès-verbal n’évoquera pas les émeutes parisiennes, comme si elles n’avaient pas existé.

Pourtant, enseignants et étudiants (un élève Alain Eichenbaum avait été pour la première fois admis dans le conseil) pouvaient s’appuyer sur des motifs légitimes pour exprimer leur mécontentement.

« Sans autonomie, sans crédits différenciés, avec comme seuls moyens des vacations pour rémunérer les enseignants »2, rapporte J. Pasquier, la Section vit une précarité de plus en plus mal supportée à côté de l’ENSH. Une concurrence avec le monde des ingénieurs d’autant plus vive que les élèves ingénieurs, et peut-être l’association des anciens élèves de l’ENSH affirment de plus en plus la volonté du monde horticole de mettre en place une formation d’ingénieurs paysagistes à Angers.

Pourquoi, demande P. Roulet, ne va-t-on pas vers un éclatement de la formation entre ingénieurs et paysagistes, plutôt que de maintenir une difficile formation commune ?

Imperturbable, et garant efficace de l’ordre depuis dix ans, E. Le Guélinel fait état de nombreux projets d’amélioration en cours d’étude et rappelle à son conseil que la Section existe avec et par l’ENSH, et que ce lien organique historique « entre mère et fille » doit être maintenu.

C’est un fait qu’en 1945 la Section a été pensée pour former des ingénieurs à la compétence paysagiste pour des emplois dans le secteur public et les agences privées. Ils s’en sont cependant détournés progressivement, laissant ainsi la place à d’autres candidats issus notamment du monde de l’architecture et des Beaux-Arts.

Pourtant, aux 15 élèves3 qui sont autorisé à passer en 2ème année, viennent s’ajouter, en 1968-69, trois ingénieurs horticoles dont Gilles Clément qui deviendra enseignant à l’ENSP.

Depuis le début de la Section, le poids de la culture scientifique et technique horticole sur la formation des paysagistes provoque une demande récurrente de changement des épreuves du concours et des programmes pédagogiques, en particulier des coefficients des disciplines. Le dessin est un parent si pauvre et si peu écouté qu’au cours du conseil suivant de rentrée le 25 septembre 1968, lassés de si peu d’attention, F. Blin et J. Cordeau démissionnent4. Commence alors une longue série d’abandons de l’enseignement, puis de grèves d’étudiants à la mesure de l’exaspération croissante du personnel enseignant. Déjà l’ancien élève de J.-C. Nicolas Forestier, l’architecte et paysagiste T. Leveau, un enseignant respecté d’ateliers de projets depuis plus de 20 ans, était parti pour raisons de santé au début de l’année 19685.

Un autre sujet de tension avec les enseignants concernait l’exigüité des locaux qui leur étaient réservés. La Direction leur annonce qu’un préfabriqué sera construit dans le « dernier des onze », au fond du Potager et que deux salles leurs seront réservées dans les bâtiments C et D, le long de la rue Hardy avec partage du petit amphi avec les « hortis »6. Et surtout qu’un secrétariat et un budget propre leur seront enfin consacrés.

Cela ne suffira pas à empêcher le chaos de l’année 1969. Car, à la rentrée d’octobre 1968, l’effectif d’étudiants paysagistes avait augmenté : 30 en préparation, 20 en 1ère année et autant en 2ème année. 70 étudiants, mal reconnus et parfois méprisés par le personnel de l’ENSH et ses élèves ingénieurs, qui allaient changer avec leurs enseignants peu écoutés, en quelques années, le cours de l’histoire de l’institution.

B. Lassus se voit accorder le recrutement de P. Dauvergne pour « l’aider à l’enseignement des études visuelles de première et deuxième années ». Car, précise-t-il, il envisage de créer un département d’études visuelles lors de la création de la future école du paysage. Ce projet « d’école du paysage et de l’art des jardins » a déjà été écrit7 au cours des deux années précédentes, mais le tumulte de mai 1968 l’a un peu fait oublier.

1969, l’hémorragie

Un autre litige oppose l’administration aux enseignants vacataires, le montant trop faible de leurs rémunérations alors que le temps d’encadrement augmente. Délégué par ses collègues, J. Sgard rencontre en octobre le ministère pour exposer leurs doléances. À nouveau le directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche J.-M. Soupault demande à E. Le Guélinel un projet d’organisation générale de l’école autour de trois ou quatre départements, et un projet pédagogique et de statut du personnel enseignant8. Mais le budget ne change pas.

À la fin de 1968, le ton monte dans le conseil des enseignants9. Y assistaient, de l’ENSH P. Bordes et A. Anstett, les paysagistes J.-P. Bernard, A. Audias, G. Samel et M. Viollet, ainsi que R. Puget, L. Sabourin, J. Simian et M. Rossilion. Les paysagistes dénoncent leur surcharge de travail sans contrepartie financière, notamment les heures de réunion non payées. L’absence de programmation pédagogique et de coordination devient de plus en plus insupportable. J.-P. Bernard demande que J. Sgard devienne « le chef d’orchestre », ce qui est approuvé à l’unanimité du conseil, mais ne sera pas mis en œuvre faute de moyens financiers.

La situation s’aggrave au cours de l’hiver. En mai 1969, P. Roulet qui enseigne en préparation, alerte le directeur : « le niveau des élèves est extrêmement bas, les effectifs ont diminué au cours de l’année du fait des abandons et de l’absentéisme »10. Au même moment, dans un manifeste du 28 avril, les élèves de deuxième année annoncent qu’ils boycottent les enseignements d’études visuelles (B. Lassus et P. Dauvergne) : « L’enseignement est incohérent, pas de corrections, une notation sans rapport avec le travail fourni, pas de présence suffisante des professeurs »11.

Lors du conseil du 28 juin 1969, E. Le Guélinel, stoïque, regrette cette « année difficile » et annonce qu’il faut « structurer l’enseignement du paysage et éviter l’amateurisme ». Mais l’important pour lui est d’assurer la continuité du service public. 18 candidats au concours et 7 ingénieurs sont admis en première année12 et 25 élèves de première année passent en seconde.

L’arrivée « massive » des ingénieurs et la mise en place d’enseignements communs avec l’ENSH met le feu aux poudres. B. Lassus demande la suppression de ces cours et dénonce le faible niveau des ingénieurs et leur absentéisme. « Les ingénieurs doivent être dispensés de certaines disciplines techniques et scientifiques et faire l’apprentissage du dessin »13. Décision qui est prise immédiatement. Les ingénieurs devront obtenir l’autorisation du professeur de dessin pour postuler à la Section.

C’est en fait le concours d’entrée qui est en ligne de mire. « Seules les 8 à 10 premières personnes classées (et retenues) étaient de bon niveaux » constate B. Lassus. Mais également le système de notation employé : « Les notes ne correspondent à rien, puisque le fruit de mon enseignement se révèle le plus souvent avec au moins un an de décalage » (p. 6). Sans compter le temps de préparation qu’il faudrait porter à deux ans, ce que demandent J. Montégut, P. Roulet et J. Simian.

Ce dernier réclame lui aussi des ateliers plus grands, et la possibilité de recourir à des modèles vivants. Une bataille âpre s’engage entre G. Samel et la direction pour récupérer les coefficients des enseignements qui n’ont plus de titulaires (Thébault, Leveau, Puget). La tension est à son comble, et les vacances n’arrangent rien.

À la rentrée 1969, J. Sgard démissionne avec fracas : « Etant donnée l’extrême indigence des moyens matériels où se trouve cet enseignement et le peu de changement survenu depuis plusieurs années, il est inutile de poursuivre mon effort »14. Quelques jours avant, J.-C. Saint-Maurice avait radicalisé sa position : « Etant donné l’absentéisme sans motifs sérieux, les arrivées échelonnées dans les corrections et les cours, je propose de mettre la note de zéro à tout travail non remis à la date fixée sans motifs valables, et de noter plus sévèrement les élèves »15.

Au début du mois d’octobre, 6 enseignants (Lassus, Saint-Maurice, Jean-Pierre Bernard, J. Sgard, J. Montégut) avaient arrêté leurs enseignements, en conditionnant la reprise des cours à la nomination d’un chargé de mission du ministère pour réorganiser l’enseignement du paysage.

Pour E. Le Guélinel, la situation est critique. Il diffère la rentrée de l’année scolaire 1969-70 du 9 au 13 octobre après le conseil où des divisions apparaissent. Faut-il arrêter complétement l’enseignement ? Jean-Paul Bernard, contrairement à son homonyme Jean-Pierre, pense que les élèves seront les premières victimes de cette décision. Le débat est confus, d’autant plus que l’école d’architecture voisine vient d’annoncer l’ouverture d’une formation d’architecte-paysagiste en trois cycles (qui ne se fera pas).

Seul point rassurant : le recrutement où l’effectif se maintient : 32 admis en préparation, 27 (dont 4 ingénieurs) et 21 en seconde année. La demande, non satisfaite, d’assistants reste récurrente et insistante dans les ateliers.

L’année suivante (1970-71), alors que le chargé de mission P. Harvois16 a été nommé, la pression étudiante persiste. Les élèves s’inquiètent : Que sera la seconde année paysage ? demande Noëlle Audas, élève de 1ère année. Les jeunes certifiés de la Section annoncent en mai 1970 leur refus de se présenter au concours en loge. Et huit élèves refusent de passer l’examen d’« Espaces verts » avec A. Audias. Des non redoublements sont prononcés (C. Tamisier et G. Chauvel), malgré l’intervention de P. Dauvergne.

À la fin de l’année scolaire 1970-71 où chacun attend les résultats de la mission Harvois, les nouvelles ne sont pas rassurantes. J. Montégut annonce sa démission. À peine recrutés, deux architectes MM. Autran et Grüber démissionnent au bout d’un an. M. Viollet, P. Dauvergne et L. Sabourin déplorent des résultats faibles, le déficit d’encadrement, l’isolement des premières années dans le nouveau préfabriqué du dernier des onze, l’absentéisme chronique dans les visites et l’émiettement de l’emploi du temps incompatible avec le travail d’atelier.

La désagrégation totale de la formation menace si bien que la direction prévoit de rémunérer les temps de coordination pédagogique. Malgré ce ciel très orageux, l’institution continue à fonctionner.

Pourtant l’année suivante, au conseil des enseignants du 1er juillet 1971, les enseignants présents (G. Samel, J.-C. Saint-Maurice,) connaissent probablement l’échec de la mission Harvois. Le projet d’Institut du paysage a été abandonné. Que s’est-il passé ?

L’échec du projet d’Institut du paysage (extrait du chapitre 3)

C’est en avril 1971 que le coup de grâce est donné par Etienne le Guélinel dans une longue lettre argumentée d’ « observations ». Sans remettre en cause la création de l’Institut, il y dénonce successivement : « l’argumentation du rapport Harvois pour utiliser les moyens de l’ENSH pour créer l’Institut », « l’abandon volontaire de l’enseignement de l’art des jardins », la non compatibilité de la formation d’ingénieurs de travaux paysagers {subordonnés} à des paysagiste concepteurs, la faiblesse des débouchés d’ingénieurs « étroitement paysagistes », et la réticence de Philippe Olmer, directeur en 1970 de l’INA de Paris et chargé de la fusion de l’INA de Paris et de l’École nationale supérieure d’agronomie de Grignon à côté de Versailles. Il plaide pour une ENITAH associant une filière horticole et paysagiste, et la localisation des deux premières années de l’Institut à Angers. Il doute d’une Grande École qui ne formerait que 16 paysagistes de conception par an et propose plusieurs scénarii de transition vers un Institut, dont l’arrêt de la Section en 197217.

Paul Harvois fait part début mai de sa déception à Pierre Desmidt. Lequel a écrit à Etienne Le Guélinel pour dénoncer son manque de soutien des milieux professionnels qui portaient ce projet. Le 17 mai, après la réunion interministérielle du 13 mai, dans une lettre à B. Pons, P. Harvois acte « la remise en cause fondamentale d’une formation même de paysagistes alors que les échanges antérieurs avaient été plus que positifs » et le rejet de son rapport « en l’absence de tout représentant concerné ou informé ».

De son côté, le 26 mai, la Chambre syndicale des paysagistes conseils (G. Samel et P. Roulet) diffuse une « Lettre aux candidats à la profession de paysagiste » pour dénoncer « un objectif délibéré et convergent : la disparition de la profession à laquelle vous vous destinez ». Ils alertent le député Poniatowksy déjà plusieurs fois contacté, en mettant en cause « une maffia de l’Agronomie … concluant à l’inutilité de l’Institut ».

Début juin, P. Roulet informe P. Desmidt, P. Harvois et G. Samel que le projet d’Institut est officiellement abandonné (sous un prétexte financier). Mais que « L’Environnement18 se propose de faire créer un enseignement d’application, qui, en 6 mois, serait susceptible de mettre sur le marché des « paysagistes » issus de l’enseignement supérieur agronomique ou architectural »19 . C’est l’annonce du projet de Centre national d’études et de recherches du paysage (CNERP) à Trappes près de Versailles qui prendra avec la création de l’association « Paysages » à la rentrée 1972 le relais partiel de l’Institut national du paysage abandonné.

Cet épilogue inattendu montre surtout que les positions des services administratifs des ministères -très liés avec les corps d’ingénieurs20 avaient été largement occultées par les échanges officiels. Le ministre de l’Équipement Albin Chalandon affirmait son accord avec le projet en mars, alors que le directeur du personnel de son ministère faisait savoir en mai que « les conclusions du rapport Harvois étaient trop ambitieuses et que la plupart des administrations estimaient qu’il fallait d’abord mettre sur pied un enseignement complémentaire de spécialisation (des ingénieurs et architectes notamment) »21.

La fin de la Section

Avec l’annonce de l’échec de la mission Harvois, et la poursuite des démissions des enseignants (M. Viollet, J.-Paul Bernard, M. Rossilion, J.-C. Saint-Maurice et P. Roulet en 1971), l’équipe enseignante est exsangue. Les rares paysagistes rescapés, P. Dauvergne, G. Samel vont rechercher avec la Direction de nouvelles recrues. J. Carrel, juriste et économiste à l’ENSH succède à M. Rossilion, P. Alvery, jeune paysagiste certifié à M. Viollet comme assistant, et M. Mercier pour reprendre l’enseignement d’architecture, construction et urbanisme. Entrent également en scène comme conférenciers à la rentrée 1971-72, A. Spake (SETRA), Jacques Simon et M. Corajoud dont les travaux et les publications innovantes sont devenus des références pour les paysagistes français22. Alors que les enseignements d’histoire de J. Hugeney, peu suivis, sont relégués en préparation.

Les élèves quittent le préfabriqué inconfortable pour le réfectoire inoccupé du foyer des élèves et un nouveau système pédagogique est mis en place. Il prévoit d’organiser la formation autour de séminaires successifs avec des thèmes d’études regroupant les professionnels avec les enseignants des autres disciplines (dessin, droit, techniques …) ou d’intervenants extérieurs (par exemple les écologues du CEPE-CNRS de Montpellier avec P. Dauvergne dans l’Orléanais).

Au printemps 1972, E. Le Guélinel réunit un conseil d’enseignants exceptionnel, mais peu fourni (6 enseignants)23. Flegmatique, il « constate une certaine dégradation de la situation de l’enseignement dû à l’absence d’avenir de la Section sous sa forme actuelle et la mise en place hypothétique d’un institut du paysage ». Institut qu’il avait largement contribué à faire abandonner en privilégiant la création de l’ENITH d’Angers (voir chapitre 3) dont il annonce la création. « On y formera des ingénieurs spécialisés dans les techniques du paysage et des espaces verts ». La fin de l’enseignement de la section est annoncée pour 1974. Ainsi que de manière plus vague la réforme du (jury du) concours en loge, jugé désuet et inadapté par les jeunes certifiés. Ce qui signifie qu’il n’y aura plus de recrutement en 1973. Rien n’est dit de la création d’une nouvelle école succédant à la Section.

Pourtant c’est bien un nouvel enseignement qui se met en place malgré le scepticisme de la Direction qui doute du travail de groupe préconisée par P. Dauvergne et M. Corajoud. En juillet 1973, ils proposeront un programme pédagogique plus formalisé. En première année, l’essentiel des coefficients ont été regroupés autour de trois champs principaux : architecture-construction-urbanisme : 16 (Mercier), Etudes visuelles : 16 (Dauvergne), Ateliers de projets : 16 (Corajoud, Dauvergne, Simon). Viennent ensuite le dessin et les techniques (10 chacun). Les champs scientifiques sont marginalisés, ce qui met fin à l’offensive des professeurs de l’ENSH adeptes d’une formation inspirée du modèle de l’ingénieur.

Mais l’hémorragie continue : au cours du conseil du 4 juillet 1972, la Direction prend acte des démissions de G. Samel, M. Viollet et J.-C. Saint-Maurice et de l’absence de J. Simon pour cause d’accident. Ce qui entraine les plaintes réitérées des élèves, mais aussi, temporise E. Le Guélinel : « la recherche nécessaire d’équilibre entre cours magistraux (souvent boycottés) et ateliers (parfois fantomatiques), entre « hortis » et non hortis » »24.

Il ne reste plus qu’une cinquantaine d’élèves pour terminer leurs études pendant les années scolaires 1972- 73 et 1973-7425.

À l’automne 1972, J. Montégut, disponible du fait de l’absence de première année à l’ENSH26, revient faire ses cours d’écologie végétale et de botanique. Et René Bossard, professeur titulaire de cultures ornementales à l’ENSH, propose un exercice de composition d’une bordure herbacée. Fort mal reçu par les élèves qui le boycottent de la même façon que les cours d’hydraulique savante de J. M. Lemoyne de Forges.

J. Castex, historien à UP3, est appelé à donner des cours d’histoire de l’architecture et de l’urbanisme en remplacement de M. Mercier qui a jeté l’éponge. Jean-Louis Bernard complète avec un cours de morphologie architecturale. J. Carrel, également économiste, prend en charge l’enseignement des marchés et adjudications et J. Simon la formation plastique dans les projets pour compléter celle donnée par J. Simian.

Usé et surtout déçu par les nouveaux horizons de la Section, à l’âge de 69 ans, Albert Audias donne sa démission après 27 ans d’enseignement dans la section : « Je dis adieu à cet enseignement qui aurait pu former des spécialistes de qualité, mais qui a progressivement dégénéré en négligeant la formation du paysagiste maître d’œuvre (la meilleure formation au « grand paysage »)27. Il avait reçu le 15 mars une lettre des étudiants indiquant sans ménagement «  qu’assister à son cours était une perte de temps » et qu’ils refusaient de passer l’examen »28. L’hécatombe se poursuit avec un refus des examens de M. Thomas (techniques) le 25 mai 1973.29

Pourtant, une relative normalisation de la formation semble éloigner la menace de chaos. Le jury du concours en loge est recomposé (voir chapitre 3) et les sessions rétablies ; J. Montégut organise un voyage dans le midi plus paysagiste (et touristique) que botanique30 et J. Simian promet de s’associer à P. Dauvergne pour un dernier atelier d’études visuelles dans la nouvelle ville de Saint-Quentin-en Yvelines qui sort de terre31.

Le 27 juin 1974 se tient le dernier conseil des enseignants en présence de quatre personnes : J.-L. Bernard, M. Corajoud, P. Dauvergne et J. Simian. E. Le Guelinel valide les 31 derniers certifiés et conclut sereinement, sans émotion apparente (du moins dans le procès-verbal) : « Des études sont en cours pour mettre en place un nouvel enseignement du paysage auquel les professeurs actuels seront peut-être appelés à participer. La dernière année de la section s’est déroulé dans de meilleures conditions ».32

Conclusion : émergence d’une nouvelle pédagogie

Le 22 juin 1972 les projets pédagogiques pour 1972-73 de P. Dauvergne et de M. Corajoud sont diffusés parmi les enseignants. Fondés sur des unités mixtes d’enseignement (paysagistes/non paysagistes), ils prévoient de renforcer les formations essentielles : théorique (avec les non praticiens : historien, écologue, juriste …), plastique et de projet. Par exemple en associant des thèmes en première année (J. Simon et P. Dauvergne) : écologie du paysage, prospective, paysage global, en regroupant les cours pour éviter l’émiettement et en faisant travailler les deux années ensemble.33

Dès le conseil de décembre 1972, le succès des formations itinérantes de J. Simon apparait clairement. Elles s’accompagnent de comptes rendus très complets de visites. Il en est de même des études visuelles (perceptions, ambiances, paysage global) de P. Dauvergne dont tous les travaux demandés sont remis et évalués. Un projet de reconstitution d’un sol et de création d’une zone de loisirs avec l’ONF à Saint-Germain en Laye et J. Montégut remporte lui aussi un vif succès.34

Les élèves deviennent de fait les coproducteurs de la pédagogie nouvelle dont ils sont les cobayes. À la fin de l’année scolaire 1972-73, ils affinent les nouvelles règles pédagogiques en demandant : « des programmes plus courts et chevauchants, de petits voyages d’étude plutôt qu’un grand, un calendrier des thèmes par trimestre, plus de visites de chantiers avec M. Thomas, des conférences de sociologie, et avec J. Montégut, plus d’analyse de paysage et moins de botanique … »35.

Mais cette mutation pédagogique, qui va inspirer la suite à l’ENSP, se heurte à de nombreux freins que résume en 1972 le professeur de dessin Jean Simian : « Un manque de culture générale et artistique chez les élèves, leur passivité, leur désarroi autant que leur prétention, l’affrontement de groupes (…) Car ceux qui donnent satisfaction ont derrière eux une formation artistique de longue durée (…) le paysage ne peut reprendre ses droits qu’en sauvegardant les valeurs humaines et d’agrément qui sont ses lettres de créances »36.

Il faudra attendre les publications de M. Corajoud (notamment La lettre aux étudiants, 2000)37 pour stabiliser les principes pédagogiques de l’ENSP de Versailles-Marseille.

Pendant cette dernière année de la Section, l’association Paysages (ex GERP), qui préfigure le Centre national d’études et de recherche du paysage (CNERP) à Trappes à quelques kilomètres de Versailles a commencé à recruter ses premiers élèves pour des cycles de formation et à produire de nombreuses études de « paysage d’aménagement » commanditées et payées par l’État et les collectivités. Les deux institutions (ENSH et association Paysage/CNERP) semblent ne pas avoir eu de relations formelles de 1972 à 1978. Pourtant J. Sgard, P. Dauvergne, B. Lassus et J. Montégut, qui étaient enseignants dans la Section du paysage, en furent les fondateurs essentiels. Ce divorce ne fut que momentanée car presque tous, avec les compétences qu’ils avaient développées, retrouveront une place à l’ENSP à partir de 1976. (chapitres 5, 6, 12)

P. Donadieu

25 septembre 2018

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1 J’emprunte ce titre à un texte de Jean Simian professeur de dessin de 1969 à 1974 (voir la référence dans la conclusion).
2 Procès-verbal du conseil des professeurs de la Section du paysage et de l’art des jardins du 5 juillet 2018, ADY, p. 2.
3 Dont J. Ricorday qui fut ensuite longtemps enseignant à l’ENSP de Marseille. Sur ces 15 élèves, le passage de 6 était conditionné par des examens à passer et une moyenne générale d’au moins 12. Cette même année 9 élèves étaient certifiés après deux années d’études, diplôme qui leur permettait de se présenter au concours en loge pour obtenir le titre de paysagiste DPLG. Il s’agissait notamment de P. Treyve, A. Levavasseur et C. Faucheur
4 Ils seront remplacés par Jean Simian, diplômé de l’École du Louvre et professeur de dessin au lycée de Rueil, jusqu’en 1974.
5 Il décèdera en 1974.
6 C’est l’actuel bâtiment Lenormand
7 Voir chapitre 3
8 Lette de J.-M. Soupault à E. Le Guélinel du 14/10/1968.
9 PV du conseil du 27/12/1968, ADY
10 Lettre de P. Roulet au directeur du 27 mai 1969, ADY.
11 Manifeste du 28 avril, ADY
12 Dont 18 « cuscutes » (parmi eux/elles P. Aubry, P. Alvery et G. De la Personne qui deviendront enseignants) et 7 « hortis » dont M. Marcesse, H. Lambert et Y.-M. Allain. C’était la 22ème promotion depuis 1946.
13 PV du conseil des enseignants du 28 juin 1969, p. 4.
14 Lettre de J. Sgard à E. Le Guélinel du 7 octobre 1969, ADY
15 Lettre de J.-C. Saint-Maurice à E. Le Guélinel, du 2 octobre 1969, ADY
16 Voir le chapitre 3.
17 Ce document de 8 pages, dont une copie dactylographiée est conservée, n’est pas datée. Le destinataire était le ministère de l’Agriculture.
18 Le ministère de l’Environnement (avec Pierre Poujade comme ministre, Jacques Chaban-Delmas étant premier ministre) vient d’être créé en janvier 1971. Il est probable que cette création a fragilisé le soutien du projet d’Institut en le privant des soutiens du GERP et de R. Pérelman.
19 Copie de la lettre de P. Roulet à Harvois, Samel, Spake, Guelpa, Desmidt, non daté
20 Notamment les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées et du Génie rural et des eaux et forêts. Le rôle de l’association des anciens élèves de l’ENSH et de la SNHF, qui n’apparaissent pas dans la correspondance de P. Harvois, reste à éclairer.
21 Lettre de Pierre Delaporte, directeur du personnel du ministère de l’Équipement et du Logement à Monsieur Lacaze Ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, chef de la mission d’étude à la Ville nouvelle du Vaudreuil, 5 mai 1971, copie à P. Harvois.
22 PV du 1er juillet 1971, ADY
23 PV du 24 mai 1972, ADY
24 PV du 4 juillet 1972, ADY. Les parenthèses sont de l’auteur.
25 Parmi eux A. Chémétoff, J.-P. Clarac, J. Magerand, J. Coulon, D. Laroche (IH 68), L. Saccardy (IH 67)
26 La réforme de l’ENSH en école d’application en deux ans arrête le recrutement des ingénieurs horticoles.
27 Lettre du 19 mars 1973 de A. Audias à E. Le Guélinel, ADY
28 Elle était signée notamment par G. Vexlard, A. Quiot, L. Leblanc et R. Desormeaux. PV du 28 juin 1973, ADY.
29 Dans les deux cas les examens eurent néanmoins lieu et A. Audias comme M. Thomas étaient présents au conseil du 9 octobre 2013 avec J. Carrel, P. Dauvergne, L. Sabourin, J. Montégut et J. Simian.
30 Il sera repris avec succès à l’ENSP par M. Rumelhart et A. Freytet.
31 PV du 9 octobre 1973, ADY.
32 PV du 27 juin 1974, ADY.
33 PV du 4 juillet 1972 et du 11-10-1972, ADY. Les projets de M. Corajoud et P. Dauvergne (4 pages, ronéo) indiquent, sans détails ni objectifs pédagogiques, plusieurs projets courts et longs en première et deuxième année : (5 esquisses, deux avants projets de 15 jours chacun, un projet long de deux mois : un square avec avant-projet, étude technique, et devis estimatif)
34 PV du 15 décembre 1972, ADY
35 PV du 28 juin 1973, ADY
36 J. Simian, Considérations générales sur le « flottement » de la Section du paysage à l’école d’horticulture de Ver asailles, doc. ronéo, non daté, sans doute en 1972., ADY. Sa critique attribue les problèmes posés par la première année en 1970-71 aux « séquelles de la révolution de 1968 »

2 – L’enseignement de la Section du paysage et de l’art des jardins

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Chapitre 2

L’enseignement de la Section du paysage et de l’art des jardins

La renaissance (1956-1968)

Version du 1er juillet 2018

Dès janvier 1956, un projet de réorganisation de la Section est présenté. Il prend acte de la régression du nombre de candidats (un seul à la rentrée de 1955), de la baisse du niveau (au-dessous du bac pour certains) et de la désaffection des ingénieurs horticoles (aucun depuis 1954). Le conseil des enseignants propose que la Section devienne une section d’application du paysage et de l’art des jardins en un an, réservée aux ingénieurs horticoles, agricoles et agronomes (et aux architectes) sans concours. Et que la Section soit remplacée par des sessions de formation accélérée de 10 mois recrutant sur titres, l’accès au titre de paysagiste par le concours en loge restant dans les deux cas inchangé.1

Le conseil est partagé entre plusieurs avis : les exigeants comme T. Leveau qui pense qu’il faudrait former au moins 20 paysagistes par an en privilégiant les élèves des Beaux-Arts ; les pragmatiques (R. Puget) qui proposent de faire connaitre les paysagistes par des expositions et des albums, et les réalistes (A. Audias et R. Brice) qui savent que le ministère de la Reconstruction et du Logement ne prévoit pas d’honoraire pour les paysagistes. Puisque, rappelle M. Cumenge, l’État ne finance pas la création des espaces verts. Sans compter que l’amicale des directeurs de jardins de villes « s’oppose toujours à associer le titre de paysagiste à celui d’ingénieur horticole » (p. 5). Mieux vaut, insiste A. Audias, résigné, « préparer de bons techniciens plutôt que la formation de cadres qui auraient du mal à trouver un emploi ».

À la fin de l’année scolaire 1955-56, six élèves de deuxième année (dont P. Roulet, D. Collin et A. Spake) sont certifiés. Après avis des autres instances de l’ENH, la Section se prépare à fonctionner les années suivantes à deux niveaux : la reconduction de la formation en deux ans (non modifiée) et la création d’une sous-section de stagiaires en 10 mois.

Une lente remontée

À la rentrée 1957, sept candidats sont recrutés dont Jacques Simon qui formera dix ans plus tard Michel Corajoud. Les enseignements dits théoriques (les cours) sont concentrés en première année et les ateliers en seconde année. L’année suivante (en octobre 1958) neuf candidats se présentent et huit, tous bacheliers, sont retenus2. Deux anciens auditeurs de l’ENH sur quatre sont également sélectionnés comme stagiaires3. Le niveau d’étude, malgré les plaintes récurrentes des enseignants d’ateliers, semble remonter ainsi que le nombre d’auditeurs à l’ENH (11). Cette nouvelle organisation oblige les enseignants d’ateliers à diminuer le nombre de projets et à augmenter leur temps de travail. Les travaux d’ateliers en première année passent de 16 à 9 et en deuxième année les projets sont réduit à trois. Mais le taux de vacation apparait de plus en plus insuffisant aux enseignants.

À la fin de cette année scolaire (juin 1959), où J. Pasquier (IH 35) a remplacé le sous-directeur M. Miège, la satisfaction des enseignants est très variable surtout en ateliers : pas assez de travail, assiduité irrégulière, lenteur des projets, travail en amateurs : « Ils n’accrochent pas ». T. Leveau pense que deux années ne suffisent pas mais d’autres (H. Thébaud) rappellent que « il ne peut y avoir de génies tous les ans ». Car J. Simon se distingue déjà « par des travaux qui sont presque ceux d’un professionnel ». Les responsables d’ateliers (MM. Leveau, Puget, Audias) se mettent néanmoins d’accord pour rédiger une plaquette de propagande : « Le paysagiste dans la vie moderne ». Il faut faire connaitre la Section aux candidats potentiels.

À la fin de cette année scolaire 1958-59, l’effectif global des élèves paysagistes (stagiaires compris), qui a atteint 17 et celui des auditeurs 11, soit 28 élèves, a plus que doublé en trois ans. Les ingénieurs horticoles (3) sont revenus et la plupart des autres étudiants ont obtenu un bac philo ou sciences expérimentales. La moitié des auditrices sont des femmes, mais les candidats des Beaux-Arts sont rares (1).

Premiers changements

À la rentrée de l’année 1959, Etienne Le Guélinel, qui assistait régulièrement aux conseils d’administration de l’ENH depuis 15 ans comme représentant du préfet, remplace Jean Lenfant. Sur les 12 candidats à la Section, 6 ont été admis en octobre 1959 dont deux ingénieurs horticoles et quatre femmes4.

Dès le conseil du 6 novembre, le nouveau directeur déplore les absences trop nombreuses « qui laissent supposer un travail insuffisant de la part des élèves. On a l’impression que, pour beaucoup, la Section n’est qu’un port d’attache et qu’ils ont d’autres activités en dehors d’elle »5 . Il souhaite supprimer la jeune section des stagiaires. Ce qu’approuve le Conseil …

Après quinze années de fonctionnement, un autre changement dans la Section est annoncé : le remplacement possible de T. Leveau6 par J. Sgard, un des premiers diplômés de la section, néanmoins considéré comme « trop jeune pour cette importante fonction ». Il serait « très bien pour les cours théoriques, mais manque de métier pour les corrections ». Le nom d’Henri Brison7, professeur à l’école du Breuil est avancé, ainsi que celui de D. Collin.

Un an après, lors de la réunion du 2 décembre 1960, il est décidé de faire appel au célèbre architecte, paysagiste et urbaniste Jacques Greber (1882-1962) -en dépit de son âge- pour cinq conférences, et à nouveau pour un cours « étoffé » d’architecture et de composition à T. Leveau qui aurait pourtant aimé laisser la place à de plus jeunes. Les corrections d’ateliers seront confiées à A. Audias (pour la composition), à H. Thébaud (pour les techniques) et à R. Puget (urbanisme). G. Lysensoone (sols sportifs), démissionnaire pour raison de santé, est remplacé par son collaborateur M. Thomas. Lucien Sabourin, professeur à l’école du Breuil, prend en charge à la place de H. Thébaud l’enseignement de l’utilisation des végétaux8.

Parallèlement à ces premiers changements, les effectifs restent stables : 7 candidats admis9 sur 13 en première année (plus 7 auditeurs libres) et 6 élèves (plus une auditrice) en seconde année. Mais J. Pasquier pense que le nombre de candidats qui s’est accru légèrement passera à 20 en 1961, notamment avec des ingénieurs horticoles et agricoles.

La demande de paysagistes par l’État commence à être sensible : un auditeur M. Sisco a été présenté officiellement par le chef du service spécial des autoroutes. R. Puget transmet l’intérêt du ministre de la Reconstruction pour que : «le paysagiste, dans les grands travaux d’aménagement, intervienne déjà au stade de la conception » (p.4). L’Agence de l’arbre récemment créée par ce même ministre de la Reconstruction est un gisement d’emplois pour les paysagistes selon le directeur.

Un autre indice de ce « frémissement » de l’intérêt porté à la Section est donné par l’effectif de première année qui passe à 14 (autant d’élèves réguliers que d’auditeurs français et étrangers). D’autant plus que l’ENH qui va devenir ENSH l’année suivante envisage de créer une spécialisation en troisième année. La première année de la section pourra-t-elle faire office de spécialisation des ingénieurs ?10

Les enseignants changent …

Alors que l’ENH devient ENSH par le décret du 20 juin 196111, la Section recrute à la rentrée 1961-62, sept nouveaux élèves dont trois femmes et un ingénieur horticole12. Elle en certifiera cinq après deux ans d’études (dont M. Viollet)13.

À la fin de cette année scolaire, plusieurs changements sont notables : la disparition de H. Brison et J. Gréber (potentiels enseignants), le départ de M. Cumenge, professeur de droit (qui sera remplacé par P. Rossilion de l’agence foncière et technique de Paris), et celui de R. Enard (remplacé par Jacques Cordeau, professeur de dessin au lycée C. Bernard à Paris).

Se pose, entre autres, le problème des notes éliminatoires notamment en « projet technique », matière qui relève, soutient J. Pasquier, « d’un examen général ». Elles interdisent d’obtenir le diplôme. Le conseil demande à ce que le changement de notation de cette matière soit porté à la connaissance des élèves. Il accepte également que des jeunes paysagistes14 viennent en 2e année « aider les élèves dans l’étude et la réalisation de leurs travaux » (proposition de Daniel Collin15 et Jean-Pierre Bernard). Une concurrence semble cependant se dessiner entre ces nouveaux enseignements et le temps consacré aux maquettes (H. Thébaud).

L’augmentation des admis en octobre 1962 semble possible avec 18 candidats annoncés dont 4 ingénieurs horticoles. Mais la sélection ne confirme pas cette amélioration hypothétique. Six sont admis en première année dont un ingénieur horticole et 4 femmes16.

Au bout d’un an la situation de l’enseignement ne semble pas meilleure. À la rentrée de l’année scolaire 1964-1965, 9 élèves sont pourtant admis17.

H. Thébaud va être amené à démissionner pour raison de santé. Plusieurs élèves de première année posent des problèmes de résultats insuffisants (surtout en dessin) ou de discipline (fraude). Néanmoins sept élèves de deuxième année sur huit classés sont proposés au certificat d’études et l’expérience d’accompagnement des élèves de deuxième année par de jeunes praticiens semble fructueuse et à pérenniser18.

À la fin de l’année scolaire 1963-64, le conseil des enseignants a été significativement renouvelé. MM. Saint-Maurice, Sgard, Sabourin, Thomas, Cordeau sont nouveaux. Les piliers de la section A. Audias et T. Leveau, à l’exception de J. Hugueney, sont toujours en activité mais absents du conseil de fin d’année. Les étudiants de 1ére année sont devenus « assidus » quoique de « valeur moyenne », mais ceux de deuxième année « manquent tous de formation esthétique, et d’aptitude à la maquette-esquisse,  » (J. Sgard), et « de formation technique » (A. Audias par la voix de J. Pasquier). L’obligation de l’assiduité à l’atelier est encore assouplie avec la réserve d’une présence des élèves quand l’enseignant est présent … « même inopinément… ». (p. 3).

La renaissance

La rentrée d’octobre 1965 marque une transition importante. De nouveaux noms apparaissent (comme invités) dans le conseil des enseignants dès juillet 1965 (B. Lassus, P. Harvois, P. Lemattre, acteurs impliqués dans la réforme de l’enseignement de la Section (voir chapitre 3), réforme qui n’est pas ou peu évoquée dans les débats des conseils d’enseignants. Comme s’ils ignoraient qu’un projet d’institut du paysage et des jardins était en gestation depuis au moins un an…

La sélection du concours a retenu 11 candidats sur 23 inscrits, chiffres jamais observés depuis 194619.

La pédagogie (et la propagande devenue publicité) évolue : possibilité d’une présentation collective des travaux d’élèves en première année, hors de l’école à Versailles (J.-C. Saint Maurice), attribution souhaitée de médailles comme à l’école des Beaux-Arts (T. Leveau), intervention dans les jurys de personne extérieures (J. Hugueney), variation des coefficients en fonction du stade du projet (de 1 pour l’esquisse à 10 pour le projet complet), candidature (exceptionnelle) d’un élève ingénieur de l’Institut national agronomique de Paris …

À la rentrée 1966, deux sélections sont organisées (comme les années précédentes).

La première s’adresse aux candidats à la classe préparatoire (les auditeurs). Il comporte une journée d’épreuves de dessin d’imitation et de composition, et deux journées d’ « interrogations orales » (aujourd’hui on parlerait d’« entretiens avec un jury »).

La seconde concerne 22 candidats à la Section, tous bacheliers ou équivalents, qui sont classés. Les dix premiers sont retenus, dont huit femmes20.

S’ajoutent désormais à l’admission sur concours à la Section, quatre élèves ingénieurs horticoles (recrutés initialement à Bac + un à deux ans) pouvant désormais entrer sans concours en 3e année de spécialisation paysage, comme auditeur. Cette formation est confondue avec la 1ére année de la Section. Il en est de même pour un ingénieur élève de l’INA de Paris Philippe Treyve21. La Section en première année comporte désormais 14 élèves après une sélection portant au départ sur 47 candidats22.

Le concours commençant à jouer son véritable rôle de sélection des élèves recherchés, le conseil, notamment R. Puget, J.-P. Bernard et J.-C. Saint-Maurice, insiste à nouveau sur « l’intérêt d’avoir un plus grand nombre de candidats », d’intensifier la publicité et d’augmenter les moyens et les contenus de l’enseignement. En fait personne ne sait combien de paysagistes il faudrait former à moyen terme, ni quelle politique pédagogique nouvelle adopter. Mais chacun en a une idée.

Pour améliorer les contenus de l’enseignement, J. Sgard propose les cours d’écologie végétale de J. Montégut (ENSH) « discipline utile aux paysagistes », L. Sabourin des carnets de visites et des cours de sylviculture, R. Puget des carnets de croquis notés, J. Hugueney des échanges avec des professeurs étrangers, et B. Lassus des exercices d’expression orale et écrite et des conférences de sociologie des métiers. Tous conviennent avec A. Audias qu’au bout de vingt ans d’enseignement, « il y a lieu de le modifier pour tenir compte des changements survenus depuis cette époque dans la profession de paysagiste, …et notamment de boucher des trous en prévoyant des enseignements dont la nécessité ne se faisait pas sentir en 1946 » (p. 5).

Dès le conseil suivant de juin 196723, de nouveaux enseignants apparaissent : Jacques Montégut, ingénieur agricole (Grignon), maître de conférences en physiologie et écologie végétale à l’ENSH, et Gilbert Samel, jeune paysagiste DPLG, recruté pour coordonner les ateliers de première année. Le problème du niveau nécessaire pour recevoir le diplôme de paysagiste DPLG est à nouveau abordé car la faiblesse majeure est identifiée surtout en « composition ». Alors que les ingénieurs sont mieux notés, car ils savent mieux s’exprimer, ce qui, précise B. Lassus, est renforcé par le dessin de communication, alors que G. Samel, pense que cet avantage peut s’inverser en deuxième année au profit des plus créatifs. L’organisation plus rationnelle de la préparation au concours est devenue désormais, selon J. Pasquier, un enjeu essentiel pour élever le niveau des élèves. On pourrait également ajouter une année de plus, comme le propose au même moment la commission de réforme de la Section.

Le décollage

La rentrée de l’année scolaire 1967-68 marque une nouvelle étape du développement de la Section24. D’abord 4 enseignants titulaires de l’ENSH entrent dans le conseil de la Section, Pierre Bordes et Jean-Marie Lemoyne de Forge (topographie et génie hydraulique), Maryvonne Gallien (Protection des végétaux), Alfred Anstett (sciences des sols) auquel s’ajoute un ingénieur en chef du Génie rural et des eaux et forêts M. Valette. Ensuite la sélection du concours s’est accrue avec 48 candidats. 10 postes ont été proposés au recrutement externe et 5 aux ingénieurs de l’ENSH. En fait 13 seront recrutés dans le premier cas, ce qui porte l’effectif à 19 élèves en première année25 et 13 en seconde.

Enfin, l’enseignement préparatoire au concours est totalement réorganisé (il était resté « à la carte ») au cours des années suivantes. C’est donc en mobilisant A. Anstett (sciences du sol et fertilisation), J. Montégut (connaissance de la végétation et écologie), J.-M Lemoyne de Forges (hydrologie et hydraulique théorique), M. Gallien (Nuisances et pathologies), R. Puget et P. Roulet (matériaux de l’art des jardins), et M. Valette (sciences forestières), soit une dizaine de disciplines nouvelles en formation préparatoire et cinq au cours de la formation que les domaines scientifiques entrent en force dans les programmes d’enseignement.

Une grande partie des enseignants de l’ENSH et de la Section en 1967 (Fig. 1, 2, 3) sera reconduite, huit ans après, dans leurs fonctions au moment de la création de l’ENSP en 1975.


Fig. 1 : Les enseignants de la préparation au concours de la Section (1967-68)

 Fig. 2 : Les enseignants de la première année de la Section (1967-68)

Fig 3 : Les enseignants de la seconde année de la Section (1967-68)

Conclusion

En vingt ans, le nombre d’enseignants et le temps d’enseignement ont doublé, et le nombre d’élèves a triplé, sans modifier sensiblement les disciplines enseignées et la nature de la pédagogie de cours et d’applications.

Les deux recrutements, d’ingénieurs et de non ingénieurs, se sont développés en parallèle jusqu’au dernier concours en 1972. Les formations ne vont plus viser, comme au début de la Section, les emplois publics des ingénieurs de ville et le marché privé de l’architecture des jardins, mais explicitement les nouveaux métiers de la conception du paysage et de l’espace public dans le cadre de l’aménagement des territoires urbains et ruraux.

Cette nouvelle orientation est liée aux changements de génération des enseignants et à l’émergence de nouveaux marchés porté par les politiques publiques (logements, routes et autoroutes, tourisme littoral et montagnard …). J. Sgard, autant urbaniste que paysagiste, défend avec l’architecte urbaniste R. Puget la politique renouvelée des plans de paysage (en fait d’ « urbanisme paysagiste » avant la lettre26), alors que les plus jeunes comme J.-C. Saint-Maurice et P. Roulet, héritiers de A. Audias, A. Riousse et T. Leveau, s’attachent à la composition des espaces verts des ensembles urbains. De son côté le plasticien B. Lassus, appelé par J. Sgard, montre l’intérêt des recherches innovantes sur les approches visuelles des paysages. Cette renaissance de l’enseignement ne peut être dissociée du projet d’institut du paysage (1970-72) avec lequel se confondent les dernières années tumultueuses de la Section (chapitre 3).

Cette évolution a plusieurs conséquences. La durée des études après le bac -en 1947 d’un an à la Section et de quatre ans pour les ingénieurs – s’accroit : un à deux ans de préparation dans les lycées ou d’un an comme auditeur à l’ENSH, 3 ans à l’école pour les ingénieurs, deux ans pour les élèves de la Section, et 2 à 6 années (voir plus) avant le concours en loge, soit au moins six années d’études scolaires. Durée qui sera maintenue à l’ENSP jusqu’à la réforme des études supérieures à 5 ans après le bac, de 2015.

L’accès à la Section devient de moins en moins unitaire comme dans les classes préparatoires, scientifiques ou littéraires des lycées. La Section cherche à recruter des profils différents, à la fois des ingénieurs biotechniciens (horticoles et agronomes), des élèves des écoles des Beaux-Arts et des Arts Décoratifs, et toutes les personnes ayant un potentiel créatif et imaginatif s’exprimant par le dessin et la maquette. L’arrivée des enseignants scientifiques de l’ENH en 1968, puis leur reconduction en 1975 dans la jeune ENSP, va bouleverser, à la faveur du contexte réformiste de l’après 1968, cette singularité patiemment construite en 20 ans.

Pierre Donadieu

Mai 2018

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Bibliographie : Voir celle des autres chapitres

Notes

1 Projet de réorganisation de la Section du paysage et de l’art des jardins , 23 janvier 1956, 3 p., PV du Conseil des professeurs.

2 11 élèves, entrés en 1958, ont, selon l’annuaire AIHP de 2011, obtenu le titre de paysagiste DPLG : 6 IH dont Allain Provost, Pierre Carcenac de Torre et Jelal Abdelkefi de nationalité tunisienne et 5 non IH (dont A. Vergely et A. Szumanska). Deux à trois ans pouvaient s’écouler entre la fin des études d’ingénieurs et l’entrée dans la Section.

3 PV du 7 juillet 1958

4 Deux (ou trois) élèves obtiendront le titre de paysagiste DPLG, annuaire AIHP, 2011.

5 P. 2

6 T. Leveau était architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, urbaniste en chef honoraire et paysagiste DPLG (en-tête de lettre du 29 juin 1964).

7 IH37, dplg, ingénieur divisionnaire de la ville de Paris. Il disparaitra accidentellement en 1962 .

8 PV du 2 décembre 1960. L. Sabourin (1904-1987), autodidacte, était moniteur chef à l’école du Breuil en 1931. Il dirigea le Fleuriste municipal d’Auteuil en 1959 et devint le trésorier de la SNHF. D. Lejeune (https://www.hortiquid.org/questions/lucien-sabourin/

9 Dont un ingénieur horticole. Trois obtiendront le titre de DPLG dont Michel Viollet, annuaire AIHP, 2011.

10 PV du 29 juin 1961, p. 4.

11 Dans le décret du 20 juin 1961, il est précisé à l’article 15 que L’ENH qui devient ENSH « comporte une section spéciale du paysage et de l’art des jardins, destinée à former des paysagistes DPLG ». Ce diplôme-titre reconnait le même titre -DPLG- que les architectes et les géomètres. Ce qui ouvrait aux paysagistes une meilleure visibilité professionnelle.

12 Trois des nouveaux recrutés obtiendront le titre de DPLG, dont Caroline Mollie et Pierre Carcenac de Torne (IH 58).

13 PV du 2 juillet 1962, p. 3

14 Cette décision concernait J.-B. Perrin (plans d’espace verts et urbanisme), P. Roulet (espaces verts et habitats collectifs), J.-C. Saint-Maurice (jardins d’usines) et J. Sgard (plan régional de paysage). Lettre de D. Collin à E. Le Guélinel du 1er aout 1962.

15 D. Collin était président de l’association amicale des anciens élèves de la Section Paysage.

16 Aucun (e) n’obtiendra le titre de paysagiste DPLG.

17 Dont aucun ingénieur et 5 femmes, et parmi d’autres Pierre Dauvergne et Pierre Pillet. Sept obtiendront le titre de paysagiste DPLG.

18 PV du 2 juillet 1963.

19 PV du 17 novembre 1965. Dont 6 femmes. Parmi eux, six sur 11 obtiendront le titre de paysagiste DPLG, notamment Paul Clerc et Marguerite Mercier.

20 Parmi eux, six obtiendront le titre de paysagiste DPLG, dont A. Levavasseur, J.-P. Pinson, Hélène Huber et Claude Faucheur. L’effectif maximum a été fixé à 11 (PV du CE du 1er juillet 1966), mais aucun texte ne le limite.

21 Il est le fils de Jean-François Treyve, paysagiste DPLG (SP 52), et jouera un rôle actif dans le premier projet d’institut du paysage et la mise en place du CNERP (chapitre 1).

22 PV du 16 novembre 1966.

23 PV du 30 juin 1967, 6 p.

24 PV du 6 décembre 1967, 8 p.

25 Parmi eux 7 femmes. Sur les 14 élèves non ingénieurs, 7 obtiendront le titre de paysagiste DPLG.

26 Le mot vient des Etats-Unis (landscape Urbanism) à la fin des années 1990 avec les travaux de l’architecte Charles Waldheim.

1 – Les débuts de la Section du paysage et de l’art des jardins

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Chapitre 1

Les débuts de la Section du paysage et de l’art des jardins

(ENH Versailles, 1946-1956)

La naissance

Version provisoire du 2 juillet 2018

 

De la parution du décret de création de la Section en décembre 1945 à la rentrée de l’année scolaire 1959-60, Jean Lenfant était le directeur de l’ENH dont dépendait la Section du paysage et de l’art des jardins1. Trois fois par an au moins, il présidait le « conseil des professeurs » de la Section qui réunissait un effectif à peu près constant de 9 à 12 enseignants vacataires. Il était assisté par le directeur des études de l’ENH (successivement MM. Khalifa, Miège et Pasquier) qui en était le secrétaire2. Sa première réunion eut lieu le 11 janvier 1947 après la première rentrée scolaire en octobre 1946.

Au cours de cette période pionnière, certains enseignements de la Section étaient très proches des formations techniques de l’École nationale d’horticulture (ENH) où existait une chaire d’architecture des jardins et d’urbanisme de 1934 à 19513. D’autres en étaient cependant très éloignés du fait de l’introduction d’ateliers de projets sur le modèle de ceux de l’École des Beaux-Arts à Paris.

L’organisation pédagogique de la Section était semblable à celle de l’ENH. Le règlement intérieur était le même. Mais les deux formations étaient indépendantes, avaient des conseils des professeurs différents et n’entretenaient pas ou peu de relations sauf dans le domaine de la préparation en dessin des ingénieurs au concours d’entrée à la Section.

Chaque semaine, à l’emploi du temps de la Section, étaient indiquées les matières enseignées et les enseignant concernés. Le libellé des matières et l’identité des enseignants ont peu changé avec les années pendant la période considérée.

Il n’y avait pas de chaire d’enseignement comme à l’ENH.

La dénomination du regroupement des enseignements utilisée est anachronique car elle n’est apparue qu’à la faveur des projets d’institut du paysage notamment le premier à la fin des années 1960 (cf Chapitre 3).

Ce texte, fondé sur les procès-verbaux des conseils d’enseignants, présente d’abord une courte histoire des dix premières années de l’enseignement, puis les différents enseignements et enseignants.

Les premiers conseils des professeurs (1946-56)4

Une formation courte, à la fois proche et éloignée de celles des ingénieurs

Le 11 janvier 1947, le premier conseil réunit 12 enseignants vacataires dont l’expérience pédagogique concernait seulement le début de l’année scolaire 1946-47. Ils n’intervenaient pas à l’ENH dont il ne sera pratiquement jamais question par la suite, alors que l’architecte de jardins Ferdinand Duprat y anime une chaire d’architecture des jardins et d’urbanisme dont il est le professeur titulaire depuis 1934 et a joué un rôle important dans la création de la Section.

Quatre sont fonctionnaires (M.Charageat, R. Puget, R. Enard, M. Jeanneteau) et les autres ont une activité libérale dans leur « cabinet » (agence). Les deux statuts pouvaient se combiner comme dans le cas de F. Duprat.

La première formation se déroule pendant une année après une sélection qui avait recruté six étudiants : P. Mas, E. Mauret, P. Carré, L. Gendre, M. Béjot et J. Challet. Tous sont des ingénieurs diplômés de l’ENH.

La formation avait été installée dans « des locaux détournés hâtivement de leur utilisation première », sans matériel d’enseignement et sans direction des études5. Les enseignements proches n’ayant pu être coordonnés, J. Lenfant demande à un groupe d’enseignants (M. Charageat, A. Riousse, M. Durand et M. Jeanneteau) d’étudier les programmes afin de réduire ou d’éviter les points redondants.

C’est l’architecte de jardins et urbaniste André Riousse qui est chargé « à l’unanimité » de diriger les ateliers, c’est-à-dire « de répartir dans le temps les travaux de projets et d’esquisses demandés aux élèves »6. Cependant « la correction de ces travaux est confiée à une commission de professeurs  : A. Riousse (composition), R. Brice (Techniques), R. Puget (urbanisme) et A. Audias (sites et paysage) ».

Le débat du conseil montre que les enseignants ont besoin de la pédagogie des « applications ». Soit des projets ou des exercices en ateliers (ou non) pour « appliquer » le cours, soit des illustrations concrètes grâce à des visites en région parisienne et au-delà. Il indique également -ce qui sera ensuite récurrent- que le niveau de la sélection en dessin doit être plus exigeant et qu’une préparation au concours devra être prévue les années suivantes. En dépit du faible nombre d’étudiants, la création « d’une chaire » avec un professeur titulaire est demandée au ministère de l’Agriculture ainsi que la nomination d’un secrétaire-surveillant et d’un directeur des études7.

En reprenant le modèle de l’ENH, l’évaluation des cours prévoit un examen général au moins pour chaque enseignement. J. Lenfant introduit un examen de synthèse à la sortie (coefficient 2) et une vraie notation de 0 à 20, visiblement pas utilisée avec la rigueur attendue.

La formation étant jugée trop courte, le conseil demande, pour que le titre de paysagiste soit attribué8, qu’un stage de deux ans soit effectué après la scolarité et de « poursuivre des travaux d’esquisses et de projets (un par trimestre) » sous le contrôle de l’école. Si bien que « selon les résultats obtenus, il leur sera délivré soit le diplôme de paysagiste, soit un certificat de scolarité ».

Dans la seconde réunion du conseil du 25 mars 1947, l’organisation de la « propagande » de la Section en vue du concours est précisée. A. Audias a publié un article dans la revue « Le maître d’œuvre de la reconstruction » et des « notices » seront distribuées à la foire de Paris.

Revenant sur la question de la préparation au concours des ingénieurs, il est envisagé de demander à F. Duprat, professeur d’architecture des jardins à l’ENH, de l’organiser avec M. Le Boul, professeur de dessin. Le délicat problème des stages et de leur suivi (en région parisienne) est posé et le système d’évaluation de la formation est complété, sur proposition du professeur Lysensoonne, par un dossier technique du dernier projet, et « un rapport sur un travail personnel choisi par l’élève ». En même temps la SNHF fait savoir que le concours en loge qu’elle organise en mai sera ouvert aux élèves stagiaires de la Section. Enfin la confection de polycopiés (MM. Durand, Lysensoonne, Audias) est approuvée, à la demande des élèves et aux frais de l’école.

Une formation pionnière mais précaire

Dans la troisième réunion du 1er juillet, le problème le plus préoccupant pour J. Lenfant, c’est la difficulté de recrutement malgré « la propagande » faite dans les lycées et collèges, dans les services agricoles de France et d’Afrique du nord et à la foire de Paris. Aucune des vingt demandes de renseignement parvenues à l’école ne concerne des candidats au niveau requis. Aucun élève ingénieur de 3e année de l’ENH n’a été candidat, car beaucoup ont été recrutés au Maroc après leur voyage de fin d’études. Aucun détachement d’ingénieur fonctionnaire n’a été accepté dans les administrations.

Le verdict du conseil est sans appel : le niveau exigé est trop élevé (le bac est demandé) et les matières techniques horticoles dissuadent les bons candidats (les élèves de l’École des Beaux-Arts notamment). Si bien que les enseignants demandent au directeur de l’enseignement au Ministère d’autoriser «  les candidats non bacheliers et non titulaires des diplômes des grandes écoles à prendre part au concours, …, et d’agir pour permettre le détachement (d’un an pour formation) des ingénieurs divisionnaires des parcs et jardins de la ville de Paris sans modification de traitement ».9 La suppression des connaissances en horticulture du concours est également recommandée, mais en prévoyant ensuite « un cours d’horticulture pour pallier l’insuffisance des élèves en cette matière ». Il est même envisagé de réserver aux meilleurs élèves le diplôme de paysagiste et de créer un diplôme d’aptitude professionnelle pour les autres pour des emplois moins qualifiés « contremaitre, chef de chantier, entrepreneur de jardins »10.

Par ce même courrier est sollicité un financement pour augmenter le nombre de cours qui passera de 169 à 180 (un cours = 1h 30). Car l’insuffisance de la formation en un an apparait évidente dans la mesure où l’École veut apporter les qualités professionnelles suffisantes d’un concepteur, distinctes de celles d’un entrepreneur et complémentaires de celles d’un ingénieur.

L’enjeu des débouchés de la formation est souligné par R. Puget qui demande « de classer la Section du paysage sur la liste des écoles dont les diplômes ouvrent l’accès aux fonctions administratives ayant trait au paysage et à l’art des jardins » (p. 3), notamment au ministère de l’urbanisme11.

Face au problème des stages pour les six élèves, les enseignants ayant des agences ou des laboratoires ou en contact avec des services administratifs (MM. Riousse, Lysensoone, Puget) vont innover en accueillant les premiers stagiaires.

Le premier barème de coefficients des matières adopté en mars paraissant peu adapté, le conseil en adopte un nouveau (de 1 pour l’urbanisme et l’histoire de l’art à 3 pour la composition, sans oublier l’assiduité et la conduite déjà problématique : 2), et supprime l’examen de sortie.

À la fin de cette année, les cours, qui représentent environ 250 heures, n’occupent qu’un petit tiers de l’emploi du temps, le reste (450 heures au moins) étant consacré aux ateliers pratiques, aux applications et aux visites. Ils font la part belle à l’histoire (60 h) et aux techniques de travaux (35 h), mais reste d’importance modeste en urbanisme (15 h) et en constructions des sols (12 h).

La première évaluation des étudiants, discutée le 12 juillet, fait apparaitre les premiers problèmes de notation. Si Pierre Mas et Elie Mauret se classent en tête avec plus de 15 de moyenne, Jean Challet avec 12,6 frôle la note minimale requise (12) car le responsable d’atelier André Riousse déplore « qu’il n’ait pas fourni l’effort nécessaire (en ateliers) pour obtenir de meilleurs résultats »12. Néanmoins tous obtiennent le certificat d’études, « sachant que le titre de paysagiste ne leur sera accordé qu’après un stage de deux ans et la présentation d’un projet complet et d’une thèse »13. Ce stage, précise J. Lenfant, s’accompagnera de la remise d’un projet par trimestre et d’un rapport sur un travail personnel choisi par l’étudiant la première année, et au cours de la seconde année d’un projet trimestriel dont l’un complet avec étude technique et rapport.

L’espoir d’une amélioration renait (1947-48)

A la rentrée de 1947, six élèves sont admis dont trois ingénieurs horticoles. L’un d’entre eux (H. Brison) est employé à la ville de Paris et fera ses études en deux ans. La « propagande » et l’intervention du directeur de l’enseignement auprès de R. Joffet semblent avoir porté leurs fruits. Parmi les trois autres, un bachelier « avec de réelles aptitudes au dessin » mais sans connaissances botaniques et horticoles fait l’objet d’un traitement de faveur14. J. Lenfant lui propose une année d’auditeur libre pour acquérir les connaissances indispensables après sa sortie de la Section.

En novembre, les enseignants sont enchantés de leurs recrues dont M. Charageat qui loue « le travail en équipe ». Ils ouvrent le concours aux étrangers, car un Palestinien et un Egyptien, puis un agronome brésilien se sont inscrits comme auditeurs libres en vue du concours l’année suivante.

Le conseil note l’embellie, mais A. Audias rappelle que « les paysagistes actuels n’ont pas un volume de travail suffisant » en dépit des besoins de la reconstruction des villes. Situation qui se répercute sur le nombre de candidats au concours. Il est donc urgent de rechercher des postes dans les ministères, dans les services des Ponts-et-Chaussées, et de l’urbanisme où les « spécialistes paysagistes » sont absents. Ne serait-ce que pour induire des commandes plus abondantes aux agences de paysagistes. C’est pourquoi, dans un article L’enseignement de l’art des jardins et du paysage, A. Audias développe un plaidoyer pour « éduquer ceux qui voudraient s’orienter vers la profession de compositeurs de jardins » qu’ils soient ingénieurs ou architectes15.

Dès cette époque, les étudiants manifestent leurs revendications pédagogiques : augmenter les cours d’urbanisme et d’histoire de l’art aux dépens de ceux de « site et paysage », noter systématiquement les esquisses, donner plus de place aux techniques, développer les pratiques de « rendus », accéder à l’atelier jusqu’à minuit, ménager des journées libres, mieux choisir les visites … Il en est de même pour les enseignants : R. Enard se plaint d’un faible niveau en dessin, et G. Lysensoonne propose que la visite de terrains de sports soit faite avec R. Brice et A. Audias, et de former les étudiants à la rédaction de rapports.

La réforme de 1950 et la « descente aux enfers »

Le concours d’entrée d’octobre 1948 ne confirme pas l’embellie de l’année précédente. Sur six candidats, quatre sont retenus dont trois jeunes ingénieurs horticoles et un bachelier auditeur16. Il semble, selon J. Lenfant, que les détachements des ingénieurs des services de parcs et jardins demandeurs de formations complémentaires n’aient pas été accordés. Par ailleurs, A. Riousse se plaint des stagiaires qui ne respectent pas les rendus de projet demandés et demande un rappel à l’ordre urgent. Il suggère de les exclure définitivement et de leur retirer leur emploi. Ce à quoi s’oppose R. Puget car « ils sont appréciés de leurs chefs qui ne voudront pas les renvoyer ». L’inintérêt de certains stages est néanmoins signalé. J. Lenfant renvoie l’arbitrage au conseil de perfectionnement de l’École.

Néanmoins, en fin de l’année scolaire 1947-48, les travaux remis à M. Charageat, notamment ceux de J. Sgard et J.-B. Perrin lui donnent entièrement satisfaction (« ils ont valeur d’une thèse »). Les cinq élèves sortant (M. Delcourt, J.-B. Perrin, J. Sgard, P. Pelletier, J. Alloin) obtiennent brillamment le certificat d’études de la Section17.

De leur côté les premiers stagiaires en fin de stage voient leurs projets de thèse (L’aménagement des abords de Maisons-Laffitte pour L. Gendre et E. Mauret, et L’aménagement d’une cité moderne, du jardin familial au parc départemental pour H. Brison) approuvés.

Le conseil met donc en œuvre les mesures prévues pour augmenter le nombre de candidats bien préparés et la qualité de la formation qui en pratique s’étale sur 3 ans avec les stages. Comme à l’ENH, les candidates sont autorisées à se présenter, mais à condition « qu’elles fassent un stage comme auditrices à l’école ».

La durée du stage post certificat passe alors de 2 à 5 ans maximum. Les travaux des stagiaires sont réformés : avec, en fin de première année et à la fin du stage, « l’étude d’un projet en loge » (durant 10 heures en première année et 20 heures en fin de stage), des travaux libres, deux projets par an donnés par l’école et un rapport de fin d’année, avec une notation de chaque rendu.

Les candidatures de cinq entrepreneurs paysagistes ayant suivi les cours par correspondance à la certification ne sont pas acceptées en l’absence des exercices demandés de projets.

Néanmoins les possibilités de stage restent insuffisantes, C. Coconnier et J. Sgard n’en ont pas trouvés à la fin de l’année scolaire 1948-49.

La situation devenant préoccupante aux yeux du conseil, une nouvelle réforme de l’enseignement de la section est décidée au début de l’année 1950. Elle prévoit la suppression de la formation en un an d’étude plus deux années de stage et la mise en place de deux années d’études à partir du 1er octobre 1950. Le concours privilégiera les épreuves de « dessin géométrique et d’imitation ». Il sera ouvert à des ingénieurs horticoles, agronomes et agricoles en fin de deuxième année à condition, s’ils sont admis, de suivre certains enseignements exigés dans leur établissement d’origine. Le titre de paysagiste sera délivré au titulaire du certificat d’études (au bout de deux ans), le suivi des stages avec remise de projets sera évalué, et la soutenance d’une thèse (travail d’ordre technique avec composition, travaux et plantations) ne demandera pas de délai de présentation.18 L’arrêté du 30 aout 1950 entérine ce projet.

Il en résulte une nouvelle répartition des cours dont le nombre augmente considérablement (130 en première année et 219 en deuxième année).

En dépit de cette réforme, le concours d’admission de 1950 ne réunit que sept candidats dont cinq ingénieurs, un architecte et deux bacheliers anciens auditeurs de l’École. Cinq sont retenus. Mais leurs résultats en avril mécontentent à la fois H. Thébaud, A. Audias, M. Charageat et A. Riousse. L’explication principale est que les élèves doivent travailler à l’extérieur étant donnée la réforme qui a porté les études à deux ans. Ils sont souvent absents des cours et des ateliers.

Un an après, en octobre 1951, les 7 candidats (dont trois ingénieurs horticoles et deux femmes l’une bachelière auditrice et l’autre ingénieur agronome) qui se sont présentés ont été admis. L’enseignement d’atelier prend une place plus importante dans la notation (son coefficient passe de 3 à 5) et celui de dessin de 2 à 3. Entre les exigences des enseignants (les connaissances horticoles au concours ont été maintenues) et la pénurie de candidats, le concours ne joue plus son rôle de sélection.

En 1952, André Riousse disparait subitement et avec lui un des rares enseignants qui appartenaient aux trois mondes de l’architecture, de l’urbanisme et de l’entreprise paysagiste. Il est remplacé par l’architecte et urbaniste Théodore Leveau qui a travaillé avec le paysagiste J.-C.N. Forestier.

Un an plus tard, en avril et juillet 1954, la situation ne semble pas s’améliorer. L’effectif recruté se maintient à 6 ou 7 selon les années de formation. Les jugements des enseignants deviennent très critiques : désinvolture des élèves (M. Charageat, R. Enard, H. Thébaud), manquement à la discipline (J. Lenfant), absentéisme chronique, médiocrité d’expression (R. Puget), pauvreté du dessin, sans compter les débouchés incertains …

En octobre 1954, l’effectif recruté tombe à 5 (M. Grelier, C. Rosillo, A. Spake, P. Roulet, P. Collin)19. Les deux années comptent 12 élèves. Un comité d’études est créé en mai 1955 pour résoudre les problèmes pédagogiques récurrents et un cours de connaissance des végétaux de 30 h est créé en première année « axé plus particulièrement, selon H. Thébaud, sur l’identification, la forme, les couleurs et les exigences culturales des plantes ornementales ».

En octobre 1955, la situation de la Section s’aggrave brutalement avec l’annulation ( ?) du concours d’admission. En fait, un seul candidat Michel Cassin (IH) fut admis. L’avenir de la seule formation des paysagistes en France était sérieusement menacé.

Le concours en loge

En aout 1949 est annoncée, sur proposition du conseil des professeurs, l’ouverture du premier concours pour l’attribution du titre de paysagiste le 14 novembre 194920. Car il s’agit d’une sélection. Conformément à l’arrêté du 9 janvier 1946, il était réservé aux professionnels ayant au moins 10 années de pratiques et âgés de moins de quarante ans, et 15 années s’ils sont âgés de plus de 60 ans, mais il est ouvert aux stagiaires de la section. Il n’y eut pas de candidats autorisés par le conseil. C’est en fait le 14 novembre 1950 que les premiers certifiés et stagiaires de la section, ayant remis leurs travaux de stage, ont été autorisés à s’inscrire aux épreuves du concours en loge. Il s’agissait de J.-B. Perrin, J. Sgard, J. Alloin et H. Brison. Ce concours comprenait un projet de composition à présenter sous forme d’esquisses (épreuve éliminatoire), un projet technique et un projet de plantation.

Dans une réunion du conseil du 27 janvier 1951, les enseignants souhaitent que le projet présenté soit complet (avec un développement de l’esquisse et un devis estimatif) pour attribuer le diplôme de paysagiste après quelques mois de travail complémentaire. Le concours en loge aurait ainsi un niveau d’admissibilité et la présentation du projet complet vaudrait possibilité d’admission. A l’unanimité, ils souhaitent qu’un prix d’encouragement soit attribué à ceux qui présenteront une thèse ; que l’urbaniste R. Puget (au moins) participe au jury et que « les candidats aient le choix entre deux sujets différents comportant l’étude d’un projet complet »21. Ce qui fut obtenu en partie l’année suivante22.

Concernant l’attribution du titre de paysagiste, le conseil de perfectionnement de l’École ne souhaite pas de différence entre le titre ancien délivré par le ministère de l’Agriculture aux professionnels et celui délivré après formation dans la section. Le titre d’ingénieur paysagiste prévu par les textes (pour les ingénieurs) sera supprimé et celui de paysagiste DPLG ou diplômé par le ministère de l’agriculture (DPLMA), qui est proposé, sera valable pour tous. Concernant les professionnels en activité, une dernière session sera ouverte en octobre 1955.

Progressivement le nombre de candidats au concours en loge augmente. En octobre 1951, 6 candidats de la Section étaient inscrits au concours en loge (C. Cothier, M. Delcourt, P. Collin, Bernard J.-Pierre et J.-Paul. et M. Béjot)., en décembre 1957 quatre, et huit en mai 1958.

La professionnalisation des paysagistes restait cependant « homéopathique » en raison du flux très faible de formation. Elle allait pourtant se redresser considérablement à partir du début des années 1960 quand ils se feront connaitre davantage des services publics.

Les enseignements et les enseignants

Dès 1941, des cours d’architecture des jardins (34 leçons d’une heure trente), d’architecture et de construction, de techniques des travaux de parcs et jardins, d’hydraulique, de résistance des matériaux et de stabilité des ouvrages d’art avaient été demandés par la Société française d’architecture des jardins comme programme d’une année supplémentaire d’enseignement pour les ingénieurs voulant devenir paysagistes (C. Royer et S. Zarmati, 1987, in B. Blanchon, 1998, op. cit.). Cette demande correspondait au programme d’admission au grade d’architecte de parcs et jardins de la Ville de Paris. S’y ajoutait, pour les ingénieurs envisageant de suivre la section, une augmentation des heures de dessin et un doublement des heures consacrées aux levés de plan (Blanchon, ibid., p. 25)

Ateliers (Riousse, Leveau, Audias, Puget)

À l’exception de A. Audias, (IH 1921), les enseignants d’ateliers sont des architectes (urbanistes ou de jardin) de formation ou d’expérience. Car à cette époque les paysagistes concepteurs de projet compétents pour enseigner sont très rares et la formation nouvelle dans ce domaine est surtout pensée comme un complément de celle des ingénieurs horticoles de l’ENH23.

Dans ces ateliers de projets, proches de ceux de l’école des Beaux-Arts, les élèves, dès 1946, doivent fournir une esquisse par semaine et un projet par mois.

Architecture et construction (1947)

Cet enseignement, sous forme de conférences et d’ateliers, a d’abord été pris en charge par M. Durand, architecte des arts décoratifs, professeur diplômé d’architecture de la ville de Paris puis de 1954 à 1956 par M. Warnery, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, avant l’architecte et urbaniste Théodore Leveau et ensuite, en 1960, par Albert Audias (composition en ateliers) et H. Thébaud (avec des conférences de l’architecte paysagiste Jacques Gréber), puis par Jacques Sgard avec J.-C. Saint-Maurice.

T. Leveau (1896-1974), architecte et urbaniste, est un élève de l’architecte-paysagiste J.-C.-N. Forestier avec lequel il a collaboré à la Havane de 1925 à 1930. Il fut sollicité après-guerre pour le plan de reconstruction de Dunkerque (Blanchon, 1998, p. 29)

J. Sgard (né en 1929) est paysagiste DPLG (SPAJ 1947) et urbaniste, diplômé de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris en 1958. Le Grand Prix du paysage lui fut décerné en 1994 pour ses travaux pionniers sur les plans de paysage et sa polyvalence exemplaire. Il fut enseignant d’atelier de projet à la Section au début des années 1960, puis au Centre national d’étude de recherches sur le paysage de Trappes de 1972 à 1978, et enfin à l’ENSP où il intervient toujours en 201824.

Théorie de l’art des jardins et composition (1947)

Sous forme d’ateliers de projet, cet enseignement fut d’abord dirigé par André Riousse (1895-1952) puis, après sa mort, par Théodore Leveau.

André Riousse (1895-1952), architecte dplg, paysagiste diplômé, diplômé de l’institut d’urbanisme, a repris l’entreprise de jardins de son père et reçu un prix pour son projet de cour-jardin lors de l’exposition de 1925 ; il a participé à la conception de la banlieue-jardin de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry, réalisée à partir de 1931, à l’initiative d’Henri Sellier. Il fut enseignant à l’école du Breuil à Paris.25

Étude des sites et paysages, espaces verts (1947)

Albert Audias (1904- 200 ?), ingénieur horticole (IH 1921) et paysagiste DPLG, est enseignant dans la Section depuis 1946. Il collabore de 1928 à 1939 avec F. Duprat puis, en janvier 1941, après la démobilisation, il rejoint le service de l’ingénieur des Travaux publics R. Joffet chargé des « travaux neufs » à la Ville de Paris. Il fut ensuite un pilier de l’agence parisienne de F. Duprat, qui le recrute en 1941.26 Il poursuit ses travaux pour la reconstruction de Saint-Nazaire de 1946 à 1970, au parc de la Courneuve et dans quelques squares à Paris. Il enseigne à l’école d’ingénieurs des Travaux publics de la Ville de Paris la réalisation des équipement sportifs. (Blanchon, 1998, op. cit. pp. 25-27).

Urbanisme (1947)

Roger Puget, architecte DPLG, urbaniste diplômé de la ville de Paris, technicien sanitaire breveté I.T.S., urbaniste en chef du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme.

Il dispense en 1967-68 20 cours et 10 applications en préparation (Descriptive), et en 1er année 30 cours et 55 applications (Architecture et urbanisme) pour environ 3000 francs. Son enseignement se limitait à 15 à 20 cours dans les années 1950.

Jean-Pierre Bernard, paysagiste DPLG, en urbanisme opérationnel en 2e année, en 1967 avait 50 cours et 30 applications pour 2385 francs

Sciences humaines (Charageat, Huguenay)

Art (en général) et histoire de l’art (1947)

Pendant dix ans, de 1946 à 1956, Marguerite Charageat, historienne des jardins, diplômée de l’école du Louvre et assistante des musées nationaux, a dispensé deux cours, l’un d’histoire de l’art et l’autre d’art des jardins. Ils étaient sanctionnés chacun par un examen différent. Puis Jeanne Huguenay, enseignante à l’Institut d’urbanisme de Paris, l’a secondée en 1954 en première année (25 cours dans chacune des années partagées entre les deux historiennes), et lui a succédé jusqu’à la reprise des seuls cours d’histoire de l’art des jardins par Simone Hoog, conservatrice au château de Versailles.

75 cours et 10 applications en 1967 (histoire de l’art pour J. Hugueney) : 2000 francs

Droit et législation / droit foncier

M. Prudhomme, licencié en droit, avocat au barreau de Versailles, a assuré ce cours jusqu’en 1951 avant d’être remplacé par M. Cumenge, chef de service au ministère de la Reconstruction et du Logement, et qui l’a intitulé Droit foncier, puis par M. Rossillion.

Techniques (Brice, Bernard, Sabourin, Thébaud)

Travaux publics et matériel de chantiers (1947)

M. Jeanneteau, ingénieur en chef des travaux publics de la ville de Paris est remplacé par M. Le Gall, ingénieur divisionnaire des services techniques de la ville de Paris en 1957.

Théorie et construction des sols (1947)

De 1947 à 1960, Gustave Lysensoonne, ingénieur en chef du ministère de l’Éducation nationale. En 1957, le cours fut renommé « construction des sols sportifs » et M. Thomas lui succède en 1961.

Techniques des travaux (de jardins) (1947)

Robert Brice, paysagiste conseil diplômé, jusqu’en juillet 1956, puis Jean-Paul Bernard, ingénieur horticole (1949), paysagiste DPLG, ingénieur divisionnaire des services paysagers de la ville de Paris.

En 1967, J.-P. Bernard dispense 25 cours et 62 applications en 1ère année pour 2109 francs

Utilisation des végétaux et projets de plantation (1947)

Henri Thébaud, ingénieur horticole (1916), « créateur de jardins art-déco » (Blanchon, op. cit.), puis en 1960 L. Sabourin, ingénieur divisionnaire de la ville de Paris et enseignant à l’école du Breuil, avant G. Clément (IH, 1965) et Gabriel Chauvel (SPAJ, 1970) à l’ENSP.

En 1967-68, M. Sabourin enseignait en 1ère année 30 cours (1h 30) et 36 applications de 3 heures, soit 153 heures qui coutaient 1782 FF.

Arts plastiques et techniques de représentation

Dessin perspectif et ornemental

René Enard, professeur de dessin au lycée Condorcet à Paris, puis Jacques Cordeau en 1960 avec Françoise Blin de 1967 à 1985.

En préparation et en 1er année en 1967-68.

M. Le Boul professeur de dessin à l’ENH enseignait dans le cadre du programme de la chaire d’architecture des jardins et d’urbanisme de F. Duprat. A La rentrée de 1947, il enseignait la perspective et le croquis en première année, la perspective de jardin, le lavis, la perspective cavalière et l’étude d’arbres en deuxième et troisième années, et la technique de rendu de projet avec F. Duprat au cours de la dernière année.

Pour préparer les candidats élèves ingénieurs au concours d’entrée à la Section, R. Enard proposa « de développer le goût et l’esprit de création » des futurs paysagistes en enseignant le dessin au fusain de moulages (sens de la forme et des valeurs) de statues, de chapiteaux et d’amphores ; l’étude de l’aquarelle et de la gouache (sens de la couleur) avec des dessins aquarellés de plantes, d’animaux et de paysage ; et de croquis en un temps déterminé (5 à 20 minutes). Ceci avec des séances de deux heures par semaine en 1ère et deuxième années, et de 3 heures par semaine en 3e année. A. Riousse proposa de modifier un peu ce programme avec plus de croquis perspectifs d’arbres en 1ère et deuxième années, de perspectives à vol d’oiseau, et d’utiliser la gouache pour les terrains de sport.27

Département de connaissance du milieu (> 1966)

La formation initiale ne comportait pas en 1946 d’enseignements scientifiques (notamment en biologie et botanique, ou en hydraulique et sciences des sols), puisqu’elle s’adressait surtout à des ingénieurs déjà formés dans ce domaine. Le cours d’identification des végétaux est cependant créé en 1958 quand le conseil des enseignants a élargi le recrutement à la suite de l’absence des candidatures d’ingénieurs versaillais et de l’arrêt du recrutement en 1955-56.

La formation mise en place en 1967 comportait en 1967-68 :

En préparation : Botanique (J. Montégut), Sciences du sol (A. Anstett), Hydraulique (M. De Forges), Parasitologie générale (M. Gallien),

En 2e année : sciences forestières (M. Valette), Hydrogéologie (M. De Forges), Fertilisation (A. Anstett)

Conclusion

Les dix premières années d’enseignement de la Section du paysage furent en fait une longue construction collective expérimentale ponctuée de succès et d’échecs. Les enseignants, issus d’horizons très divers, durent mettre en place une formation nouvelle dans des conditions inconfortables. Ils devaient marier des apprentissages techniques et juridiques avec ceux de la conception de projet sur le modèle des ateliers de l’école des Beaux-Arts, associer les savoirs de l’urbanisme avec ceux de l’art des jardins et compléter, enrichir, sinon renouveler les enseignements de la chaire d’architecture des jardins et d’urbanisme de l’école voisine d’ingénieurs horticoles.

Bien que la demande fût potentiellement importante, le métier de paysagiste était peu connu, et confondu dans le meilleur des cas avec l’ingénierie horticole ou l’architecture de jardins. Les débouchés devaient être inventés pour s’adapter à la reconstruction des villes et aux économies nouvelles, résidentielles et de loisirs entre autres, en quittant de fait, dans cette longue transition des Trente Glorieuses, le monde ancien de l’art des jardins privés.

Les procès-verbaux des conseils, très policés, laissent peu deviner les débats des enseignants, sinon la tension entre la culture des ingénieurs et techniciens, et celle des architectes, concepteurs et dessinateurs. Le conseil inventa en marchant, faisant et refaisant les règles de l’enseignement, de la discipline, le dosage des cours, la durée des études et les modes d’attribution des diplômes avec le concours en loge ; accompagné en cela, avec beaucoup de souplesse, par la direction de l’enseignement du ministère de l’Agriculture.

Quel était le contenu précis des enseignements ? On ne le sait pas avec précision. Les recherches restent à faire si l’on retrouve les archives des enseignants de cette époque.

L’arrêt brutal du recrutement en 1955 marqua la fin de cette période expérimentale. Elle avait montré que pour bien former des paysagistes, il fallait d’abord savoir pour quels débouchés et besoins de la société. Alors que la majorité des enseignants, partagés entre leurs cultures horticoles et celles d’architectes de jardin ou d’urbanistes ne s’en était pas assez préoccupée, plus soucieux de transmettre ce qu’ils savaient ou savaient faire que d’inventer les pratiques paysagistes nouvelles du lendemain. Vingt ans après, leurs successeurs sauront s’en souvenir …

P. Donadieu

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Bibliographie

Sur Topia

Donadieu, P., in Histoire et mémoire, Chapitre 3 Le premier projet d’Institut du paysage à Versailles, Topia, 2018.

Donadieu P., in Histoire et mémoire, Chapitre * La saga des diplômes, Topia, 2018

Autres

Barraqué, B., « Le paysage et l’administration » (1985), rapport de recherche, Paris, ministère de l’Écologie et du Développement durable, direction de la Nature et des Paysages, 2005, 134 p.

Blanchon, B., « Pratiques et compétences paysagères, 1945 à 1975 », Strates, n° 13, 2007, p. 149-167.

Blanchon, B., « Les paysagistes français de 1945 à 1975, l’ouverture des espaces urbains, Les Annales de la recherche urbaine, n° 85, 2000, p. 21-29.

Blanchon B., « Pratiques paysagères en France de 1945 à 1975 dans les grands ensembles d’habitations, rapport de recherches, PUCA, 1998, 105 p., http://topia.fr/wp-content/uploads/2016/03/Blanchon_Pratiques_Paysageres_1.pdf

Blanchon, B., « Les paysagistes et la question du projet urbain », P + A, n° 31, 1995, p. 8-13.

Blanchon, B., « Les paysagistes et la question du projet urbain : de l’horticulture au projet urbain »,  P + A, n° 32, 1995, p. 20-29.

Dubost, F., « Les nouveaux professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme », Sociologie du travail, n° 2-85, XXVIIIe année, 1985, p. 154-164. 

Dubost, F., « Les paysagistes en quête d’identité », P + A, n° 1, octobre 1984, p. 14-16.

Dubost, F., « Les paysagistes et l’invention du paysage », Sociologie du travail, n° 4-83, XXVe année, 1983, p. 432-445.

Estienne I., « L’aménagement comme stratégie professionnelle, L’exemple de cinq paysagistes formés à la section du paysage et de l’art des jardins de Versailles en 1946-1948 », Projets de paysage, 2011.

Racine M., (édit.), Créateurs de jardins et de paysages, Actes Sud, 2002.

Royer C., Zarmati S., Les espaces libres et la profession paysagère en France entre 1900 et 1946, rapport de recherches, Etude 104, ENSP Versailles, 207 p.

Notes

1 Jean Lenfant était ingénieur horticole (promotion 1916), et « professeur spécial d’horticulture » en 1938 selon l’annuaire de l’association amicale des ingénieurs horticoles (IH) de 1948. Il succéda à Fernand Fauh (IH 1912) à la fin de la deuxième guerre mondiale.
De l’origine de la création de la Section, on sait, selon les archives de l’ENH, que la société française des architectes de jardins, créée en 1930 et présidée par F. Duprat a demandé en 1941 « la création d’une section spéciale pour l’enseignement supérieur d’architecture des jardins (à destination des ingénieurs horticoles)» (Blanchon, 1998, p. 25). Projet dont fait état l’association des anciens élèves de l’ENSH en 1943 et que confirment les travaux de B. Barraqué (1985) et de S. Zarmati et C. Royer (1987). Voir chapitre * (la saga des diplômes)

2 Les comptes rendus de ces conseils ont été retrouvés récemment dans les archives pédagogiques de l’ENSP. Cette liasse a été repérée en avril 2018 dans les fichiers de récolement de 2011 sous le n° 1433.

3 De l’enseignement de son titulaire l’architecte paysagiste Ferdinand Duprat (1887-1976) de 1934 à 1951 (ou 61) nous ne connaitrons les contenus qu’après avoir analysé les archives de l’ENSH aux archives départementales des Yvelines. F. Duprat était un paysagiste de réputation européenne avec une clientèle privée prestigieuse.

4 PV du conseil des professeurs de la SPAJ de l’ENH le 11 janvier 1947.

5 Les bâtiments Le Nôtre et Le Normand actuels n’existaient pas en 1946, la place pour un nouvel enseignement était donc réduite. L’atelier se trouvait dans la salle du Potager du roi, où était placé le monument aux morts des guerres de 1870 et 1914-18. (J. Sgard, cp, 2018).

6 PV du 11 janvier 1947, p. 2.

7 Lettre de J. Lenfant du 23 janvier 1947 à la direction de l’enseignement du ministère de l’Agriculture. Ce poste de professeur titulaire ne sera obtenu qu’en 1985 dans le cadre de l’ENSP. M. Corajoud en sera le premier bénéficiaire.

8 Le titre de paysagiste de l’ENH était attribué avant 1945 via le concours en loge organisé régulièrement par le comité de l’art des jardins de la Société nationale d’horticulture de France, créé en 1870. Il était ouvert aux professionnels déjà expérimentés.

9 Lettre du 25 juillet de J. Lenfant à la direction de l’enseignement du ministère de l’Agriculture. Elle suggère une prise de contact avec Robert Joffet, paysagiste et ingénieur général des services des parcs et jardins de la Préfecture de la Seine.

10 PV de la séance du conseil du 1er juillet 1947, p. 3.

11 Cette première demande, récurrente ensuite, ne sera jamais acceptée, y compris avec les diplômés de l’ENSP.

12 J. Challet sera l’année suivante exempté de stage en raison de l’appel sous les drapeaux de son frère qui l’oblige à aider son père dans l’exploitation horticole.

13 PV de la réunion du conseil du 12 juillet 1947, p. 1

14 Il s’agissait de J. Sgard qui a l’année d’après suivi l’enseignement de l’ENSH « comme cuscute » J. Sgard, cp., 2018. Cette décision ne pourra faire précédent (PV du 12 juillet 1948). Tout candidat sans formation agricole ou horticole devra faire une période préparatoire à l’Ecole.

15 Le Maitre d’œuvre de la reconstruction, du 7 février 1947, p. 5

16 Le jury réunissait Cuny conservateur des jardins du conseil de la République, Talbot directeur de l’école du Breuil, Darpoux chercheur à l’INRA de Versailles, Orok professeur de dessin au lycée Hoche, Hissard professeur de dessin au Muséum, Enard professeur de dessin à la Section du paysage, et Mosser paysagiste.

17 PV du 12 juillet 1948., p. 1

18 PV du 14 janvier 1950.

19 Quatre d’entre eux obtiendront le titre de paysagiste DPLG ; trois sur six parmi ceux entrés en 1953 (M. Bourne, G. Samel, M. Vilette) ; tous (L. Tailhade, J.-F. Treyve, E. Marguet) parmi les recrutés de 1952 ; aucun de ceux recrutés en 1951 (annuaire des ingénieurs de l’horticulture et du paysage, aihp, 2011).

20 Lettre du directeur à la sous-direction de l’enseignement agricole pour annonce au JO.

21 PV du 12 juillet 1951, p. 2

22 Le dossier de concours en loge de Jean-François Treyve (SPAJ, 1952) en est un bon exemple. Consacré à l’aménagement de la propriété d’un industriel dans la Drome, après une esquisse faite les 30 et 31 mai 1958, le projet déposé comporte : une esquisse de composition, 9 plans (nivellement, plantations, sols, canalisations …), 20 profils en long et en travers, un rapport explicatif, un devis descriptif et un devis quantifié. Archives ENSP, réserve 1, non récolé.

Il pouvait s’écouler plus de 4 ans entre la fin des études de la Section et le concours en loge, et beaucoup, plus tard, oublieront cette « formalité », oubli réparé en 1985 par le concours « balais » organisé par l’ENSP.

23 En 1938 selon l’annuaire de l’association des anciens élèves de l’ENH, 54 architectes paysagistes (ou seulement « paysagistes » en 1939) étaient en activité.

24 Annette Vigny, in M. Racine (édit.), Créateurs de jardins et de paysages, Actes Sud, 2002, pp. 266-68.

25 Bernadette Blanchon-Caillot, « Pratiques et compétences paysagistes dans les grands ensembles d’habitation, 1945-1975 », Strates [En ligne], 13 | 2007, mis en ligne le 05 novembre 2008, consulté le 14 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/strates/5723.

M. Audouy et B. Blanchon, in M. Racine (édit.),Créateurs de jardins et de paysages, Actes Sud, 2002,pp. 210-211.

26 B. Blanchon, In M. Racine (édit.), Créateurs de jardins et de paysage, Actes Sud, 2002, pp. 197-198.

27 Documents manuscrits d’une réunion de A. Riousse, R. Enard et M. Leboul du 8 novembre 1947.

Histoire ENSP – Introduction

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Histoire et mémoire

de la Section du paysage et de l’art des jardins de l’École nationale supérieure d’horticulture, et de l’École nationale supérieure de paysage de Versailles

 Pierre Donadieu

Version du 10 juillet 2018

  

Les chapitres de ce document sont provisoires et susceptibles de modifications avec la poursuite des recherches sur l’histoire de la Section du paysage et de l’ENSP de Versailles-Marseille.

Les personnages de l’histoire (>1945)

Dans le texte ci-dessous, les intitulés des enseignements datent de 1947 pour les matières enseignées et de 1980 pour les départements d’enseignement.

Entre parenthèses, la période d’enseignement ou d’administration dans la Section et/ou à l’ENSP. Ces chiffres peuvent être inexacts.

La liste  provisoire n’est pas limitée aux noms cités. Elle sera complétée. 

Les responsables de département sont soulignés.

 

Direction

Jean Lenfant (1945-1959), ingénieur horticole, directeur de l’ENH

Etienne Le Guélinel (1959-1973), ingénieur agronome, directeur de l’ENSH

Raymond Chaux (1974-1990), ingénieur agronome, directeur de l’ENSH et de l’ENSP.

Alain Riquois, ingénieur du Génie rural et des Eaux et forêts, chef de la mission du paysage (1979-1990), puis directeur de l’ENSH/ENSP (1990-2000 ?)

Sous-Direction / direction adjointe / direction des études/secrétariat général

Miège (1945-1959)

Jean Pasquier (1959-1973), ingénieur horticole, directeur adjoint de l’ENSH

Roger Bellec (1977-1985), animateur socioculturel, secrétaire général de l’ENSP

Pierre Donadieu (1985-1987), directeur adjoint de l’ENSP

Guy de la Personne, paysagiste DPLG, (1987- ?)

Secrétariat

Lydie Hureaux (Mazas)

Paule Ristori, attaché d’administration et d’intendance (>1984)

Ateliers (cours et applications)

Architecture et construction

Durand, architecte des arts décoratifs, professeur diplômé d’architecture de la ville de Paris (1946-54)

Warnery, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux (1954-56)

Théodore Leveau (1896-1974), architecte et urbaniste, paysagiste DPLG, est un élève de l’architecte-paysagiste J.-C.-N. Forestier

Théorie de l’art des jardins et composition

André Riousse (1895-1952) puis, après sa mort, Théodore Leveau. Il est dplg, paysagiste diplômé, diplômé de l’institut d’urbanisme. Il fut enseignant à l’école du Breuil à Paris.

Étude des sites et paysages, espaces verts

Albert Audias (1904- 200 ?), ingénieur horticole (IH 1921) et paysagiste DPLG, est enseignant dans la Section depuis 1946.

Urbanisme et aménagement du territoire

Roger Puget, architecte DPLG, urbaniste diplômé de la ville de Paris, technicien sanitaire breveté I.T.S., urbaniste en chef du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. (depuis 1945)

Jean-Pierre Bernard, paysagiste DPLG, enseigne en urbanisme opérationnel à partir du début des années 1960

Elie Mauret, IH 43, paysagiste DPLG, enseigne en aménagement du territoire.

Après 1960

Jacques Sgard, paysagiste DPLG (SP 1947) et urbaniste, diplômé de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris en 1958.   Il fut enseignant d’atelier de projet à la Section à partir du début des années 1960, puis au Centre national d’étude de recherches sur le paysage de Trappes de 1972 à 1978, et enfin à l’ENSP où il intervient toujours en 2018.

Bernard Lassus, plasticien, paysagiste DPLMA, professeur d’école d’architecture, directeur de la formation doctorale « Jardins, paysages, territoires » à l’EHESS de Paris de 1989 à 1998, (1964-1987)

Pascal Aubry, paysagiste DPLG (1975-1987), puis (200 ? -2012 ?)

Michel Corajoud, paysagiste DPLMA, professeur ENSP, (1972- 2005),

Jacques Coulon, paysagiste DPLG, (1980- ?)

Isabelle Auricoste, paysagiste (198 ?-1986)

Jean-Claude Saint-Maurice, paysagiste DPLG (1963-1974)

Gilbert Samel, paysagiste DPLG (> 1965-1974)

Pierre Roulet, paysagiste DPLG

Michel Viollet , paysagiste DPLG, (> 1969)

 

Sciences humaines

Art ( en général) et histoire de l’art (des jardins)

Marguerite Charageat, historienne des jardins, diplômée de l’école du Louvre et assistante des musées nationaux (1946-56).

Jeanne Hugueney, (1921-2008), Historienne. à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris (en 1966). – Maître de conférences à l’université Paris-IV-Sorbonne

Après 1956

Simone Hoog, historienne, conservatrice au château de Versailles ( ?-1985).

Monique Mosser, historienne, ingénieur de recherche CNRS

Jeanine Christiany , architecte, historienne, maitre assistante ENSA de Versailles

Droit et législation/droit foncier

Prudhomme, licencié en droit, avocat au barreau de Versailles (1946-1951)

Cumenge, chef de service au ministère de la Reconstruction et du Logement, (1951-1961)

Rossillion, de l’agence foncière et technique de Paris (> 1961)

ENSP

Pierre Dauvergne, paysagiste DPLG, enseignant au CNERP (1972-1977) puis à l’ENSP (direction du département de sciences humaines de 1978 à 1985).

Alain Mazas, paysagiste DPLG, responsable du département de SH (1985-1988),

Philippe Mainié, économiste, INRA/ENSH (1975-1984)

Jean Carrel, juriste et économiste, ENSH (1975-1983)

Didier Bouillon, ethnologue, professeur 1989-2011 ?, responsable du département de sciences humaines (1993-1996)

Pierre Donadieu, professeur (>1994), responsable du département de SH (1988-1993 puis 1996-2007)

Monique Toublanc, sociologue, maitre de conférences

Yves Luginbühl, géographe, CNRS Paris

Jacques Cloarec, Sociologue, EHESS Paris

 

Techniques

Travaux publics et matériel de chantiers

 Jeanneteau, ingénieur en chef des travaux publics de la ville de Paris (1946-1957)

Le Gall, ingénieur divisionnaire des services techniques de la ville de Paris depuis 1957.

Théorie et construction des sols (sportifs)

Gustave Lysensoonne, de 1947 à 1961, ingénieur en chef du ministère de l’Éducation nationale.

Thomas lui succède en 1961.

Techniques des travaux (de jardins)

Robert Brice, paysagiste conseil diplômé, jusqu’en juillet 1956

Jean-Paul Bernard, ingénieur horticole (1949), paysagiste DPLG, ingénieur divisionnaire des services paysagers de la ville de Paris.

 

Utilisation des végétaux et projets de plantation

Henri Thébaud, ingénieur horticole (1916), (1946-1960)

Lucien Sabourin, ingénieur divisionnaire de la ville de Paris et enseignant à l’école du Breuil (1960-1974)

Gilles Clément (IH 1965, SP 1967), paysagiste DPLG (1977-1981)

Gabriel Chauvel (SP 1970), paysagiste DPLG (1983-2011)

Allain Provost, Ingénieur horticole (IH 1958), paysagiste DPLG, responsable du département des techniques (1978-1986)

Guy de la Personne, paysagiste DPLG (SP 1968), responsable de département (1986- ?)

Bernard Cavalié, IH 66, paysagiste DPLG,

Jean-Marie Lemoyne de Forges, ingénieur du génie rural et des eaux et des forêts, professeur de génie horticole à l’ENSH, (ENSP 1968-1983)

Arts plastiques et techniques de représentation

Dessin perspectif et ornemental

René Enard, professeur de dessin au lycée Condorcet à Paris (1946-1960)

Jacques Cordeau professeur au lycée Claude-Bernard à Paris (1960-1970)

Françoise Blin, professeur de dessin (1967-1985)

Daniel Mohen, professeur de dessin (> 1976)

François Manach, professeur de dessin (> 1976)

Jean Sire, professeur d’arts plastiques (> 1980)

Jean Grelier, paysagiste DPLG 1975 (>1984)

Le Boul professeur de dessin à l’ENH (préparation) (< 1960)

Département de (connaissance du) milieu (> 1966)

Jacques Montégut, professeur ENSH de botanique et d’écologie végétale (1967-1974)

Alfred Anstett, professeur ENSH de sciences du sol et de fertlisation (1967-1983)

Patrick Pasquier, maitre-assistant en sciences du sol (1977-1983)

J.-M. Lemoyne De Forges, professeur ENSH d’hydraulique et d’hydrologie (ENSP 1968-1983)

Pierre Bordes, maitre-assistant ENSH en topographie (1970-1983)

Maryvonne Gallien-Decharme, chef de travaux en « parasitologie générale »

Valette, ingénieur du génie rural et des eaux et forêts (1967-1974)

Tristan Pauly, idem (>1976)

Pierre Lemattre, professeur ENSH de cultures ornementales (1970-1983)

Preneux, assistante ENSH en cultures ornementales (1978-1983)

Marc Rumelhart, professeur ENSP de botanique et d’écologie végétale (1976-2014)

Pierre Donadieu, professeur ENSP (bioclimatologie, botanique, phytogéographie, écologie végétale et urbaine, puis recherches au LAREP) (>1976).

Ateliers pédagogiques régionaux et quatrième année

Pierre Dauvergne (1983-1985)

Pierre Donadieu (1987-1996)

Bertrand Follea (1988-1996)

M. Viollet (1996 – 20 ? ?)

P. Aubry

Autres

Paul Harvois, professeur à l’École nationale des sciences agronomiques appliquées de Dijon, (co)auteur de deux projets d’Institut du paysage au Potager du Roi de Versailles (1969-72, 1981-1984).

Fischesser, ingénieur des eaux et des forêts, directeur d’unité au CEMAGREF de Grenoble, auteur du rapport homonyme en 1985.

 

Sommaire

Chapitre 1 : Les débuts de la Section du paysage et de l’art des jardins, la naissance (ENH Versailles, 1946-1956).

Chapitre 2 : L’enseignement de la Section du paysage et de l’art des jardins, la renaissance (1956-1968)

Chapitre 3 : Le premier projet d’Institut du paysage (1965-1972)

Chapitre 4 : Le grand flottement (1968-1974)

Chapitre 5 : Histoire du Centre National d’Étude et de Recherche du paysage (CNERP) 1972-1979

Chapitre 6 : Les débuts de l’enseignement à  l’ENSP (1975-1980)

Chapitre 7 : Les débuts de la recherche à l’ENSP (1980-1982)

Chapitre 8 : L’enseignement de 1979 à 1982

Chapitre 9 : Le projet d’Institut français du paysage (1982-1985)

Chapitre 10 : La revue Paysage et Aménagement (1984-1996)

Chapitre 11 : L’École nationale d’horticulture de Versailles et les paysagistes (1874-1945)

Chapitre 12 : Le paysage, les paysagistes et le CEMAGREF de Grenoble (1974- 2003)

Chapitre 13 : L’enseignement de la botanique à l’ENSH et à l’ENSP

Chapitre 14 : L’École nationale d’Horticulture et l’enseignement de l’architecture des jardins (1930-1960)

Chapitre 15 : La séparation de l’ENSH et de l’ENSP de Versailles (1989-1994)

Chapitre 16 : Retour à l’école

Chapitre 17 : Les Ateliers Pédagogiques Régionaux de l’ENSP de Versailles,1985-1996

Chapitre 18 * : La saga des diplômes

Chapitre 19Un conseil des enseignants ordinaire à l’ENSP de Versailles

Chapitre 20 : Transmettre le métier de paysagiste concepteur

Chapitre 21 : Conversation avec le paysagiste et urbaniste Jacques Sgard

Chapitre 22 : Le concours en loge de la Section du Paysage et de l’Art des Jardins

Chapitre 23 : Plaisirs des fêtes au Potager du Roi (1960-67)

Chapitre 24 : De l’horticulture au paysage, de l’ENSH à l’ENSP au Potager du roi de Versailles (1874-2000)

  • À suivre…

Biographies

 

18 – La saga des diplômes de paysagiste

Chapitre 17Retour – Chapitre 19

Chapitre 18

La saga des diplômes de paysagiste

Version du 2 02 2020

Pierre Donadieu raconte la succession des diplôme et des titres professionnels qui ont marqué le métier de paysagiste depuis 1945.

De 1946 à 1974, 311 élèves ou assimilés ont suivi la formation de la Section du Paysage et de l’art des jardins (SPAJ) de l’Ecole nationale supérieure d’horticulture de Versailles. Parmi ceux-ci (et quelques autres personnes), le titre de paysagiste diplômé par le ministère de l’Agriculture (DPLMA) ou diplômé par le Gouvernement (DPLG) a été attribué à 181 personnes.

68 ingénieurs horticoles issus de l’ENSH ont suivi cette formation de 1946 à 1974. À 24 d’entre eux a été attribué le titre de paysagiste DPLG, et deux parmi eux ont reçu le Grand Prix du paysage décerné par le ministère de l’Environnement.1

Depuis la création au Potager du roi à Versailles de la formation de paysagistes en 1945 jusqu’en 2016, le libellé du diplôme français de paysagiste concepteur a changé cinq fois. À chaque fois, l’État a fait preuve d’un pragmatisme certain en accompagnant les revendications des enseignants, les souhaits des professionnels praticiens et en modifiant le cadre juridique des formations des paysagistes concepteurs et ingénieurs.

En 1939, les compétences de paysagistes concepteurs étaient souvent mêlées à celles des entrepreneurs paysagistes, ingénieurs horticoles ou non. Quelques-uns étaient formés « sur le tas ». Dans son numéro n° 188 de mars 1939, le bulletin de l’association des anciens élèves de l’École nationale d’horticulture fait état, parmi ses ingénieurs diplômés, de « 53 architectes paysagistes et de 31 entrepreneurs paysagistes ».

En 1940, une tentative pour organiser le métier et créer un diplôme spécifique de paysagiste n’avait pas abouti2. Après la guerre, à la fin de 1945, ce projet fut repris par le gouvernement provisoire du fait des besoins de la reconstruction des villes détruites. Cette réforme fut également induite dès les années 1930 par la préparation en Grande-Bretagne de la création de la fédération internationale des architectes paysagistes (IFLA). Se réunirent plusieurs fois dans ce but les architectes paysagistes anglais, italien et français : Geoffrey Jellicoe (1900-1996), Pietro Porcinai (1910-1986) et Ferdinand Duprat (1887-1976), entre autres3.

La naissance : paysagiste diplômé par l’École nationale d’horticulture

Le 5 décembre 1945, le décret n° 45-027 relatif à l’institution d’un diplôme de paysagiste de l’École nationale d’horticulture prévoit en son article 1 : « Il est créé à l’École nationale d’horticulture une section du paysage et de l’art des jardins ». Le décret est signé par le Général de Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République, Tanguy-Prigent, ministre de l’Agriculture et du Ravitaillement et J. Lenfant directeur de l’École. Il précise que : « les élèves de cette Section qui satisfont aux épreuves déterminées par le ministre de l’Agriculture reçoivent le diplôme de paysagiste de l’École nationale d’horticulture. Les ingénieurs agricoles et agronomes qui obtiennent le diplôme peuvent prendre le titre d’ingénieur paysagiste. »

Pendant les trois premières années de formation (de 1946 à 1949), « la durée des études est fixée à un an à l’issue de laquelle un certificat d’études sera délivré. Le titre de paysagiste ne sera attribué qu’après un stage chez un paysagiste ou dans un service technique d’une administration. Un projet complet (composition, travaux, plantation) et une thèse devront être présentés4.

Le législateur utilise le terme de titre et non de diplôme, pour marquer non la sanction des études donnée par le certificat d’études final, mais une reconnaissance de l’aptitude pratique à exercer un métier.

Le 30 août 1950, un nouveau décret porte la durée des études à deux ans et institue l’accès au concours en loge5. « Pour obtenir le titre de paysagiste, les élèves des années 1946-47 à 1950-51 devront être titulaires du certificat d’étude de la Section depuis au moins un an, et satisfaire à un concours en loge (art. 5) ». Cette épreuve mettait les élèves paysagistes dans les mêmes conditions d’évaluation de leurs compétences que les élèves architectes, et les distinguait clairement des élèves ingénieurs horticoles qu’ils côtoyaient chaque jour à l’école. Car la confusion était d’autant plus facile à faire que le diplôme de paysagiste avait été attribué en 1946 à quelques ingénieurs horticoles (voir § suivant).

Le décret du 11 juin 1954 et l’arrêté du 13 août de la même année ont précisé que « le projet à présenter comportera :

– un concours en loge pour l’établissement d’une ou deux esquisses sur un thème choisi par le candidat parmi deux sujets présentés par le jury (épreuve éliminatoire)

– un travail libre d’après l’esquisse choisie comportant l’établissement d’un rendu, une étude technique de travaux, une étude de plantation et la rédaction d’un rapport très complet (le délai de présentation n’excèdera pas un an, et le nombre de sessions en loge trois pour les candidats) ».

Dans les années 1950, le nombre de candidats et d’étudiants retenus à chaque sélection fut extrêmement faible6 et comportait surtout des ingénieurs horticoles. Il ne dépassera 20 par an qu’à la fin des années 1960. Pour cette raison, le conseil des enseignants demanda « l’élargissement du concours à des non bacheliers ayant satisfait à un examen de culture générale » (arrêté de mai 1961).

L’attribution du diplôme de paysagiste de l’ENH sera à nouveau modifiée en 1954. Entre temps, pour augmenter rapidement le nombre de diplômés, l’État eut recours à une autre technique que celle de la formation initiale.

Une souplesse : paysagiste diplômé par le ministre de l’Agriculture

Dans le décret de 1945, l’article 2 stipule que « pour éviter de graves préjudices à quelques personnalités éminentes, au cours d’une période transitoire, le titre de paysagiste pourra être attribué à des personnes qui n’ont pas suivi la Section mais dont la connaissance et les travaux permettent l’assimilation aux élèves de celle-ci »7.

Il existait en effet au lendemain de la guerre quelques professionnels de talent, ingénieurs ou diplômés à l’étranger, qui ne pouvaient faire valoir un diplôme français de paysagiste. La plupart était des ingénieurs horticoles exerçant les métiers de paysagiste avec le titre auto-attribué d’architecte paysagiste, d’ingénieur paysagiste ou d’entrepreneur paysagiste. La professionnalisation de ces métiers était balbutiante. L’organisation internationale des architectes paysagistes (IFLA) ne sera créée qu’en 1948.

C’est pourquoi l’arrêté du 9 janvier 1946 signé par Lefèvre, secrétaire d’État à l’Agriculture, prévoyait d’accorder le diplôme de paysagiste « sur titre, aux professionnels créateurs de plus de quarante ans et exerçant la profession de paysagiste depuis moins de quinze ans, ayant fait œuvre absolument personnelle en qualité et en quantité suffisantes pour prouver leur valeur artistique et leurs compétences ».

C’était dire de façon explicite que le diplôme de paysagiste de l’ENH qui n’avait pas été encore délivré ne pouvait reconnaître que des compétences de concepteur et de créateur d’œuvres ayant un caractère artistique, et non une pratique d’ingénieur.

Pourtant, au cours de l’été suivant, un second arrêté du 27 août 1946 prévoyait : « a/ que le recrutement de l’école concernera des ingénieurs agronomes, agricoles et horticoles, b/des élèves de l’École nationale des Beaux-Arts, de l’École spéciale d’architecture et de l’École centrale des arts et manufactures, c/ des bacheliers et des candidats étrangers avec les mêmes titres ».

La conséquence de cette souplesse d’attribution rétroactive du diplôme de paysagiste valant en pratique titre d’exercice professionnel eut une première conséquence de 1946 à 1955. À plusieurs professionnels réputés, le plus souvent ingénieurs horticoles et qui n’avaient pas suivi la Section, fut ainsi attribué par arrêté ministériel le diplôme-titre de paysagiste diplômé par le ministre de l’Agriculture. Ce fut le cas en 1946 de Ferdinand Duprat, André Riousse, Henri Pasquier, Georges Moser, Jacques Greber, Emile Brice et Albert Audias ; en 1949 de Robert Joffet et Marcel Zaborski, et de Jean Camand en 19558. Plus tard, dans les années 1980, la même possibilité juridique fut utilisée pour attribuer le diplôme de paysagiste diplômé par le ministre de l’Agriculture (DPLMA) à Michel Corajoud et Bernard Lassus qui n’avaient pas suivi les enseignements de la Section.

Une séparation : paysagiste diplômé par le ministère de l’Agriculture

Par décret du 11 juin et arrêté du 13 aout 1954, le diplôme de paysagiste de l’ENH devient « diplôme de paysagiste du ministère de l’Agriculture » modifiant ainsi le décret de 1945. Cette modification avait été demandée par le Conseil de perfectionnement de la Section dès le 4 juillet 1951 et rappelée dans un procès-verbal du 31 décembre 1953. Dans ce dernier, auquel assistait Ferdinand Duprat, président de la jeune Société française des paysagistes, était demandée également la suppression du titre d’ingénieur paysagiste que prévoyait le décret de 1945.

La suppression de ce titre fut donc demandée9. Mais longtemps son utilisation ne fut pas normalisée par les paysagistes qui recherchaient une homologation à la fois nationale et internationale en tant qu’architecte paysagiste.

Ce projet se heurta à l’opposition (toujours actuelle en 2020) de l’Ordre des architectes. Celui-ci avait été créé en décembre 1940, sous le régime de Vichy, par Jean Zay ministre de l’Instruction publique dont dépendait alors la direction des Beaux-Arts (qui est devenue le ministère des Affaires Culturelles puis de la Culture). L’Ordre des architectes distinguait clairement les métiers de l’entreprise et de l’architecture. Différence qui, chez les paysagistes, n’était pas toujours très claire avant les années 1960, mais le devint par la suite avec la professionnalisation distincte des entreprises paysagistes (dans l’Union nationale des entrepreneurs paysagistes et reboiseurs forestiers créée en 1962) et des paysagistes concepteurs (la Fédération française du paysage créée en 1982).

En outre l’Ordre exprimait la plus grande réticence pour autoriser l’utilisation du terme d’architecte par des métiers dérivés dont il n’avait pas agréé la formation (architecte d’intérieur par exemple). En dépit de toutes les demandes faites, l’Ordre ne modifia pas son refus d’accréditer un diplôme d’architecte paysagiste. Alors que les Universités de la plupart des pays européens accédaient à cette demande en reconnaissant les formations d’architecte paysagiste.

En 1957, une nouvelle étape de l’organisation professionnelle fut franchie avec la création de la Société des paysagistes français qui regroupait surtout les diplômés de la Section. Lui succéda en 1969 la Société française des paysagistes. Avec surtout la Chambre syndicale des paysagistes libéraux créée la même année, ces deux organisations professionnelles jouèrent un rôle important dans l’élaboration du premier projet d’Institut du paysage.

La situation de la Section changea en fait avec la transformation de l’enseignement supérieur agronomique, vétérinaire, agricole et horticole. Une première réforme en 1961 modifia le statut de l’ENH qui devint École nationale supérieure d’Horticulture (ENSH), recruta sur concours commun avec les Écoles nationales supérieures d’agronomie et délivra le diplôme d’ingénieur horticole10.

L’arrêt des enseignements de la Section au cours de l’été 1974 et la création en 1976 de l’École nationale supérieure du paysage à la place de la Section allaient ouvrir la possibilité de délivrer un nouveau diplôme : paysagiste DPLG.

Toutefois, le diplôme de « paysagiste diplômé par le ministère de l’Agriculture » continua à être utilisé pour les étudiants tunisiens à partir de 1985 (ou 1984). Chaque année, ils étaient sélectionnés par un concours séparé organisé à Sousse (école d’agriculture de Chott Mariem). Cette situation était différente de celle des étudiants marocains de l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat. Au vu de l’attestation de réussite des études à l’ENSP, l’Institut leur délivrait un diplôme d’ingénieur agronome dans la spécialité paysage.

Dans les deux pays, certains de ces diplômés sont devenus enseignants de paysage dans les écoles d’horticulture et de paysage de Chott Mariem et de Rabat-Agadir.

Une conquête : le diplôme de paysagiste DPLG (diplômé par le gouvernement), (1961-1979)

Dans le décret du 20 juin 1961, il est précisé dans l’article 15 que L’ENH qui devient ENSH « comporte une section spéciale du paysage et de l’art des jardins, destinée à former des paysagistes DPLG ». Ce diplôme-titre reconnait le même titre -DPLG- que les architectes et les géomètres. Ce qui ouvrait aux paysagistes une meilleure visibilité professionnelle.

Au début des années 1970, les conditions d’attribution de ce diplôme furent cependant modifiées à la suite des revendications des étudiants et des enseignants, ainsi que du projet avorté d’Institut du paysage (1969-1971) de la commission réunie par Paul Harvois. En 1971, le concours en loge fut supprimé et le projet à présenter par les étudiants, modifié, prévoyait :

– après un stage d’un an, la production d’une ou plusieurs esquisses évaluées par un jury,

– un travail à remettre dans un délai de trois ans.

Beaucoup de ces diplômes ne seront pas soutenus en temps et en heure, si bien que, grâce à une dernière session (dite « balai ») en 1984, le diplôme de paysagiste DPLG sera attribué aux candidats retardataires admis par le jury. Il fut attribué rétrospectivement à tous les anciens diplômés de la Section à la suite de la demande d’homologation des diplômes existants « au niveau 1, le même que celui des architectes » adressée par R. Chaux, directeur de l’ENSH/ENSP à Marcel Robin au Service de la formation professionnelle auprès du premier ministre en 197911.

En 1979, 146 paysagistes avaient déjà été diplômés : 5712 comme paysagistes diplômés par le ministre de l’Agriculture (1946-1951), 23 comme paysagistes diplômés de l’ENH (1946-1951), 27 comme paysagistes diplômés par le ministère de l’Agriculture (1952-1960) et 39 comme paysagiste DPLG13.

L’ENSP : paysagiste diplômé par le gouvernement (1979-2016)

Signé par Raymond Barre, premier ministre, le décret du 24 octobre 1976 prévoit dans son article 15 :

«  Il est institué sous la forme d’un établissement d’enseignement supérieur et de recherche, une École nationale supérieure du paysage qui assure la formation de paysagiste. (…) La formation comporte trois années d’étude suivies d’un stage professionnel d’une durée minimale de 9 mois. Le diplôme de paysagiste DPLG sanctionne les études. Des étudiants, diplômés d’agronomie générale, peuvent accéder directement en troisième année, obtenir au bout d’un an leur diplôme d’agronomie approfondie (spécialité paysage) et leur diplôme d’ingénieur agronome, puis poursuivre pendant un an afin d’obtenir le diplôme de paysagiste DPLG »14.

La seconde partie du texte est la conséquence d’une des explications de l’échec du projet d’Institut du paysage élaboré par la commission dirigée par Paul Harvois. Les services du ministère de l’Agriculture ont fait valoir que l’enseignement du paysage pouvait être également une spécialisation du cursus d’ingénieur agronome ou d’architecte.

Le diplôme était attribué au vu des notes obtenues pendant 3 ans, de la réalisation d’un stage chez un professionnel et de la présentation d’un travail personnel de fin d’études sous la forme d’un projet qui prendra rapidement le nom de projet de paysage. À partir de 1988, et en raison de la faible efficacité pédagogique des stages, furent mis en place les ateliers pédagogiques régionaux de quatrième année (voir chapitre 17).

Parallèlement, par le décret n° 76-959, du 15 octobre 1976, paru au Journal Officiel du 24 octobre, l’ENSH devenait école d’application en deux ans et pouvait recruter des diplômés d’agronomie générale des Écoles nationales supérieures d’agronomie, et des maîtrises de biologie, génétique et de biochimie de l’Université15. Elle délivrera le diplôme de l’ENSH spécialités Horticulture ou Protection des plantes qui remplacera le diplôme d’ingénieur horticole.

Quelques années plus tard, en 1984, à la suite du départ des enseignants de l’ENSH de l’enseignement de l’ENSP en 1983, l’ENSH créera, au sein de l’option horticulture, une spécialisation d’un an de « sciences et techniques appliquées aux aménagements paysagers »16. Elle ne formait pas des paysagistes concepteurs par une pédagogie d’ateliers, mais des ingénieurs diplômés de l’ENSH qui trouvaient un emploi de cadres dans les services techniques d’espaces verts des villes, dans les agences d’urbanisme ou dans les bureaux d’études.

Comme l’ENSP pouvait recruter, à l’image de la Section, des élèves étrangers sur un contingent limité et par une sélection séparée du concours principal, un diplôme particulier leur était réservé : paysagiste diplômé par le ministère de l’Agriculture. Ce dispositif a fonctionné, comme on l’a dit précédemment, pour former des paysagistes concepteurs marocains et tunisiens. La sélection était organisée, avec un représentant de l’ENSP (Pierre Donadieu, entre autres) à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat et à l’École nationale d’agriculture de Chott-Mariem à Sousse.

Avant 1976, le temps d’obtention du diplôme-titre avait été considérablement allongé par les trois ans de délai et l’oubli de cet examen d’habilitation professionnelle par certains. Étant donnée la faiblesse des effectifs de paysagistes et le besoin de praticiens, la politique du diplôme et titre de paysagiste DPLG obtenu en quatre ans permettant de gagner une année s’est ensuite révélée efficace.

Ce système de formation a permis de mettre sur le marché de l’emploi environ 2 000 paysagistes DPLG de 1979 à 2017 dont une petite partie est affiliée à la Fédération française du paysage créée en 1982. L’on en comptait que 140 en 1979.

Une régularisation : paysagiste diplômé d’État (>2015)

Le diplôme de paysagiste DPLG fut attribué par les trois écoles du ministère de l’Agriculture (ENSP Versailles) et du ministère de la Culture (ENSAP de Bordeaux et de Lille) jusqu’en 2018.

En vertu du décret n°2014-1400, et des arrêtés du 9 janvier 2015, le diplôme d’État de paysagiste (DEP), valant grade de master, a remplacé le diplôme de paysagiste DPLG à partir de la rentrée 2015. La formation conduisant au DEP se fait en trois années à l’issue desquelles l’étudiant présente un mémoire de master puis un projet de fin d’étude (PFE). Elle sera complétée à partir de 2018 par un post-master permettant d’assurer une professionnalisation poussée et/ou une formation doctorale.

Ce diplôme ressemble beaucoup au précédent, le gouvernement (le G de DPLG) étant remplacé par l’État (le E de DEP). En fait il résout plusieurs problèmes récurrents à la fois. Le titre d’architecte DPLG qui avait disparu en 2005 à la suite de la réforme des écoles d’architecture avait été remplacé par de celui d’architecte diplômé d’État, validant le grade de master (Bac + 5 ans). Il fallait trouver une appellation proche pour les paysagistes concepteurs. En outre la dénomination de paysagiste DPLG était peu comprise en dehors de la France. Le titre d’architecte paysagiste étant toujours refusé par l’0rdre des architectes, il était nécessaire de consacrer une appellation officielle – paysagiste concepteur – à la compétence correspondante en France, rôle qu’avait joué le diplôme-titre de paysagiste DPLG pendant 54 ans.

À cet effet, la loi 2016-1087 du 8 août 2016 : « Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » indique dans son article 174 que « Seuls peuvent utiliser le titre «paysagiste concepteur», dans le cadre de leur exercice professionnel, les personnes titulaires d’un diplôme, délivré par un établissement de formation agréé dans des conditions fixées par voie réglementaire, sanctionnant une formation spécifique de caractère culturel, scientifique et technique à la conception paysagère.
Pour bénéficier de ce titre, les praticiens en exercice à la date de publication de la présente loi doivent satisfaire à des conditions de formation ou d’expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. »
17

La loi a donc consacré la distinction, en usage dans beaucoup de pays européens, entre les diplômes des écoles ou des universités et le titre autorisant l’exercice d’une profession. Cette distinction oblige une « commission consultative » siégeant au ministère de la Transition écologique, à donner depuis 2017 un avis sur toutes les demandes d’agrément d’un praticien comme « paysagiste concepteur ».

La capacité à concevoir un projet de paysage est apprécié en fonction des critères suivants (entre autres) : capacités à mobiliser des connaissances générales, à faire un diagnostic et dégager des enjeux paysagers, à anticiper des évolutions des paysages, à prendre en charge une maîtrise d’œuvre d’aménagement, à travailler à plusieurs échelles d’espace et de temps, à communiquer un projet…18

Ainsi les paysagistes sont-ils entrés dans le vaste monde des professions réglementées comme celles de médecins, d’avocats ou d’architectes : « Activité ou ensemble d’activités professionnelles dont l’accès, l’exercice ou une des modalités d’exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées; l’utilisation d’un titre professionnel limitée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives aux détenteurs d’une qualification professionnelle donnée constitue notamment une modalité d’exercice « directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ».

En 2017, l’on peut estimer que l’effectif des diplômés des six écoles de concepteurs est situé entre 3 000 et 3 50019. En septembre 2019, environ 1500 paysagistes concepteurs avaient été homologués par le ministère de la Transition écologique. Cependant, il est probable que la saga des diplômes de paysagistes ne trouve pas ici son épilogue …

Pierre Donadieu

Février 2020


Bibliographie

Barraqué B., Le paysage et l’administration, ARTE/MRU, doc. ronéo, 1985, 215 p.

Donadieu P. et Bouraoui M., La formation des cadres paysagistes en France par le ministère de l’Agriculture (1874-2000), LAREP, ENSP Versailles, 2003, 286 p. et annexes

Donadieu P., Le premier projet d’Institut du paysage à Versailles, (1965-1971) ou La promesse de l’aube…. , 2018, Topia (rubrique Travaux des chercheurs/histoire et mémoire), www.topia.fr

Voir également sur la plateforme de recherches de l’ENSP de Versailles, les 18 chapitres de l’histoire de l’ENSP de Versailles-Marseille (publiés en février 2020) : https://topia.fr/2018/03/27/histoire-de-lensp-2/


Notes

1 Voir l’inventaire détaillé en cours d’établissement : https://topia.fr/2020/02/02/les-diplomes-des-paysagistes-versaillais-1946-1974/

2 Barraqué B., Le paysage et l’administration, ARTE/MRU, doc. ronéo, 1985, 215 p.

3 Selon B. Barraqué (p. 66) et P. Donadieu (chapitre 14, Histoire de l’ENSP), ce fut la demande de Ferdinand Duprat, architecte paysagiste formé en Grande-Bretagne (Kew Gardens à Londres), et diplômé par l’école d’Horticulture en 1946, président de la société française d’architecture des jardins (SFAJ) qui conduisit à la création de la Section du paysage et de l’art des jardins en 1945. Avec son concours, le premier congrès des architectes paysagistes eut lieu à Paris en 1937 lors de l’exposition universelle.

4 Arrêté du 27 août 1946, art. 9.

5 Dans l’École des Beaux-Arts de Paris, puis les écoles régionales d’architecture, les concours en loge étaient des épreuves auxquelles se soumettaient les peintres, graveurs, sculpteurs et architectes pour exécuter un projet sur un sujet imposé et pendant une durée déterminée (67 jours pour les architectes en 1823).

6 En deuxième année : 8 élèves en 1951, 4 en 1952, 6 en 1953.

7 Exposé des motifs du décret n° 45-027.

8 En revanche, selon l’annuaire de l’association des ingénieurs de l’horticulture et du paysage de 2011, il faudrait distinguer ceux à qui aurait été attribué le diplôme de paysagiste (avec concours en loge) sans suivre la section « Daniel Collin, ingénieur horticole en 1931, Paul Grisvard (ENH, 1934) » et ceux qui ont suivi la Section : Pierre Mas (ENH, 1940), Jean Challet (ENH, 1942), Elie Mauret (ENH, 1943), Jean-Pierre Bernard (ENH,1945) ».

9 En pratique, il resta celui de l’INH Paysage d’Angers et de l’ENSNP de Blois jusqu’en 2015. En 2018, seule l’école d’Angers revendique cette appellation cohérente avec son origine historique. Voir le texte sur les débuts de la Section.

10 Décret 61-632 du 20 juin 1961.

11 Elle fut attribuée par l’arrêté du ministre du Travail relatif à l’homologation des titres et des diplômes de l’enseignement technologique du 17 juin 1980 (J.O. du 21 août 1980) selon lequel les 4 diplômes (DPMA, DPLNH, DPLMA, DPLG) étaient classés au même niveau I.II (celui où est classé le diplôme d’architecte DPLG)

12 Ce chiffre qui parait important est issu de statistiques retrouvées dans le dossier d’homologation des diplômes de paysagistes constitué par R. Chaux en 1979. Il est possible que l’on y compte la plupart des paysagistes, ingénieurs et entrepreneurs répertoriés dans le bulletin de l’association des anciens élèves de l’ENH en 1939 ( étaient répertoriés 53 architectes paysagistes).

13 Rapport de Marcel Robin faisant réponse le 7 mars 1980 à la demande d’homologation des diplômes de paysagistes du ministère de l’Agriculture par R. Chaux, directeur de l’ENSP le 17/12 1979,

14 Cette formation ne concernera que quelques élèves, ainsi que des architectes. Insatisfaisante car trop courte, elle sera suspendue au début des années 1990.

15 Ces maîtrises sont devenues l’origine principale des étudiants de l’ENSH du fait du très faible flux d’élèves ingénieurs des ENSA.

16 Dans ce domaine et dans d’autres, l’ENSH était en concurrence avec l’ENITH qui affirmait sa compétence dans le domaine de formation au paysage. L’école d’Angers fit reconnaitre son appellation d’ENITHP (Paysage) en 1989 (décret n° 89-240) puis devint en 1997 l’Institut national d’horticulture et de paysage (INHP) à la suite de sa fusion avec l’ENSH de Versailles délocalisée à Angers.

17 Le diplôme d’État de paysagiste est attribué par les trois écoles historiques (de Versailles, Bordeaux et Lille) plus l’École nationale supérieure de la nature et du paysage de Blois intégrée à l’Institut national des sciences appliquées Centre Val-de-Loire depuis 2015. Ce diplôme leur donne accès direct au titre de « paysagiste concepteur ». Le diplôme d’ingénieur paysagiste (ou en paysage), au niveau du master, d’Agrocampus Ouest, centre d’Angers (ex Institut national d’Horticulture et de Paysage) donne également ce droit. Dans tous les cas, la demande d’attribution du titre d’exercice professionnel de paysagiste concepteur doit être faite à la commission consultative du ministère chargé de la politique du paysage. Le diplôme de l’École supérieure d’architecture des jardins de Paris, établissement privé créé en 1966 n’est pas encore reconnu.

18 Selon le dossier de la commission consultative (2017).

19 ENSP Versailles 800 ; Agrocampus ouest Angers : 700 ; ENSNP Blois : 600 ; ENSAP Bordeaux : 500  ; ENSAP Lille : 170 ; Paris : 700. L’effectif réel des diplômés au travail dans le domaine du paysagisme est plus faible, peut-être de l’ordre de 2 500 à 3 000. L’étude de Donadieu et Bouraoui de 2003, prévoyait en 2015 un effectif avec 7 écoles (dont celle de l’ITIAPE de Lesquin-Lille) de 3400 diplômés.